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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. des urgences, 28 octobre 1992, n° 92-9910

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (Sté)

Défendeur :

Garage La Pyramide (Sté), Sapin (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Cahen-Fouque, M. Linden

Avoués :

Me Ribaut, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Nitoux, Covillard.

T. com. Paris, du 8 avr. 1992

8 avril 1992

Par contrat du 23 décembre 1985, la SA Fiat Auto France accorda la concession exclusive de la distribution de ses véhicules neufs et pièces de rechange, du service de prévente et d'après-vente pour l'arrondissement de Lyon à la SA Garage de la Pyramide, sise à Lyon-Vaise. Celle-ci fut déclarée en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 15 mai 1991 qui désigna Maître Bruno Sapin en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Dubois en tant que représentant des créanciers.

Par courrier du 19 juin 1991, la société Fiat Auto France notifia la résiliation pure et simple du contrat de concession.

Par requête du 13 juin suivant, Maître Sapin demanda au juge-commissaire d'ordonner à ladite société de poursuivre le contrat.

Alléguant qu'en dépit de plusieurs mises en demeure et en infraction à l'article 9-6 de la Convention, sa cocontractante n'avait pas procédé au renouvellement de la garantie bancaire expirant le 30 avril 1991, la société Fiat assigna la société Pyramide et Maître Sapin le 28 juin 1991, devant le Tribunal de Commerce de Paris aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de

- voir constater la résiliation du contrat de concession aux torts et griefs exclusifs des défendeurs,

- voir condamner ceux-ci à lui payer par provision la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts,

- se voir donner acte de ce qu elle se réservait de compléter sa demande lorsque ses divers préjudices pourraient être définitivement arrêtés,

- voir ordonner la dépose des panonceaux et enseignes de la marque Fiat à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 10 000 F par jour de retard,

- voir condamner les défendeurs au paiement d'une somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Pyramide et Maître Sapin, se fondant d'une par sur le fait que le Tribunal de Commerce de Lyon avait été saisi le premier d'une demande concernant la résiliation du contrat de concession et d'autre part, sur le caractère d'ordre public de l'article 174 du décret du 27 décembre 1935, soulevèrent au profit du Tribunal de commerce de Lyon l'incompétence de la juridiction saisie.

Celle-ci se référant à l'article 25 du décret susvisé, fit droit à l'exception par jugement du 8 avril 1992.

La société Fiat-Auto forma contredit à cette décision le 23 avril 1992.

A l'appui de ce recours, elle fait valoir que, contrairement aux termes du jugement, le Tribunal de commerce de Lyon n'est pas saisi d'une demande de résiliation judiciaire mais " aura simple ment à se prononcer sur le point de savoir si le juge-commissaire pouvait le 12 juillet 1991 ordonner la poursuite du contrat de concession ".

Elle précise que si l'article 25 du décret du 27 décembre 1985 auquel se réfère la décision entreprise autorise le juge-commissaire à statuer sur les demandes, contestations et revendication relevant de sa compétence, tel n'est pas le cas d'une action en résiliation judiciaire "dont il n'a jamais été saisi, qui avait déjà été engagée par la société Fiat-Auto France avant qu'il ne statue et dont il a d'ailleurs réservé le résultat".

Elle expose en outre que l'article 10 du contrat de concession donne compétence exclusive au Tribunal de commerce de Paris pour connaître de tout litige.

Elle soutient également qu'aux termes de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, la juridiction saisie d'une procédure collective ne connaît que des actions mettant en jeu la réglementation légale spécifique de ces procédures et non pas des actions contractuelles de droit commun, comme l'action en résiliation d'un con rat antérieur au prononcé du règlement judiciaire.

Elle souligne enfin que l'article 100 du nouveau Code de procédure civile est inapplicable au présent cas.

Elle demande en conséquence l'infirmation du jugement déféré et l'évocation du litige.

Maître Sapin et la société Pyramide répliquent qu'outre la présente instance, deux procédures opposent les parties :

- une procédure en résolution judiciaire intentée par la société Pyramide devant le Tribunal de commerce de Lyon en raison de inexécution déloyale par la société Fiat du contrat de concession,

- une procédure sur requête de Maître Sapin en date du 13 juin 1991, qui donna lieu à une ordonnance du juge-commissaire du 12 juillet 1991 autorisant la poursuite du contrat, et à une opposition à celle-ci

Ils exposent qu'ils revendiquent dans le cadre de cette dernière la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Lyon " aux motifs que celui-ci était d'ores et déjà saisi du grave contentieux de la résiliation du contrat de concession et qu'il était de l'intérêt d'une bonne justice de juger ensemble ces procédures ".

Ils font valoir au surplus, que cette exception doit, pour des raisons d'ordre public, être consacrée dans la mesure ou les litiges qui, bien qu'ayant leur cause dans un contrat ou un fai antérieur de la procédure collective subissent l'influence de celle-ci et ne seraient pas nées sans elle, rentrent dans la compétence visée à l'article 174 du décret du 27 décembre 1985.

Ils allèguent en outre que la clause attributive figurant au contrat de concession n'est opposable qu'aux cocontractants et non à un tiers comme Maître Dubois, représentant des créanciers.

Ils sollicitent donc la confirmation du jugement entrepris et l'attribution à chacun d'eux de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ou, subsidiairement, que la demande soit déclarée irrecevable en ce qu'elle est inopposable à Maître Dubois, non assigné en l'espèce.

Sur ce LA COUR,

Sur la compétence

Considérant que le 26 avril 1991, la société Pyramide et la société civile Garnier (actionnaire à 96 % de la précédente) assignèrent devant le Tribunal de commerce de Lyon la société Fiat Auto France aux fins de voir prononcer aux torts de celle-ci pour agissements discriminatoires et violations graves et répétées de ses obligations la résolution du contrat de concession, que cette procédure fut reprise le 29 mai 1991 par Maître Sapin et Maître Dubois ;

Considérant que le 28 juin 1991, la société Fiat Auto France assigna à son tour la société Pyramide et Maître Sapin devant le Tribunal de commerce de Paris aux mêmes fins, en invoquant l'inobservation par la défenderesse de ses obligations contractuelles ;

Considérant que la société Fiat Auto France fait justement observer que la saisine de la juridiction lyonnaise était contraire aux termes du contrat dont l'article 10 attribuait pour tous litiges entre les parties compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris ;

Mais considérant qu'outre le fait que cette compétence conventionnelle était inopposable au représentant des créanciers, il existe entre ces deux affaires fondées sur la même convention et tendant au même effet un lien tel qu'afin d'éviter tout risque de contradiction entre les décisions à intervenir, il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, étant observé au surplus que l'existence de ce lien avait été invoquée par la société Fiat Auto France elle-même devant le Tribunal de commerce de Lyon pour tenter d'obtenir le dessaisissement de celui- ci au profit du Tribunal de commerce de Paris ;

Que la juridiction consulaire de Lyon, première saisie, est donc compétente pour connaître du présent litige ;

Considérant que la société Pyramide et Maître Sapin allèguent de surcroît qu'ayant saisi le juge-commissaire d'une demande tendant à la poursuite du contrat de concession, les disposition d'ordre public de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, qui attribuent compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires sont applicables en l'espèce ;

Considérant que la société Fiat Auto France réplique que le litige né d'une convention antérieure au jugement déclaratif n'entre pas dans le champ d'application de ce texte, dans la mesure où il aurait pu se produire même en l'absence de procédure collective ;

Mais considérant qu'entrent dans la compétence du tribunal qui ordonna le règlement judiciaire les litiges qui, bien qu ayant leur cause dans un contrat antérieur à la procédure collective, subissent l'influence de celle-ci ;

Or considérant qu'est pendante devant la Cour d'appel de Lyon l'opposition formée par la société Fiat Auto France à l'ordonnance du juge commissaire qui lui enjoignit le 12 juillet 1991 de poursuivre le contrat de concession ;

Que Maître Sapin et la société Pyramide font observer avec pertinence que s'il appartient au Tribunal de commerce de Lyon de consacrer les infractions contractuelles invoquées par eux à l'encontre de la société Fiat Auto France, il lui est également demandé de sanctionner l'attitude de celle-ci postérieure à l'ouverture de la procédure collective et qu'en conséquence la décision qui sera rendue dans le cadre de l'opposition à l'ordonnance du juge-commissaire et de nature à influer sur l'objet de la présente procédure ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître Sapin et de la société Pyramide les frais exposés par eux en cause de contredit ;

Qu'il leur sera respectivement attribué une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, qui se constitua pour Maître Sapin et la société Pyramide sollicite la distraction des dépens à son profit ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, le droit de recouvrement direct n'est admis que dans les matières où le ministère d'avoué est obligatoire ;

Que cette demande sera donc rejetée ;

Par ces motifs, Dit le contredit recevable mais mal fondé ; Confirme le jugement entrepris Renvoie en conséquence la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de Lyon ; Condamne la société Fiat Auto France à payer une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant à Maître Sapin qu'à la société Pyramide ; Rejette toutes autres demandes ; Met les frais afférents au contredit à la charge de la société Fiat Auto France.