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Décisions

CJCE, 17 février 1976, n° 45-75

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rewe-Zentrale des Lebensmittel-Großhandels GmbH

Défendeur :

Hauptzollamt Landau/Pfalz

CJCE n° 45-75

17 février 1976

LA COUR,

1. Attendu que, par ordonnance du 10 avril 1975, parvenue au greffe de la Cour le 12 mai 1975, le Finanzgericht de Rheinland-pfalz a posé, en vertu de l'article 177 du traite CEE, différentes questions relatives à l'interpretation des articles 37, paragraphe 1, et 95, paragraphe 1, du traite CEE ;

Que ces questions sont posées dans le cadre d'un litige entre un importateur de Vermouth italien et l'administration douanière de la République Fédérale d'Allemagne, mettant en cause la compatibilité, avec ces dispositions, de l'impôt de consommation perçu en République Fédérale d'Allemagne sur les alcools importés et dénommés Monopolausgleich ;

2. Attendu que, selon la loi fédérale relative au monopole des alcools (Gesetz Uber Das Branntweinmonopol), les alcools éthyliques d'origine agricole ou non agricole doivent être livrés à l'administration du monopole, à un prix fixé d'autorité et sont, après traitement, revendus par elle, à des prix différents suivant l'utilisation en vue de laquelle ils sont revendus, mais déterminés, eux aussi, par les pouvoirs publics ;

Que le prix auquel ces alcools sont revendus comprend la contre-valeur de l'alcool, un montant destiné à couvrir les frais du monopole, en ce compris des frais de traitement, de stockage et des frais administratifs, et l'impôt appelé Branntweinsteuer ;

Qu'en ce qui concerne les alcools destinés à la consommation humaine, les frais dits de monopole comprennent également un élément du prix destiné à compenser les pertes que l'administration du monopole subit en vendant certains alcools, destinés à d'autres usages, en dessous du prix de revient ;

3. Attendu qu'en vertu du paragraphe 76 de la loi précitée certains alcools indigènes et notamment les alcools de céréales et ceux provenant de certains fruits, sont dispensés de l'obligation de livraison au monopole ;

Qu'ainsi la situation ayant donne lieu au litige est caractérisée par l'existence d'un monopole national s'étendant à l'achat et a la commercialisation d'un produit, mais qui ne couvre cependant qu'une partie de la production nationale de ce produit, une autre partie étant achetée et commercialisée par le secteur prive ;

4. Attendu que les alcools dispensés de l'obligation de livraison au monopole sont frappés d'une charge dénommée Branntweinaufschlag égale à la différence entre le prix de base de l'alcool de monopole et son prix de vente normal et qui, de ce fait, comprend, outre l'impôt sur les alcools (Branntweinsteuer), d'un montant égal à celui frappant l'alcool de monopole, une contribution aux frais du monopole ;

Que cette contribution, appelée Branntweinaufschlagspitze et égale aux " frais du monopole " incorporés dans le prix de vente de l'alcool de monopole destiné à la consommation humaine, est cependant diminuée d'un montant forfaitaire (21 DM à l'époque des faits ayant donné lieu au litige au principal), représentant le montant moyen des frais dont l'administration du monopole ferait l'économie en ne prenant pas ces alcools à charge ;

Que le montant ainsi obtenu est ensuite diminué dans des proportions variant de 5 % à plus de 100 % du prix de base (Branntweingrundpreis) lorsqu'il s'agit d'alcools en provenance de distilleries ayant une production modeste, ou progressivement augmente, en fonction de la production annuelle, lorsqu'il s'agit de distillateurs produisant des quantités importantes ;

Que la mise à la charge des alcools exemptes de l'obligation de livraison d'une partie des frais d'administration du monopole résulterait de la volonté du législateur national de faire supporter les frais du monopole par les consommateurs des alcools indigènes, tant ceux exemptes de l'obligation de livraison que ceux commercialises par l'administration ;

Qu'en conséquence, cette Branntweinaufschlagspitze est affectée à l'administration du monopole pour lequel elle constitue une ressource financière ;

5. Attendu que les alcools et les boissons spiritueuses importés - ces dernières dans la mesure de leur teneur en alcool - sont frappes d'une charge appelée Monopolausgleich et comprenant, outre l'impôt frappant les alcools de monopole (Branntweinsteuer), une surcharge qui est censée correspondre au montant qui, dans le prix de vente de l'alcool de monopole, est destiné a couvrir les " frais du monopole " ci-dessus décrits ;

Que cette surcharge appelée Monopolausgleichspitze n'étant pas affectée au financement du monopole mais, comme le Monopolausgleich dont elle est une composante, au budget général de l'état, sa perception est, selon les affirmations du Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne, destinée à rétablir l'égalité des conditions de concurrence entre les eaux-de-vie et boissons spiritueuses importées et les eaux-de-vie et boissons spiritueuses indigènes fabriquées à partir d'alcools exemptes de l'obligation de livraison ;

Qu'en outre, il a été déclaré par la République Fédérale d'Allemagne au cours de la procédure orale " qu'indirectement cette protection permet le financement du monopole parce que sans la perception de cette crête (Spitze) on ne pourrait grever les alcools nationaux des frais de fonctionnement du monopole " ;

Que, cependant, à la différence de ce qui en est pour les alcools indigènes exemptes, ce montant n'est ni diminué d'un chiffre forfaitaire, ni ensuite diminué ou augmenté progressivement mais fixé une fois pour toutes, le montant ainsi établi constituant par ailleurs le plafond de l'augmentation progressive du Branntweinaufschlag ;

Que le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne fait cependant observer que l'augmentation progressive du montant du Branntweinaufschlag aurait pour effet, tout au moins en ce qui concerne les distilleries " sous scelles " produisant de l'eau-de-vie à base de fruits, que Branntweinaufschlag et Monopolausgleich atteignent le même niveau dès qu'il s'agit d'alcools provenant de distillateurs produisant plus de 330 hl par an, ce qui serait le cas pour 95% de la production ;

6. Attendu que, s'agissant d'une imposition frappant à la fois un produit importé et un produit intérieur similaire dans le cadre de l'aménagement d'un monopole de nature commerciale, c'est la compatibilité de l'imposition litigieuse avec les articles 95 et 37 qui est en cause et qui est d'ailleurs l'objet de la contestation devant la juridiction nationale ;

Que c'est en tenant compte des éléments ci-dessus qu'il convient de répondre aux questions soulevées par la juridiction nationale ;

7. Attendu qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les questions relatives à l'interpretation de l'article 95, paragraphe 1, du traité et ensuite celles relatives à l'article 37 ;

En ce qui concerne l'article 95, paragraphe 1

8. Attendu qu'il est, en premier lieu, demande si l'article 95, paragraphe 1, engendre, à la fin de la période transitoire, dans le chef des ressortissants des Etats membres, des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder ;

9. Attendu que, ainsi que la Cour l'a dit pour droit dans son arrêt du 16 juin 1966, dans l'affaire 57-65 (Lutticke, Recueil 304), cette disposition produit des effets immédiats et engendre, pour les justiciables, des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

10. Attendu qu'il est, en second lieu, demandé si la perception, lors de l'importation de Vermouth italien, de la partie du Monopolausgleich dite Monopolausgleichspitze viole l'article 95, paragraphe 1, dans la mesure où elle aurait pour fonction, non de compenser, au moyen d'un impôt, l'imposition que subissent les produits intérieurs comparables, mais de compenser les frais propres de l'administration du monopole national ;

11. Attendu que, s'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de l'article 177 du traité, de se prononcer sur la compatibilité des dispositions d'une loi nationale avec le traité, elle est, par contre, compétente pour fournir à la juridiction nationale tous éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre de juger de cette compatibilité ;

12. Attendu que selon l'article 95, paragraphe 1, du traité " aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires " ;

Que la mise en œuvre de cette disposition implique l'application de critères permettant de reconnaître l'existence ou l'absence de cette similitude ;

Qu'il n'est pas suffisant, à cet égard, pour que s'applique l'interdiction de l'article 95, paragraphe 1, qu'une même matière première - tel l'alcool - se retrouve dans les deux produits, même si la taxation est, en tout ou en partie, fonction de cette matière première, mais qu'il y a lieu de comparer l'imposition de produits qui, au même stade de production ou de commercialisation, présentent au regard des consommateurs des propriétés analogues et répondent aux mêmes besoins ;

Que la circonstance que le produit national et le produit importé se trouvent, ou non, classés sous une même position du tarif douanier commun, constitue, a cet égard, un élément important d'appréciation ;

13. Qu'il s'ensuit que, lorsque dans un Etat membre l'alcool éthylique est l'objet d'un régime spécial avec des conséquences fiscales particulières, le produit similaire, au sens de l'article 95, est l'alcool éthylique importé ;

Que, par contre, si le produit importé, bien qu'à base d'alcool éthylique, est une boisson spiritueuse, c'est avec le niveau d'imposition des produits nationaux similaires qu'il y a lieu de comparer l'imposition qui le frappe ;

Qu'à défaut de produit intérieur spécifiquement similaire, il est satisfait à l'interdiction de discrimination visée à l'article 95 si la charge frappant le produit importé correspond à une charge intérieure de même nature et de même niveau ;

14. Que l'égalité entre le niveau des impositions en ce qui concerne le produit national et le produit importé, prévue par l'article 95, vaut indépendamment de l'incidence d'éléments autres que fiscaux sur les prix de revient des produits a comparer ;

Qu'en particulier, le champ d'application de cet article ne saurait être étendu au point de permettre une compensation quelconque entre une charge fiscale créée pour frapper un produit importé et une charge de nature différente, économique par exemple, pesant sur le produit intérieur similaire ;

Que, cependant, tel n'est pas le cas lorsque le produit importé et le produit similaire sont, l'un et l'autre, frappés, dans une mesure égale, d'une charge publique établie et fixée, quant à son montant, par l'autorité publique, même si une partie de la charge frappant le produit national est, par ailleurs, affectée au financement d'un monopole d'état, tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état ;

15. Attendu, par contre, qu'il y a violation de l'article 95, paragraphe 1, lorsque l'imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fut-ce que dans certains cas, a une imposition supérieure du produit importé ;

Qu'on ne saurait, à l'encontre de cette constatation, faire valoir que, si le produit importé est frappé forfaitairement tandis que le produit national est frappé suivant des échelles dégressives ou progressives, c'est parce que, dans le premier cas, il ne pourrait être procédé aux vérifications nécessaires ;

Qu'en effet, s'il s'avérait impossible d'établir des impositions également dégressives ou progressives pour les produits intérieurs et importés, il est en tout cas possible, pour respecter l'interdiction de discrimination édictée par l'article 95, de frapper les deux produits d'un même impôt forfaitaire ou fixe ;

Que, d'ailleurs, cette correspondance des conditions d'imposition avait été suggérée par la commission dans la recommandation adressée au Gouvernement allemand le 22 décembre 1969, mais à laquelle il n'a cependant pas été donné suite ;

16. Attendu, en outre, que dans le cadre de l'article 95, c'est l'imposition qui frappe respectivement les deux produits qui doit être égale, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération l'incidence de cette imposition sur le prix final des deux produits indigènes et importés ;

17. Qu'il y a donc lieu de répondre aux deuxième, troisième et quatrième questions en tant qu'elles concernent l'interpretation de l'article 95, paragraphe 1, que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle interdit de frapper le produit importé suivant un mode de calcul ou des modalités différents tel un montant uniforme dans un cas et progressif dans l'autre, de ceux utilisés pour l'impôt frappant le produit national similaire et aboutissant à des montants supérieurs pour le produit importé, même si cette disparité ne se réalise que dans une minorité de cas, et qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération l'incidence éventuellement différente de ces impositions sur le niveau des prix des deux produits ;

Que, par contre, l'article 95, paragraphe 1, n'interdit pas de frapper d'une même imposition un produit importé et un produit national similaire, même si une partie de la charge, frappant le produit national, est affectée au financement d'un monopole d'état tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état ;

En ce qui concerne l'article 37, paragraphe 1

18. Attendu que les questions relatives à l'article 37 visent, en substance, à savoir si le Monopolausgleich, pour autant qu'il comprenne la Spitze calculée comme indiqué ci-dessus, ne viole pas l'article 37 du traité ;

19. Attendu qu'il semblerait qu'après qu'il a été constate que l'article 95 du traité n'interdit pas des impositions du genre de celle qui est en litige, à condition qu'elles frappent dans une mesure égale le produit intérieur et le produit similaire importé, il n'y aurait plus lieu de répondre aux questions relatives à l'interpretation de l'article 37, ces questions paraissant posées en vue de vérifier si ledit article 37 permet, en tant que Lex Specialis, dans le cas d'un monopole, de déroger à l'interdiction de l'article 95 ;

20. Attendu, cependant, que ces questions peuvent également viser à savoir si, même aligné sur le Branntweinaufschlag, le Monopolausgleich ne viole pas l'article 37 du traité en ce que, destiné, tout au moins en partie, à compenser, ne fut-ce qu'indirectement, les frais du monopole, il constituerait une discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés ;

21. Attendu que la circonstance qu'une mesure nationale satisfait aux exigences de l'article 95 n'implique pas qu'elle soit légitime au regard des autres dispositions du traite, tel l'article 37 ;

Qu'il y a donc lieu de répondre aux questions relatives à l'interpretation de l'article 37 ;

22. Attendu que, par une première question, il est demande si l'article 37, paragraphe 1, du traite, est, depuis la fin de la période de transition, susceptible d'engendrer, dans le chef des justiciables, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

23. Attendu que l'article 37, paragraphe 1, après avoir indique que les Etats membres sont tenus, au cours de la période de transition, d'aménager progressivement les monopoles nationaux présentant un caractère commercial, énonce le principe directeur en la matière en disposant que doit être exclue, au terme de cette période, " toute discrimination entre les ressortissants des Etats membres " dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés des produits qui dans certains Etats membres sont soumis à un monopole ;

24. Attendu que l'interdiction de toute discrimination, en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement et de débouchés des marchandises produites ou commercialisées par les ressortissants des différents Etats membres constitue, dans le domaine d'application du traité, un principe fondamental qui, par sa nature même, concerne directement la situation économique et juridique de ces ressortissants ;

Que, en tant que renvoi à un ensemble de dispositions effectivement appliquées aux nationaux, cette règle est, par essence, susceptible d'être invoquée directement par les justiciables ;

Que l'exclusion, à la fin de la période de transition, de toute discrimination dans ce domaine, constitue une obligation de résultat précise dont l'exécution devait être facilitée, mais non conditionnée, par le caractère progressif de l'aménagement prévu ;

Qu'il importé, a cet égard, de relever que, selon le paragraphe 3 du même article 37, le rythme des mesures d'aménagement devait être adapté à l'élimination des restrictions quantitatives pour les mêmes produits ;

Que les dispositions du traité imposant aux Etats membres de réaliser l'élimination de toute discrimination au cours d'un délai déterminé, deviennent directement applicables même lorsque, à l'expiration de ce délai, l'obligation n'a pas été remplie ;

Qu'ainsi, à l'expiration de cette période, l'obligation dont-il s'agit n'est plus assortie d'aucune condition, ni ne saurait être subordonnée, quant à son exécution ou a ses effets, à l'intervention d'aucun acte, soit de la Communauté, soit des Etats membres et est, par sa nature même, susceptible d'engendrer dans le chef des justiciables des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

Que le délai laissé aux Etats membres pour aménager progressivement les monopoles nationaux de façon à ce qu'au terme de la période de transition cette exclusion de toute discrimination soit assurée, étant destiné a faciliter la création de situations nouvelles compatibles avec la règle, ne saurait avoir pour effet, après son expiration, de faire échec à l'application de celle-ci ;

25. Attendu qu'il est ensuite demandé si la perception de la partie du Monopolausgleich, dite Monopolausgleichspitze, lors de l'importation d'un Vermouth italien, viole le principe de l'article 37, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où cette perception aurait pour fonction non de compenser, au moyen d'un impôt, l'imposition que subissent les produits intérieurs comparables, mais de compenser les frais propres de l'administration du monopole national ;

26. Attendu que l'article 37, paragraphe 1, ne concerne pas exclusivement les restrictions quantitatives mais interdit, à l'expiration de la période de transition, toute discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés entre les ressortissants des Etats membres ;

Qu'il s'ensuit que son application n'est pas limitée aux importations et exportations faisant l'objet direct du monopole mais s'étend à toute action liée à l'existence de celui-ci et ayant une incidence sur les échanges entre Etats membres de produits déterminés, monopolisés ou non, et vise ainsi les impositions qui créeraient, au détriment des produits importés, des discriminations par rapport aux produits nationaux, affectés par le monopole ;

Que cette interprétation correspond, par ailleurs, à l'interdiction visée à l'article 95, alinéa 2, selon lequel aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions ;

Qu'il résulte des considérations qui précèdent qu'est, en principe, incompatible avec l'interdiction de l'article 37, paragraphe 1, le fait de mettre à charge du seul produit importé, fut-ce sous forme d'impôt, une contribution aux frais du monopole ;

27. Attendu, cependant, que tel n'est pas le cas lorsque le produit importé et le produit similaire sont, l'un et l'autre, frappés, dans une mesure égale, d'une charge publique établie et fixée, quant à son montant, par l'autorité publique, même si une partie de la charge frappant le produit national est, par ailleurs, affectée au financement d'un monopole d'état tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état ;

Qu'en effet, il n'y a pas discrimination au sens de l'article 37 lorsque le produit importé est placé dans les mêmes conditions que le produit national similaire affecté par le monopole ;

Qu'il y a, par contre, violation, non seulement de l'article 95 mais également de l'article 37 du traité, si la charge imposée au produit importé, diffère de celle que subit le produit national similaire affecté directement ou indirectement par le monopole ;

Qu'il y a donc lieu de répondre que l'article 37, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens que la discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés qu'il vise, comprend le fait de mettre à charge d'un produit importé, fut-ce sous forme d'impôt, une contribution aux frais du monopole mais que cette disposition n'interdit pas d'imposer, de façon identique, un produit importé et un produit national similaire, même si la charge imposée a ce dernier est, en partie, affectée au financement du monopole tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état ;

28. Attendu que la requérante au principal a, après la clôture des débats, sollicite une réouverture de ceux-ci en invoquant que les réponses données par le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne et la Commission à une question posée dans l'affaire 91-75 (Hauptzollamt Gottingen/Miritz) seraient de nature à influencer la décision de la Cour ;

29. Attendu cependant que ces réponses relatives à l'existence d'un système dit " de péréquation des prix " au sein du monopole allemand des alcools n'apportent pas, en tout état de cause, d'éléments décisifs pour l'interpretation du droit communautaire en réponse aux questions posées par le juge national dans la présente affaire ;

Que la Cour ne considère, des lors, pas nécessaire de procéder à une réouverture des débats ;

Sur les dépens

30. Attendu que les frais exposés par la République Fédérale d'Allemagne et par la Commission des Communautés européennes qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement ;

Que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient a celle-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Rheinland-pfalz par ordonnance du 10 avril 1975, dit pour droit :

1) l'article 95, paragraphe 1 produit des effets immédiats et engendre pour les justiciables des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

2) l'article 95, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens qu'il interdit de frapper le produit importé suivant un mode de calcul ou des modalités différents, tel un montant uniforme dans un cas et progressif dans l'autre, de ceux utilisés pour l'impôt frappant le produit national similaire et aboutissant à des montants supérieurs pour le produit importé, même si cette disparité ne se réalise que dans une minorité de cas. Il n'y a pas lieu a cet égard de prendre en considération l'incidence éventuellement différente de ces impositions sur le niveau des prix des deux produits ;

3) l'article 95, paragraphe 1, n'interdit pas de frapper d'une même imposition un produit importé et un produit national similaire même si une partie de la charge, frappant le produit national, est affectée au financement d'un monopole d'état tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état ;

4) l'article 37, paragraphe 1, est susceptible d'engendrer, dans le chef des justiciables des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

5) l'article 37, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens que la discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés qu'il vise, comprend le fait de mettre a charge d'un produit importé, fut-ce sous forme d'impôt, une contribution aux frais du monopole mais que cette disposition n'interdit pas d'imposer, de façon identique, un produit importé et un produit national similaire, même si la charge imposée a ce dernier est, en partie, affectée au financement du monopole tandis que celle frappant le produit importé est perçue au profit du budget général de l'état.