CA Bordeaux, 1re ch., 30 juin 1986, n° 4607-84
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mutuelle des Provinces de France (Sté)
Défendeur :
Lapeyre, Le fond de garantie automobile (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Baillot (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Riello, Minvielle
Avoués :
Me Claverie, Rivel, Julia
Avocats :
Mes Dupeux, Durand, Labarre.
La société d'Assurance à forme mutuelle "Mutuelle des Provinces de France" a relevé appel, dans des conditions de recevabilités non contestées, contre Monsieur Lapeyre Jean Marc et le Fonds de garantie automobile (FGA) d'un jugement du Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 19 septembre 1984 qui l'a déboutée de son action tendant à une réduction proportionnelle de la prise en charge des conséquences d'un accident, à raison de la fausse déclaration non intentionnelle de Monsieur Lapeyre et ce en vertu des dispositions de l'article L. 113-9 du Code des assurances e qui a déclaré irrecevable sa demande additionnelle en nullité de contrat, cette même décision l'ayant en outre condamnée à verser à Monsieur Lapeyre la somme de 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les faits de la cause et la procédure ont été très exactement et très complètement exposés par les premiers juges, à la décision desquels il convient de se reporter.
Les moyens et prétentions des parties
La Mutuelle des Provinces de France (MPF) rappelle que les mesures d'instructions ordonnées par les premiers juges permettent de dégager les conclusions suivantes
- la signature apposée au bas de la proposition d'assurance n'est pas celle de Monsieur Lapeyre.
- les primes qu'il a réglées étaient moindre que celles qui auraient résulté d'une déclaration exacte.
- Monsieur Lapeyre était parfaitement au courant de l'assurance.
Monsieur Lapeyre ayant fait valoir qu'il avait déclaré à l'agent d'assurance l'état civil de son fils en vue de l'utilisation du véhicule par ce dernier et que la preuve en résultait de ce que la MPF avait versé aux débats de première instance une proposition d'assurance contenant ces renseignements, la MPF réplique que ce document n'a été établi que pour les besoins de l'instance en cours, les renseignements d'identité ayant été puisés au procès verbal de gendarmerie dressé à l'occasion de l'accident litigieux.
Monsieur Lapeyre ne peut davantage être suivi dans son argumentation tendant à faire valoir le bénéfice d'un contrat tacite d'assurance alors que les primés payées ne sont pas ce qu'elles auraient dû être.
La MPF sollicite en cause d'appel, comme elle l'aval fait en première instance après l'exécution des mesures d'instruction, non plus la réduction proportionnelle de sa prise en charge mais la nullité du contrat en application des dispositions des articles 1109 et 1117 du Code civil pour défaut de signature de la proportion d'assurance par le souscripteur.
Elle demande en outre la condamnation de Monsieur Lapeyre à lui verser 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Lapeyre conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de la demande en nullité présentée en cours d'instance par la MPF en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Cette demande est selon lui différente de sa demande initiale qui avait pour seul objet la réduction proportionnelle de la prise en charge.
Il conteste avoir signé la proposition d'assurance, ainsi que cela a été établi par l'expertise en écriture qui a été faite à la demande des premiers juges. Dès lors il ne peut lui être reproché d'avoir fait une fausse déclaration, fut-elle non intentionnelle. Il ne peut donc être effectué une réduction de prise en charge et ce d'autant qu'il avait donné à l'agent d'assurances tous renseignements utiles pour établir une police couvrant les risques pouvant résulter de la conduite du véhicule par son fils, et dont il a régulièrement payé les primes,
En conséquence la MPF devra le couvrir de toute somme dont il serait redevable en vertu du jugement du Tribunal de grande instance de Grasse en date du 18 janvier 1979, et lui payer en outre la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le FGA reprend l'argumentation développée par Mon- sieur Lapeyre tant sur l'irrecevabilité de la demande en nullité qu'au fond.
Le FGA souligne que la MPF elle même a dans son assignation reconnue que s'il y avait fausse déclaration la preuve de la mauvaise foi de l'assuré n'était pas rapportée, et à fortiori, à partir du moment ou il est établi que Monsieur Lapeyre n'est pas le signataire de la proposition d'assurance aucun grief sur le caractère intentionnel des fausses déclarations ne peut lui être fait.
Quant à la nullité du contrat elle ne saurait être prononcée par application des articles 1108 à 1110 du Code civil ;
Le contrat d'assurance est un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l'assureur et de l'assuré même si la police n'a pas été régularisé par ce dernier.
Or l'assureur a accepté de garantir Monsieur Lapeyre e établissant un contrat, en délivrant une attestation d'assurance et en encaissant les primes que son assuré payait régulièrement.
Discussion et décision de la cour
A) Sur la recevabilité de la demande en nullité du contrat
Il ressort du dossier sans contestation possible, qu'a moment de l'assignation, la MPF était convaincue que la proposition d'assurance qui a abouti au contrat était signée par Monsieur Lapeyre qu à l'occasion du sinistre il s'est révélé que le véhicule assuré pour l'usage exclusif de Monsieur Lapeyre Jean-Marc était en fait habituellement conduit par son fils. Faisant alors crédit de bonne foi à Monsieur Lapeyre Jean Marc, l'assureur l'a seulement assigné en réduction de prise en charge conformément aux dispositions de l'article L. 113-9 du Code des assurances. Le déroulement de la procédure a alors fait apparaître, du fait des dénégations de Monsieur Lapeyre que celui-ci n'était pas le signataire de la proposition d'assurance et dès lors la MPF a estimé pouvoir demander la nullité du contrat.
Curieusement les premiers juges tout en déclarant cette demande irrecevable l'ont cependant jugée mal fondée.
L'article 700 du nouveau Code de procédure civile stipule que toute demande additionnelle est recevable si elle se rat tache aux prétentions originaires par un lien suffisant, l'article 65 spécifiant que "constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures".
En l'espèce il apparaît en fait que la demande en nullité présentée par l'assureur modifie bien ses prétentions antérieures et doit être considérée comme demande additionnelle.
Cette demande intéresse uniquement les mêmes parties au procès, elle concerne le même contrat, la cause de la modification de la demande initiale n'est apparue qu'en cours d'instance par la révélation qu'en a faite le défendeur et confirmée par l'expertise en écriture.
La demande nouvelle est donc bien rattaché par un lien incontestable et suffisant à la demande initiale et sera déclarée recevable.
B) Au fond
Monsieur Lapeyre entend se prévaloir du défaut de signature par lui-même de la proposition d'assurance pour en déduire qu'il n'a pu, de ce fait, faire de fausses déclarations mais en même temps entend tirer toutes les conséquences favorables pour lui d'un contrat qu'il n'a pas signé.
Il soutient en effet qu'en lui adressant les primes à payer l'assureur avait bien donné son consentement à l'assurance, le contrat n'étant destiné qu'à en rapporter la preuve et non à en consacrer la validité.
Certes la Cour de cassation a jugé que le contrat d'assurance constituait un contrat consensuel parfait dès la rencontre des volontés de l'assureur et de l'assuré encore faut-il que cet accord ne soit pas vicié par le dol ou l'erreur. Or en l'espèce non seulement Monsieur Lapeyre n'a pu consentir à un contrat dont il ignorait les clauses puisque ne l'ayant pas signé mais l'assureur lui même a été trompé sur l'étendue même de la garantie alors qu'il a établi une police sur la foi des propositions faussement signées au nom du proposant supposé et relative à un contrat couvrant un conducteur de plus de 25 ans alors qu'en réalité le véhicule était habituellement conduit par le fils du proposant ce qui aurait entrai né une importante majoration du taux de la prime appliqué.
La seconde "proposition " dont se prévaut Monsieur Lapeyre pour tenter d'établir que le MPF savait parfaitement que l'assuré était son fils puisque les renseignements d'Etat Civil de ce dernier y figurent, ne peut être déterminante alors qu'il est évident qu'elle n'a pas été écrite de la même main que la première, qu'elle ne comporte aucune signature et qu'elle a vraisemblablement été établie, comme le soutient la MPF en cours d'instance à titre de renseignement sur le montant des primes qui auraient été dues pour la couverture de la responsabilité du fils, les renseignements d'état civil de ce dernier ayant été précisé dans le procès verbal de gendarmerie dressé à l'occasion de l'accident litigieux.
Il y a donc lieu de prononcer la nullité du contrat d'assurance.
Quant à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sauf à la tenir pour automatique, ce qui ne semble pas avoir été le voeu du législateur, il appartient à celui que en sollicite le bénéfice, de ne pas considérer cette demande comme une simple clause de style mais de justifier tant de l'opportunité de son application que du montant de la somme réclamée.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevables en la forme les appels principal et incident contre le jugement du Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 19 septembre 1984, Infirmant cette décision. Déclare recevable la demande additionnelle de la MPF en nullité de contrat. Prononce la nullité du contrat d'assurance du 7 avril 1978 n° 350 2371 établi au nom de Monsieur Jean-Marc Lapeyre. Déboute les parties de toutes autres demandes Condamne Monsieur Lapeyre Jean Marc aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris ceux de mise en cause du FGA Dit que Maître Claverie, avoué à la cour, qui en a fait la demande aura droit de recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision. Condamne Monsieur Lapeyre au paiement des droits de plaidoirie.