CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 10 octobre 1997, n° 4464-95
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cetelem (SA)
Défendeur :
Guenard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chaix
Conseillers :
Mmes Metadieu, Le Boursicot
Avoués :
SCP Jullien Lecharny Rol, Me Delcaire
Avocats :
Mes Leibovici, Hyest.
Faits et procédure
Par ordonnance du 27 juillet 1993, sur requête de la société Cetelem, le président du Tribunal d'instance de Vanves a enjoint à Madame Guenard de lui payer les sommes de 54 344,75 F en principal, avec intérêts au taux contractuel à compter du 10 juillet 1993 et de 25 F pour frais de mise en demeure.
Cette ordonnance a été signifiée en mairie le 3 août 1993.
Madame Guenard a formé opposition par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 4 novembre 1993.
Devant le tribunal, la société Cetelem a exposé que, par acte sous seing privé en date du 1er août 1987, elle a consenti à Madame Guenard une ouverture de crédit permanent d'un montant de 30 000 F, découvert porté verbalement ultérieurement à la somme de 50 000 F que la somme de 54 344,75 F réclamée à Madame Guenard correspond au solde dû suite au premier incident de paiement non régularisé le 16 juin 1992.
Elle a donc sollicité la confirmation de l'ordonnance d'injonction de payer.
Madame Guenard a répliqué qu'à défaut de contrat écrit versé aux débats, la convention de découvert pour une somme de 50 000 F est nulle et de nul effet.
Elle a donc sollicité le rejet des demandes de la société Cetelem, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement en date du 26 janvier 1995, le Tribunal d'instance de Vanves a rendu la décision suivante :
- déclare Madame Guenard recevable en son opposition,
- au fond par jugement se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer du 27 juillet 1993, condamne Madame Guenard à payer à la société Cetelem la somme principale de 8 440 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 1993,
- condamne Madame Guenard en tous les dépens.
Le 24 avril 1995, la société Cetelem a interjeté appel.
Elle soulève tout d'abord l'irrecevabilité des contestations émises par Madame Guenard pour la première fois le 4 novembre 1993 (date de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer), plus de deux ans après la date de conclusion du contrat, soit après l'expiration du délai de forclusion prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978.
Subsidiairement, elle critique la décision déférée en ce qu'elle a fait application d'office des dispositions de l'article 23 de la loi précitée, qui prévoient la déchéance du droit aux intérêts, alors que l'offre de crédit litigieuse respectait toutes les conditions édictées par l'article 5 de la loi et n'encourait donc aucune sanction ; qu'en effet, si ce contrat prévoyait un découvert permanent de 30 000 F, il y était précisé que ce découvert pouvait, à la demande de l'emprunteur, être porté à la somme de 100 000 F, ce qui a été le cas,en l'espèce.
En dernier lieu, elle souligne que Madame Guenard n'a jamais contesté le principe ou le quantum de sa créance et qu'elle a utilisé le financement qui lui avait été consenti jusqu'au mois de mars 1992.
Elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 1995 par le Tribunal d'instance de Vanves,
Statuant à nouveau,
- déclarer Madame Guenard irrecevable en son action en raison de la forclusion,
- subsidiairement, débouter Madame Guenard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Madame Guenard à payer à la société Cetelem la somme de 56 625,13 F avec intérêts au taux contractuel à compter du 10 juillet 1993,
- la condamner à payer à la société Cetelem la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts,
- la condamner au paiement de la somme de 5 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP Jullien Lecharny Rol, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Madame Guenard soutient qu'elle n'a jamais contesté la validité de l'offre de crédit d'un montant de 30 000 F, mais celle d'une prétendue offre d'un montant de 50 000 F que la société appelante n'a pas versée aux débats ; que d'ailleurs, la société Cetelem a fait état d'un contrat verbal que l'appelante étant dépourvue de titre à son encontre, ne saurait lui reprocher de contester tardivement un acte juridique qui n'existe pas ; que le délai de forclusion n'a pu courir qu'à compter de la date du prononcé de l'ordonnance d'injonction de payer, événement qui a donné naissance à sa contestation.
Elle souligne que l'offre de crédit litigieuse ne respecte pas les dispositions légales et qu'aucune demande du titulaire tendant à voir augmenter le crédit consenti n'a été versée aux débats par la société Cetelem.
Elle demande à la cour de:
- dire la société Cetelem recevable mais mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société Cetelem à lui payer la somme de 10 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société Cetelem en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître Delcaire, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 26 juin 1997 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 9 septembre 1997.
Sur ce LA COUR,
1) Sur la forclusion invoquée par la société Cetelem
Considérant qu'il ressort, tant des motifs du jugement déféré, que des conclusions de Madame Guenard auprès du tribunal d'instance (communiquées par le greffe de cette juridiction), que celle-ci a fait remarquer que la société Cetelem, tout en versant aux débats uniquement l'offre préalable d'ouverture de crédit du 1er août 1987, prévoyant un découvert autorisé de 30 000 F, a fait état d'un prêt d'un montant de 50 000 F que par jugement par mention au dossier en date du 30 août 1994, le tribunal a ordonné la production par la société Cetelem du contrat du 29 août 1989 sur lequel elle fonde sa demande ;
Considérant que, par conséquent, Madame Guenard n'a pas contesté la validité de l'offre préalable de crédit du 1er août 1987, mais celle d'une autre offre préalable de crédit du 29 août 1989, laquelle n'a jamais été versée aux débats et dont la société Cetelem ne se prévaut d'ailleurs plus devant la Cour;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1315 du Code civil, il incombe à la société Cetelem de prouver l'existence des contrats dont elle se prévaut; qu'à défaut de preuve de contrat de crédit pour un montant de 50 000 F, le délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation n'a pas commencé à courir à l'encontre de Madame Guenard et ne saurait lui être opposé, alors même qu'elle a formé opposition dans le délai prévu par l'article 1416 du nouveau Code de procédure civile ; que par conséquent, la cour ne retient pas l'irrecevabilité de l'action de Madame Guenard soulevée par la société Cetelem ;
2) Sur la déchéance du droit aux intérêts:
Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-9 alinéa I du Code de la consommation, l'offre préalable n'est obligatoire que pour le contrat initiai d'ouverture de crédit ; que selon l'alinéa 2 du même article, la durée du contrat est limitée à un an renouvelable qu'il en résulte que l'offre n'a pas à être réitérée chaque année, lors de son renouvellement; que cependant, il n'en est pas de même lorsque le montant du crédit consenti est augmenté, car il s'agit alors d'une nouvelle ouverture de crédit ne bénéficiant pas de la dispense de réitération ;
Considérant que la société Cetelem ne pouvait donc consentir une augmentation du découvert à hauteur de 100 000 F, sans établir au préalable une offre conforme aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978 ; qu'elle ne peut se prévaloir des termes de l'article 11.4 des conditions générales de crédit figurant au verso de l'offre préalable du 1er août 1987, dans la mesure où cet article prévoit l'augmentation du découvert sur demande du titulaire, ce dont la société Cetelem ne justifie nullement ; qu'en tout état de cause, cette augmentation du découvert, même prévue contractuellement, qui ne serait pas matérialisée par une offre préalable ne serait pas conforme aux dispositions légales précitées ;
Considérant que, par conséquent, à défaut d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation, c'est à juste titre que le premier juge a fait application à la société Cetelem de la sanction prévue par l'article L. 311-33 du même Code ; que le prêteur est donc déchu du droit aux intérêts et que l'emprunteur n'est tenu qu'au remboursement du capital ;
3) Sur le montant de la créance de la société Cetelem
Considérant qu'il résulte du détail de créance versé aux débats par l'appelante et non contesté par l'intimée, que le montant total du crédit utilisé par Madame Guenard depuis l'origine est de 117 000 F et que celle-ci a réglé au total la somme de 108 560 F, laquelle doit s'imputer uniquement sur le montant du principal emprunté ; qu'il est ainsi établi que la créance de la société Cetelem, limitée au principal non remboursé, s'élève à la somme de 8 440 F que la cour confirme donc le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame Guenard à payer à la société Cetelem cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 juin 1993;
Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Guenard la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: - confirme en son entier le jugement déféré; Et y ajoutant : - déboute la société Cetelem des fins de toutes ses demandes; - condamne la société Cetelem à payer à Madame Guenard la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - la condamne à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître Delcaire, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.