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Décisions

CJCE, 25 juillet 1991, n° C-288/89

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda

Défendeur :

Commissariaat voor de Media

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mancini

Présidents de chambre :

MM. O'Higgins, Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias, Díez de Velasco

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

Sir Gordon Slynn, MM. Kakouris, Joliet, Schockweiler, Grévisse, Zuleeg

Avocats :

Mes Kuile, Lennep, Weesing, Berenboom

CJCE n° C-288/89

25 juillet 1991

LA COUR,

1 Par décision du 30 août 1989, parvenue à la Cour le 19 septembre suivant, la section juridictionnelle du Raad van State des Pays-Bas a posé trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des dispositions du traité CEE concernant la libre prestation des services, en vue d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d'une réglementation nationale fixant des conditions à la transmission par câble de programmes de radio et de télévision, émis à partir d'autres États membres, qui contiennent des messages publicitaires destinés en particulier au public néerlandais.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant dix gérants de réseau de télédistribution à l'institution chargée de la surveillance de l'exploitation du câble, le Commissariaat voor de Media, à propos des conditions que met, à la transmission de messages publicitaires contenus dans des programmes de radio ou de télévision émis à partir de l'étranger, la loi néerlandaise du 21 avril 1987 réglant la fourniture de programmes de radiodiffusion et de télévision, les redevances de radiotélévision et les mesures d'aides aux organes de presse (Staatsblad n° 249 du 4.6.1987, ci-après "Mediawet "). Les gérants de réseau de télédistribution estiment ces conditions contraires aux articles 59 et suivants du traité CEE.

3 Les conditions en cause découlent de l'article 66 de la Mediawet. Celui dispose :

"1. Le gérant d'un réseau de télédistribution peut :

a) transmettre les programmes qui sont émis par un organisme de radiodiffusion étranger au moyen d'un émetteur de radiodiffusion, et qui, la plupart du temps, peuvent être captés directement dans la zone desservie par le réseau câblé, au moyen d'une antenne individuelle normale dans des conditions de qualité généralement satisfaisantes;

b) transmettre des programmes autres que ceux visés sous a) et qui sont émis par un organisme étranger de radiodiffusion ou par un ensemble de tels organismes en tant que programmes de radiodiffusion, conformément à la législation applicable dans le pays d'émission. Si ces programmes contiennent des messages publicitaires, leur diffusion n'est autorisée qu'à la condition que ces messages soient produits par une personne morale distincte, qu'ils puissent être clairement identifiés comme tels, qu'ils soient clairement séparés d'autres parties du programme et ne soient pas diffusés le dimanche, que la durée de ces messages ne dépasse pas 5 % du temps d'antenne utilisé, que l'organisme de radiodiffusion satisfasse aux dispositions de l'article 55, paragraphe 1, et que les recettes soient intégralement affectées à la production des programmes. Toutefois, si ces conditions ne sont pas remplies, la diffusion d'un tel programme est également autorisée à la condition que les messages publicitaires qu'il contient ne soient pas destinés en particulier au public néerlandais;

...

2. Aux fins de l'application de la disposition du paragraphe 1, sous b), les messages publicitaires sont, en tout état de cause, réputés s'adresser en particulier au public néerlandais s'ils sont diffusés au cours, ou immédiatement à la suite, d'une partie de programmes comportant un sous-titrage néerlandais ou une partie de programme en langue néerlandaise.

3. Notre ministre peut accorder une dérogation à l'interdiction inscrite au paragraphe 1, sous b), en ce qui concerne les programmes de radiodiffusion qui sont émis en Belgique à destination du public néerlandophone de Belgique."

4 Aux termes de l'article 55, paragraphe 1, de la Mediawet, en principe, "les organismes qui ont obtenu du temps d'antenne ne peuvent pas être utilisés pour permettre à des tiers de réaliser des bénéfices ...".

5 Par décision du 6 janvier 1988, le Commissariaat voor de Media a infligé une amende à chacun des dix gérants de réseau de télédistribution, parce qu'ils avaient transmis des programmes émis par des organismes de radiodiffusion étrangers, contenant des messages publicitaires, intégralement ou partiellement en néerlandais, qui ne satisfaisaient pas aux conditions prévues à l'article 66, paragraphe 1, sous b), précité.

6 Ces gérants de réseau de télédistribution ont introduit un recours contre cette décision devant la section juridictionnelle du Raad van State, en faisant valoir que l'article 66, paragraphe 1, sous b, précité, était contraire aux dispositions des articles 56 et 59 du traité CEE.

7 Cette juridiction a alors estimé nécessaire de poser trois questions relatives à l'interprétation des articles 59 et suivants du traité. Ces questions sont ainsi libellées :

"1) L'article 59 du traité doit-il être interprété en ce sens qu'il existe une restriction prohibée à la libre prestation de services, telle que la diffusion, par des gérants de réseau de télédistribution et au moyen du câble, de programmes - contenant ou non des messages publicitaires - qui leur sont offerts au moyen de liaisons par câble, par ondes ou par satellite à partir de l'étranger, lorsqu'une réglementation nationale soumet cette méthode de diffusion à des conditions restrictives telles que celles énoncées à l'article 66, paragraphe 1, initio et sous b), deuxième phrase, de la Mediawet et qui s'appliquent de la même manière aux programmes correspondants, diffusés à partir du territoire national ?

2) En cas d'application des dispositions du traité relatives à la libre prestation des services, la réglementation nationale susvisée doit-elle non seulement être exempte de discrimination, mais justifiée, en outre, par des raisons d'intérêt général et ne pas être disproportionnée par rapport au but qu'elle poursuit ?

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, les buts ayant trait à la politique culturelle et visant au maintien d'une radio et d'une télévision multiformes et non commerciales et à la protection de la diversité des opinions à la radio, à la télévision et dans la presse, peuvent-ils constituer une justification au sens précité ?"

8 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure et des observations des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur le champ d'application de l'article 59 du traité

9 Par ces questions, la juridiction nationale cherche à savoir si des conditions, telles que celles que met la Mediawet à la transmission par des gérants de réseau de télédistribution de programmes de radio ou de télévision émis à partir du territoire d'autres États membres, sont visées par l'article 59 du traité, et dans l'affirmative, si elles peuvent trouver une justification.

10 A cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante (voir en dernier lieu, arrêts du 26 février 1991, Commission/France, point 12, C-154-89, Rec. p. I-659; Commission/Italie, point 15, C-180-89, Rec. p. I-709; et Commission/Grèce, point 16, C-198-89, Rec. p. I-727) que l'article 59 du traité implique, en premier lieu, l'élimination de toute discrimination exercée à l'encontre du prestataire, en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu'il est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être exécutée.

11 Ainsi que la Cour l'a relevé dans son arrêt du 26 avril 1988, Bond Van Adverteerders, points 32 et 33 (352-85, Rec. p. 2085), des réglementations nationales qui ne sont pas indistinctement applicables aux prestations de services, quelle qu'en soit l'origine, ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles peuvent relever d'une disposition dérogatoire expresse, tel l'article 56 du traité. De cet arrêt (point 34), il ressort encore que des objectifs de nature économique ne peuvent constituer des raisons d'ordre public au sens de cet article.

12 En l'absence d'harmonisation des règles applicables aux services, voire d'un régime d'équivalence, des entraves à la liberté garantie par le traité dans ce domaine peuvent, en second lieu, provenir de l'application de réglementations nationales, qui touchent toute personne établie sur le territoire national, à des prestataires établis sur le territoire d'un autre État membre, lesquels doivent déjà satisfaire aux prescriptions de la législation de cet État.

13 Ainsi qu'il découle d'une jurisprudence constante (voir en dernier lieu arrêts du 26 février 1991, Commission/France, précité, point 15; Commission/Italie, précité, point 18 et Commission/Grèce, précité, point 18), pareilles entraves tombent sous le coup de l'article 59, dès lors que l'application de la législation nationale aux prestataires étrangers n'est pas justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, ou que les exigences que traduit cette législation sont déjà satisfaites par les règles imposées à ces prestataires dans l'État membre où ils sont établis.

14 A cet égard, figurent parmi les raisons impérieuses d'intérêt général déjà reconnues par la Cour les règles professionnelles destinées à protéger les destinataires du service (arrêt du 18 janvier 1979, Van Wesemael, point 28, 110-78 et 111-78, Rec. p. 35), la protection de la propriété intellectuelle (arrêt du 18 mars 1980, Coditel, 62-79, Rec. p. 881), celle des travailleurs (arrêt du 17 décembre 1981, Webb, point 19, 279-80, Rec. p. 3305; arrêt du 3 février 1982, Seco/Evi, point 14, 62-81 et 63-81, Rec. p. 223; arrêt du 27 mars 1990, Rush Portuguesa, point 18, C-113-89, Rec. p. I-1417), celle des consommateurs (arrêt du 4 décembre 1986, Commission/France, point 20, 220-83, Rec. p. 3663; Commission/Danemark, point 20, 252-83, Rec. p. 3713; Commission/Allemagne, point 30, 205-84, Rec. p. 3755; Commission/Irlande, point 20, 206-84, Rec. p. 3817; arrêts du 26 février 1991, Commission/Italie, précité, point 20, et Commission/Grèce, précité, point 21), la conservation du patrimoine historique et artistique national (arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie, précité, point 20), la valorisation des richesses archéologiques, historiques et artistiques et la meilleure diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et culturel d'un pays (arrêts du 26 février 1991, Commission/France, précité, point 17, et Commission/Grèce, précité, point 21).

15 Enfin, selon une jurisprudence constante, l'application des réglementations nationales aux prestataires établis dans d'autres États membres doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles visent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint; en d'autres termes, il faut que le même résultat ne puisse pas être obtenu par des règles moins contraignantes (voir en dernier lieu arrêts du 26 février 1991, Commission/France, précité, points 14 et 15; Commission/Italie, précité, points 17 et 18; Commission/Grèce, précité, points 18 et 19).

16 C'est à la lumière des principes ainsi rappelés qu'il convient d'examiner si une disposition telle que l'article 66, paragraphe 1, sous b), de la Mediawet qui, selon la juridiction nationale n'est pas discriminatoire, contient des restrictions à la libre prestation des services et, dans l'affirmative, si celles-ci peuvent trouver une justification.

Sur l'existence de restrictions à la libre prestation de services

17 Il convient de constater d'emblée que des conditions telles que celles imposées par l'article 66, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, de la Mediawet comportent une double restriction à la libre prestation de services. D'une part, elles empêchent les gérants de réseau de télédistribution établis dans un État membre de transmettre des programmes de radio ou de télévision offerts par des émetteurs établis dans d'autres États membres, qui ne satisfont pas ces conditions. D'autre part, elles limitent les possibilités qu'ont ces émetteurs de programmer au profit de publicitaires établis notamment dans l'État de réception des messages destinés spécialement au public de cet État.

18 Il y a dès lors lieu de répondre à la première question posée par la juridiction nationale que des conditions, telles que celles énoncées à l'article 66, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, de la Mediawet, constituent des restrictions à la libre prestation de services visées par l'article 59 du traité.

Sur la possibilité de justifier ces restrictions

19 Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, ces conditions appartiennent à deux catégories différentes. Il y a tout d'abord des conditions qui ont trait à la structure des émetteurs : ceux-ci doivent confier la publicité à une personne morale indépendante des fournisseurs de programmes; ils doivent affecter intégralement leurs recettes publicitaires à la production de programmes; ils ne peuvent permettre à des tiers de réaliser des bénéfices. Il y a ensuite des conditions qui se réfèrent à la publicité elle-même : celle-ci doit être clairement identifiée en tant que telle et séparée des autres parties du programme; elle ne peut dépasser 5 % du temps d'antenne; elle ne doit pas être diffusée le dimanche.

20 En vue de répondre à la deuxième et à la troisième questions posées par la juridiction nationale, qui visent à savoir, en substance, si de telles restrictions peuvent trouver une justification, il y a lieu d'examiner séparément ces conditions.

A - En ce qui concerne les conditions relatives à la structure des organismes de radiodiffusion établis dans d'autres États membres

21 S'agissant des conditions relatives à la structure des organismes de radiodiffusion établis dans d'autres États membres, le Gouvernement néerlandais explique qu'elles sont identiques à celles que doivent remplir les organismes néerlandais de radiodiffusion. Ainsi, l'exigence selon laquelle les messages publicitaires doivent être produits par une personne juridique distincte des producteurs de programmes correspondrait à l'interdiction faite par la Mediawet aux organismes nationaux d'émettre de la publicité commerciale, la diffusion de celle-ci étant réservée à la fondation pour la publicité télévisée (la "Stichting Etherreclame" ci-après "STER"). L'obligation faite aux émetteurs des autres États membres de ne pas procurer de bénéfices à des tiers serait destinée à garantir le caractère non commercial de la radiodiffusion, caractère que la Mediawet vise à maintenir pour les organismes nationaux de radiodiffusion. Enfin, l'exigence ayant trait à l'affectation des recettes publicitaires, qui doivent être réservées à la production de programmes, aurait pour but d'offrir aux émetteurs des autres États membres des moyens au moins équivalents à ceux qui existent dans le système national, où la plus grande partie des recettes de publicité de la STER couvrirait les frais de fonctionnement de la radio et de la télévision.

22 Le Gouvernement néerlandais fait valoir que ces restrictions sont justifiées par les impératifs tenant à la politique culturelle qu'il a mise en place dans le secteur audiovisuel. Il explique que celle-ci a pour but de sauvegarder la liberté d'expression des différentes composantes, notamment sociales, culturelles, religieuses ou philosophiques existant aux Pays-Bas, telle qu'elle doit pouvoir se manifester dans la presse, à la radio ou à la télévision. Or, cet objectif pourrait être mis en péril par l'emprise excessive des publicitaires sur l'élaboration des programmes.

23 Entendue en ce sens, une politique culturelle peut certes constituer une raison impérieuse d'intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services. En effet, le maintien du pluralisme qu'entend garantir cette politique néerlandaise est lié à la liberté d'expression, telle qu'elle est protégée par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui figure parmi les droits fondamentaux garantis par l'ordre juridique communautaire (arrêt du 14 mai 1974, Nold, point 13, 4-73, Rec. p. 491).

24 Il convient cependant de constater qu'il n'y a pas de relation nécessaire entre pareille politique culturelle et les conditions relatives à la structure des organismes de radiodiffusion étrangers. En vue d'assurer le pluralisme dans le secteur audiovisuel, il n'est nullement indispensable, en effet, que la législation nationale impose aux organismes de radiodiffusion établis dans d'autres États membres de s'aligner sur le modèle néerlandais, s'ils entendent diffuser des programmes contenant des messages publicitaires à l'intention du public néerlandais. Pour garantir le pluralisme qu'il souhaite maintenir, le Gouvernement néerlandais peut fort bien se borner à élaborer le statut de ses propres organismes de manière appropriée.

25 Des conditions touchant à la structure des organismes de radiodiffusion étrangers ne peuvent donc être regardées comme objectivement nécessaires en vue de garantir l'intérêt général que constitue le maintien d'un système national de radio et de télévision assurant le pluralisme.

B - En ce qui concerne les conditions relatives aux messages publicitaires

26 Selon le Gouvernement néerlandais, et contrairement au point de vue défendu par la Commission, ni l'interdiction de transmettre des messages publicitaires certains jours, ni la limitation de leur durée, ni l'obligation de les identifier en tant que tels et de les séparer des autres parties des programmes n'ont de caractère discriminatoire. Les services fournis par la STER seraient soumis aux mêmes restrictions. Le Gouvernement néerlandais s'est référé, à cet égard, à l'article 39 de la Mediawet. De ce texte, il résulterait que le Commissariaat voor de Media attribue à la STER du temps d'antenne disponible sur le réseau national, et que cette attribution doit se faire de telle sorte que les programmes des organismes nationaux de radiodiffusion ne soient pas interrompus. Enfin, selon le même article, aucun temps d'antenne ne serait attribué les dimanches.

27 A cet égard, il y a lieu de souligner d'abord que peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général des restrictions à l'émission de messages publicitaires, telles que l'interdiction de publicité pour certains produits ou certains jours, la limitation de la durée ou de la fréquence des messages, ou des restrictions qui ont pour but de permettre aux auditeurs ou aux téléspectateurs de ne pas confondre la publicité commerciale avec d'autres parties du programme. De telles restrictions peuvent, en effet, être imposées pour protéger les consommateurs contre les excès de la publicité commerciale ou, dans un but de politique culturelle, pour maintenir une certaine qualité des programmes.

28 Il convient ensuite de relever que les restrictions en cause ne concernent que le marché des messages publicitaires destinés spécialement au public néerlandais. Ce marché était également le seul visé par l'interdiction de publicité contenue dans la Kabelregeling, qui a donné lieu aux questions préjudicielles dans le cadre de l'affaire Bond Van Adverteerders (voir l'arrêt du 26 avril 1988, précité). Même si les messages publicitaires ont trait à des produits qui peuvent être consommés aux Pays-Bas, les restrictions ne jouent que lorsque ces messages accompagnent des programmes en néerlandais ou sous-titrés en néerlandais. Ces restrictions peuvent être levées en ce qui concerne les programmes en néerlandais qui sont émis en Belgique à destination du public belge néerlandophone.

29 A la différence de la Kabelregeling, les dispositions de la Mediawet visées par la juridiction nationale ne réservent plus à la STER la totalité des recettes provenant des messages publicitaires destinés spécialement au public néerlandais. Toutefois, en réglementant la transmission de ces messages, elles restreignent la concurrence à laquelle la STER peut être confrontée, sur ce marché, de la part des organismes de radiodiffusion étrangers. Elles aboutissent ainsi, même si c'est à un moindre degré que la Kabelregeling, à protéger les recettes de la STER et poursuivent donc le même objectif que la réglementation antérieure. Or, ainsi qu'il a été jugé dans l'arrêt du 26 avril 1988, Bond Van Adverteerders, précité, point 34, cet objectif ne peut justifier des restrictions à la libre prestation de services.

30 Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième et à la troisième questions posées par la juridiction nationale que des restrictions comme celles en cause ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.

Sur les dépens

31 Les frais exposés par le Gouvernement néerlandais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties dans le litige au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions posées par la section juridictionnelle du Raad van State des Pays-Bas, par décision du 30 août 1989, dit pour droit :

1) Des conditions, telles que celles énoncées à l'article 66, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, de la Mediawet constituent des restrictions à la libre prestation des services visées par l'article 59 du traité CEE.

2) Des restrictions comme celles en cause ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.