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CJCE, 2e ch., 14 juillet 1988, n° 284-87

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Oskar Schäflein

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

CJCE n° 284-87

14 juillet 1988

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 septembre 1987, M. Schaeflein, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes affecte au centre commun de recherche à Ispra (Italie), a introduit un recours visant, en substance, à faire reconnaître qu'il a droit a ce que soit appliqué à l'indemnité versée en raison de la cessation de ses fonctions le coefficient correcteur fixe pour la Suisse.

2. Apres avoir quitte, à la fin de l'année 1986, le service de la Commission en application du règlement n° 1679-85 du Conseil, du 19 juin 1985, instituant des mesures particulières et temporaires concernant la cessation définitive des fonctions de certains fonctionnaires des Communautés européennes appartenant aux cadres scientifique et technique (JO L 162, p. 1), le requérant a reçu un bulletin de traitement établi pour janvier 1987 sur la base du coefficient correcteur fixé pour la Suisse. Au cours du mois de janvier 1987, la Commission lui a toutefois fait savoir qu'à l'avenir elle n'appliquerait plus ce coefficient correcteur, étant donné que le requérant n'avait pas sa résidence principale en Suisse.

3. En conséquence, l'indemnité du requérant a été calculée à partir du mois de février 1987, en prenant pour base un coefficient correcteur moins élevé. Le 15 avril 1987, le requérant a introduit une réclamation, dirigée contre les bulletins de traitement pour février et mars 1987, visant à ce que la Commission applique à ces traitements le coefficient correcteur fixe pour la Suisse et lui verse la différence. Cette réclamation n'a pas fait l'objet d'une décision de la Commission. Par la suite, la Commission a retenu de son indemnité la somme de 3 054,87 SFR, au motif que ce montant avait été verse en excèdent pour le mois de janvier 1987.

4. Dans ces circonstances, le requérant a introduit le présent recours, visant, en substance, à obtenir:

- l'annulation des bulletins de traitement établis par la Commission pour les mois de février et mars 1987, dans la mesure ou un coefficient correcteur autre que celui fixé pour la Suisse a été appliqué à l'indemnité devant être versée au requérant,

- la condamnation de la Commission à verser au requérant le montant correspondant à la différence entre l'indemnité effectivement payée et celle à laquelle il a droit depuis janvier 1987 en application du coefficient correcteur fixé pour la Suisse.

5. A l'appui de son recours, le requérant fait valoir que le centre de ses intérêts vitaux est localise à Massagno en Suisse. Eu égard à cette situation de fait, il importerait peu que, au sens de la réglementation Suisse relative à l'inscription au registre de la population, sa résidence en Suisse soit qualifiée de "secondaire" et que sa résidence dite "principale" se trouve en République Fédérale d'Allemagne, dans la maison de son frère, la déclaration de résidence en Allemagne Fédérale étant liée au fait qu'il ne peut obtenir le droit d'établir sa résidence principale en Suisse qu'à l'age de 60 ans révolus. En attendant, il ne peut licitement séjourner dans ce pays que six mois par année.

6. La Commission conclut au rejet du recours en relevant que si le fonctionnaire retraité séjourne, comme en l'espèce, en plusieurs lieux, il est nécessaire que sa résidence corresponde à un séjour continu s'étendant sur la majeure partie de l'année. La pratique de la Commission serait donc d'exiger la preuve d'une durée minimale de 185 jours de séjour continus par année. Or, le requérant admettrait lui-même qu'il n'est autorisé à résider en Suisse que 180 jours par année. D'ailleurs, la justification d'une résidence en Suisse devrait être fournie par l'autorisation officielle de séjour, laquelle n'aurait pas jusqu'alors été produite par le requérant.

7. Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire ainsi que des conclusions et des arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

8. Il convient de rappeler que, selon l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1679-85, précité, l'indemnité dont bénéficie l'ancien fonctionnaire ayant cessé ses fonctions en application de ce règlement "est affectée du coefficient correcteur fixé pour le pays situé à l'intérieur ou à l'extérieur de la communauté ou le bénéficiaire justifie avoir sa résidence". Or, il est constant que le débat mené entre les parties se limite au seul point de savoir si le requérant a justifié ou non sa résidence en Suisse.

9. A cet égard, il y a lieu de relever d'abord que la notion de résidence, au sens de la disposition précitée, doit être comprise comme le lieu ou l'ancien fonctionnaire a effectivement établi le centre de ses intérêts. En effet, les coefficients correcteurs géographiques applicables à l'indemnité susmentionnée visent à assurer à tous les anciens fonctionnaires des prestations comportant le même pouvoir d'achat, quel que soit le lieu de leur résidence.

10. Il convient de souligner ensuite que la justification de la résidence se réfère à tous les éléments de fait constitutifs de la résidence et que l'ancien fonctionnaire peut apporter, à cette fin, tous les moyens de preuve qu'il juge utiles. Ni le libellé ni la finalité de la disposition précitée ne permettent de limiter ces moyens aux seuls éléments formel et quantitatif invoqués par la Commission et consistant en l'exigence d'un séjour continu de 185 jours par année ainsi qu'en la production d'une autorisation officielle de séjour.

11. En effet, si ces deux facteurs peuvent être considérés comme étant des indices de la résidence effective, on ne saurait pour autant leur attribuer, à eux seuls, une influence décisive, lorsqu'il existe d'autres facteurs probants indiquant que le centre des intérêts personnels de l'ancien fonctionnaire se trouve, en réalité, à un autre endroit.

12. Il faut ajouter que l'autorisation officielle de séjour remplit sa fonction spécifique dans le cadre des seules dispositions nationales en matière d'inscription au registre de la population et n'empêche pas en elle-même que le bénéficiaire ait, en réalité, sa résidence effective ailleurs. En ce qui concerne le critère d'un séjour de 185 jours, il suffit d'observer que son application au cas d'un ancien fonctionnaire, qui, pendant plus de la moitie de l'année, se trouve en voyage ou en visite à l'étranger, aurait pour résultat de ne reconnaître à cette personne aucune résidence au sens de la disposition précitée, même si elle dispose indubitablement d'un centre de ses intérêts.

13. En ce qui concerne enfin la question de savoir si, en l'espèce, le requérant a justifie, au moment de l'introduction de sa réclamation du 15 avril 1987, avoir sa résidence en Suisse, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il ressort du dossier de l'affaire, la Commission avait connaissance, à l'époque, du déménagement d'Ispra vers Massagno, effectué par le requérant en 1981. En outre, le requérant a affirme, sans être contredit, tant dans la procédure précontentieuse que devant la Cour, notamment,

- qu'il était propriétaire d'un appartement situé à Massagno en Suisse, qu'il devait entretenir pendant toute l'année et pour lequel il devait payer toutes les taxes, charges et coûts y afférents,

- que le centre de ses intérêts vitaux, ou, notamment, il utilisait l'essentiel de ses ressources financières, se trouvait à Massagno,

- qu'il y résidait, avec des interruptions, 180 jours par année et que, dans l'intervalle, il faisait de longues visites chez son frère et chez des amis à l'étranger ou séjournait à des fins touristiques (voyages de détente et d'étude) dans d'autres pays.

14. Dans ces conditions, il faut reconnaître que le requérant a justifié, à suffisance, avoir sa résidence en Suisse, de sorte que son recours doit être déclaré fondé.

Sur les dépens

15. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie défenderesse ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre)

Déclare et arrête:

1) Les bulletins de traitement établis par la Commission pour les mois de février et mars 1987 sont annulés, dans la mesure ou un coefficient correcteur autre que celui fixé pour la Suisse a été appliqué à l'indemnité devant être versée au requérant.

2) La Commission est condamnée à verser au requérant le montant correspondant à la différence entre l'indemnité effectivement payée et celle à laquelle il a droit depuis janvier 1987 en application du coefficient correcteur fixé pour la Suisse.

3) La Commission est condamnée aux dépens.