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Décisions

CJCE, 2e ch., 7 mars 1990, n° C-69/88

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

H. Krantz GmbH & Co.

Défendeur :

Ontvanger der Directe Belastingen et Staat der Nederlanden

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Schockweiler

Avocat général :

M. Darmon.

Juges :

MM. Mancini, O'Higgins

CJCE n° C-69/88

7 mars 1990

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par jugement du 3 mars 1988, parvenu à la Cour le 7 mars suivant, l'arrondissementsrechtbank de Maastricht, première chambre, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige qui oppose la société H. Krantz GmbH & Co. (ci-après "Krantz "), établie à Aix-la-Chapelle, République fédérale d'Allemagne, au Ontvanger der Directe Belastingen (receveur néerlandais des impôts directs, ci-après "receveur ") et à l'État néerlandais, à propos de la décision du receveur de saisir, en vertu de l'article 16 de la loi néerlandaise du 22 mai 1845 sur le recouvrement des impôts directs, des machines appartenant à Krantz. Ces machines ont été vendues à tempérament, avec réserve de propriété, par Krantz à la société J. J. Krantz & Zoon NV, ayant son siège social à Leyde, Pays-Bas, et installées dans la filiale de cette dernière, la société Vaalser Textielfabriek BV à Vaals.

3 La société J. J. Krantz & Zoon NV et sa filiale ont été déclarées en faillite. Aux fins de recouvrement d'une dette fiscale de la Vaalser Textielfabriek BV, le receveur a saisi, en vertu de l'article 16 de la loi précitée, tous les biens meubles se trouvant dans les locaux de cette dernière.

4 Devant les différentes juridictions saisies du litige, Krantz a soutenu que l'article 16 de la loi du 22 mai 1845 était incompatible avec le but et la portée de l'article 30 du traité CEE, au motif que, si les pouvoirs du receveur étaient de notoriété publique, les ventes à tempérament à destination des Pays-Bas diminueraient.

5 Estimant que le litige soulevait des problèmes d'interprétation du droit communautaire, l'arrondissementsrechtbank de Maastricht a sursis à statuer et posé à la Cour de justice les questions suivantes :

"1) L'article 16 de la loi du 22 mai 1845 (Staatsblad 22) sur le recouvrement des impôts directs du Royaume (Wet op de Invordering van 's Rijks Directe Belastingen) doit-il être considéré comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité CEE, dans l'hypothèse où le fisc néerlandais saisit des biens qui se trouvent chez un contribuable, alors que ces marchandises proviennent d'un fournisseur d'un autre État membre et lui appartiennent?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, l'application de l'article 16 cité est-elle alors néanmoins justifiée en vertu de l'article 36 du traité CEE par des raisons de protection d'un des intérêts cités dans cette disposition du traité?"

6 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

7 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de l'article 177 du traité CEE, de se prononcer sur la compatibilité des dispositions nationales avec le traité. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie.

8 Il convient, dès lors, de comprendre les questions posées par la juridiction nationale comme visant à savoir si l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale permettant au receveur des impôts directs de saisir des biens, à l'exclusion des stocks, qui se trouvent chez un contribuable, alors que ces biens proviennent d'un fournisseur, établi dans un autre État membre, auquel ils appartiennent, et, dans l'affirmative, si cette législation est justifiée au titre de l'article 36 du traité.

Sur la première question

9 Il y a lieu de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour, établie par l'arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville (8-74, Rec. p. 837), constitue une mesure d'effet équivalent toute mesure susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire.

10 Il convient d'observer, toutefois, que la disposition nationale mentionnée par la juridiction nationale s'applique indistinctement aux biens nationaux et importés et qu'elle n'a pas pour objet de régir les échanges de marchandises avec les autres États membres.

11 Il y a lieu de constater, ensuite, que la circonstance que les ressortissants d'autres États membres hésiteraient à vendre à tempérament des biens à des acheteurs de l'État membre concerné, parce que ces biens risqueraient d'être saisis par le receveur si les acheteurs n'honoreraient pas leurs dettes fiscales néerlandaises, est trop aléatoire et indirecte pour qu'une disposition nationale autorisant une telle saisie puisse être regardée comme étant de nature à entraver le commerce entre les États membres.

12 Il convient donc de répondre à la première question que l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une législation nationale permettant au receveur des impôts directs de saisir des biens à l'exclusion des stocks qui se trouvent chez un contribuable, alors que ces biens proviennent d'un fournisseur établi dans un autre État membre, auquel ils appartiennent.

Sur la deuxième question

13 Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n'y a pas lieu de statuer sur la deuxième question préjudicielle.

Sur les dépens

14 Les frais exposés par le Gouvernement néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par l'arrondissementsrechtbank de Maastricht, par jugement du 3 mars 1988, dit pour droit :

L'article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une législation nationale permettant au receveur des impôts directs de saisir des biens, à l'exclusion des stocks qui se trouvent chez un contribuable, alors que ces biens proviennent d'un fournisseur établi dans un autre État membre, auquel ils appartiennent.