Cass. crim., 10 juin 1987, n° 85-92.466
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tacchella (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Souppe
Avocat général :
M. Rabut
Avocat :
M. Vuitton.
LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par P Bernard, contre un arrêt de la Cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 21 mars 1985 qui, pour infraction à la loi relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a statué sur les réparations civiles. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 17, 33 de la loi du 13 juillet 1979, 485 et 593 du Code de procédure pénale, 1134, 1181, 1182 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'infraction à la loi sur la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier et l'a condamné à une amende et à des dommages-intérêts au profit de l'UFC, partie civile ;
" aux motifs que le contrat de construction du 21 mai 1982 ne comporte aucune indication quant à la demande d'un prêt par le maître de l'ouvrage ; que, Colette B ayant cependant sollicité un prêt pour le paiement du prix, le contrat de construction devait être considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention du prêt ;
" alors que, d'une part, après avoir déclaré que le contrat ne comportait aucune indication relative à la demande d'un prêt, l'arrêt attaqué ne pouvait sans méconnaître les conséquences de ces constatations et dénaturer les termes clairs et précis de cet acte, déclarer que le contrat devait être considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, une telle condition ne pouvant dans ces conditions être opposable au constructeur ;
" alors que, d'autre part, et en tout état de cause, l'arrêt attaqué a violé l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979 qui ne prévoit la condition suspensive que dans les contrats qui indiquent que le prix est payé à l'aide de prêts " ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 17, 33 de la loi du 13 juillet 1979, 485 et 593 du Code de procédure pénale, 1181 et 1182 du Code civil, dénaturation de pièces, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné P pour infraction à la loi sur la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier ;
" aux motifs que P soutient que le " CDE " avait accordé le prêt demandé à Colette B et que la condition suspensive était donc réalisée ; qu'il s'empare à l'appui de son argumentation de deux lettres du " CDE ", datées l'une du 7 juillet 1982, l'autre du 6 août 1982, dans lesquelles il veut voir la preuve que Colette B avait obtenu le prêt sollicité ; mais que la lettre du 7 juillet 1982, ainsi libellée : " nous avons le plaisir de vous informer que le CDE a examiné favorablement votre demande de prêt (...) - Vous recevrez (...) une offre de prêt (...) " ne contient aucun octroi du prêt considéré ; que la lettre du 6 août 1982 est ainsi libellée : " Nous vous avions accordé le 2 juillet 1982 un prêt (...) - Ce prêt, dont l'offre préalable a été émise le 7 juillet 1982, avait été autorisé avec la caution de M. Jean-Pierre T - Suite à votre impossibilité de nous produire l'offre de prêt signée par la caution, nous avons le regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation d'annuler le prêt cité en référence " ; que P soutient que Colette B avait obtenu le prêt, sans quoi le " CDE " n'aurait pu écrire que ce prêt avait été accordé
le 2 juillet 1982, et n'aurait pu annuler un prêt inexistant ; cependant que la lettre du " CDE " en date du 6 août 1982 comporte en elle-même la preuve que Colette B n'avait pas " obtenu " le prêt au sens de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979, puisque le prétendu octroi du prêt aurait été fait le 2 juillet 1982, soit avant l'offre préalable du 7 juillet 1982 ; que la correspondance du " CDE " ne pouvait donc s'entendre que comme relative à un accord de principe quant à l'octroi du prêt ; que du reste le prêt envisagé, contrat réel, n'aurait pu être réalisé que par la remise des fonds à l'emprunteur ou à son mandataire, ce qui en l'espèce n'a pas été le cas ;
" alors que, d'une part, l'arrêt attaqué a dénaturé les lettres des 7 juillet et 6 août 1982 qui indiquaient expressément que le prêt sollicité avait été accordé à Mme B et qu'ainsi une éventuelle condition suspensive était réalisée ;
" alors que, d'autre part, la condition était censée réalisée du fait que le prêt n'a été retiré que par la seule abstention fautive de Mme B, qui ne pouvait donc se prévaloir de la protection accordée aux emprunteurs de bonne foi " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 21 mai 1982, Colette B a conclu avec la société à responsabilité limitée " Les Jeunes Constructeurs " (LJC), dont P est le gérant, un contrat de construction d'une maison d'habitation et a versé à titre d'acompte la somme de 18 250 francs ; que le prêt qu'elle avait sollicité du Comptoir des entrepreneurs, pour financer cette opération, n'ayant pas été obtenu par suite de la défaillance de la caution dont l'intervention était exigée dans l'offre de prêt, Colette B a réclamé à LJC la restitution de l'acompte ; que P a refusé, prétendant que le contrat ne pouvait être résilié qu'en cas de refus du permis de construire ; qu'il a été poursuivi pour infraction à la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier ;
Attendu que pour retenir P dans les liens de la prévention et faire droit à la demande de l'Union fédérale des consommateurs d'Avignon, partie civile, l'arrêt attaqué relève que si le contrat de construction ne comporte aucune indication à cet égard, Colette B n'en a pas moins effectivement sollicité un prêt pour le paiement du prix, de sorte que le contrat doit être considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention de ce bénéfice ; que pour répondre à l'argument de la défense repris au moyen selon lequel il résultait de la correspondance émanant de l'organisme sollicité que le prêt avait été accordé et que seule l'abstention fautive de la bénéficiaire avait fait obstacle à sa réalisation, la cour d'appel énonce que les termes de cette correspondance, qu'elle analyse, ne comportent qu'un accord de principe quant à l'octroi d'un prêt et prouvent au contraire que celui-ci n'a pas été " obtenu " au sens de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979 ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il résulte que la condition suspensive affectant le contrat de construction ne s'est pas réalisée à raison d'un événement qu'il n'était pas au pouvoir de Colette B de faire arriver, la cour d'appel qui a, contrairement à ce qui est allégué au moyen, apprécié sans les dénaturer le sens et la portée des documents produits, a fait l'exacte application des textes visés au moyen ; qu'en effet il résulte des dispositions de l'article 18, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1979 qu'au cas où le contrat de construction n'indique pas si le prix sera payé avec ou sans l'aide d'un prêt et où néanmoins un prêt est demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention de ce bénéfice ; qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article 17, si cette condition n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par le souscripteur au constructeur doit être, sous les sanctions prévues à l'article 33 du même texte, immédiatement remboursée sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit ; d'où il suit que les moyens réunis ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; Rejette le pourvoi.