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Décisions

CJCE, 3e ch., 23 mars 2000, n° C-246/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procédure pénale

Défendeur :

Berendse-Koenen M.G. en Berendse H.D. Maatschap

CJCE n° C-246/98

23 mars 2000

LA COUR,

1. Par ordonnance du 2 avril 1998, parvenue à la Cour le 9 juillet suivant, l'Arrondissementsrechtbank te Arnhem a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L 81, p. 75, ci-après la "directive 83-189"), et des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE).

2. Ces questions ont été posées dans le cadre d'une procédure pénale engagée à l'encontre de Berendse-Koenen M. G. en Berendse H. D. Maatschap pour avoir détenu des bovins auxquels ont été administrées des substances à effet sympathico-mimétique contenant du clenbuterol.

3. Aux termes de l'article 30 du traité, les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres. En vertu de l'article 36 du traité, les interdictions ou restrictions d'importation, qui sont justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux sont autorisées dès lors qu'elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au commerce entre les Etats membres.

4. La directive 83-189 a pour objet d'empêcher toute entrave technique aux échanges intracommunautaires de produits résultant de la diversité des législations nationales. A cet effet, elle prévoit une procédure faisant obligation aux Etats membres de notifier à la Commission au préalable les normes et règles techniques.

5. La directive 86-469-CEE du Conseil, du 16 septembre 1986, concernant la recherche de résidus dans les animaux et dans les viandes fraîches (JO L 275, p. 36), vise, selon ses troisième et quatrième considérants, à faciliter la libre circulation des marchandises en rapprochant les réglementations divergentes des Etats membres qui conduisent à des entraves intracommunautaires et à une distorsion des conditions entre des produits faisant l'objet d'organisations communes des marchés. Selon son neuvième considérant, la directive a, notamment, pour objet d'instaurer des mesures de contrôle communes pour déterminer et éliminer les causes de résidus dans les animaux et les viandes fraîches et de garantir que les viandes présentant des résidus au-delà des tolérances admises soient exclues de la consommation. Ainsi, l'article 9, paragraphe 3, sous b), de la directive 86-469 fait obligation aux autorités compétentes de veiller à ce que, si l'examen d'un échantillon officiel "révèle la présence de substances prohibées, les animaux ne puissent être mis sur le marché pour la consommation humaine ou animale".

6. La directive 86-469 énumère, en son annexe I, les groupes de résidus entrant dans son champ d'application. Le clenbuterol relève du point B, intitulé "Groupes spécifiques", groupe I: "Autres médicaments", sous-groupe c) : "Autres médicaments vétérinaires".

7. La Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) 1991 (règlement concernant les substances à effet sympathico-mimétique, ci-après le "règlement"), arrêtée par la direction du Produktschap voor Vee en Vlees (organisme de droit public concernant le bétail et la viande) et approuvée par le ministre de l'Agriculture, comporte, en son article 1er, une définition des substances à effet sympathico-mimétique. Il est constant que le clenbuterol fait partie de ces substances.

8. L'article 2 du règlement dispose qu'"Il est interdit d'administrer des médicaments vétérinaires à effet sympathico-mimétique contenant du clenbuterol à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines ou d'autoriser l'administration de ces médicaments vétérinaires auxdits bovins d'engraissement".

9. L'article 3, paragraphe 1, du règlement prévoit qu'"Il est interdit de détenir ou d'avoir en stock, d'acheter ou de vendre des bovins d'engraissement auxquels il a été administré, en contradiction avec l'article 2, les substances à effet sympathico-mimétique qui y sont visées".

10. La présence de clenbuterol a été constatée dans des échantillons d'urine prélevés sur des bovins se trouvant dans l'exploitation des prévenus au principal. Le Ministère public a alors poursuivi pénalement ces derniers pour violation du règlement.

11. A l'audience, les prévenus au principal, se référant à l'arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International (C-194-94, Rec. p. I-2201), ont soutenu, en premier lieu, que le règlement, en ce qu'il n'avait pas été notifié à la Commission, ne pouvait pas être pris en considération.

12. En second lieu, ils ont fait valoir que le fait que des médicaments contenant du clenbuterol sont autorisés dans certains Etats membres constituait une distorsion de concurrence interdite par le droit communautaire.

13. A cet égard, l'Arrondissementsrechtbank te Arnhem a constaté que les dispositions communautaires de base relatives aux substances anabolisantes, parmi lesquelles figure le clenbuterol, relevaient, à l'époque de l'établissement du règlement, de la directive 81-851- CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 1), telle que modifiée par la directive 90-676-CEE du Conseil, du 13 décembre 1990 (JO L 373, p. 15). Étant donné que cette directive place les produits anabolisants sous un régime spécifique, tout en n'interdisant pas toutes les transactions ayant trait aux bovins et aux viandes auxquels ont été administrées des substances anabolisantes, la juridiction nationale s'est demandé si les articles 2 et 3 du règlement constituaient une entrave à la libre circulation des marchandises au sens de l'article 30 du traité.

14. L'Arrondissementsrechtbank te Arnhem a dès lors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1°) La Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) de 1991 et en particulier les articles 2 et 3 de cette Verordening constituent-ils des règles techniques qui, en vertu de l'article 8 de la directive 83-189-CEE, dans la version applicable au moment de l'entrée en vigueur de ladite Verordening, auraient dû préalablement être communiquées à la Commission ?

2°) La Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) de 1991 et en particulier les articles 2 et 3 de cette Verordening contiennent-ils des dispositions qui constituent des entraves à la libre circulation au sens de l'article 30 du traité CE ?"

15. Par lettre du 11 juin 1999, la juridiction de renvoi a indiqué à la Cour que, à la lumière de l'arrêt du 11 mai 1999, Albers e.a. (C-425-97 à C-427-97, Rec. p. I-2947), elle ne maintenait pas la première question.

16. Dès lors, il convient de répondre à la question de savoir si l'article 30 du traité s'oppose à une règle nationale telle que celle édictée par l'article 3, paragraphe 1, du règlement, lu en combinaison avec son article 2.

17. Berendse-Koenen M. G. en Berendse H. D. Maatschap prétendent que le clenbuterol est une substance utilisée dans certains médicaments vétérinaires comme le Ventipulmin qui, prescrit à des fins thérapeutiques, permet de combattre efficacement certaines affections spécifiques des bovins. Selon eux, les bovins, objets de l'enquête, auraient subi ce type de traitement vétérinaire; la présence de clenbuterol dans les urines prélevées trouverait donc sa cause dans l'administration de ce médicament précisément prescrit aux fins de combattre la maladie dont souffraient ces bêtes.

18. En outre, ils ont précisé que le règlement a pour effet d'interdire l'utilisation de ce type de médicament vétérinaire alors que d'autres Etats membres n'édictent pas une telle interdiction. Cette inégalité de traitement entre les opérateurs néerlandais et les autres opérateurs communautaires aurait pour conséquence de créer des distorsions de concurrence interdites par le droit communautaire.

19. Le Gouvernement néerlandais estime que, puisque les règles contenues dans le règlement sont nécessaires pour protéger efficacement la santé des personnes, lesdites mesures sont en tout état de cause justifiées au titre de l'article 36 du traité.

20. Le gouvernement irlandais considère que le règlement ne saurait raisonnablement être considéré comme constituant une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative. Les dispositions du règlement concerneraient l'administration du clenbuterol aux bovins, ainsi que la possession et la vente de bovins ou de viande provenant de bovins auxquels du clenbuterol a été administré. Le règlement n'affecterait pas l'importation du clenbuterol.

21. La Commission relève que cette affaire ne concerne pas une mesure unilatérale édictée par un Etat membre. En effet, la directive 86-469 ferait obligation au royaume des Pays-Bas de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que des animaux chez lesquels la présence de substances interdites avait été constatée ne puissent être mis sur le marché. Ainsi, les dispositions de la directive 86-469 ne seraient pas édictées par chaque Etat membre pour la protection d'un intérêt qui lui est propre. Par conséquent, de telles mesures ne pourraient être considérées comme des mesures unilatérales entravant les échanges, mais plutôt comme des opérations destinées à favoriser la libre circulation des marchandises, notamment en neutralisant les obstacles pouvant résulter des mesures nationales prises en conformité avec l'article 36.

22. A cet égard, et sans qu'il y ait lieu de trancher la question de savoir si des éleveurs de bétail néerlandais peuvent invoquer l'article 30 du traité interdisant des entraves aux échanges intracommunautaires contre l'application à leur égard d'une règle néerlandaise comme celle en cause en l'espèce, il convient de rappeler qu'il ressort des troisième et quatrième considérants de la directive 86/469 que son objet est d'harmoniser les mesures de contrôle des résidus et de fixer à des seuils maximaux communs de tolérance la présence de ces résidus dans les viandes fraîches, le dépassement de ces seuils entraînant, par là même, l'interdiction de commercialiser les viandes fraîches en cause. Cette directive poursuit donc un double objectif qui est à la fois d'assurer la protection de la santé humaine et de faciliter la libre circulation des marchandises.

23. En outre, il convient de rappeler que, en édictant l'interdiction d'administrer du clenbuterol à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines et de détenir, d'avoir en stock, d'acheter ou de vendre des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines auxquels cette substance a été administrée, les autorités néerlandaises se sont acquittées des obligations découlant de cette directive (voir arrêt Albers e.a., précité, point 23).

24. Une règle nationale telle que celle édictée par l'article 3, paragraphe 1, du règlement, lu en combinaison avec son article 2, ne constitue donc pas une mesure unilatérale visant à protéger des intérêts qui sont propres à l'Etat membre qui l'édicte, mais a été adoptée pour se conformer à une directive du Conseil dans l'intérêt général de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis, 46-76, Rec. p. 5, points 28 et 29).

25. Or, une règle, telle que celle en cause au principal, par laquelle l'Etat membre s'acquitte de ses obligations découlant de la directive 86/469 ne saurait être qualifiée de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité.

26. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 30 du traité ne s'oppose pas à une règle nationale telle que celle édictée par l'article 3, paragraphe 1, du règlement, lu en combinaison avec l'article 2 du même règlement.

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Sur les dépens

27. Les frais exposés par les Gouvernements néerlandais et irlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par l'Arrondissementsrechtbank te Arnhem, par ordonnance du 2 avril 1998, dit pour droit :

L'article 30 du traité CE (devenu article 28 CE) ne s'oppose pas à une règle nationale telle que celle édictée par l'article 3, paragraphe 1, de la Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) 1991, lu en combinaison avec l'article 2 de la même Verordening.