CJCE, 5e ch., 7 décembre 1995, n° C-472/93
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Spano
Défendeur :
Fiat Geotech SpA , Fiat Hitachi Excavators SpA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Puissochet (rapporteur)
Avocat général :
M. Cosmas
Juges :
MM. Moitinho de Almeida, Gulmann, Jann, Sevón
Avocats :
Galluccio Mezio, Galluccio, Motta, Dondi, Morresi, Dal Ferro
LA COUR,
1 Par ordonnance du 2 décembre 1993, parvenue au greffe de la Cour le 17 décembre suivant, le Pretore di Lecce a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L. 61, p. 26, ci-après la "directive").
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant M. Spano et plusieurs autres salariés aux sociétés Fiat Geotech et Fiat Hitachi Construction Equipment, devenue Fiat Hitachi Excavators, (ci-après "Fiat Hitachi") au sujet de l'application de l'accord syndical d'entreprise conclu, le 11 novembre 1992, entre Fiat Geotech, d'une part, et les syndicats de la branche affiliés aux confédérations les plus représentatives sur le plan national ainsi que les différentes délégations syndicales de son établissement de Lecce, d'autre part (ci-après l'"accord").
3 L'accord, destiné à résorber les excédents structurels de personnel provoqués par le recul sensible de la demande d'engins de terrassement, dont l'établissement de Lecce assurait la production, a été conclu dans le cadre de la procédure de consultation syndicale prévue par l'article 47 de la loi nº 428, du 29 décembre 1990, portant dispositions pour la mise en œuvre des obligations découlant de l'appartenance de l'Italie aux Communautés européennes - loi communautaire pour 1990 (GURI, supplément 1991, nº 10, ci-après la "loi de 1990").
4 L'article 47 de la loi de 1990 modifie la législation qui transpose la directive dans l'ordre juridique italien. Son paragraphe 5 introduit une dérogation à l'article 2112 du Code civil italien aux termes duquel, en cas de transfert d'entreprise, les relations de travail se poursuivent avec le nouveau propriétaire, et les droits que les travailleurs tirent de ces relations sont préservés.
5 Ce paragraphe dispose :
"Lorsque le transfert concerne des entreprises ou des unités de production dont le CIPI a constaté l'état de crise, conformément à l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi n° 675 du 12 août 1977 - ou des entreprises qui soit ont été mises en état de faillite, soit ont fait l'objet d'un concordat préventif homologué consistant dans la cession des biens, ou des entreprises dont la liquidation administrative forcée a été publiée ou qui ont été soumises à la procédure d'administration extraordinaire - que la poursuite de l'activité n'a pas été prévue ou que cette activité a été interrompue et que la consultation visée aux alinéas précédents a abouti à un accord prévoyant le maintien même partiel de l'emploi, les travailleurs dont la relation de travail se poursuit avec l'acquéreur, ne relèvent pas de l'article 2112 du Code civil, à moins que l'accord ne prévoie des conditions plus favorables. Ledit accord peut en outre prévoir que le transfert ne concerne pas le personnel excédentaire et que ce dernier reste, en tout ou en partie, au service du cédant."
6 La constatation de l'état de crise par le Comitato di ministri per il coordinamento della politica industriale (comité ministériel pour la coordination de la politique industrielle, ci-après le "CIPI"), en vertu de l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi nº 675, du 12 août 1977, portant mesures pour la coordination de la politique industrielle, la restructuration, la reconversion et le développement du secteur (ci-après la "loi de 1977"), permet la prise en charge de tout ou partie de la rémunération des salariés de l'entreprise concernée par la Cassa integrazione guadagni - gestione straordinaria (caisse de compléments de salaires - section extraordinaire, ci-après la "CIGS").
7 L'accord conclu par Fiat Geotech prévoyait :
a) le transfert de l'établissement de Lecce à Fiat Hitachi, créée en vue de la reprise de l'établissement et de la poursuite de l'activité de production (même dans une mesure réduite), à compter du 1er janvier 1993 ;
b) la présentation par Fiat Geotech d'une demande tendant à ce que les autorités publiques compétentes constatent l'existence, dans l'établissement de Lecce, d'une situation de crise d'importance particulière compte tenu de la situation locale de l'emploi et de la situation de la production du secteur, en application de l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi de 1977 ;
c) le transfert à Fiat Hitachi de 600 des 1 355 salariés de l'établissement de Lecce, en application de l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990. Ces 600 salariés devaient être choisis en fonction des exigences techniques et des impératifs d'organisation et de production de la société cessionnaire ;
d) le maintien des 755 salariés restants, au nombre desquels figuraient les requérants au principal, au service de Fiat Geotech et leur placement à la charge de la CIGS.
8 En application de l'accord, les requérants au principal sont demeurés salariés de Fiat Geotech et ont été placés à la charge intégrale de la CIGS à compter du 1er janvier 1993.
9 Redoutant d'être licenciés au terme de leur période de prise en charge par la CIGS, les requérants au principal ont demandé au Pretore di Lecce de constater la nullité de l'accord ainsi que le transfert de leurs relations de travail à Fiat Hitachi, cessionnaire de l'établissement de Lecce, en application de l'article 2112 du Code civil.
10 Fiat Geotech et Fiat Hitachi, défenderesses au principal, ont soutenu que l'accord était valide, car conclu conformément aux dispositions de l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990.
11 Le juge national s'est alors interrogé sur la conformité de cette dernière disposition avec la directive dans la mesure où elle écartait le principe du maintien automatique des relations de travail avec le cessionnaire.
12 Le juge national a, en particulier, relevé que, si la Cour avait jugé que la directive ne s'appliquait pas aux transferts intervenant dans le cadre de procédures ayant pour objet la liquidation des biens du cédant et le désintéressement collectif des créanciers, le transfert d'une entreprise en situation de crise, au sens de l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi de 1977, portait sur des ensembles d'établissements ou des établissements individuels qui appartenaient à des entreprises endettées dont la situation patrimoniale était nettement moins grave que celle des entreprises faisant l'objet de procédures de concours de créanciers, et dont le cessionnaire reprenait en fait l'exploitation, sans interruption importante de l'activité de production, avec, surtout, des perspectives concrètes de rétablissement, ce qu'attestait, en particulier, la circonstance que l'entreprise soumettait au CIPI des programmes d'assainissement pour obtenir que cet organisme constate la situation de crise et accorde le régime de prise en charge des salariés.
13 Le Pretore di Lecce a, en conséquence, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
"a) Les dispositions de la directive 77-187 (et, en particulier, l'article 3, paragraphe 1) sont-elles à interpréter en ce sens qu'elles s'appliquent aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion, même lorsque l'objet du transfert est une entreprise ou une unité de production dont la situation de crise a été constatée en application des dispositions de l'article 47, cinquième alinéa, de la loi nationale nº 428, du 29 décembre 1990 ?
b) ou, au contraire, la dérogation à l'applicabilité des dispositions de la directive 77-187, déjà affirmée par la jurisprudence de la Cour au cas où le transfert porte sur une entreprise faisant l'objet d'une procédure de concours des créanciers visant à sa liquidation et dont il n'a pas été décidé de poursuivre l'activité, doit-elle être considérée comme une dérogation s'étendant aussi aux cas dans lesquels le transfert concerne des entreprises, des établissements ou des unités de production (ne faisant pas l'objet d'une procédure de concours de créanciers) dont la situation de crise au sens de la disposition législative italienne (article 47, cinquième alinéa, de la loi nº 428-1990) a été constatée ?"
Sur la recevabilité du renvoi préjudiciel
14 Fiat Geotech et Fiat Hitachi soutiennent que la question préjudicielle posée par le juge de renvoi n'est pas recevable pour trois motifs. Tout d'abord, elle ne serait pas pertinente pour répondre aux conclusions et à l'argumentation des parties devant la juridiction nationale, celles-ci ayant contesté la validité de l'accord syndical d'entreprise au regard de diverses dispositions du droit national qui se situent en dehors du champ d'application de la directive. Ensuite, la question préjudicielle aurait été soulevée d'office par le juge national, en violation des règles du droit national applicable. Enfin, le juge national ne pourrait pas, en tout état de cause, appliquer les dispositions de la directive au litige au principal qui oppose exclusivement des particuliers.
15 En ce qui concerne le premier de ces arguments, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. Le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale est possible s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation du droit communautaire ou l'examen de la validité d'une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332-92, C-333-92, C-335-92, Rec. p. I-711, point 17). En l'espèce, l'interprétation du droit communautaire demandée par le juge national n'est manifestement pas dépourvue de lien avec l'objet du litige au principal puisqu'elle conditionne l'application, dans ce litige, d'une disposition de droit national qui a été invoquée par les défenderesses au principal.
16 En ce qui concerne le deuxième de ces arguments, il suffit de rappeler que, toujours selon la jurisprudence constante de la Cour (voir, notamment, arrêt Eurico Italia e.a., précité, point 13), il n'appartient pas à la Cour, vu la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d'organisation et de procédure judiciaires du droit national.
17 En ce qui concerne le troisième argument, qui rejoint les doutes exprimés par la Commission dans ses observations sur l'applicabilité de la directive dans le litige au principal, il convient de relever que, si la Cour a, de manière constante, dit pour droit qu'une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, en particulier, arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325, point 20), elle a dit aussi pour droit qu'en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre les résultats visés par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du traité (arrêt Faccini Dori, précité, point 26).
18 Or, dans le litige au principal, le juge national cherche à apprécier dans quelle mesure le droit national, plus particulièrement l'article 2112 du Code civil, peut être appliqué en conformité avec la directive.
19 La question préjudicielle posée est donc recevable.
Sur le fond
20 Il résulte des motifs de l'ordonnance de renvoi que, par sa question préjudicielle, le Pretore di Lecce cherche à savoir si la directive est applicable au transfert d'une entreprise telle qu'une entreprise dont la situation de crise a été reconnue conformément à l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi de 1977.
21 Les requérants au principal et la Commission soutiennent que les entreprises qui sont dans une situation de ce type relèvent du champ d'application de la directive. Ils font valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, et notamment l'arrêt du 25 juillet 1991, D'Urso e.a. (C-362-89, Rec. p. I- 4105), le critère déterminant pour apprécier si un transfert survenu dans le cadre d'une procédure administrative ou judiciaire concernant une entreprise entre dans le champ d'application de la directive est l'objectif poursuivi par la procédure en question. Selon eux, si l'objectif de la procédure est la liquidation des biens du cédant, la directive ne s'applique pas. En revanche, si l'objectif de la procédure est le maintien de l'activité du cédant, la directive s'applique. Les requérants au principal et la Commission font alors valoir que les entreprises dont l'état de crise, au sens de la loi de 1977, a été constaté sont des entreprises dont la situation financière et patrimoniale est moins grave que celles qui font l'objet d'une procédure de concours de créanciers visant à la liquidation de leur patrimoine et dont la poursuite de l'activité est envisageable.
22 Fiat Hitachi et Fiat Geotech soutiennent, de leur côté, que la Cour, notamment dans les arrêts du 7 février 1985, Abels (135-83, Rec. p. 469) et D'Urso e.a., précité, a exclu du champ d'application de la directive les entreprises qui font l'objet de procédures qui tendent à satisfaire des intérêts autres que ceux du cédant ou du cessionnaire, tels ceux des créanciers de l'entreprise. Selon elles, les entreprises en situation de crise, au sens de la loi de 1977, répondent à cette condition puisque leur transfert ne se réalise pas par un simple accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire, mais fait intervenir, en outre, une mesure administrative et l'accord des syndicats.
23 A titre subsidiaire, ces sociétés font valoir que l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990 constitue une disposition plus favorable aux travailleurs, au sens de l'article 7 de la directive. Selon elles, l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990 favorise le transfert des entreprises et limite les licenciements, préservant ainsi l'emploi des salariés conformément aux objectifs de la directive.
24 La Cour a déjà indiqué que, pour apprécier si le transfert d'une entreprise qui fait l'objet d'une procédure administrative ou judiciaire entre dans le champ d'application de la directive, le critère déterminant à prendre en considération est celui de l'objectif poursuivi par la procédure en cause (arrêt D'Urso e.a., précité, point 26).
25 Comme le soutiennent la Commission et les requérants au principal, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la directive ne s'applique pas aux transferts intervenus dans le cadre de procédures tendant à la liquidation des biens du cédant, telles que la procédure de faillite (voir arrêt Abels, précité) ou la procédure de liquidation administrative forcée du droit italien (voir arrêt D'Urso e.a., précité), alors qu'elle s'applique, en revanche, au transfert d'entreprises soumises à des procédures qui ont pour objet la poursuite de l'activité de l'entreprise, comme la procédure de "surseance van betaling" du droit néerlandais (arrêt Abels, précité) ou la procédure d'administration extraordinaire des grandes entreprises en crise du droit italien, lorsque la poursuite de l'activité de l'entreprise a été décidée et aussi longtemps que cette dernière décision demeure en vigueur (voir arrêt D'Urso e.a., précité).
26 Il résulte de l'ordonnance de renvoi et des réponses écrites aux questions posées par la Cour que l'acte par lequel une entreprise est déclarée en état de crise est destiné à permettre le rétablissement de la situation économique et financière de l'entreprise, mais surtout le maintien de l'emploi. La constatation de l'état de crise par le CIPI, qui repose sur des appréciations autant d'ordre économique et financier que d'ordre social, est ainsi subordonnée à la présentation d'un plan d'assainissement qui doit comporter des mesures destinées à résoudre les problèmes d'emploi. Cette constatation permet à l'entreprise de bénéficier temporairement de la prise en charge par la CIGS de la rémunération de tout ou partie de ses salariés.
27 Le juge national précise que les entreprises dont le CIPI constate l'état de crise sont des entreprises dont la situation patrimoniale permet la poursuite de l'exploitation sans interruption importante de l'activité de production et qui ont des perspectives concrètes de rétablissement.
28 Par conséquent, une entreprise dont l'état de crise est reconnu fait l'objet d'une procédure qui, loin d'avoir pour but la liquidation de l'entreprise, tend, au contraire, à favoriser le maintien de son activité en vue d'une reprise ultérieure.
29 En particulier, contrairement aux procédures de faillite, la procédure de constatation de l'état de crise ne comporte aucun contrôle judiciaire ni aucune mesure d'administration du patrimoine de l'entreprise et ne prévoit aucun sursis de paiement.
30 L'objectif économique et social que poursuit cette procédure ne saurait expliquer ni justifier que, lorsque l'entreprise concernée fait l'objet d'un transfert total ou partiel, ses travailleurs soient privés des droits que leur reconnaît la directive (voir, par analogie, arrêt D'Urso e.a., précité, point 32).
31 La circonstance, invoquée par les défenderesses au principal dans leurs observations, que l'application des dispositions de l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990 est subordonnée à un accord des représentants des travailleurs sur le maintien, même partiel, de l'emploi ne saurait non plus faire échapper le transfert de l'entreprise aux règles de la directive.
32 En effet, la Cour a déjà indiqué dans l'arrêt D'Urso e.a., précité, point 11, que ces règles devaient être considérées comme impératives, en ce sens qu'il n'était pas permis d'y déroger dans un sens défavorable aux travailleurs et que, dès lors, la mise en œuvre des droits conférés aux travailleurs par la directive ne saurait être subordonnée au consentement ni du cédant ou du cessionnaire, ni des représentants des travailleurs, ni des travailleurs eux-mêmes, sous la seule réserve, en ce qui concerne ces derniers, de la possibilité qui leur est ouverte, à la suite d'une décision prise par eux librement, de ne pas poursuivre après le transfert la relation de travail avec le nouveau chef d'entreprise. Comme elle l'a précisé au point 17 du même arrêt, les règles de la directive s'imposent à tous, y compris aux représentants syndicaux des travailleurs, qui ne peuvent y déroger par voie d'accords conclus avec le cédant ou le cessionnaire.
33 Enfin, il n'est pas possible de considérer qu'une disposition telle que l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1990, qui a pour effet de priver les travailleurs d'une entreprise des garanties que leur offre la directive constitue une disposition plus favorable aux travailleurs, au sens de l'article 7 de cette directive.
34 D'ailleurs, la Cour a déjà rejeté une argumentation de ce type dans l'arrêt D'Urso e.a., précité, points 18 et 19. Dans cette dernière affaire, il était allégué qu'une interprétation de la directive conduisant à empêcher le maintien au service du cédant des travailleurs de l'entreprise en surnombre pourrait être moins favorable à ces derniers, soit qu'un cessionnaire potentiel serait dissuadé d'acquérir l'entreprise s'il devait conserver le personnel excédentaire de l'entreprise transférée, soit que ce personnel serait licencié et perdrait ainsi les avantages qu'il aurait pu, le cas échéant, tirer de la poursuite de ses rapports de travail avec le cédant.
35 La Cour a rappelé, à l'encontre de cette argumentation, que, d'après son article 4, paragraphe 1, la directive interdit certes que le transfert constitue en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire, mais qu'en revanche elle "ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi". Elle a ajouté que la directive ne fait pas non plus obstacle à ce que, si, en vue d'éviter dans la mesure du possible des licenciements, une réglementation nationale comporte en faveur du cédant des dispositions permettant d'alléger ou de supprimer les charges liées à l'emploi des travailleurs en surnombre, ces dispositions s'appliquent, après le transfert, à l'avantage du cessionnaire.
36 Par suite, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle posée que la directive est applicable au transfert d'une entreprise telle qu'une entreprise dont la situation de crise a été reconnue conformément à l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi de 1977.
Sur les dépens
37 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Pretore di Lecce, par ordonnance du 2 décembre 1993, dit pour droit :
La directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, est applicable au transfert d'une entreprise telle qu'une entreprise dont la situation de crise a été reconnue conformément à l'article 2, paragraphe 5, sous c), de la loi italienne n° 675 du 12 août 1977.