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Décisions

CJCE, 2e ch., 25 juin 1992, n° C-147/91

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Michele Ferrer Laderer

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schockweiler

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Mancini, Murray

Avocats :

Mes Jorge Jordana de Pozas Fuentes, José Manuel Gómez Robles.

CJCE n° C-147/91

25 juin 1992

LA COUR,

1 Par ordonnance du 16 mai 1991, parvenue à la Cour le 31 mai suivant, le Juzgado de lo Penal n° 4 de Alicante a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 67-43-CEE du Conseil, du 12 janvier 1967, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités non salariées relevant: 1) du secteur des "Affaires immobilières (sauf 6401)" (groupe ex 640 CITI), 2) du secteur de certains "Services fournis aux entreprises non classés ailleurs" (groupe 839 CITI) (JO 1967, 10, p. 140).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Ministerio Fiscal à Mme Michele Ferrer Laderer, domiciliée en Espagne, qui s'est établie à Alicante en qualité d'agent immobilier sans être en possession des qualifications professionnelles et des autorisations requises.

3 Saisi par le Ministerio fiscal d'une action pénale contre Mme Michele Ferrer Laderer du chef d'usurpation de fonctions, au sens de l'article 321 du Code pénal espagnol, le Juzgado de lo Penal n° 4 de Alicante a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

"1) L'article 1er du décret du 4 décembre 1969, ensemble avec le décret royal n° 1464-88, établissant que les activités d'intermédiaire et de courtage à l'achat, à la vente et à l'échange de propriétés rurales et urbaines, les prêts hypothécaires sur ces propriétés, les contrats de location de propriétés rurales et urbaines, la cession et le transfert de ces contrats ainsi que les consultations sur la valeur de ces biens en cas de vente, cession ou transfert, sont des fonctions réservées aux agents immobiliers, est-il valide eu égard aux dispositions des articles 3, 2 et 5 de la directive 67-43 du Conseil? Depuis l'entrée en vigueur de cette directive, les États membres peuvent-ils, dans le secteur immobilier en question, attribuer le droit exclusif d'exercer ces activités à un groupe professionnel précis?

2) Un État membre peut-il restreindre, voire exclure, d'une façon ou d'une autre, la mise en œuvre de ladite directive?

3) Les dispositions des directives invoquées permettent-elles à l'État espagnol d'exiger de ressortissants d'autres États membres de la Communauté des titres ou preuves analogues à ceux qui sont requis en Espagne pour pouvoir faire partie de l'ordre des agents immobiliers et pour être habilité à exercer cette profession lorsque de tels titres ou preuves ne leur sont pas demandés dans leur pays d'origine pour l'exercice de ces activités?"

4 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire au principal, du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

5 En ce qui concerne les deux premières questions, il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 28 janvier 1992, Lopez Brea (C-330-90 et C-331-90, Rec. p. I-323), la Cour, saisie de questions identiques par le même juge espagnol, a déjà dit pour droit que la directive 67-43, précitée, ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui réserve certaines activités relevant du secteur des affaires immobilières aux personnes exerçant la profession réglementée d'agent immobilier.

6 Pour répondre à la troisième question, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre le juge national et la Cour de justice qu'instaure l'article 177, il appartient à la Cour de donner au juge national une réponse utile pour la solution du litige dont il est saisi, en interprétant les dispositions de droit communautaire susceptibles de trouver application.

7 Il convient de relever que les règles du traité CEE en matière de liberté d'établissement et les dispositions du droit dérivé, telles que celles de la directive 67-43, peuvent uniquement être invoquées par un ressortissant d'un État membre de la Communauté qui veut s'établir sur le territoire d'un autre État membre ou bien par un ressortissant de ce même État qui se trouve dans une situation qui présente un facteur de rattachement avec l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire.

8 Or, il résulte de documents annexés au mémoire d'observations du Ministerio Fiscal et des déclarations faites par l'avocat de la partie prévenue dans l'affaire au principal au cours de l'audience devant la Cour que Mme Michele Ferrer Laderer est une ressortissante helvétique.

9 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la troisième question que les règles du traité CEE en matière de liberté d'établissement ne s'appliquent qu'à un ressortissant d'un État membre de la Communauté.

Sur les dépens :

10 Les frais exposés par le gouvernement de la République française, le gouvernement du royaume d'Espagne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Juzgado de lo Penal n° 4 de Alicante, par ordonnance du 16 mai 1991, dit pour droit:

1) La directive 67-43-CEE du Conseil, du 12 janvier 1967, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités non salariées relevant: 1) du secteur des "Affaires immobilières (sauf 6401)" (groupe ex 640 CITI), 2) du secteur de certains "Services fournis aux entreprises non classés ailleurs" (groupe 839 CITI), ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui réserve certaines activités relevant du secteur des affaires immobilières aux personnes exerçant la profession réglementée d'agent immobilier.

2) Les règles du traité CEE en matière de liberté d'établissement ne s'appliquent qu'à un ressortissant d'un État membre de la Communauté.