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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 20 février 1998, n° 9604335

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Forquignon (Consorts)

Défendeur :

Caisse de crédit mutuel de Bretagne (Sté), Chauvin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lefevre

Conseillers :

M. Le Corre, Mme Sabatier

Avoués :

Mes Cadiou-Nicolle & Guillou, Bazille & Genicon

Avocats :

Mes Couetoux du Tertre, Laynaud.

TI Rennes, du 21 ; 27 sept. 1995

27 septembre 1995

Expose des faits et des demandes.

Le 23 mars 1989, le CMB de Pace a consenti à Monsieur Luc Forquignon et Madame née Chauvin Marie Jeanne, un prêt d'un montant de 145 000 F, au taux de 13,75 %, remboursable sur 7 ans en 84 mensualités de 2 772,69 F chacune. Les époux Sylvestre Forquignon ont apporté leur caution solidaire.

La première échéance impayée étant du 1er juillet 1994 et la mise en demeure du 2 janvier 1995, la Caisse, se prévalant de la déchéance du terme, a estimé, aux termes de l'arrêté du compte au 10 janvier 1995 établi le 7 septembre 1995, que les co-emprunteurs lui devaient encore :

- échéances échues du 01/07/94 au 10/01/95 : 16 624,98 F

- capital restant dû : 36 980,22 F

- intérêts conventionnels du 10/11 au 07/09/95 : 3 218,04 F

- cotisations d'assurances : 588,16 F

- indemnité de recouvrement (8 %) : 2 958,42 F

Sous/total : 43 744,84 F

Total général : 60 369,82 F

De plus les époux Luc Forquignon étaient titulaires à la même Caisse d'un compte de dépôt dont le solde, au 7 septembre 1995, était débiteur de 164,40 F.

Les mises en demeures adressées aux emprunteurs, titulaires du compte et cautions étant restées vaines, la Caisse les assignait les 21 et 27 septembre 1995 devant le Tribunal d'instance de Rennes afin que :

- Monsieur et Madame Luc Forquignon scient solidairement condamnés à lui payer la somme de 164,10 F augmentée des intérêts débiteurs postérieurs au 7 septembre 1995,

- Monsieur et Madame Luc Forquignon et Monsieur et Madame Sylvestre Forquignon soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 60 369,82 F augmentée des intérêts postérieurs au 7 septembre 1995.

- Les consorts Forquignon soient condamnés à lui payer la somme de 3 500 F au titre des frais non répétibles.

Dans sa décision du 28 mars 1996, le premier juge :

- Sur le solde débiteur du compte.

Constatant que la position débitrice était apparue après le prononcé du divorce (11 février 1993), alors que le compte n'était plus utilisé que par Madame Marie-Jeanne Forquignon,

- Mettait hors de cause Monsieur Luc Forquignon,

- Condamnait Madame Marie Jeanne Chauvin, ex-épouse Forquignon, à payer au CMB de Pace le solde débiteur avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 1995, jour de l'assignation.

- Sur le prêt :

Estimant qu'il était régi, vu l'accord des parties, par les dispositions du Code de la consommation,

- déclarait irrecevables en raison de la forclusion les contestations de Monsieur Luc Forquignon sur la régularité de l'offre de prêt et les conditions de l'assurance,

- déclarait celui-ci irrecevable à agir au lieu et place des cautions,

- condamnait solidairement les emprunteurs et les cautions à payer au CMB de Pace la somme de 60 369,82 F avec intérêts contractuels de 13,75 % l'an, depuis le 7 septembre 1995, sur la somme principale de 53 605,20 F,

- accordait à Madame Marie Jeanne Chauvin un délai de paiement de deux ans,

- condamnait solidairement emprunteurs et cautions à payer au CMB de Pace 3 000 F au titre des frais non répétibles,

Monsieur Luc Forquignon, Monsieur Sylvestre Forquignon et son épouse Sylvia, interjetaient appel du jugement le 4 juin 1996. Ils demandent la réformation du jugement.

Monsieur Luc Forquignon, après avoir émis quelques remarques sur l'action de la Caisse relative au solde débiteur du compte, fait valoir en ce qui concerne le prêt

- qu'aucune offre n'a été remise aux futurs emprunteurs avant la signature du prêt. De même pour la notice relative à l'assurance.

- que le délai de rétractation n'a pas été respecté, les fonds ayant été remis le 30 mars 1989 alors que le délai expirait le 1er avril 1989,

- que le CMB a manqué à son devoir de conseil en leur accordant un prêt alors que leur taux d'endettement était déjà supérieur à 33 %. De ce fait, il doit être déchu de son droit aux intérêts.

Monsieur et Madame Sylvestre Forquignon soutiennent que leur engagement est nul dans la mesure où :

- la Caisse n'a pas vérifié leur solvabilité,

- l'acte de caution est nul et antidaté,

- l'information obligatoire ne leur a pas été fournie,

Les consorts Forquignon demandent donc à la cour :

- de débouter le CMB de Pace de toutes ses demandes,

- de le "condamner" à ne percevoir que le capital,

- de le condamner à restituer à Monsieur Jean Luc Forquignon les intérêts perçus depuis la première échéance (32 453,44 F), outre les intérêts complémentaires.

- de le condamner au paiement de 5 000 F au titre des frais non répétibles.

Madame Marie Jeanne Chauvin conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation "de l'appelant" à lui payer 4 000 F au titre des frais non répétibles.

La Caisse de Crédit Mutuel de Pace demande la confirmation du jugement, la condamnation solidaire des consorts Forquignon à lui payer 5 000 F pour appel abusif et 8 000 F au titre des frais non répétibles.

Elle fait valoir :

Sur le solde débiteur du compte :

Que Madame Marie Jeanne Chauvin ne le conteste pas,

Que Monsieur Luc Forquignon a été mis hors de cause par le premier juge.

Sur le prêt :

- qu'ayant été consenti en 1989, les consorts Forquignon étaient forclos à contester la régularité de leurs engagements en 1995,

- a titre subsidiaire, elle indique

+ avoir procédé, préalablement à l'offre du prêt, à une étude détaillée des ressources et charges du ménage des emprunteurs,

+ avoir remis aux emprunteurs et aux cautions, comme l'attestent leurs signatures, l'offre préalable, le 23 mars 1989,

+ avoir respecté les exigences des articles L. 311-10 et L. 311-11 du Code de la consommation sur les mentions obligatoires des caractéristiques du prêt,

+ avoir observé le délai de rétractation de sept jours, en ne remettant les fonds que le 31 mars 1989,

+ avoir vérifié la solvabilité des cautions qui ne peuvent se prévaloir de lui avoir caché l'existence d'un commandement de saisie immobilière délivré le 29 septembre 1988 par l'UCB,

+ les avoir régulièrement informées de l'état de remboursement et de la première échéance impayée du prêt, le 21 juillet 1994.

Discussion:

Sur le solde débiteur du compte :

Considérant que Madame Marie Jeanne Chauvin ne conteste pas devoir la somme en principal, de 164,40 F,

Que les remarques de Monsieur Luc Forquignon, mis hors de cause par le premier juge, sont sans objet,

Que la décision sera, sur ce point, entièrement confirmée,

Sur le prêt :

Considérant que, malgré son montant (145 000 F) supérieur au plafond visé à l'article L. 311-2 du Code de la consommation, toutes les parties à la présente convention de prêt ont entendu l'y soumettre,

Qu'en effet l'article 6 du contrat reprend textuellement les dispositions de l'article L. 311-37 du même Code notamment quant au délai pour agir,

Qu'en l'espèce, l'un des débiteurs principaux comme les cautions soutiennent tout d'abord que leurs engagements sont nuls, puisque, s'agissant du débiteur principal, la banque aurait failli à son devoir de conseil en le faisant s'endetter au delà de ses capacités financières, et, s'agissant des cautions, n'aurait pas vérifié leur solvabilité,

Considérant que ces actions en nullité sont, comme l'a relevé le premier juge, atteintes par la forclusion puisque le délai pour agir, qui a couru depuis la conclusion des contrats (30/03/1989), était largement expiré à la date où ces contestations ont été élevées, soit, en l'espèce, après l'assignation en paiement par la Banque (21-27/09/1995),

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il les a déclarées irrecevables,

Considérant toutefois qu'il appartient au prêteur, qui réclame l'exécution des obligations souscrites par les débiteurs principaux et la caution, de prouver qu'il a satisfait aux formalités prescrites par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation,

Qu'en l'occurrence, le prêt étant garanti par une assurance "décès-incapacité-invalidité", selon les mentions de l'offre préalable qui n'en précise toutefois pas les conditions générales ; la notice indiquée à l'article L. 311-12 du même Code aurait dû être remise à l'emprunteur en même temps qu'un exemplaire de l'offre de prêt,

Que, faute de l'avoir fait, le Crédit Mutuel de Bretagne se verra appliquer la sanction prévue par l'article L. 311-33 du Code de la consommation,

Que les débiteurs principaux et les cautions ne seront donc condamnés qu'au remboursement du capital restant dû (36 980,22 F) du capital inclus dans les 6 échéances impayées (12 962,16 F) et de l'indemnité de 8 % (2 958,42 F) diminués des intérêts perçus jusqu'au 1er juillet 1994 (32 194,36 F), date de la première défaillance de l'emprunteur, et des intérêts au taux légal produits par cette dernière somme (3 177 F), soit un solde de (52 900,80 F - 35 371,36 F = 17529,44 F,

Que le jugement sera donc réformé sur ce point,

Qu'il n'est par ailleurs pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes non comprises dans les frais et dépens, qu'elles ont dû supporter tant en première instance qu'en appel;

Que la demande présentée par le prêteur au titre de l'appel, qualifié d'abusif, des consorts Forquignon sera rejetée,

Que les parties, qui succombent toutes partiellement, supporteront chacune leurs dépens d'instance comme d'appel,

Par ces motifs, Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Rennes en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes en nullité du contrat formées par les consorts Forquignon et condamné Madame Marie Jeanne Chauvin à payer au CMB la somme de 164,40 F au titre du solde débiteur du compte avec intérêts, Le réformant pour le reste ; Condamne solidairement les consorts Forquignon à payer au Crédit Mutuel de Bretagne la somme de 17 529,44 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation (21/26 septembre 1995) Déboute le Crédit Mutuel de Bretagne de sa demande au titre de l'appel qualifié d'abusif, Déboute toutes les parties de leurs demandes au titre des frais non répétibles, Dit que toutes les parties supporteront leurs dépens d'instance et d'appel.