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Décisions

Cass. 1re civ., 13 février 1996, n° 93-20.894

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lambart, Bellocq, Guez, Reuter, Sales (Epoux), Sitruk, Ghouti (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fouret (faisant fonction)

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

Mes Choucroy, Blondel, Le Prado, SCP Boré, Xavier, SCP Boulloche, SCP Célice, Blancpain, SCP Defrénois, Levis.

Paris, du 1er oct. 1993

1 octobre 1993

LA COUR : - Attendu que Mme Frederix, épouse Lambart, M. Bellocq, M. Bitan, M. Guez, M. Reuter, les époux Sales, M. Sitruk, et les époux Ghouti, bénéficiaires de promesses de vente de lots de copropriété dans un immeuble à rénover dans le cadre d'une opération de restauration immobilière bénéficiant des avantages fiscaux prévus par la loi du 4 août 1962, promesses consenties par la société Renovex et souscrites par l'intermédiaire du cabinet Danas, agent immobilier, ont, par actes dressés par M. X, notaire, acquis ces lots et, pour en payer le prix et financer les travaux, emprunté des sommes d'argent à divers établissements financiers ; que la société venderesse ayant été déclarée en redressement puis en liquidation judiciaire, les acquéreurs ont assigné le mandataire-liquidateur en résolution des contrats de vente, en invoquant l'absence de délivrance de la chose vendue ; qu'ils ont demandé la résolution par voie de conséquence des contrats de crédit ; qu'ils ont enfin invoqué la responsabilité des banques, pour manquement à leur devoir de conseil, et celle du notaire, pour ne pas avoir vérifié l'exactitude des déclarations des vendeurs sur la situation des biens vendus ; que l'arrêt attaqué a prononcé la résolution des ventes, débouté les acquéreurs- emprunteurs de leurs demandes en résolution des contrats de crédit et de leurs actions en déclaration de responsabilité dirigée contre les banques et le notaire ; qu'il les a enfin condamnés au paiement de sommes d'argent aux établissements prêteurs ;

Sur le premier moyen : - Attendu que Mme Frederix, épouse Lambart, M. Bellocq, M. Guez, M. Reuter, les époux Sales, M. Sitruk et les époux Ghouti font grief à cet arrêt de les avoir déboutés de leur demande tendant à voir constater la responsabilité de M. X, alors, selon le moyen, qu'il appartenait au notaire de vérifier la disparition de tous droits antérieurs aux ventes pouvant faire obstacle à la délivrance des lots vendus ; qu'en écartant la faute du notaire par un motif général, selon lequel la présence d'un locataire ne serait pas un obstacle juridique à une opération de rénovation dans le cadre de la loi du 4 avril 1962, sans avoir égard aux mentions de l'acte relatives à la situation juridique de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'à juste titre le notaire avait invoqué la validité et l'efficacité des actes par lui établis et avait fait valoir que, indépendamment de l'occupation des lieux, la propriété des lots avait été transférée, les consorts Frederix se bornant à procéder, au demeurant, par voie de simple affirmation ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans se prononcer par un motif d'ordre général, que la preuve n'était pas rapportée d'un manquement de M. X à ses obligations ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir écarté la responsabilité des banques en retenant que celles-ci avaient pour unique obligation de verser les fonds prêtés, sans prendre en considération leur qualité de professionnel du crédit qui leur imposait un devoir de conseil et sans rechercher si elles n'avaient pas manqué à ce devoir ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, a retenu qu'il ne résultait pas des pièces versées aux débats que les banques seraient intervenues comme intermédiaires spécialisés, en parfaite connaissance de l'opération, qu'elles ne pouvaient s'immiscer dans les relations contractuelles entre le vendeur et les investisseurs, que les offres de prêt satisfaisaient aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, que les demandeurs n'étaient pas fondés à prétendre que le déblocage des fonds relatifs aux travaux serait intervenu sans respecter les conditions prévues, ces fonds ayant été débloqués sur appels signés par l'emprunteur ou sur ordre du bénéficiaire portant la mention " bon pour acceptation " ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre des établissements de crédit ; d'où il suit que le moyen ne peut être davantage accueilli que le précédent ;

Mais sur le moyen de pur droit relevé d'office dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile : - Vu article L. 312-12, alinéa 1er, du Code de la consommation, ensemble l'article 1184 du Code civil ; - Attendu que, selon le premier de ces textes, l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans le délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ;

Attendu que, pour débouter les emprunteurs de leur demande en résolution des contrats de crédit, l'arrêt attaqué retient que ces prêts étaient régis par la loi du 13 juillet 1979 sous l'emprise de laquelle la résolution du contrat de vente n'entraîne pas celle du contrat de prêt, lequel constitue un contrat distinct par son objet et par sa cause ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en raison de l'effet rétroactif attaché à la résolution judiciaire des contrats de vente, ceux-ci étaient réputés n'avoir jamais été conclus, de sorte que les prêts étaient résolus de plein droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur la demande de M. X tendant à sa demande de mise hors de cause sur le moyen relevé d'office : - Attendu qu'il convient d'accueillir cette demande ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Lambart, MM. Bellocq, Bitan, Guez, Reuter, les époux Sales, M. Sitruk et les époux Ghouti de leurs demandes en nullité des contrats de crédit, et les a condamnés à payer des sommes d'argent aux banques prêteuses, l'arrêt rendu le 1er octobre 1993, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.