CJCE, 6e ch., 7 mars 1996, n° C-171/94
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Merckx, Neuhuys
Défendeur :
Ford Motors Company Belgium SA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Kakouris
Avocat général :
M. Lenz
Juges :
MM. Mancini (rapporteur), Schockweiler, Kapteyn, Ragnemalm
Avocats :
Mes Dubaere, Bevernage, van de Walle de Ghelcke, Vanaverbecke
LA COUR,
1 Par deux arrêts du 15 juin 1994, parvenus à la Cour le 22 juin suivant, la Cour du travail de Bruxelles a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L 61, p. 26, ci-après la "directive").
2 Cette question a été soulevée dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, M. Merckx et, d'autre part, M. Neuhuys à Ford Motors Company Belgium SA (ci-après "Ford") au sujet des conséquences, sur les contrats de travail conclus par MM. Merckx et Neuhuys avec Anfo Motors SA (ci-après "Anfo Motors"), de la cessation d'activité de cette dernière entreprise et de la reprise, par la SA Novarobel (ci-après "Novarobel"), de la concession de vente de véhicules auparavant détenue par Anfo Motors.
Le cadre réglementaire et les faits du litige au principal
3 Comme l'indique son deuxième considérant, la directive vise à "protéger les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise, en particulier pour assurer le maintien de leurs droits". A cette fin, elle prévoit, en son article 3, paragraphe 1, le transfert au cessionnaire des droits et des obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail existant à la date du transfert. Son article 4, paragraphe 1, premier alinéa, ajoute que le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire.
4 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.
5 Les dispositions de la directive ont été mises en œuvre en droit belge par la convention collective n° 32 bis, du 7 juin 1985, concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d'employeur du fait d'un transfert conventionnel d'entreprise et réglant les droits des travailleurs repris en cas de reprise de l'actif après faillite ou concordat judiciaire par abandon d'actif, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 25 juillet 1985 (Moniteur belge du 9 août 1985, p. 11527).
6 A l'époque des faits litigieux, MM. Merckx et Neuhuys étaient délégués vendeurs auprès d'Anfo Motors. Cette dernière exerçait une activité de vente de véhicules automobiles dans un certain nombre de communes de l'agglomération bruxelloise en tant que concessionnaire de Ford, qui était également son actionnaire principal.
7 Le 8 octobre 1987, Anfo Motors a fait savoir à MM. Merckx et Neuhuys qu'elle cesserait toute activité le 31 décembre 1987 et que, à partir du 1er novembre 1987, Ford travaillerait, dans les communes couvertes par la concession d'Anfo Motors, avec un concessionnaire indépendant, Novarobel. Cette dernière reprendrait 14 des 64 travailleurs d'Anfo Motors, avec maintien de leurs fonctions, de leur ancienneté et de tous les autres avantages contractuels, conformément aux dispositions de la convention collective n° 32 bis.
8 Par ailleurs, Anfo Motors a adressé à ses clients un courrier pour les informer de la cessation de ses activités et leur recommander les services du nouveau concessionnaire.
9 Par lettres du 27 octobre 1987, MM. Merckx et Neuhuys ont refusé le transfert proposé, en faisant valoir qu'Anfo Motors ne pouvait leur imposer de travailler pour une autre firme, établie à un autre endroit, et dans des conditions de travail différentes, sans aucune garantie quant au maintien de la clientèle et à la réalisation d'un chiffre de vente. Ils considéraient donc que la décision d'Anfo Motors constituait une rupture unilatérale du contrat de travail et demandaient le versement d'une indemnité de licenciement ainsi que des montants dus à d'autres titres.
10 Par lettres des 30 octobre et 2 novembre 1987, Anfo Motors a confirmé à MM. Merckx et Neuhuys le transfert de leur contrat à Novarobel et a soutenu que, par une convention collective du 30 octobre, les organisations syndicales avaient reconnu l'application de la convention collective n° 32 bis et, dès lors, la validité des transferts. Elle a invité MM. Merckx et Neuhuys à se présenter sans autre délai chez Novarobel, faute de quoi Anfo Motors réclamerait le paiement d'une indemnité de rupture.
11 MM. Merckx et Neuhuys n'ont pas donné suite à cette invitation et, après un autre échange de correspondance demeuré infructueux, ont saisi le Tribunal du travail de Bruxelles pour faire condamner, d'abord, Anfo Motors et, ensuite, Ford qui en avait repris l'instance à leur payer différents montants à titre d'indemnités de rupture, d'éviction, et de fermeture, ainsi que de prorata de prime de fin d'année. Anfo Motors a introduit des demandes reconventionnelles tendant à faire condamner MM. Merckx et Neuhuys à lui verser des indemnités de rupture. Par jugements du 20 juillet 1990, le tribunal du travail a déclaré non fondées les demandes principales et irrecevables les demandes reconventionnelles.
12 MM. Merckx et Neuhuys ont interjeté appel de ces jugements devant la Cour du travail de Bruxelles tandis que Ford a formé des appels incidents. Les appelants au principal ont soutenu que les circonstances n'étaient pas constitutives d'un transfert d'entreprise au sens de la convention collective n° 32 bis, mais d'une fermeture d'entreprise. L'intimée au principal a défendu le point de vue opposé.
13 La juridiction nationale a d'abord constaté que, conformément à une "convention et garantie" conclue avec Novarobel le 15 octobre 1987, Ford a décidé de mettre fin aux activités de sa filiale Anfo Motors et de confier la concession de vente exploitée par cette société à Novarobel, qui reprenait certaines activités exercées au sein d'Anfo Motors, conformément à la convention collective n° 32 bis, moyennant des garanties de la part de Ford. Elle a ensuite observé que, s'il est vrai que Ford était l'actionnaire principal d'Anfo Motors, c'est en réalité cette dernière qui a décidé de cesser son activité. Enfin, la juridiction de renvoi a relevé qu'aucune convention ne liait Anfo Motors à Novarobel, qu'Anfo Motors a licencié plus des trois quarts de son personnel et leur a versé les indemnités légales de fermeture d'entreprise, qu'aucun élément corporel n'a été transféré d'Anfo Motors à Novarobel et qu'il n'est pas acquis qu'Anfo Motors ait transmis son fichier clientèle à Novarobel.
14 Compte tenu de ce qui précède, la Cour du travail de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour de se prononcer, à titre préjudiciel, sur la question suivante, rédigée dans des termes identiques dans les deux affaires :
"Y a-t-il transfert d'entreprise au sens de la directive 77-187 du 14 février 1977 lorsqu'une entreprise ayant décidé de mettre fin à ses activités au 31 décembre 1987 licencie la plus grande part de son personnel, ne gardant que 14 personnes sur un total supérieur à 60, décide que ces 14 personnes, dans le respect de leurs droits acquis, devront travailler à partir du 1er novembre 1987 dans une entreprise avec laquelle aucune convention ne la lie mais qui bénéficie, depuis le 15 octobre 1987, de la concession de vente auparavant détenue par elle et alors aussi que la première société n'a transmis aucun élément de patrimoine à la seconde ?"
15 Cette question vise en substance à savoir, en premier lieu, si l'article 1er, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu'entre dans son champ d'application une situation où une entreprise titulaire d'une concession de vente de véhicules automobiles pour un territoire déterminé cesse son activité et où la concession est alors transférée à une autre entreprise qui reprend une partie du personnel et bénéficie d'une promotion auprès de la clientèle, sans que soient transférés des éléments d'actif. En second lieu, compte tenu des circonstances des affaires au principal et en vue de fournir une réponse utile à la juridiction nationale, il importe d'établir si l'article 3, paragraphe 1, de la directive fait obstacle à ce qu'un travailleur employé par le cédant à la date du transfert d'entreprise s'oppose au transfert au cessionnaire de son contrat ou de sa relation de travail.
Sur l'existence d'un transfert au sens de la directive
16 En ce qui concerne la première partie de la question ainsi reformulée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le critère décisif pour établir l'existence d'un transfert au sens de la directive est de savoir si l'entité en question garde son identité économique, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l'exploitation ou de sa reprise (voir, notamment, arrêt du 19 mai 1992, Redmond Stichting, C-29-91, Rec. p. I-3189, point 23).
17 Pour déterminer si cette condition est remplie, il y a lieu de prendre en considération l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit, le transfert ou non des éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d'une éventuelle suspension de ces activités. Il convient, toutefois, de préciser que tous ces éléments ne sont que des aspects partiels de l'évaluation d'ensemble qui s'impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (arrêt Redmond Stichting, précité, point 24).
18 A la lumière de ces principes, il convient de constater que, dans la situation qui fait l'objet des litiges devant la juridiction nationale, Ford, actionnaire principal d'Anfo Motors, a transféré à Novarobel la concession de vente de véhicules dans le territoire couvert par Anfo Motors et a ainsi transmis en dehors de son groupe le risque économique lié à cette activité, que Novarobel a poursuivi sans interruption l'activité exercée par Anfo Motors dans le même secteur à des conditions analogues, qu'elle a repris une partie du personnel et qu'elle a bénéficié d'une promotion auprès de la clientèle, destinée à assurer une continuité dans l'exploitation de la concession de vente.
19 Tous ces éléments, considérés dans leur ensemble, permettent d'estimer que le transfert de la concession de vente dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal est susceptible d'entrer dans le champ d'application de la directive. Il convient, toutefois, d'examiner si certaines circonstances invoquées par les appelants au principal ne sont pas de nature à infirmer cette constatation.
20 En premier lieu, MM. Merckx et Neuhuys ont fait valoir que, dans l'espèce au principal, il n'y a eu ni transfert d'éléments corporels ou incorporels de l'entreprise ni maintien, au moins partiel, de la structure et de l'organisation de l'entreprise. Par ailleurs, le siège d'exploitation de Novarobel se situerait dans d'autres communes de l'agglomération bruxelloise que celles où Anfo Motors exerçait son activité.
21 De telles circonstances ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application de la directive, dès lors que, compte tenu de la nature de l'activité exercée, le transfert d'éléments d'actif n'est pas déterminant pour que l'entité en question garde son identité économique (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 1994, Schmidt, C-392-92, Rec. p. I-1311, point 16). En effet, l'activité d'une concession exclusive de vente de véhicules automobiles d'une marque déterminée dans un certain secteur garde son objet même si elle est exercée sous un autre nom, dans des locaux différents et avec d'autres équipements. Il est également indifférent que le siège d'exploitation se trouve dans une zone différente de la même agglomération, dès lors que le territoire faisant l'objet de la concession reste le même.
22 En deuxième lieu, MM. Merckx et Neuhuys ont fait observer qu'il ne pourrait y avoir de transfert au sens de la directive lorsqu'une entreprise a définitivement cessé toute activité et a été mise en liquidation, comme cela aurait été le cas d'Anfo Motors. Dans de telles conditions, l'entité économique aurait cessé d'exister et n'aurait pu garder son identité.
23 A cet égard, il suffit de constater que, sous peine de porter atteinte à l'objectif de protection des travailleurs poursuivi par la directive, l'application de cette dernière ne saurait être exclue du simple fait que l'entreprise cédante cesse son activité au moment de la cession et fait par la suite l'objet d'une liquidation. Lorsque l'activité de cette entreprise est poursuivie par une autre entreprise, ces circonstances sont plutôt de nature à confirmer l'existence d'un transfert au sens de la directive.
24 En troisième lieu, selon MM. Merckx et Neuhuys, le fait que la majeure partie du personnel a été licenciée lors du transfert de la concession de vente impliquerait que la directive ne trouve pas à s'appliquer.
25 En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive, le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement. Cependant, cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi.
26 Dans ces conditions, la circonstance que la majeure partie du personnel a été licenciée à l'occasion du transfert ne suffit pas à exclure l'application de la directive. En effet, d'une part, les licenciements en question ont pu intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation, dans le respect de l'article 4, paragraphe 1, précité. D'autre part et en tout état de cause, la violation éventuelle de ladite disposition ne remettrait pas en cause l'existence d'un transfert au sens de la directive.
27 Enfin, MM. Merckx et Neuhuys ont soutenu que, à supposer même qu'un transfert au sens de la directive ait effectivement eu lieu, celui-ci ne résulterait pas d'une cession conventionnelle comme l'exige l'article 1er de la directive. En effet, cette notion impliquerait nécessairement l'existence d'un lien conventionnel entre le cédant et le cessionnaire. Or, un tel lien ferait défaut en l'espèce au principal.
28 En raison des différences entre les versions linguistiques de la directive et des divergences entre les législations nationales sur la notion de cession conventionnelle, la Cour a donné de cette notion une interprétation suffisamment souple pour répondre à l'objectif de la directive qui est de protéger les salariés en cas de transfert de leur entreprise et a considéré que cette directive était applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise, qui contracte les obligations d'employeurs vis-à-vis des employés de l'entreprise (voir, notamment, arrêt Redmond Stichting, précité, points 10 et 11).
29 Ainsi la Cour a-t-elle considéré que relevaient de la directive la résiliation d'un contrat de location-gérance relatif à un restaurant, suivie de la conclusion d'un nouveau contrat de gérance avec un autre exploitant (arrêt du 10 février 1988, dit "Daddy's Dance Hall", Tellerup, 324-86, Rec. p. 739), la résiliation d'un bail suivie d'une vente par le propriétaire (arrêt du 15 juin 1988, Bork International, 101-87, Rec. p. 3057) ou encore une situation où une autorité publique cesse d'accorder des subventions à une personne morale et provoque ainsi l'arrêt complet et définitif des activités de celle-ci, pour les transférer à une autre personne morale poursuivant un but analogue (arrêt Redmond Stichting, précité).
30 Il ressort de cette jurisprudence que, pour que la directive s'applique, il n'est pas nécessaire qu'il existe des relations contractuelles directes entre le cédant et le cessionnaire. Par conséquent, lorsqu'il est mis fin à une concession de vente de véhicules automobiles avec une première entreprise et qu'une nouvelle concession de vente est attribuée à une autre entreprise qui poursuit les mêmes activités, le transfert d'entreprise résulte d'une cession conventionnelle au sens de la directive, telle qu'interprétée par la Cour.
31 Par ailleurs, il ressort du dossier que, dans la situation qui fait l'objet des litiges devant la juridiction nationale, Ford, actionnaire principal d'Anfo Motors, a conclu avec Novarobel une "convention et garantie" par laquelle elle s'est notamment engagée à supporter les frais afférents à certaines indemnités de rupture, d'éviction ou de protection éventuellement dues par Novarobel aux membres du personnel précédemment employés par Anfo Motors. Une telle circonstance confirme l'existence d'une cession conventionnelle au sens de la directive.
32 Dès lors, il y a lieu de répondre à la première partie de la question telle que reformulée ci- dessus que l'article 1er, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu'entre dans son champ d'application une situation où une entreprise titulaire d'une concession de vente de véhicules automobiles pour un territoire déterminé cesse son activité et où la concession est alors transférée à une autre entreprise qui reprend une partie du personnel et bénéficie d'une promotion auprès de la clientèle, sans que soient transférés des éléments d'actif.
Sur la faculté pour le travailleur de s'opposer au transfert du contrat ou de la relation de travail
33 En ce qui concerne la seconde partie de la question telle que reformulée ci-dessus, la Cour a estimé, dans l'arrêt du 11 juillet 1985, Danmols Inventar (105-84, Rec. p. 2639, point 16), que la protection que la directive vise à assurer est dépourvue d'objet lorsque l'intéressé lui-même, à la suite d'une décision prise par lui librement, ne poursuit pas, après le transfert, la relation de travail avec le nouveau chef d'entreprise.
34 Il résulte également de l'arrêt du 16 décembre 1992, Katsikas e.a. (C-132-91, C-138-91 et C- 139-91, Rec. p. I-6577, points 31 et 32), que, si la directive permet au travailleur de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant, elle ne saurait être interprétée comme obligeant le travailleur à poursuivre la relation de travail avec le cessionnaire. Une telle obligation mettrait en cause les droits fondamentaux du travailleur, qui doit être libre de choisir son employeur et ne peut pas être obligé de travailler pour un employeur qu'il n'a pas librement choisi.
35 Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où le travailleur décide librement de ne pas poursuivre le contrat ou la relation de travail avec le cessionnaire, il appartient aux Etats membres de déterminer le sort réservé au contrat ou à la relation de travail. Les Etats membres peuvent notamment prévoir que, dans ce cas, le contrat ou la relation de travail doit être considéré comme résilié soit à l'initiative du salarié, soit à l'initiative de l'employeur. Ils peuvent aussi prévoir que le contrat ou la relation de travail est maintenu avec le cédant (arrêt Katsikas e.a., précité, points 35 et 36).
36 MM. Merckx et Neuhuys ont par ailleurs fait valoir que, en l'espèce au principal, Novarobel a refusé de leur garantir le maintien de leur rémunération, qui était calculée en fonction notamment du chiffre d'affaires réalisé.
37 Eu égard à cette allégation, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 4, paragraphe 2, de la directive, si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation est considérée comme intervenue du fait de l'employeur.
38 Or, un changement du niveau de la rémunération accordée au travailleur figure au nombre des modifications substantielles des conditions de travail au sens de cette disposition, même lorsque la rémunération dépend notamment du chiffre d'affaires réalisé. Lorsque le contrat ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert comporte un tel changement, la résiliation doit être considérée comme intervenue du fait de l'employeur.
39 Dès lors, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la question telle que reformulée que l'article 3, paragraphe 1, de la directive ne fait pas obstacle à ce qu'un travailleur employé par le cédant à la date du transfert d'entreprise s'oppose au transfert au cessionnaire de son contrat ou de sa relation de travail. Dans cette hypothèse, il appartient aux Etats membres de déterminer le sort réservé au contrat ou à la relation de travail avec le cédant. Cependant, lorsque le contrat ou la relation de travail est résilié en raison d'une modification du niveau de la rémunération accordée au travailleur, l'article 4, paragraphe 2, de la directive impose aux Etats membres de prévoir que la résiliation est intervenue du fait de l'employeur.
Sur les dépens
40 Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par la Cour du travail de Bruxelles, par arrêts du 15 juin 1994, dit pour droit :
1°) L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, doit être interprété en ce sens qu'entre dans son champ d'application une situation où une entreprise titulaire d'une concession de vente de véhicules automobiles pour un territoire déterminé cesse son activité et où la concession est alors transférée à une autre entreprise qui reprend une partie du personnel et bénéficie d'une promotion auprès de la clientèle, sans que soient transférés des éléments d'actif.
2°) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 77-187 ne fait pas obstacle à ce qu'un travailleur employé par le cédant à la date du transfert d'entreprise s'oppose au transfert au cessionnaire de son contrat ou de sa relation de travail. Dans cette hypothèse, il appartient aux Etats membres de déterminer le sort réservé au contrat ou à la relation de travail avec le cédant. Cependant, lorsque le contrat ou la relation de travail est résilié en raison d'une modification du niveau de la rémunération accordée au travailleur, l'article 4, paragraphe 2, de la directive impose aux Etats membres de prévoir que la résiliation est intervenue du fait de l'employeur.