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Décisions

CJCE, 16 décembre 1970, n° 13-70

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Francesco Cinzano & Cia GmbH

Défendeur :

Hauptzollamt Saarbrücken

CJCE n° 13-70

16 décembre 1970

1. Attendu que, par ordonnance du 25 février 1970, parvenue au greffe le 6 avril 1970, le Bundesfinanzhof a demandé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité instituant la CEE, de dire s'il y a infraction à l'article 37, paragraphe 2, du traité CEE lorsqu'un Etat membre dans lequel l'importation d'alcool éthylique est soumise à un monopole national frappe, à compter du 1er avril 1966 et à concurrence d'une teneur en esprit-de-vin excédant un maximum déterminé, les boissons à base de vin importées d'un autre Etat membre (par exemple, les vermouths) d'un droit destiné à compenser la charge fiscale qui grève l'alcool éthylique indigène, alors que, précédemment, il ne percevait en règle générale cette imposition que dans le cas où c'était par addition d'esprit-de-vin que le produit originaire (par exemple, le vin) avait perdu son caractère propre ;

2. Qu'il résulte du dossier transmis que cette question concerne un monopole national ayant pour objet, notamment, la commercialisation de l'alcool éthylique indigène et l'importation du même produit ;

Qu'en outre, il est indiqué dans les motifs de l'ordonnance de renvoi que la mesure faisant l'objet du litige au principal consiste en ce que le législateur national, après l'entrée en vigueur du traité, a étendu une taxe préexistante à l'importation de produits qui n'en étaient pas frappés ;

Que c'est en tenant compte de ces éléments qu'il convient de répondre à la question soulevée par la juridiction nationale ;

3. Attendu qu'il a été allégué que l'institution du droit litigieux échapperait à l'application de l'article 37, paragraphe 2, du fait qu'elle ne rentrerait pas dans le cadre des monopoles visés audit article ;

4. Attendu que l'article 37, paragraphe 2, interdit notamment toute " mesure nouvelle " contraire aux principes énoncés au paragraphe 1 du même article ;

Qu'il résulte de la combinaison de ces paragraphes que l'expression " mesure " figurant au deuxième paragraphe de cet article est étroitement liée à la définition des activités constitutives d'un monopole national à caractère commercial, telle qu'elle est donnée au paragraphe précédent ;

5. Que cette définition est libellée en des termes délibérément généraux, de manière à englober les interventions par lesquelles l'Etat intéressé n'agit que " de facto " ou " indirectement " sur les échanges entre Etats membres, ainsi que celles par lesquelles, loin de " contrôler " ou de " diriger " ces échanges, il se contente de les " influencer " ;

Qu'il s'ensuit que l'application de l'article 37 n'est pas limitée aux importations ou exportations faisant l'objet direct du monopole, mais s'étend à toute action liée à l'existence de celui-ci et ayant une incidence sur les échanges, entre Etats membres, de produits déterminés, monopolisés ou non ;

6. Que peut donc constituer une " mesure nouvelle ", au sens de l'article 37, paragraphe 2, l'introduction, après l'entrée en vigueur du traité, d'une taxe à l'importation d'un produit dont un des éléments est soumis au monopole ;

7. Attendu, cependant, que la disposition précitée n'interdit pas toute " mesure nouvelle ", mais seulement celle qui, ou bien est " contraire aux principes énoncés au paragraphe 1 " du même article c'est-à-dire qui établit ou aggrave une " discrimination entre les ressortissants des Etats membres, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés ", ou bien " restreint la portée des articles relatifs à l'élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les Etats membres " ;

8. Attendu qu'il convient ainsi d'abord de savoir si peut être considérée comme constitutive de discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'extension à des produits importés d'une taxe antérieurement perçue sur les seuls produits nationaux similaires assujettis à un monopole ;

9. Que, pour constituer discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés au sens de l'article 37, paragraphe 1, le droit nouveau dit avoir pour effet de soumettre le produit importé à des charges plus lourdes que le produit national similaire ;

Que tel n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'assujettir le premier à la même charge que celle qui frappe le second ;

Qu'il n'y a donc pas discrimination au sens dudit article quand le produit importé est placé dans les mêmes conditions que le produit national affecté par le monopole ;

10. Attendu qu'il convient en outre de savoir si le droit nouveau restreint la portée des articles relatifs à l'élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives, au sens de l'article 37, paragraphe 2 ;

11. Que, tant que ladite mesure n'a pour but que d'appliquer dans le commerce intracommunautaire un droit qui, dès avant l'entrée en vigueur du traité, a frappé les seuls produits nationaux similaires, cette extension n'a pas pour effet de l'assimiler à un droit de douane ou taxe d'effet équivalent ;

Qu'enfin, le droit en question n'a, en raison de sa nature, aucun rapport avec une mesure d'effet équivalant à celui d'une restriction quantitative ;

12. Attendu qu'il convient donc de répondre au Bundesfinanzhof qu'un droit perçu à l'importation de produits en provenance d'autres Etats membres, lié à l'existence d'un monopole national et appliqué pour la première fois après l'entrée en vigueur du traité, ne constitue pas infraction à l'article 37, paragraphe 2, tant que cette perception nouvelle ne frappe le produit importé que dans la même mesure que les produits nationaux affectés par le monopole ;

13. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;

14. Que la procédure revêt, à l'égard des parties en cause, le caractère d'un incident soulevé au cours du litige pendant devant le Bundesfinanzhof et que la décision sur les dépens appartient, des lors, à cette juridiction ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 25 février 1970, dit pour droit :

Un droit perçu à l'importation de produits en provenance d'autres Etats membres, lié à l'existence d'un monopole national et appliqué pour la première fois après l'entrée en vigueur du traité, ne constitue pas infraction à l'article 37, paragraphe 2, tant que cette perception nouvelle ne frappe le produit importé que dans la même mesure que les produits nationaux affectés par le monopole.