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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 8 juillet 1992, n° 91-2740

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Primard (époux)

Défendeur :

Petrofigaz (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Manier

Conseillers :

Mme Brenot, M. Baumet

Avoués :

SCP Perret & Pougnand, SCP Borel & Calas

Avocats :

Me Chapuis, SCP Cacheux-Mandy-Rinck-Sertelon

TI Bourgoin-Jallieu, du 14 mai 1991

14 mai 1991

Jean-Claude Primard et son épouse Danièle Bouchard ont signé le 21 août 1989 un bon de commande pour la livraison et l'installation d'une cuisine intégrée par la société ADL.

Par l'intermédiaire de cette société, la banque Petrofigaz a consenti aux époux Primard une offre de crédit pour un montant de 50 000 F destiné à financer l'installation de la cuisine.

Le 10 octobre 1989 les époux Primard ont, sur papier libre, demandé à la banque Petrofigaz de " débloquer les fonds de la cuisine, soit un montant de 50 000 F, au profit de la société ADL qui stockera la cuisine à leur demande pour le franc symbolique " ;

Le 11 octobre 1989, les époux Primard ont signé un " bon à payer ", et apposé sur l'imprimé, la mention " lu et approuvé " au bas de l'indication " en cas d'installation ou de travaux. - signature du client ".

Au vu de ce documant, la banque a débloqué les fonds au profit de la société ADL ; les époux Primard ont payé les échéances à compter de mai 1990 ; cependant Me Billoud les informait le 29 août 1990 que compte tenu de la liquidation judiciaire de la société ADL, la cuisine ne serait pas livrée.

Les échéances de septembre, octobre et novembre n'ayant pas été payées, la société Petrofigaz a invoqué la déchéance du terme puis a fait assigner les époux Primard devant le Tribunal d'instance de Bourgoin-Jallieu pour les voir condamnés à lui payer la somme de 58 235 F, les intérêts au taux du prêt, la clause pénale, 1 500 F à titre de dommages-intérêts et 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 14 mai 1991 la tribunal a condamné " conjointement et solidairement les époux Primard à payer à la banque Petrofigaz la somme de 54 429,04 F jusqu'au parfait paiement et dit qu'ils pourraient s'acquitter en 24 mensualités égales.

Les époux Primard ont fait appel de ce jugement et invoqué les dispositions de l'article 9 de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs, selon lesquelles les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien de la prestation.

Ils soutiennent que puisque la livraison n'a pas eu lieu, le contrat principal est résolu, et le contrat de crédit annulé de plein droit.

Ils concluent au rejet des demandes de la société Petrofigaz et à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation du jugement en ce qu'il a réduit le montant de la clause pénale et accordé des délais.

La société Petrofigaz répond que les époux Primard sont mal fondés à se retrancher derrière les dispositions de l'article 9 de la loi du 10 janvier 1978 puisque ce n'est qu'ensuite de leurs propres déclarations qu'elle a débloqué les fonds ; qu'elle-même n'a commis aucune faute et a respecté les dispositions de cette loi.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner les époux Primard à lui payer 58 235 F en capital, intérêts et clause pénale, outre intérêts à 14 % du jour de la déchéance du terme jusqu'au règlement définitif, et 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs et décision :

La loi du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit a posé le principe de la dépendance entre le crédit et le contrat principal ; en particulier il résulte de l'article 9 d'une part, que les obligations de l'emprunteur ne commencent qu'à la livraison du bien ou la fourniture de la prestation, d'autre part que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat principal relatif à la fourniture et à l'installation d'éléments de cuisine est résolu du fait de la procédure collective dont fait l'objet le vendeur, la société ADL.

En conséquence, les époux Primard à juste titre invoquent les dispositions de la loi et concluent en raison de la résolution de plein droit du contrat de crédit, au rejet des demandes de la banque Petrofigaz laquelle, aux termes de l'article 10 de la même loi, se voit reconnaître une action en garantie du remboursement du prêt contre le vendeur du fait duquel la résolution est survenue.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement du Tribunal d'instance de Bourgoin-Jallieu du 14 mai 1991 et statuant à nouveau, Constate que du fait de la résolution du contrat principal conclu entre la société ADL et les époux Primard par l'effet de la liquidation judiciaire du vendeur, le contrat de crédit entre la société Petrofigaz et les époux Primard est lui-même résolu de plein droit, Rejette en conséquence toutes les demandes formulées par la banque Petrofigaz à l'encontre des époux Primard, Condamne la banque Petrofigaz à tous les dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Perret et Pougnand, avoués, à recouvrer directement ceux des frais dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.