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Décisions

CJCE, 7 février 1985, n° 135-83

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

HBM Abels

Défendeur :

Direction de la Bedrijfsvereniging voor de Metaalindustrie en de Electrotechnische Industrie

CJCE n° 135-83

7 février 1985

LA COUR,

1. Par ordonnance du 28 juin 1983, parvenue à la Cour le 11 juillet suivant, le Raad Van Beroep de Zwolle a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 1er, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive 77-187 du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L 61, p. 26).

2. Ces questions ont été posées dans le cadre d'une procédure engagée par M. HBM Abels contre la direction de la Bedrijfsvereniging Voor de Metaalindustrie en de Electrotechnische Industrie (fédération professionnelle de la métallurgie et de l'électrotechnique, ci-après dénommée 'Bedrijfsvereniging').

3. Le requérant au principal était employé par la société à responsabilité limitée Machinefabriek Thole BV (ci-après dénommée "Thole"), à Enschede, lorsque celle-ci, par décisions successives de l'Arrondissementsrechtbank d'Almelo, a obtenu une "surseance van betaling" (sursis de paiement), respectivement à titre provisoire et à titre définitif le 2 septembre 1981 et le 17 mars 1982, avant d'être, le 9 juin 1982, mise en faillite. C'est dans le cadre de cette procédure de faillite qu'en vertu d'un accord conclu par le syndic, l'entreprise Thole a été transférée, avec effet au 10 juin 1982, à la société à responsabilité limitée transport Toepassing en Produktie BV (ci-après dénommée "TTP"), à Enschede, qui a continué l'exploitation de l'entreprise en reprenant la plupart des travailleurs, dont M. Abels.

4. Ce dernier n'ayant reçu ni de Thole ni de TTP son salaire pour la période du 1er au 9 juin 1982, pas plus que le paiement de ses congés acquis pendant l'année de référence et une part proportionnelle de la gratification de fin d'année, il a cherché à obtenir ces sommes de la Bedrijfsvereniging, tenue, selon lui, à titre subsidiaire, à les verser en vertu de la législation néerlandaise.

5. Cette demande a été rejetée au motif qu'en vertu des articles 1639 a) et 1639 b) du Code civil néerlandais, introduits par la loi du 15 mai 1981 aux fins de la mise en œuvre de la directive 77-187, précitée, les obligations de Thole à l'égard des travailleurs nées du contrat de travail devaient être acquittées par TTP et qu'il n'y avait donc pas lieu pour la Bedrijfsvereniging d'intervenir.

6. La directive 77-187, arrêtée par le Conseil sur la base notamment de l'article 100 du traité, vise, aux termes de ses considérants, à "protéger les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits". A cette fin, elle dispose, à son article 3, paragraphe 1, que "les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert... sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire". L'article 4, paragraphe 1, assure la protection des travailleurs concernés contre le licenciement par le cédant ou le cessionnaire, sans préjudice, toutefois, des "licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi". En outre, la directive impose, à son article 6, au cédant et au cessionnaire certaines obligations d'informer et de consulter les représentants des travailleurs concernés par le transfert. Enfin, l'article 7 précise que la directive "ne porte pas atteinte à la faculté des Etats membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions... plus favorables aux travailleurs".

7. M. Abels a formé un recours contre la décision de rejet de la Bedrijfsvereniging devant le Raad van Beroep de Zwolle, lequel, estimant que la décision à rendre dépendait de questions relatives à l'interprétation de dispositions de la directive 77-187, a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1°) Le champ d'application de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77-187-CEE s'étend-il également à la situation dans laquelle le cédant de l'entreprise a été déclaré en état de faillite ou a obtenu une "surseance van betaling" ?

En cas de réponse affirmative à la première question :

2°) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 77-187-CEE doit-il être interprété en ce sens que les obligations du cédant, qui sont transférées au cessionnaire du fait du transfert de l'entreprise, comprennent aussi les obligations résultant du contrat de travail ou de la relation de travail et nées avant la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1 ? "

Sur la première question

Sur la définition du champ d'application de la directive

8. Pour ce qui est de la première question, il convient d'observer, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77-187, définissant le champ d'application ratione materiae de cette directive, celle-ci "est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion", cette dernière n'entrant pas en considération en l'espèce. La question vise à savoir si cette définition inclut le cas où le cédant de l'entreprise a été déclaré en état de faillite ou a obtenu une "surseance van betaling", étant entendu que l'entreprise en cause fait partie de la masse de faillite ou est couverte par la "surseance van betaling".

9. Selon la requérante au principal, le Gouvernement néerlandais et la Commission, le terme "overdracht krachtens overeenkomst" figurant dans le texte néerlandais de la directive indique que le champ d'application de celle-ci se limite aux seuls transferts effectués sur la base de conventions conclues volontairement, à l'exclusion de tout transfert ayant lieu dans le cadre d'une procédure judiciaire visant soit à la liquidation collective et forcée du patrimoine du débiteur, soit à l'aplanissement des difficultés financières de celui-ci afin de prévenir une telle liquidation. Lesdites procédures seraient exclues, même dans le cas où il s'agit d'une vente de gré à gré, puisque l'élément essentiel de l'autonomie contractuelle ferait défaut dès lors que le transfert impliquerait l'intervention du juge et que le contenu tant formel que matériel de la vente serait déterminé par la mise en balance des intérêts respectifs, propres à ces procédures.

10. La Bedrijfsvereniging et le Gouvernement danois, en revanche, font valoir que la disposition litigieuse, interprétée textuellement, ne contient aucun élément de nature à laisser supposer que la directive exclut de son champ d'application le transfert effectué à la suite d'une vente par un syndic de faillite ou un débiteur ayant obtenu une "surseance van betaling".

11. Un examen comparé des différentes versions linguistiques de la disposition dont il s'agit fait apparaître des divergences terminologiques entre ces versions, pour ce qui est du transfert résultant d'une cession. Alors que les versions allemande ('vertragliche ubertragung'), française ('cession conventionnelle'), hellénique ('symssatikh ekxvrhsh'), italienne ('cessione contrattuale') et neerlandaise ('overdracht krachtens overeenkomst') ne visent clairement que les cessions intervenues en vertu d'un contrat, permettant ainsi de conclure que d'autres modalités de cession, telles que celles résultant d'un acte administratif ou d'une décision de justice, sont exclues, les versions anglaise ('legal transfer') et danoise ('overdragelse') semblent indiquer un champ d'application plus large.

12. En outre, il convient de noter que le contenu de la notion de cession contractuelle diffère dans le droit de la faillite des Etats membres, ainsi que la présente procédure l'a fait apparaître. Alors que certains Etats membres considèrent dans certaines hypothèses la vente effectuée dans le cadre d'une procédure de faillite comme une vente contractuelle normale, même si l'intervention de l'autorité judiciaire est un préalable à la conclusion d'un tel contrat, d'autres systèmes juridiques partent dans certaines hypothèses de la conception que la vente intervient en vertu d'un acte d'autorité publique.

13. En présence de ces divergences, on ne saurait apprécier la portée de la disposition litigieuse sur base de la seule interprétation textuelle. Il convient donc d'éclairer sa signification eu égard à l'économie de la directive, à sa place dans le système du droit communautaire par rapport aux régimes des faillites, ainsi qu'à sa finalité.

Sur les rapports entre la directive et le droit de la faillite

14. Ainsi qu'il ressort des considérants, précités, de la directive 77-187, celle-ci vise à protéger les travailleurs pour assurer le maintien de leurs droits en cas de transfert d'entreprise.

15. Le droit de la faillite est caractérisé par des procédures spéciales qui ont pour objet la mise en balance des divers intérêts, notamment ceux des différentes catégories de créanciers, ce qui implique dans tous les Etats membres l'existence de règles spécifiques dont l'effet peut être une dérogation, au moins partielle, à d'autres dispositions, de nature générale, parmi lesquelles les dispositions du droit social.

16. La spécificité du droit de la faillite, rencontrée dans tous les systèmes juridiques des Etats membres, se trouve également confirmée en droit communautaire. L'article 1er, paragraphe 2, sous d), de la directive 75-129 du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 48, p. 29), laquelle a été arrêtée, de même que la directive 77-187, en vue de réaliser les objectifs de l'article 117 du traité, exclut expressément de l'application de cet acte les travailleurs touchés par la cessation des activités de l'établissement "lorsque celle-ci résulte d'une décision de justice". En outre, la spécificité du droit de la faillite a encore trouvé une expression avec l'adoption de la directive 80-987 du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283, p. 23). Cette directive instaure un régime de garantie des créances salariales impayées qui s'applique également à des entreprises mises en faillite.

17. A cela s'ajoute que les règles relatives aux procédures de faillite et aux procédures analogues sont très diverses dans les différents Etats membres. Cette constatation, en liaison avec le fait que le droit de la faillite est soumis, tant dans les systèmes juridiques des Etats membres que dans l'ordre juridique communautaire, à des règles spécifiques, permet de conclure que si la directive avait été destinée à s'appliquer également aux transferts d'entreprises intervenus dans le cadre de telles procédures, une disposition expresse y aurait été insérée à cette fin.

Sur la finalité de la directive

18. Cette interprétation de la directive 77-187 s'impose également après l'examen de la finalité de celle-ci. Ses considérants font apparaître que la protection des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, que la directive se propose d'assurer, s'inscrit dans la perspective de "l'évolution économique" et de la nécessité, énoncée à l'article 117 du traité, "de promouvoir l'amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d'œuvre permettant leur égalisation dans le progrès". Ainsi que la Commission l'a expliqué à juste titre, l'objectif de la directive est donc d'empêcher que la restructuration à l'intérieur du Marché commun ne s'effectue au préjudice des travailleurs des entreprises concernées.

19. Les parties sont partagées pour ce qui est de l'appréciation de l'effet économique et social, bénéfique ou préjudiciable aux intérêts des travailleurs, d'une éventuelle applicabilité de la directive en cas de faillite ou de procédure analogue.

20. La Bedrijfsvereniging et le Gouvernement danois considèrent que la directive est applicable à une telle situation aux motifs que les salariés dont l'employeur a été mis en faillite sont précisément ceux qui ont le plus besoin de protection et que, d'autre part, lorsqu'une telle protection est assurée, tant les travailleurs que la masse de faillite sont normalement plus inclinés à poursuivre l'exploitation de l'entreprise jusqu'à ce qu'un transfert intervienne.

21. En revanche, le Gouvernement néerlandais et la Commission invoquent certaines conséquences économiques défavorables à la protection des travailleurs dans l'hypothèse où la directive devrait s'appliquer aux transferts d'entreprises en cas de faillite ou de "surseance van betaling". A leur avis, une telle extension du champ d'application de la directive pourrait dissuader un cessionnaire potentiel d'acquérir l'entreprise à des conditions acceptables par la masse des créanciers qui, dans ce cas, serait amenée à vendre les actifs de l'entreprise séparément. Or, cela impliquerait une perte de tous les emplois de l'entreprise, à l'encontre de l'effet utile de la directive.

22. Cette divergence d'appréciation fait apparaître qu'il existe en l'état actuel du développement économique une large part d'incertitude en ce qui concerne les incidences sur le marché du travail de transferts d'entreprises en cas d'insolvabilité de l'employeur et les mesures appropriées à prendre afin de protéger au mieux les intérêts des travailleurs.

23. Il résulte de ce qui précède qu'on ne saurait exclure le risque sérieux d'une détérioration, au plan global, des conditions de vie et de travail de la main-d'œuvre, contrairement aux objectifs sociaux du traité. On ne saurait donc conclure que la directive 77-187 impose aux Etats membres l'obligation d'étendre les règles qu'elle prescrit aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements intervenus dans le cadre d'une procédure de faillite visant, sous le contrôle de l'autorité judiciaire compétente, à la liquidation des biens du cédant.

24. Il convient toutefois de préciser que, si en raison des considérations exposées ci-dessus de tels transferts ne rentrent pas dans le champ d'application de ladite directive, les Etats membres sont libres d'appliquer de façon autonome, en tout ou en partie, les principes de cette directive, sur la base de leur seul droit national.

Sur l'application de la directive en cas de "surseance van betaling"

25. Bien qu'en l'espèce le transfert de l'entreprise ait été effectué dans le cadre d'une procédure de faillite, la question posée par la juridiction nationale vise également l'hypothèse d'un transfert intervenu dans le cadre d'une procédure du type de celle d'une "surseance van betaling" (sursis de paiement).

26. Les parties diffèrent dans leur appréciation sur le point de savoir si un tel transfert doit suivre les mêmes règles, en ce qui concerne l'application de la directive 77-187, qu'un transfert effectué à la suite d'une vente par un syndic de la faillite. A cet égard, le Gouvernement néerlandais et la Commission font valoir que les raisons qui s'opposent à une extension du champ d'application de la directive aux transferts d'entreprises intervenus dans le cadre d'une procédure de faillite s'opposent également à son applicabilité en cas d'un sursis de paiement accordé au cédant.

27. En revanche, la Bedrijfsvereniging et le Gouvernement danois semblent considérer que la directive 77-187 devrait être d'application lorsque le cédant a obtenu un sursis de paiement, même dans l'hypothèse ou elle ne serait pas applicable à un transfert effectué dans le cadre d'une procédure de faillite. Sinon, le sursis de paiement pourrait être sollicité précisément en vue du transfert, au détriment des droits des travailleurs.

28. Il convient de constater qu'une procédure du genre de celle d'une "surseance van betaling" présente certaines caractéristiques communes avec la procédure de faillite, à l'instar de laquelle, notamment, elle revêt un caractère judiciaire. Elle est toutefois distincte de celle-ci en ce que le contrôle exercé par le juge, tant sur l'ouverture que sur le déroulement de la procédure, est d'une portée plus restreinte. En outre, l'objectif d'une telle procédure est en premier lieu la sauvegarde de la masse et, le cas échéant, la poursuite de l'activité de l'entreprise au moyen d'un sursis collectif de paiement en vue de trouver un règlement permettant d'assurer l'activité de l'entreprise à l'avenir. A défaut d'un tel règlement, une procédure de ce genre peut, comme en l'espèce, aboutir à la mise en état de faillite du débiteur.

29. Il s'ensuit que les raisons qui s'opposent à l'application de la directive aux transferts d'entreprises intervenus dans le cadre d'une procédure de faillite ne sont pas valables pour une procédure de ce type intervenue à un stade antérieur.

30. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77-187 du Conseil, du 14 février 1977, ne s'applique pas au transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement dans une situation dans laquelle le cédant a été déclaré en état de faillite, étant entendu que l'entreprise ou l'établissement en cause fait partie de la masse de faillite, sans préjudice toutefois de la faculté des Etats membres d'appliquer à un tel transfert de façon autonome les principes de la directive. Celle-ci s'applique cependant au transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement à un autre chef d'entreprise intervenu dans le cadre d'une procédure du type de celle d'une "surseance van betaling" (sursis de paiement).

Sur la seconde question

31. La seconde question vise en substance à savoir si l'article 3, paragraphe 1er, de la directive 77- 187 doit être interprété en ce sens qu'il englobe également les obligations du cédant, résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail, nées antérieurement à la date du transfert.

32. Aux termes du premier alinea de la disposition susvisée, "les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire". Le second alinéa précise toutefois que "les Etats membres peuvent prévoir que le cédant est, également après la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, et à coté du cessionnaire, responsable des obligations résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail".

33. La Bedrijfsvereniging et la Commission soutiennent que la disposition litigieuse englobe toutes les obligations incombant au cédant du fait d'un contrat de travail ou d'une relation de travail, y compris les créances des travailleurs déjà exigibles à l'égard de l'ancien employeur. Cela résulterait du but de la directive qui viserait à la protection des travailleurs et, plus particulièrement, à la sauvegarde de leurs droits lors d'un changement d'employeur.

34. En revanche, le Gouvernement néerlandais estime que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle ne vise pas le transfert des dettes nées avant le transfert de l'entreprise, dès lors qu'en vertu d'un principe reconnu du droit des contrats, un débiteur ne pourrait transférer ses dettes à un tiers sans le concours de ses créanciers. Le législateur national serait toutefois libre de déclarer le nouvel employeur responsable de ces dettes, à coté de l'ancien employeur, afin de supprimer le risque pour les travailleurs résultant de l'éventuelle disparition du cédant après le transfert.

35. Le Gouvernement danois, quant à lui, distingue entre le transfert d'une entreprise à la suite d'une vente normale, y compris dans une situation de sursis de paiement, et le transfert d'une entreprise par une masse de faillite. Alors que, dans le premier cas, le cessionnaire succéderait au cédant dans toutes ses obligations découlant d'une relation de travail, il ne serait pas tenu de reprendre les obligations anciennes incombant à une masse de faillite en vertu de la législation sur la faillite.

36. Il convient de rappeler que l'article 3, paragraphe 1, alinea 1, de la directive 77-187 renvoie en termes généraux et sans aucune réserve aux "droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert". Le second alinéa du paragraphe précité autorisant les Etats membres à prévoir la responsabilité du cédant, à coté du cessionnaire, "également après la date du transfert", indique que c'est en premier lieu au cessionnaire qu'incombe la responsabilité de faire face aux charges résultant des droits des travailleurs existant au moment du transfert.

37. Cette interprétation est confirmée par le fait que l'article 3, paragraphe 3, exclut expressément du champ d'application du paragraphe 1, litigieux, les "droits des travailleurs à des prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux de sécurité sociale des Etats membres". L'existence d'une telle clause spécifique, limitant le champ d'application de la règle de base, amène à conclure que l'article 3, paragraphe 1, englobe l'ensemble des droits des travailleurs non couverts par cette exception, que ces droits soient nés postérieurement ou antérieurement au transfert de l'entreprise.

38. Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77-187 doit être interprété en ce sens qu'il englobe les obligations du cédant, résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail, nées antérieurement à la date du transfert, sous réserve seulement des exceptions prévues au paragraphe 3 dudit article.

Sur les dépens

39. Les frais exposés par les Gouvernements néerlandais et danois ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions a elle soumises par le Raad Van Beroep de Zwolle, par ordonnance du 28 juin 1983, dit pour droit :

1°) L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77-187 du Conseil, du 14 février 1977, ne s'applique pas au transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement dans une situation dans laquelle le cédant a été déclaré en état de faillite, étant entendu que l'entreprise ou l'établissement en cause fait partie de la masse de faillite, sans préjudice toutefois de la faculté des Etats membres d'appliquer à un tel transfert de façon autonome les principes de la directive. Celle-ci s'applique cependant au transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement à un autre chef d'entreprise intervenu dans le cadre d'une procédure du type de celle d'une "surseance van betaling" (sursis de paiement).

2°) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 77-187 doit être interprété en ce sens qu'il englobe également les obligations du cédant, résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail, nées antérieurement à la date du transfert, sous réserve seulement des exceptions prévues au paragraphe 3 dudit article.