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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. B, 6 octobre 2000, n° 199704932

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Minner

Défendeur :

Turri, Delior (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Leiber

Conseillers :

MM. Schirer, Bailly

Avocats :

Mes Bueb, Spieser, Chevallier-Gaschy, Cahn

TGI Colmar, du 3 sept. 1997

3 septembre 1997

Attendu que Monsieur Gérard Minner a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Colmar du 3 septembre 1997 qui sur demande principale :

- a prononcé la nullité de la vente intervenue le 12 mars 1993 entre lui et Marie Guth née Turri concernant une paire de boucles d'oreilles or blanc serties 3 griffes comprenant chacune un diamant rond,

- a, en conséquence ordonné la restitution par lui du prix perçu à savoir la somme de 62 000 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- a donné acte à Maria Guth née Turri de ce que contre remboursement de cette somme, elle restituera la paire de boucles d'oreilles litigieuses,

- l'a condamné en outre à payer à Maria Guth la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts,

- l'a condamné aux dépens et au paiement d'un montant de 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Sur l'appel en garantie dirige à l'encontre de la société Delior

- l'a déclaré pour partie irrecevable et pour partie mal fondé,

- en conséquence, l'en a débouté,

- l'a condamné aux dépens;

Qu'il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- de débouter Madame Guth de ses conclusions

- de condamner Madame Guth aux dépens des deux instances et au paiement de la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Statuant sur l'appel en garantie subsidiaire :

- de condamner la SARL Delior à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- de condamner la SARL Delior aux dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC

Qu'il expose :

* qu'il a exécuté son obligation de délivrance dans les termes prévus par le contrat et a livré des pierres de qualité E-VVS,

* que les pierres qui ont été expertisées ne sont pas celles qu'il a vendues,

* que si une erreur devait être retenue, cette erreur est imputable à la société Delior, son fournisseur;

Attendu que Madame Guth et la société Delior ont conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur Minner aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de 15 000 F pour appel abusif et 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;

Qu'elles exposent :

* que l'expertise judiciaire a confirmé que les pierres vendues ne correspondaient pas à la qualité annoncée par Monsieur Gérard Minner,

* que Monsieur Gérard Minner a même délivré un certificat attestant des qualités que les pierres ne présentaient pas,

* qu'une erreur qui porte sur la pureté et la qualité des pierres serties dans un bijou concerne la substance même de l'objet vendu et remet en cause la validité du consentement de l'acquéreur de sorte que la demande en annulation de la vente est justifiée ;

SUR CE:

Vu la décision entreprise,

Vu les conclusions des parties auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens invoqués devant la cour,

Vu l'ordonnance de clôture du 15 juin 2000,

Attendu que Monsieur Minner a, le 12 mars 1993, vendu à Madame Maria Guth une paire de boucles d'oreilles or avec brillants d'un poids total de 1,20 carats au prix de 62 000 F ;

Qu'il a, le 30 avril 1993, établi une estimation en valeur de remplacement de ce bijou certifiant sa qualité E-VVS ;

Que Madame Guth ayant eu des doutes sur la valeur de ces boucles d'oreilles les a remises à Monsieur Didier Kuhn, joaillier, exploitant la bijouterie Roedelsperger à Colmar, aux fins d'estimation;

Que Monsieur Kuhn, dans une lettre du 24 janvier 1996 adressée à l'expert judiciaire nommé par les premiers juges décrit de manière très détaillée les différents examens qui ont été pratiqués sur les bijoux litigieux et les circonstances dans lesquelles les pierres ont été desserties puis analysées ;

Que c'est ainsi qu'il expose avoir envoyé les boucles d'oreilles au Service Public du Contrôle des Diamants de la Chambre de Commerce et d'industrie de Paris ;

Que ce service lui ayant fait savoir que l'analyse des pierres nécessitait qu'elles soient desserties, il a chargé l'un de ses fournisseurs parisiens de cette opération, lequel a récupéré les bijoux à la CCI et les a ramenés dessertis ;

Qu'il en résulte que les pierres, entre le moment où elles ont été confiées à la bijouterie Roedelsperger et celui où elles ont été analysées par le Service de Contrôle des Diamants de la CCI ne se sont plus trouvées en possession de Madame Guth ou d'un membre de sa famille ;

Que les pierres analysées par la CCI sont dès lors, sans contestation possible, celles vendues par Monsieur Minner à Madame Guth;

Que le laboratoire de la CCI, a, au vu des attestations qu'il a établies en date du 2 juillet 1993 n° 128.589 et 128.590, conclu qu'il s'agissait de bijoux de couleur et de pureté H-VVS1 et H-VVS2;

Qu'il est ainsi clairement établi que les diamants analysés par le Service Public de Contrôle des Diamants de la CCI de Paris ne correspondent pas aux qualités annoncées par Monsieur Minner dans son estimation du 30 avril 1993 ;

Qu'il est en effet constant que la qualité en couleur et pureté H-VVS est moindre que celle E-VVS

Que l'identité entre les diamants expertisés par Monsieur Janot, expert judiciaire et ceux analysés par le Service de Contrôle de la CCI est également incontestable ;

Que si l'expert judiciaire a reçu les diamants à expertiser du conseil de Madame Guth, Maître Drujon d'Astros, ceux-ci, ainsi qu'il en atteste, se trouvaient sous cellophane, et étaient sertis d'un cachet de cire de la CCI portant les numéros 128.589 et 128.590;

Que s'il indique que les cachets étaient un peu fondus, il prend le soin de préciser qu'ils étaient intacts ;

Attendu, dans ces conditions, que l'expert judiciaire qui a minutieusement recherché et retracé les différentes opérations effectuées sur la paire de boucle d'oreilles vendue par Monsieur Minner, détaillées ci-dessus, conclut que le bijou vendu par Monsieur Minner qui est celui analysé par le Service Public de Contrôle des Diamants correspond à une qualité H-VVS pour un prix de 47 450 F;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont fait observer que Monsieur Minner ne pouvait sérieusement venir soutenir que toute erreur en la matière est impossible alors que son propre fournisseur, la société Delior, a dès le 23 juillet 1993 reconnu la possibilité d'une erreur de jugement dans la sélection des brillants en cause ;

Que Monsieur Minner ayant délivré un certificat attestant d'une qualité E-VVS que les diamants n'avaient pas, c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont prononcé la nullité de la vente, au motif qu'une erreur qui porte sur la pureté et la qualité des pierres serties dans un bijou concerne la substance même de l'objet vendu et remet en cause la validité du consentement de l'acquéreur ;

Que le jugement entrepris, sera également confirmé en tant qu'il a alloué à Madame Guth 10 000 F de dommages et intérêts, l'obstination de Monsieur Minner et son système de défense mettant en cause les membres de sa famille lui ayant causé un préjudice distinct justifiant la décision des premiers juges à ce titre ;

Sur l'appel en garantie

Attendu que l'appel en garantie formé par Monsieur Minner contre la société Delior doit être rejeté comme étant mal fondé ;

Que la vente conclue entre Monsieur Minner et Madame Guth a en effet été annulée en raison de la fausse indication par Monsieur Minner de ce que les diamants vendus étaient de qualité E-VVS ;

Que Monsieur Minner a certifié cette qualité à Madame Guth dans son estimation du 30 avril 1993 ;

Qu'il expose lui-même être un professionnel expérimenté qui sait reconnaître une pierre de qualité E d'une pierre de qualité H ;

Que dans ces conditions, c'est bien la faute de Monsieur Minner qui s 'est trompé dans l'estimation de qualité qu'il a faite qui a vicié le consentement de Mme Guth ;

Que son appel en garantie est par conséquent mal fondé dès lors qu'il ne saurait faire supporter les conséquences de sa faute sur son fournisseur ;

Que le jugement entrepris qui a débouté Monsieur Minner de son appel en garantie doit être confirmé ;

Attendu que l'issue du litige conduit la cour à confirmer les dépens de première instance et à condamner Monsieur Minner aux entiers dépens d'appel et au paiement d'un montant de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile aux intimés ;

Attendu que l'exercice d'une voie de recours constituant en son principe un droit ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ;

Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer des dommages et intérêts pour appel abusif aux intimés ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement - Reçoit l'appel de Monsieur Minner, - Confirme le jugement entrepris, - Condamne Monsieur Minner à payer à Madame Guth et à la société Delior la somme de 6 000 F (six mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Déboute les parties de toutes autres demandes, - Condamne Monsieur Minner aux dépens d'appel.