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Décisions

Cass. 1re civ., 13 novembre 1997, n° 95-18.276

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Voitey-Roiena (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Aubert

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Boré, Xavier, SCP Gatineau.

Paris, du 19 mai 1995

19 mai 1995

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 1995), qu'aux termes d'un acte reçu le 5 mars 1991 par M. Voitey, notaire, membre de la SCP Voitey-Roiena, la société Simmo a promis de vendre à M. Gabizon un appartement ; que cette promesse, qui expirait le 26 avril 1991, était consentie sous la condition suspensive de l'obtention par le bénéficiaire, auprès de l'établissement bancaire de son choix, d'un prêt de 550 000 francs d'une durée non supérieure à 5 ans et pour un taux maximum de 13 % l'an ; qu'en outre le bénéficiaire versait une indemnité d'immobilisation de 300 000 francs remise au caissier de l'office notarial à titre de séquestre ; que, consulté par M. Gabizon, le Crédit foncier de France a averti celui-ci, par une lettre du 21 mars 1991, que la demande de prêt qu'il avait présentée n'était pas recevable et la SCP., au vu de cette lettre, a restitué à M. Gabizon la somme séquestrée ; que la société Simmo a alors demandé que l'indemnité lui soit déclarée acquise et que la SCP soit condamnée in solidum avec M. Gabizon à lui en restituer le montant ; que l'arrêt attaqué a accueilli ces demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la SCP reproche à l'arrêt de l'avoir ainsi condamnée, alors que, d'une part, en estimant que seul le rejet d'une demande de prêt d'un montant conforme aux stipulations de la promesse pouvait caractériser la défaillance de la condition légale, la cour d'appel aurait violé les articles L. 312-15, L. 312-16 et L. 312- 17 du Code de la consommation ; et que, d'autre part, en considérant que la condition devait être considérée comme accomplie aux motifs que M. Gabizon n'avait pas justifié de ces démarches et ne démontrait pas ainsi avoir demandé l'octroi d'un prêt conforme aux stipulations de la promesse, la cour d'appel aurait inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que la cour d'appel énonce que, faute par le bénéficiaire de la promesse d'avoir demandé l'octroi d'un prêt conforme aux stipulations de celle-ci, la condition suspensive devait être réputée accomplie par application de l'article 1178 du Code civil ; qu'ensuite il appartient à l'emprunteur de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente ; que la cour d'appel, qui a constaté que cette preuve n'était pas rapportée, a donc exactement décidé qu'il était acquis que l'emprunteur avait empêché la réalisation de la condition ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Et, sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir condamné la SCP à payer la somme de 300 000 francs, alors que, d'une part, en imputant à faute au notaire de ne pas avoir subordonné la restitution de la somme séquestrée à l'accord des parties, la cour d'appel aurait violé l'article L. 312-16, alinéa 2, du Code de la consommation, ensemble l'article 1960 du Code civil ; que, d'autre part, en imputant à faute au notaire de ne pas avoir obtenu l'accord des parties, qui l'avaient institué séquestre, pour restituer la somme, la cour d'appel aurait méconnu les termes de la convention et violé les articles 1134 et 1960 du Code civil ; et alors que, enfin, en reprochant au notaire de ne pas avoir vérifié la réalité de la défaillance de cette condition ou son imputabilité au bénéficiaire de la promesse, la cour d'appel aurait violé l'article L. 312-16, alinéa 2, du Code de la consommation, ensemble l'article 1960 du Code civil ;

Mais attendu que c'est par une exacte application des articles L. 132-16 du Code de la consommation et 1960 du Code civil, que l'arrêt, qui n'impose nullement au notaire la charge d'apprécier le bien-fondé de la demande de restitution de la somme déposée à titre d'indemnité d'immobilisation, énonce que le séquestre de cette indemnité ne peut en restituer le montant au bénéficiaire de la promesse de vente que lorsqu'il est établi que la condition suspensive ne s'est pas accomplie ; que c'est donc à bon droit, et sans violer l'article 1134 du Code civil, que la cour d'appel a décidé qu'en remettant la somme sequestrée à M. Gabizon sans s'assurer de la défaillance de cette condition, la SCP avait commis une faute et engagé sa responsabilité ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.