Cass. 1re civ., 31 mars 1992, n° 91-04.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Massip (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Savatier
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Me Henry
LA COUR : - Attendu que la société Union de crédit pour le bâtiment (l'UCB) a consenti un prêt de 310 000 francs aux époux Deneux pour financer l'acquisition d'une maison ; que la déchéance du terme est intervenue pour non-paiement des échéances ; que l'immeuble a été vendu le 17 août 1988, pour un prix de 442 500 francs insuffisant pour payer la somme restant due ; qu'une procédure de redressement judiciaire civil a été ouverte le 22 mars 1990, pour Mme Deneux, et le 4 juin 1990, pour son époux ; que les procédures ayant été jointes, le juge d'instance a pris des mesures de redressement ; qu'imputant le prix de vente sur le capital restant dû, ce qui assurait son entier remboursement, il a considéré que la créance de l'UCB était " annulée " ; que la cour d'appel a confirmé sur ce point la décision ;
Sur les première et quatrième branches du moyen : - Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir violé, ensemble, l'article 2 du Code civil, les articles 12, alinéa 4, et 18 de la loi du 31 décembre 1989, en appliquant la réduction du montant de la fraction du prêt restant due à l'établissement de crédit après la vente amiable du logement du débiteur, à une vente conclue avant l'entrée en vigueur de cette loi et plus d'un an avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du débiteur ainsi qu'en supprimant la dette subsistante au lieu de la réduire ;
Mais attendu d'abord, que les dispositions de l'article 12, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1989, sont applicables sans qu'il y ait lieu de distinguer si la vente du logement du débiteur est intervenue avant ou après l'entrée en vigueur de cette loi ;
Attendu ensuite, que la commission instituée par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 ne pouvait être saisie avant son entrée en vigueur ; qu'il s'ensuit que le délai d'un an au-delà duquel le bénéfice de l'alinéa 4, de l'article 12, ne peut plus être invoqué, s'il n'a été interrompu par la saisine de la commission, n'a pu courir qu'à compter du 1er mars 1990, date d'entrée en vigueur de la loi ; que dès lors, en l'espèce, l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire civil le 22 mars 1990, a interrompu ce délai ;
Et attendu, enfin, que la faculté laissée au juge de réduire le montant de la fraction du prêt restant due dans des proportions telles que son paiement, assorti d'un échelonnement, soit compatible avec les ressources et les charges du débiteur, permet une remise totale de la dette si cette mesure est seule compatible avec les ressources et charges du débiteur ; que le moyen, en ses première et quatrième branches, ne peut donc être accueilli ;
Mais sur les deuxième et troisième branches du moyen : - Vu les articles 1er et 12 de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 ; - Attendu que selon ces textes, les mesures de redressement judiciaire civil que le juge est autorisé à prendre ne s'appliquent qu'aux dettes exigibles ou à échoir au jour où il statue ;
Attendu que pour se prononcer comme il a fait, l'arrêt attaqué énonce que les termes généraux de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1989, ne permettent pas de dire que l'imputation des paiements sur le capital ne concerne que les versements futurs et que le juge a fait une saine application de la loi en " annulant " la créance, dont la cour d'appel relève qu'en considération de l'imputation des paiements en priorité sur le capital, elle représente des intérêts que le juge a le pouvoir de réduire ;
Attendu cependant qu'en faisant porter les mesures de redressement sur un versement intervenu avant sa décision, lequel valant paiement partiel avait éteint la dette à due concurrence et selon l'ordre d'imputation prévu par l'article 1254 du Code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la cinquième branche du moyen : - Vu l'article 12, alinéa 4, de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 ; - Attendu qu'aux termes de ce texte, c'est par une décision spéciale et motivée que le juge du redressement judiciaire civil peut réduire le montant de la fraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de crédit après la vente du logement principal du débiteur ;
Attendu cependant que la cour d'appel qui n'a pas motivé sa décision autrement qu'en affirmant que la réduction était légalement autorisée, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 1991, entre les parties, par la Cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse.