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Décisions

CA Nîmes, 2e ch., 29 novembre 1989, n° 87-3799

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sanyo France Calculatrices Electroniques (SA)

Défendeur :

Brunel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin (faisant fonction)

Conseillers :

Mmes Julien, Vieux

Avoués :

Mes Fontaine, Tardieu

Avocats :

Mes Idrac, Brun.

T. com. Ales, du 6 oct. 1987

6 octobre 1987

Faits procédure et prétentions des parties

Monsieur Brunel qui exerce sous la raison sociale DIS (Discount Informatique Service) un commerce de grossiste en matériels informatiques à Nîmes a, par lettres des 26 septembre et 12 octobre 1984, commandé à la SA Sanyo France Calculatrices Electroniques sise à Antony, 100 appareils MSX (PHC 28) livrables 10 en septembre, 30 en octobre et 60 en novembre 1984.

Ces 60 derniers appareils n'ont été livrés que le 17 décembre 1984 et Monsieur Brunel, considérant la livraison trop tardive pour que les matériels puissent être commercialisés avant les fêtes de Noël, en a refusé le paiement et les a retournés à la société venderesse le 24 janvier 1985.

La SA Sanyo France a refusé la réception de ces 60 appareils et a assigné Monsieur Brunel devant le Tribunal de commerce d'Ales en paiement du prix de ces 60 appareils, soit la somme de 125 526,24 F avec intérêts de droit à compter du 10 juillet 1985, date de la mise en demeure de payer, et de la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 6 octobre 1987 le Tribunal de commerce d'Ales a constaté la non comparution de la SA Sanyo France et rejeté, faute de preuve justificative de sa créance ses demandes fins et conclusions; statuant sur les demandes reconventionnelle de Monsieur Brunel, le tribunal a condamné la SA Sanyo France à lui payer la somme de 15 000 F de dommages-intérêts pour le préjudice commercial subi par lui et celle de 5 000 F a titre du remboursement des frais engagés pour la dite procédure, le tout avec exécution provisoire et a rejeté toute autre demande,

La SA Sanyo France a interjeté appel du jugement le 4 décembre 1987.

Monsieur Brunel a interjeté appel incident par conclusions du 21 février 1989.

A l'appui de son recours Sanyo France fait valoir un argument de procédure et divers arguments de fond:

- l'appelante considère que le tribunal de commerce ne pouvait accueillir la demande reconventionnelle de Monsieur Brunel qui ne lui avait pas été préalablement notifiée comme l'exigent les dispositions de l'article 69 du nouveau Code de procédure civil,

- au fond, elle soutient que le bon de commande du 12 octobre 1984 qui mentionnait la livraison de 10 appareils en septembre, 30 en octobre et 60 en novembre, n'a aucune valeur contractuelle puisque établi à une date postérieure à celle indiquée pour la première livraison, et qu'en outre Monsieur Brunel n'a émis aucune réserve lors de la livraison des 60 derniers appareils en décembre 1984, n'alléguant des retards que plus d'un mois après cette livraison.

Elle estime donc n'avoir commis aucune faute susceptible de causer un préjudice à Monsieur Brunel et sollicite l'infirmation du jugement du Tribunal de commerce d'Ales qui a accordé des dommages-intérêts à son adversaire.

Elle prétend rapporter la preuve de sa créance de 125 526,24 F par la production du bon de commande, de la facture et de la justification de la livraison du matériel, ainsi que de deux lettres de mise en demeure, et elle sollicite le bénéfice du dispositif de son exploit introductif d'instance ainsi que la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'intimé rappelle que les dates de livraisons étaient impérativement fixées par les bons de commande et que la troisième livraison de 60 appareils, le 17 décembre ne lui a pas permis de commercialiser ceux-ci pour les fêtes de Noel.

Il considère que les délais de livraison constituent à son égard des obligations essentielles et déterminantes; il était donc bien fondé à retourner la marchandise à son vendeur. Il sollicite en conséquence la résolution du contrat et la remis en l'état antérieur, ainsi que le rejet de la demande en paiement formée par la société Sanyo France et sur son appel incident, le bénéfice de sa demande reconventionnelle, soit 20 000 F à titre de réparation de son préjudice et 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il invoque une perte sur chaque appareil pour avoir dû s'approvisionner chez des concurrents de Sanyo France dans des conditions moins avantageuses, en dehors des frais de retour des ordinateurs à son vendeur et les procédures abusives de l'appelante à son égard, tel que saisie arrêt sur son compte bancaire et assignation en liquidation judiciaire.

A l'audience du 14 juin 1989, Monsieur le Président de la huitième chambre a invité les parties à préciser par note en délibérée s'il y avait identité entre les ordinateurs MSX et les PHC 28.

Seul Monsieur Brunel a répondu et par l'affirmative par note du 19 juin 1989.

En effet la note déposée pour le compte de la société Sanyo France, le 29 août 1989 ne répond pas directement à la question précise posée par Monsieur le Président de la huitième chambre et est totalement inexploitable en raison de son caractère hautement technique, sans l'aide d'un expert. Elle ne répond donc pas à la demande précise et de réponse facile qui était soumise aux parties.

Discussion

Les conditions du contrat passé entre la SA Sanyo France et Monsieur Brunel sont établies par deux bons de commande, l'un matérialisé par un accusé de réception établi par Sanyo France le 26 septembre 1984, d'une commande de 50 ordinateurs PHC 28 à expédier vers le 30 septembre et de 30 ordinateurs PHC 28 à expédier vers le 30 octobre, l'autre par une lettre de Brunel à Sanyo France datée du 12 octobre 1984 valant commande de 100 ordinateurs dénommés MSX mais analogues à ceux dénommés PHC 28, soit 10 livrables en septembre, 30 en octobre et figurant déjà sur l'accusé de réception de Sanyo France, 60 livrables en novembre.

Grossiste en matériel informatique, Monsieur Brunel avait passé ses commandes en vue de leur commercialisation pou les fêtes de Noël, ce que ne pouvait ignorer Sanyo France distributeur en gros de matériels informatiques et dont Monsieur Brunel était un client habituel.

Les délais de livraison constituaient donc une condition essentielle et déterminante du contrat.

Si les deux premières livraisons, bien que tardives ont permis la commercialisation des 40 premiers ordinateurs, la troisième, réceptionnée le 17 décembre 1984 ne pouvait permettre à un grossiste de commercialiser avant les fêtes de Noël les 60 ordinateurs ainsi reçus.

Sanyo France, consciente des conséquences dommageable pour l'intimé de ces livraisons tardives, a d'abord accepté de reprendre 20 ordinateurs MSX, puis a refusé de réceptionner les 60 ordinateurs que Brunel lui a retourné le 22 janvier 1985.

N'ayant pas livré dans les délais prévus au contrat les 60 ordinateurs MSX commandés le 12 octobre 1984 pour être livré fin novembre de la même année, Sanyo France a failli à une obligation contractuelle déterminante et ne peut de ce fait exiger paiement de cette marchandise. Sa faute doit entraîner la résolution du contrat et la remise des parties en leur état antérieur.

Cette inexécution de ces obligations contractuelles par l'appelante a causé à Monsieur Brunel un préjudice qui s'es traduit par un manque à gagner sur les ventes qu'auraient pu effectuer l'intimé s'il avait été livré à temps et par l'obligation de faire face à des procédures abusives de la part de Sanyo France, compte tenu des fautes par elle commises.

La demande reconventionnelle présentée devant le tribunal de commerce au cours des débats aux fins de réparation de ce préjudice, était recevable. En effet en application des dispositions de l'article 871 du nouveau Code de procédure civile, la procédure devant le tribunal de commerce est orale, les prétentions des parties étant, soit simplement notées au dossier, soit consignées dans un procès verbal. Les arguments de l'appelante sur l'irrecevabilité de cette demande doivent donc être rejetés.

Cependant Monsieur Brunel ne justifie pas de l'achat de 50 appareils à d'autres fournisseurs que SANYO, ni du paiement des frais de réexpéditions de la marchandise qui a été retournée en port dû.

Les éléments fournis permettent à la cour de fixer l'évaluation de ce préjudice à 15 000 F.

En conséquence il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de paiement de Sanyo France, de faire droit à la demande reconventionnelle de résolution du contrat, de confirmer le jugement tant sur le principe de l'indemnisation de l'intimé que sur le quantum de ce préjudice et de confirmer le montant de la somme allouée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les dépens doivent suivre le sort du principal,

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable mais mal fondé l'appel interjeté à titre principal par la société Sanyo France, et recevable et partiellement bien fondé, l'appel relevé à titre incident par Monsieur Brunel, à l'encontre du jugement rendu le 6 octobre 1987 par le Tribunal de commerce d'Ales. En conséquence, déboute Sanyo France de son appel et de toutes ses demandes et confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions. Y ajoutant, prononce la résolution du contrat de vente de 60 ordinateurs MSX (PHC 28) passé le 52 octobre 1984 entre Sanyo France et Monsieur Brunel et ordonne la remise des parties en leur état antérieur. Condamne Sanyo France aux entiers dépens. Accorde à la SCP Tardieu, avoués, un droit de recouvrement direct pour les frais qu'elle aurait avancés sans avoir reçu provision.