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Décisions

CJCE, 17 février 1976, n° 91-75

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hauptzollamt Göttingen et Bundesfinanzminister

Défendeur :

Wolfgang Miritz GmbH & Co

CJCE n° 91-75

17 février 1976

LA COUR,

1. Attendu que, par ordonnance du 18 juin 1975, parvenue à la cour le 11 août suivant, le bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions relatives à l'interprétation des articles 12 et 37 du traité CEE ;

Que ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige entre un importateur allemand de distillats d'écorces d'agrumes en provenance d'Italie et l'administration douanière de la République fédérale d'Allemagne, mettant en cause la compatibilité avec les dispositions ci-dessus indiquées de la taxe compensatoire spéciale à l'importation des produits alcooliques, denommée 'preisausgleichsabgabe';

2. Attendu que cette taxe s'inscrit dans le cadre de l'aménagement du monopole national de l'alcool entrepris par la République fédérale d'Allemagne suite à la recommandation de la Commission du 22 décembre 1969 (JO n° l 31 de 1970, p. 20) adoptée sur la base de l'article 37, paragraphe 6, du traité ;

Que cherchant d'assurer des garanties équivalentes pour l'emploi et le niveau de vie des producteurs intéressés tout en supprimant le droit exclusif d'importation du monopole, la République fédérale d'Allemagne a introduit cette taxe qui est calculée en fonction de la différence entre le prix de base qui sert à la fixation du prix que le monopole paye au producteur d'alcool national et le prix le plus bas auquel il est possible d'obtenir l'alcool pur dans l'Etat membre d'exportation ;

3. Attendu qu'il ressort du dossier et des explications fournies par le Gouvernement allemand et la Commission que la taxe compensatoire n'ayant ni pour objet ni pour effet de compenser une redevance intérieure grevant le produit national ne fait, dès lors, pas partie d'un système général de redevance intérieure ;

4. Attendu qu'il est demandé s'il est contraire à l'article 12 du traité CEE d'instituer une taxe frappant exclusivement les importations d'eaux-de-vie et de produits contenant de l'esprit-de-vin en provenance d'autres Etats membres et dont le niveau correspond à l'ensemble des charges que le monopole des alcools fait peser sur les produits nationaux similaires, sans que ceux- ci soient expressément assujettis à la même taxe compensatoire ;

Qu'en cas de réponse négative à cette question, il est demandé si la perception de la taxe contrevient à l'article 37, paragraphe 2, du traité ;

Qu'en cas de réponse affirmative à l'une des deux premières questions, il est demandé si la perception de la taxe visée est justifiée par l'article 37, paragraphe 4, du traité ;

5. Attendu que, puisque la taxe compensatoire est liée, par son économie et par sa nature, au système du monopole allemand des alcools, la réponse à la première question doit être recherchée dans le cadre de l'article 37 qui traite spécifiquement de l'aménagement des monopoles nationaux ;

6. Attendu que les deuxième et troisième questions sont liées en ce sens qu'il est nécessaire en premier lieu d'interpréter l'article 37 dans son ensemble et dans le contexte du traité ;

7. Attendu qu'aux termes de l'article 37, paragraphe 1, les Etats membres aménagent progressivement leurs monopoles nationaux présentant un caractère commercial afin d'assurer, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre ressortissants des Etats membres ;

Que, sans exiger l'abolition desdits monopoles, cette disposition prescrit impérativement leur aménagement de façon à assurer, à l'expiration de la période de transition, l'entière disparition des discriminations visées ;

Que son paragraphe 2 se réfère à l'obligation, pour les Etats membres, de s'abstenir, dès le début de la période de transition, de toute mesure de nature à restreindre la portée des articles relatifs à l'élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les Etats membres ;

Qu'en outre, il est prévu au paragraphe 3 que le régime d'aménagement prescrit en son paragraphe 1 doit être adapté à l'élimination prévue aux articles 30 à 34 des restrictions quantitatives pour les mêmes produits ;

8. Attendu que l'article 37, paragraphe 1, ne concerne pas exclusivement les restrictions quantitatives mais interdit, à l'expiration de la période de transition, toute discrimination dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés entre les ressortissants des Etats membres ;

Qu'il s'ensuit que son application n'est pas limitée aux importations et exportations faisant l'objet direct du monopole, mais s'étend a toute action liée à l'existence de celui-ci et ayant une incidence sur les échanges entre Etats membres de produits déterminés, monopolisés ou non, et vise ainsi les impositions qui créeraient, au détriment des produits importés, des discriminations par rapport aux produits nationaux affectes par le monopole ;

Qu'il résulte de ces dispositions et de leur économie que l'obligation imposée au paragraphe 1 vise à assurer le respect de la règle fondamentale de la libre circulation des marchandises dans l'ensemble du Marché commun, en particulier par l'abolition des droits de douane et des taxes d'effet équivalent dans les échanges entre les Etats membres ;

Qu'une taxe du type litigieux introduite après l'entrée en vigueur du traité CEE est donc contraire à l'article 37, paragraphe 2 ;

9. Attendu que le Gouvernement allemand estime cependant, conformément d'ailleurs à la recommandation de la Commission, que serait justifiée par le paragraphe 4 de l'article 37 une taxe d'effet équivalent qui vise à assurer une garantie pour l'emploi et le niveau de vie des producteurs agricoles allemands d'alcool parce qu'elle équivaudrait aux garanties qui étaient les leurs en vertu du droit exclusif d'importation du monopole, aboli par le Gouvernement allemand pour se conformer aux obligations découlant du premier paragraphe de cet article ;

10. Attendu que lorsqu'un monopole comporte une réglementation destinée à faciliter l'écoulement d'un produit agricole, l'article 37, paragraphe 4, prévoit qu'il convient d'assurer, dans l'application des règles de l'article 37, des garanties équivalentes pour l'emploi et le niveau de vie des producteurs intéressés, compte tenu du rythme des adaptations possibles et spécialisations nécessaires ;

11. Attendu que l'article 37, paragraphe 1, impose, pour la fin de la période de transition, une obligation de résultat précise et dépourvue de réserves ;

Que, loin de prévoir une exception en faveur de certaines réglementations d'un monopole, l'article 37, paragraphe 4, est destine à exercer son effet 'dans l'application des règles' de cet article ;

Que son objet est de faciliter la possibilité pour les autorités nationales, en coopération, si nécessaire, avec les institutions communautaires, d'édicter des mesures de nature différente destinées à compenser l'effet que peut avoir, pour l'emploi et le niveau de vie des producteurs intéressés, la suppression des discriminations que le monopole implique précisément ;

Que, cependant, ces garanties équivalentes doivent elles-mêmes être compatibles avec les dispositions de l'article 37, paragraphes 1 et 2 ;

12. Attendu qu'il faut, dès lors, répondre aux deuxième et troisième questions du juge national qu'après la fin de la période de transition, l'article 37 du traité CEE fait obstacle à la perception par un Etat membre d'une taxe frappant le seul produit importé d'un autre Etat membre, en vue de compenser la différence entre le prix de vente du produit dans le pays de provenance et le prix plus élevé payé par le monopole national aux producteurs intérieurs du produit correspondant ;

Que les dispositions de l'article 37, paragraphe 4, ne dérogent pas aux autres dispositions de cet article ;

Sur les dépens :

13. Attendu que les frais exposés par la République fédérale d'Allemagne et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement ;

Que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulève devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

La cour,

Statuant sur les questions à elle soumises par le bundesfinanzhof, par ordonnance du 18 juin 1975, dit pour droit :

1) Apres la fin de la période de transition, l'article 37 du traité CEE fait obstacle à la perception par un Etat membre d'une taxe frappant le seul produit importé d'un autre Etat membre, en vue de compenser la différence entre le prix de vente du produit dans le pays de provenance et le prix plus élevé payé par le monopole national aux producteurs intérieurs du produit correspondant ;

2) Les dispositions de l'article 37, paragraphe 4, ne dérogent pas aux autres dispositions de cet article.