Conseil Conc., 18 mai 2004, n° 04-A-07
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
Plusieurs acquisitions d'entrepôts réalisées par le groupe Sogebra-Heineken dans le secteur de la distribution de bières dans le circuit CHR
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Aloy, de M. Henry, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Nasse, vice-président, Mmes Aubert, Perrot, MM. Piot, Robin, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III-B),
Vu la lettre enregistrée le 10 août 2001 sous le numéro A 342 par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions du titre III du livre IV du Code de commerce (avant sa modification par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, ci-après loi NRE), d'une demande d'avis relative à plusieurs acquisitions d'entrepôts réalisées par le groupe Sogebra-Heineken dans le secteur de la distribution de bières dans le circuit CHR (café, hôtellerie, restauration) ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-4, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par le groupe Sogebra-Heineken, le groupe Interbrew et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants du groupe Sogebra-Heineken et du groupe Interbrew France entendus au cours de la séance du 1er juillet 2003 ; Le vice-président confédéral de l'Union des métiers et industrie de l'hôtellerie (UMIH), la directrice des achats du groupe Accor, le président et le vice-président de la Centrale européenne de boissons (CEB), le président du conseil d'administration de la brasserie Meteor, les représentants du groupe Interbrew France, entendus conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce, Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :
I. - LE SECTEUR
1. La bière est une boisson issue de la fermentation alcoolique d'un moût préparé à partir du malt de céréales (principalement de l'orge), de sucres alimentaires et de houblon. D'après l'Association des brasseurs de France (ABF), la filière brassicole dans son ensemble employait 160 800 personnes en 2000 et dégageait un chiffre d'affaires de 12,6 milliards d'euro. L'industrie brassicole stricto sensu (les brasseurs) employait en 1999 près de 5 700 salariés, soit 14 % des effectifs de l'Industrie des boissons et son chiffre d'affaires représentait près de 14 % du chiffre d'affaires global de l'Industrie des boissons.
2. La production brassicole française ne suffit pas à couvrir la demande intérieure. La consommation française de bières s'est élevée en 2000 à près de 21 millions d'hectolitres. Près de 75 % de ce volume a été produit par les brasseries installées en France, les 25 % restants étant importés. En 2000, d'après l'ABF, les sociétés brassicoles françaises ont produit près de 18,9 millions d'hectolitres de bière dont plus de 10 % ont été exportés, essentiellement en Europe. Le solde des échanges de bières est toutefois négatif : les importations représentent quasiment le double des exportations.
A. - La consommation de bières
1. La stagnation des volumes et la diversification des produits
3. Exprimée en volume, la consommation finale totale de bière est stagnante, voire en lente érosion (23 351 khl de bières ont été consommés en 1990 contre 21 420 khl en 2000). Toutefois, exprimée en valeur, la consommation de bières a augmenté sur la même période, passant de 9 140 MF en 1990 à 10 033 MF en 1999, soit respectivement 1 393 M et 1 529 M.
Figure 1 : Évolution de la consommation de bière, en volume et en valeur (indice base 100 en 1990).
Sources : ABF pour les volumes et Etude Xerfi (2000) sur le marché de la bière pour les valeurs.
4. Cette hausse de la valeur des bières consommées s'explique par la diversification des bières vendues. A côté de la bière traditionnellement la plus vendue, la bière blonde de type pils, encore appelée " bière de luxe ", et qui contient entre 4,4 % et 5,5 % d'alcool, sont apparus de nouveaux produits qui requièrent des techniques de fabrication différentes et dont le positionnement marketing correspond à une image de marque plus valorisante.
5. Les bières blondes, de type " spéciales ", qui se distinguent par un choix plus sévère de matières premières que les bières de luxe, par un temps de garde plus long, voire par une fermentation haute, et qui contiennent plus de 5,5 % d'alcool se sont fortement développées, ainsi que les bières dites " de spécialité ", comme les bières d'abbaye, les bières blanches, (brassées avec des malts blancs conjugués avec des malts de froment et affichant entre 4,4 et 7 % d'alcool), les bières brunes (brassées à partir de malts bruns fortement torréfiés, et affichant entre 4,4 % et 8 % d'alcool) ou enfin les bières ambrées (brassées avec des malts grillés torréfiés, et de 4,5 % à 8 % d'alcool).
6. En 2000, les bières de luxe représentent près de 60 % des volumes vendus et les bières spéciales et de spécialité près de 30 %, alors qu'en 1995, ces dernières ne représentaient que 20 % des ventes.
7. Les bières sont consommées dans les foyers ou hors domicile. La bière vendue par le circuit alimentaire, à destination de la consommation dans les foyers, appelé 1er marché par la profession brassicole, représente près de 70 % de la consommation totale de bières. Les acquisitions examinées dans le présent avis concernant la distribution des bières consommées hors domicile, seul ce segment de la consommation sera détaillé ci-dessous.
2. La consommation hors domicile de la bière
a) Les bières consommées hors domicile sont en baisse
8. L'augmentation régulière du volume du marché des boissons consommées hors domicile (10 % en 10 ans) s'accompagne d'une évolution dans la répartition des types de boissons. Les boissons alcoolisées sont en baisse, avec une chute de 13 % des volumes consommés, les boissons chaudes ont augmenté de 22,5 % en 10 ans, et les boissons rafraîchissantes sans alcool de 45 %. Parmi les boissons alcoolisées, les bières connaissent la plus forte chute de volumes et ne représentent aujourd'hui plus que 15,5 % des boissons consommées hors domicile.
9. Trois évaluations différentes du marché de la bière consommée hors domicile, chacune réalisée par un cabinet d'études et versée au dossier par un brasseur, sont disponibles.
Tableau 1
L'importance du marché de la bière consommée en CHD, en khl, estimations selon les brasseurs
<emplacement tableau>
10. Ces trois sources d'informations ont des appréciations convergentes de l'évolution de ce marché : les ventes de bières chutent annuellement de 2,5 à 3 %.
b) Les différents types de bières consommées hors domicile
11. Les bières sans alcool ou faiblement alcoolisées (bock) sont de moins en moins consommées hors domicile, de sorte que les trois types de bières, que sont les bières dites " de luxe " (blonde traditionnelle de type pils), les bières spéciales (bières blondes plus alcoolisées) et les bières de spécialité (blanche, d'abbaye, etc.) représentent 99 % de la consommation en 1999 contre 92 % en 1990.012. Les bières de luxe sont les plus largement consommées (60 % du volume total). Les bières spéciales représentent 26 % du volume total et les bières de spécialité sont les seules bières dont la consommation a augmenté entre 1990 et 1999, aussi bien en valeur absolue qu'en valeur relative.0
Tableau 2
La répartition des types de bières consommées hors domicile, en volume
<emplacement tableau>
c) Les lieux de la consommation hors domicile
13. Les établissements traditionnels de consommation hors domicile, cafés, hôtels, restaurants (CHR), encore désignés sous le terme " deuxième marché ", ont vu leur nombre baisser au cours des dernières années (199 000 établissements en 1990 à 157 000 en 1999, d'après Gira). Ils sont de plus en plus concurrencés par de nouvelles formes de restauration, appelées troisième marché.
14. D'une part, sont apparus des établissements dits " chaînés " appartenant à des réseaux relevant de l'hôtellerie, de la restauration à thème, collective ou encore rapide, comme le groupe Accor, Sodhexo ou McDonald. Sur la période 1990-1999, le chiffre d'affaires total de ces établissements a progressé de 41 %, passant de 107,4 à 151,7 milliards de F HT, ce qui représente 38 % du chiffre d'affaires total du secteur de la restauration hors foyer en 1999. D'autre part, les circuits de vente alternatifs comme les boulangeries, les stations-service ou encore la vente à emporter se sont développés (leur chiffre d'affaires a progressé de 88 % sur la période 1990-1999) et ils représentent, en 1999, 10 % du total de la CHD.
15. Les établissements dans lesquels la consommation de bières s'effectue sur place offrent, en plus des produits, un service et une ambiance qui sont recherchés par les consommateurs et que n'offrent pas les circuits de vente alternatifs, c'est-à-dire les épiceries, les boulangeries, les stations-service dans lesquelles les consommateurs achètent des canettes de bière pour les boire à l'extérieur. En outre, les points de vente alternatifs sont livrés en boissons, et donc en bières, par des grossistes confiseurs, des grossistes alimentaires ou encore des grossistes en meunerie tandis que les CHR traditionnels et les établissements chaînés sont livrés en boissons par les entrepositaires-grossistes. Le terme " troisième marché " sera donc réservé dans cet avis aux établissements dans lesquels la consommation s'effectue sur place.
16. La bière reste consommée en très grande majorité dans les CHR traditionnels (87,5 % de la consommation hors domicile de bière en 1999). Les nouveaux lieux de consommation de bières, comme les chaînés, représentent en 1999 moins de 6 % des ventes de bières, mais la croissance des volumes vendus est de 8,4 % par an. Le tableau suivant illustre ces éléments.
Tableau 3
La répartition des ventes de bières en CHD selon les lieux de consommation
<emplacement tableau>
d) Les bières hors domicile sont consommées en pression et en bouteilles
17. Hors domicile, la bière est vendue à la pression ou en bouteilles. On assiste à une concentration de la consommation autour des bières pression : alors qu'elles représentaient les 2/3 des bières consommées en 1990, 3 bières consommées hors domicile sur 4 sont des bières pression en 1999, soit près de 6 millions d'hectolitres. La très forte chute des bouteilles consignées (29 % des bières consommées hors domicile en 1990 contre 16 % en 1999) n'a été que partiellement compensée par la hausse des bouteilles perdues et des boîtes (les bières vendues en contenants perdus représentaient plus de 3 % en 1990 contre 8 % en 1999).
B. - La production de bières
1. La brasserie française est une industrie concentrée
18. Au début des années 70, l'ABF recensait 70 sociétés brassicoles en activité sur le territoire français. Celles-ci n'étaient plus que 22 en 1994 et sont moins de 15 en 2000. Le mouvement de concentration, qui s'est échelonné sur près de 30 ans, a résulté du rachat de brasseries de taille moyenne (entre 100 000 hl et 500 000 hl par an) par les groupes Sogebra et Kronenbourg. Ainsi, en 1996, Heineken a acquis le Groupe Saint-Arnould, qui contrôlait les sociétés Brasseries de Saint-Omer et Caves de Saint-Arnould ainsi que la société Brasserie Fischer et sa filiale Grande Brasserie Alsacienne d'Adelshoffen. Cette dernière acquisition a été autorisée par arrêté ministériel le 20 août 1996, après avis du Conseil de la concurrence (1).
19. A l'heure actuelle, les trois principaux brasseurs sur le marché français sont le groupe Sogebra, filiale du brasseur néerlandais Heineken, le groupe britannique Scottish et Newcastle, avec les brasseries Kronenbourg, et le groupe belge Interbrew, avec les brasseries Stella Artois. Les brasseries Heineken et Kronenbourg produisent leurs bières en France alors qu'Interbrew l'importe du site de Louvain. Les principaux acteurs sur le marché français sont sous le contrôle de brasseurs étrangers. Pris ensemble, ces 3 brasseurs réalisent [75-85] % du chiffre d'affaires de l'Industrie brassicole en 1998, d'après les données d'Agreste.
20. La concentration de l'Industrie brassicole s'explique, notamment, par le caractère fortement capitalistique du processus de production. L'ABF estime que les investissements consentis par la brasserie l'apparentent à l'industrie lourde : le secteur investit près de 152 millions d'euro par an dans la modernisation des outils de production, soit 8 % du chiffre d'affaires.
21. Les autres brasseurs actifs en France, au nombre d'une dizaine, sont de taille plus modeste. Leur production annuelle est comprise entre 100 000 hl et 500 000 hl. On peut citer Brasserie Meteor, Brasseurs de Gayant, Brasserie Castellain, Brasserie La Choulette, Brasserie Duyck, Brasserie Jeanne-d'Arc et Brasserie Terken. Depuis une dizaine d'années, on assiste au développement de " micro-brasseries ", principalement dans l'ouest et le nord de la France, qui ont des stratégies de " niche " : elles développent des bières de spécialité, travaillent avec quelques points de vente et leurs produits sont bien souvent connus à l'échelle d'un département, voire d'une ville (2).
22. L'activité de brasserie est principalement concentrée dans le nord et l'est de la France, qui regroupent les 3/4 des brasseurs et emploient les 4/5 des effectifs totaux de cette industrie.
2. Les trois principaux brasseurs du marché français
23. Les trois principaux brasseurs français sont adossés à des groupes brassicoles d'envergure internationale. Leurs parts de marché sur le marché français de la bière sont présentées dans le tableau suivant.
Tableau 4
Les parts de marché des trois principaux brasseurs tous circuits confondus, en volumes
<emplacement tableau>
24. Tous circuits de commercialisation confondus, alimentaire et hors domicile, le leader de la bière en France est Kronenbourg, avec [35-45] % du marché exprimé en volume en 2000. Heineken est le deuxième brasseur, avec une part de marché de [30-40] %, et Interbrew réalise [10-20] % des volumes. Selon les informations recueillies, les parts de marché des brasseurs évoluent relativement peu.
25. Kronenbourg, Heineken et Interbrew sont présents dans les deux segments de consommation de la bière, l'alimentaire et le hors domicile. Mais l'importance relative de ces deux marchés diffère selon le brasseur. Interbrew est spécialisé dans le CHD : il y réalise en 2000 près de [60-70] % de ses ventes en volumes, ce qui représente [60-70] % en valeur. Kronenbourg est lui spécialisé dans le marché alimentaire, qui représente en 2000 près de [60-70] % de ses ventes en volume. Enfin, Heineken réalise en 2000 près de [30-40] % des volumes de ses ventes dans le circuit CHD, ce qui représente près de [40-50] % de la valeur de ses ventes.
26. Sur le segment de la consommation de bières hors domicile, les positions concurrentielles sont les suivantes : Kronenbourg et Heineken fournissent chacun près de [30-40] % des bières consommées hors domicile et Interbrew en fournit [< 10] %.
Tableau 5
Les parts de marché des brasseurs sur la bière consommée hors domicile, en volume
<emplacement tableau>
a) Des groupes d'envergure mondiale
27. Au cours des dernières années, on a assisté à la constitution de groupes brassicoles d'envergure mondiale. Ainsi, Danone a cédé, en mars 2000, la quasi-totalité de ses activités brassicoles, soit les Brasseries Kronenbourg en France, Alken Maes en Belgique et une partie du brasseur italien Birra Peroni, au groupe britannique Scottish et Newcastle, spécialisé dans les boissons et le secteur du loisir (" branded beverages and leisure retailing "). Ce groupe possède des pubs en Angleterre et ses activités brassicoles, outre les apports du groupe Danone, sont implantées au Royaume-Uni (Brasseries Scottish Courage, dont la marque la plus connue est Foster's, et Brasseries Beamish qui commercialise une bière brune " stout " du même nom).
28. Le chiffre d'affaires généré par les ventes de bières du groupe Scottish et Newcastle était de 2 062,3 millions de £ en 2000 et de 2 757 millions de £ en 2001 (soit respectivement 3 194,09 millions d'euro et 4 270,04 millions d'euro) (4). Le " operating profit " de l'activité bières était de 206,2 millions de £ en 2000 et de 264,6 millions de £ en 2001, soit respectivement 319,36 millions d'euro et 409,81 millions d'euro (5). Scottish et Newcastle se classe parmi les dix premiers brasseurs mondiaux.
29. Heineken, groupe néerlandais, détient la couverture géographique la plus étendue : il est présent dans plus de 170 pays, soit en produisant directement dans ses 110 brasseries localisées dans 50 pays, soit en faisant fabriquer ses produits sous licence. Le volume total de bière produit est de [100-110] millions d'hectolitres, chiffre qui inclut les brasseries licenciées. Le volume produit par les brasseries du groupe, au sens strict, s'élève à [80-90] millions d'hectolitres.
30. Le groupe Heineken n'a pas effectué d'acquisition majeure depuis Cruzcampo, en Espagne, en 1999 et l'acquisition de la majorité du capital de la Brasserie Martiner et Gemer, brasseur slovaque. Il s'est plutôt recentré sur la rationalisation de ses sites de production. A titre d'illustration, la Brasserie Adelshoffen, située à Schiltigheim en France, a été fermée à la fin 2000.
31. Heineken est actuellement le troisième brasseur mondial, avec un chiffre d'affaires total de [...] millions d'euro en 2001 (contre [...] en 2000) (6) et un " operating profit " de [...] millions d'euro en 2001 contre [...] en 2000.
32. Depuis 1995, le groupe Interbrew a procédé à de nombreuses acquisitions qui l'ont propulsé au 2e rang mondial, derrière l'américain Anheuser Bush. En 1995, le groupe familial belge a acheté le brasseur canadien Labatt, ce qui a doublé sa taille. Entre 1997 et 1999, Interbrew a acquis une dizaine de brasseurs en Russie, Europe de l'Est (Bosnie, Croatie, Roumanie) et en Asie du Sud (Chine, Corée du Sud), de sorte qu'il était devenu le 5e brasseur au niveau mondial. En 2000, Interbrew s'est implanté au Royaume-Uni en achetant la division bières de Whitbread puis les activités brassicoles de Bass (" Carling ", " Tennents ", etc.). Enfin, en 2001, Interbrew a acquis le brasseur allemand Beck. Les volumes totaux de bières produits par le groupe, qui étaient de [...] millions en 2000, s'élèvent à [...] millions d'hectolitres en 2001.
33. Le chiffre d'affaires net du groupe Interbrew, hors droits d'accises, est de 7 303 millions d'euro en 2001 (5 657 millions d'euro en 2000) et le revenu d'exploitation (EBITDA) est de 1 533 millions d'euro en 2001 (1 156 en 2000) (7).
b) Les trois principaux brasseurs français offrent la gamme complète des bières
34. Face à une consommation stagnante depuis une dizaine d'années, les brasseurs d'envergure européenne ont favorisé le développement de bières de spécialités, produits qui sont généralement vendus plus chers que les bières de luxe ou spéciales. L'évolution du marché en valeur, présentée aux paragraphes 4 à 6, atteste de cette montée en gamme des bières consommées en France. Les brasseurs investissent alors dans des campagnes publicitaires dont le montant dépasse généralement [...] MF pour promouvoir l'une de leurs marques.
35. A l'heure actuelle, les trois principaux brasseurs sur le marché français de la bière offrent la gamme complète des bières, qui comporte au moins une bière de luxe, une bière spéciale et des bières de spécialité, les deux produits phares de cette sous-catégorie étant la bière d'abbaye (Leffe pour Interbrew, Grimbergen pour Kronenbourg et Affligem pour Heineken) et la bière blanche (Hoegaarden pour Interbrew, Brugs pour Kronenbourg et Wickse Witte pour Heineken).
Tableau 6
Les principales marques de bière
<emplacement tableau>
c) Les capacités de production inexploitées
36. Kronenbourg et Heineken, qui sont les deux principaux brasseurs présents sur le marché français, ont des capacités de production sur le territoire national assez proches et qu'ils utilisent à hauteur de [80-90] % : leurs capacités excédentaires sont donc similaires (8).
C. - La distribution de bières aux CHR
37. Lorsque l'industrie brassicole était peu concentrée, les brasseries distribuaient elles-mêmes leur production dans la ville où elles étaient implantées. La restructuration du secteur de la brasserie (par fusions entre brasseries) dans les années 1960 à 1980 a abouti à la fermeture de certaines unités de production et à la reprise de l'activité de distribution par des distributeurs de charbon ou fuel domestique qui livraient déjà les cafés : les entrepositaires-grossistes indépendants sont ainsi apparus.
38. Les brasseurs ont profité de cette consolidation pour constituer leur réseau de distribution. Concernant Heineken, grâce à l'acquisition d'Union de Brasseries en 1986, le groupe est devenu propriétaire du réseau de distribution France Boissons auquel il a adjoint les entrepôts de distribution qu'il détenait déjà ainsi que ceux issus de l'acquisition de Brasserie Pelforth. En 1985, le réseau France Boissons comprenait [...] filiales. Concernant Kronenbourg, l'Union française de brasserie, filiale de SEB (Société européenne de brasserie), gérait une vingtaine d'entrepôts dispersés sur le territoire national. Le regroupement de SEB et de Brasseries Kronenbourg, suite à la prise de contrôle de ces deux dernières sociétés par le groupe BSN, a permis d'étoffer le réseau de distribution contrôlé par Kronenbourg.
39. Au milieu des années 90, les principaux brasseurs du marché français ont procédé à de nombreuses acquisitions d'entrepositaires indépendants (voir paragraphes 47 à 57). Dans le même temps, les cash and carry, grossistes auprès desquels l'enlèvement de marchandise s'effectue par les points de vente eux-mêmes se sont développés (voir paragraphes 65 à 67).
1. Les entrepositaires-grossistes " traditionnels "
40. A l'heure actuelle, l'activité principale des entrepositaires-grossistes consiste en la livraison des boissons aux établissements de la restauration hors foyer, alors que dans les années 70-80, ils livraient aussi les grandes et moyennes surfaces, qui représentaient une part importante de leur clientèle. A la suite de l'intégration, par la grande distribution, de sa logistique propre, les entrepositaires-grossistes ont été écartés de cette fonction et ceux qui travaillent encore avec la grande distribution alimentaire le font, le plus souvent, en tant que prestataire de services des distributeurs ou des fabricants.
41. L'activité de distribution de boissons aux débits de boissons nécessite (1) l'acheminement des produits depuis le fabricant jusqu'à l'entrepôt (9) ; (2) le stockage des produits et, compte tenu de la saisonnalité de la consommation des boissons hors domicile, la constitution de stocks prévisionnels importants, nécessaires pour suivre une demande fluctuante selon le climat ; (3) la livraison une à deux fois par semaine, voire tous les jours, aux points de vente grâce à une flottille de camions ou de camionnettes ; (4) la reprise des emballages vides consignés et les opérations comptables nécessaires à leur gestion.
a) Un secteur atomisé
42. Au milieu des années 80, il y avait entre 1 500 et 2 000 entrepositaires-grossistes, dont 500 étaient estimés de taille moyenne ou importante. Depuis lors, le secteur a connu un phénomène de concentration qui a ramené à 1 150 le nombre d'entrepositaires traditionnels, qu'ils soient intégrés ou indépendants.
43. Les entrepositaires-grossistes traditionnels restent atomisés. Leur nombre élevé tient au caractère nécessairement limité de leur zone de livraison : un maillage serré du territoire est nécessaire pour livrer tous les débits de boissons de France. En effet, le fonctionnement d'un établissement de consommation hors domicile implique des livraisons fréquentes de quantités de boissons relativement faibles. Le débit de boissons est approvisionné en général au moins une fois par semaine en fûts de bière. Les bouteilles de bières sont vendues par caisses, ainsi que les BRSA et toutes les boissons dont l'emballage est consigné. Dans la mesure où les capacités de stockage des points de vente sont très limitées, les entrepositaires-grossistes délivrent des petites quantités de bouteilles en même temps que les fûts et ils récupèrent les emballages consignés.
44. L'entrepositaire-grossiste va donc organiser les tournées de façon à minimiser les coûts qu'entraînent la livraison de petites quantités (un ou deux fûts et quelques caisses) à plusieurs établissements (10). La profession souligne que c'est le déplacement " à vide ", c'est-à-dire sans activité commerciale, qui revient le plus cher.
45. Ces éléments, combinés au fait que la livraison constitue une part relativement importante du coût total des boissons pour le CHR, ont pour effet de limiter la zone de chalandise d'un entrepositaire-grossiste.
46. Nombre d'entrepôts sont de petite taille. La moitié d'entre eux a un chiffre d'affaires inférieur à 10 MF. Ceux qui desservent une vingtaine de cafés ont une surface de stockage de quelques centaines de m2 et moins de 5 employés ne sont pas rares : près de 150 distributeurs sont des entreprises en nom propre avec une taille très réduite. A côté de ces entreprises très souvent familiales, qui opèrent avec des structures de coûts assez faibles (un camion, un petit local, peu ou pas de salariés), il existe des distributeurs de plus grande taille, adossés ou non à un brasseur.
b) ... marqué par l'intégration verticale par les brasseurs
L'ampleur du mouvement d'intégration verticale, en termes d'acquisition
47. Les années 90 ont vu naître le mouvement d'intégration verticale de la fonction de distribution par les principaux brasseurs présents sur le marché. En 1996, le groupe Heineken-Sogebra a pris le contrôle, dans un premier temps, du groupe Saint Arnoult, qui contrôlait les sociétés Brasseries Saint Omer et Caves de Saint Arnoult et qui exerçait, en sus de ses activités brassicoles proprement dites, des activités de distribution via une dizaine d'entrepositaires-grossistes. Dans un second temps, Heineken a pris le contrôle de la société Fischer, qui détenait des participations dans des entrepositaires-grossistes et qui contrôlait la société Grande brasserie alsacienne d'Adelshoffen. Cette opération a apporté au groupe Heineken [...] entrepôts.
48. L'opération précitée avait été examinée par le Conseil de la concurrence (avis n° 96-A-09 du 9 juillet 1996) qui était d'avis qu'elle présentait des risques d'atteinte à la concurrence sur les deux marchés de la bière (alimentaire et hors domicile) que ne compensaient pas les contributions au progrès économique.
49. L'arrêté pris par le ministre en charge de l'Economie, le 20 août 1996, procède d'une analyse concurrentielle différente du marché des bières vendues dans le circuit alimentaire et conclut à l'absence de risques d'atteinte à la concurrence sur ce marché (11). Concernant le marché des bières vendues hors domicile, le ministre a suivi l'avis du conseil qui avait relevé que, face à une offre très concentrée, la demande demeurait atomisée, qu'une grande partie des CHR étaient liées aux brasseurs et aux entrepositaires-grossistes par des contrats, et que les barrières à l'entrée sur ce marché étaient élevées, notamment du fait des réseaux d'entrepositaires-grossistes appartenant aux brasseurs. Le conseil avait noté que l'acquisition du groupe Fischer entraînant la prise de contrôle de son réseau d'entrepositaires-grossistes par le réseau Heineken, cette opération était de nature à rendre encore plus difficile l'entrée ou le maintien sur le marché de brasseurs indépendants.
50. Le ministre a subordonné son autorisation à l'opération Heineken/Fischer à la cession, par le groupe Heineken, d'un ensemble d'entrepôts ayant réalisé en France un chiffre d'affaires égal à celui réalisé par les entrepôts du groupe Fischer. L'arrêté prévoyait que les cessions devaient se faire au bénéfice d'acheteurs juridiquement et financièrement indépendants des trois principaux brasseurs, Heineken, Kronenbourg et Interbrew. Les rétrocessions effectuées par Heineken concernaient [...] entrepôts.
51. Un arrêt du Conseil d'Etat, en date du 9 avril 1999, a annulé l'arrêté du ministre en charge de l'Economie au motif que cette décision privait la société Interbrew de la possibilité de se porter acquéreur des entrepôts en question sans qu'elle ait été en mesure de présenter des observations puisqu'elle n'avait pas reçu de projet de décision accompagné de l'avis du Conseil de la concurrence.
52. Le groupe Heineken avance qu'il a acquis [...] entrepôts dont le chiffre d'affaires est supérieur à 15 millions de francs depuis 1996, en sus des acquisitions comprises dans les opérations Saint-Arnould et Fischer. Le nombre d'acquisitions concernant des sociétés de taille inférieure n'est pas connu. Parallèlement aux acquisitions, Heineken a procédé à des restructurations et donc à des fermetures d'entrepôts. Il considère qu'à la date de la saisine du ministre concernant le présent avis, le réseau France Boissons était constitué de [...] filiales, comportant [...] entrepôts.
53. Sur la période 1996-2000, Kronenbourg a acquis directement [...] entrepôts et le groupe Danone a réalisé deux acquisitions majeures : Tafanel, dans la région parisienne, compris dans la présente saisine, et le groupe [...], situé près de [...], qui comprenait [...] entrepôts. Kronenbourg a aussi réalisé des prises de participation minoritaires. Kronenbourg a procédé à des restructurations et à des fermetures d'entrepôts, mais dans une moindre mesure que Heineken. A la date de la présente saisine, la distribution de Kronenbourg comprend, d'une part, Elidis, qui compte [...] filiales, soit près de [...] entrepôts, d'autre part, les entrepôts du groupe [...] et enfin, ceux de Tafanel. Au total, près de [...] entrepôts sont détenus par Kronenbourg.
54. Interbrew indique avoir racheté, durant cette période, une trentaine d'entrepôts de taille modeste. A la date de la saisine, le groupe possédait [...] entrepôts.
55. Il convient de noter que les acquisitions d'entrepositaires par les brasseurs se sont poursuivies après la présente saisine : Interbrew a fourni des éléments selon lesquels, Kronenbourg et Heinenken auraient acquis respectivement [...] et [...] entrepôts entre la date de la saisine et mars 2003.
56. En 2001, les 1 100 entrepositaires-grossistes étaient répartis comme suit :
Près de 300 entrepôts affiliés à un réseau intégré à un brasseur dont :
Heineken (France Boissons) : [...] ;
Kronenbourg (Elidis + [...] + Tafanel) : près de [...] ;
Stella Artois : [...].
Près de 800 entrepôts indépendants.
L'évolution de l'intégration verticale, en %, de la distribution des boissons
57. Selon les données issues d'une étude réalisée par l'institut Gira, et présentées par la FNB, les distributeurs intégrés représentent [40-50] % du chiffre d'affaires de la distribution de toutes les boissons à destination de la CHD en 2000, contre [15-25] % en 1990.
Tableau 7
Evolution 1990-2000 des entrepositaires-grossistes traditionnels
<emplacement tableau>
c) ... et le regroupement des indépendants
58. Parallèlement, les indépendants se regroupent et s'associent en groupements. En 1985, la FNB (Fédération nationale des boissons), syndicat des entrepositaires, a créé avec l'accord de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture, l'Institut de restructuration et de développement des entrepositaires en boisson (IRDEB) qui est une société de financement destinée à favoriser la concentration des entrepositaires.
59. Des groupements d'indépendants se sont créés dans l'objectif d'augmenter leur pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs et aussi de faire des offres aux clients du troisième marché, les lieux de consommation hors domicile chaînés. Les deux principaux groupements sont Distriboissons et la Centrale européenne de boissons. Les liens entre ces groupements et les brasseurs sont étudiés en 4.2.
60. Distriboissons est une centrale d'achats. Ses actionnaires sont Elidis, du groupe Kronenbourg, et des distributeurs indépendants. Selon les guides Vasseurs édition 2002, [...] entrepôts adhèrent à ce groupement. Pour être actionnaire de Distriboissons, l'entrepôt adhérent doit s'approvisionner directement auprès de Brasseries Kronenbourg. Les autres membres de Distriboissons, qui n'en sont pas actionnaires, sont des affiliés : la condition d'approvisionnement en direct n'est pas obligatoire pour eux.
61. La CEB ou Centrale européenne de boissons a été créée en 1997 et est devenue société anonyme en 1998. Elle regroupe des membres qui sont des distributeurs indépendants ainsi que le réseau de distributeurs du groupe Interbrew. (La CEB est composée des adhérents de plusieurs anciens groupements qui ont disparu suite à la création de la CEB : Générale de boissons (GBF) et Omni boissons, lui même composé de quatre GIE (Distribuni, MAD, Interdistribution et Distribel). Selon les guides Vasseurs, [...] entrepôts adhèrent à ce groupement. La CEB et Distriboissons ont créé en mars 2000 un groupement d'intérêt économique, Horizon, qui est une centrale d'achats pour les autres boissons que la bière.
d) La gamme des produits distribués par les entrepositaires s'est élargie
62. Pour tenir compte de l'évolution de sa clientèle, l'entrepositaire a étendu sa gamme de produits dans toutes les directions susceptibles de l'intéresser et relevant de la même logistique. Les boissons traditionnellement vendues par le distributeur, à savoir les bières, cidres et les boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA) se sont diversifiées et les vins et champagnes, les alcools et spiritueux ou encore les cafés, thés et chocolat sont maintenant offerts. Selon Gira, les bières et le vin représentent une part similaire du chiffre d'affaires des distributeurs CHD (autour de 35 %).
Tableau 8
Les produits livrés par les entrepositaires-grossistes en % du CA
<emplacement tableau>
e) Les activités connexes des entrepositaires-grossistes : financement et marchand de biens
63. L'entrepositaire-grossiste joue un rôle très important dans le financement de sa clientèle CHR. Le plus souvent, l'entrepositaire-grossiste se porte caution solidaire pour l'obtention d'un prêt par le cafetier auprès d'une banque, d'un organisme de crédit ou d'une filiale spécialisée du brasseur. L'entrepositaire-grossiste peut aussi aider directement au financement ou à l'octroi d'un prêt, s'il possède lui-même une filiale spécialisée dans l'octroi de crédits.
64. Une fonction commerciale essentielle des entrepositaires-grossistes réside dans leur activité de marchand de biens. Au courant des projets de vente des cafés, ils en informent des acheteurs potentiels, prévoient les mutations de fonds de commerce et aident au montage des dossiers de financement des reprises ou installations, qu'ils financeront eux-mêmes ou en collaboration avec les brasseurs. Cette activité des entrepositaires-grossistes est mise en avant dans les catalogues et annuaires destinés aux cafetiers.
2. Les cash and carry
65. Le fait marquant de la distribution à destination des établissements de consommation, hors domicile ces dernières années, est l'émergence et le développement des cash and carry. D'après Gira, entre 1990 et 2000, leur chiffre d'affaires total a été multiplié par 2,2, passant de 11,6 Mrds de F à 25,7 Mrds de F. Enfin, le chiffre d'affaires des cash and carry réalisé avec la vente de boissons pour la CHD a été multiplié par près de 3, passant de 1,6 Mrds de F à 4,5 Mrds de F.
66. Les cash and carry appartiennent à deux groupes alimentaires : les magasins Promocash, du groupe Carrefour, sont au nombre de 127 en France, et Metro, du groupe allemand homonyme, au nombre de 72, d'après les guides Vasseurs 2000.
67. Un cafetier qui s'approvisionne auprès des cash and carry doit se déplacer pour aller chercher la marchandise. A l'heure actuelle, les établissements de CHD vont principalement chercher les boissons comme les alcools ou spiritueux, qui ne représentent pas l'essentiel des volumes de boissons consommées. Les bouteilles de bières ou d'autres boissons sont aussi concernées, mais il s'agit de bouteilles non consignées puisque les cash and carry n'assurent pas la gestion des consignes. L'approvisionnement des bières en fûts ne concerne que les bières étrangères ; les trois principaux brasseurs français ne livrant pas de bières en fûts aux cash and carry. Enfin, les cash and carry ne participent pas au financement des points de vente.
D. - Les relations entre les distributeurs et les fournisseurs de boissons
1. L'approvisionnement en autres boissons que la bière
68. La structure du marché de fournisseurs en autres boissons est concentrée, comme l'illustre le tableau suivant qui expose l'importance des trois premiers fournisseurs pour les ventes de chacune des catégories de boissons réalisées par les établissements de la consommation hors domicile, qu'ils soient traditionnels ou chaînés.
Tableau 9
Le poids des industriels des boissons en CHD en % des ventes de chaque catégorie
<emplacement tableau>
69. Du fait de leur organisation en réseau, et donc de la massification de leurs achats, les distributeurs intégrés à un brasseur ont une puissance d'achat vis-à-vis de ces fournisseurs concentrés que n'ont pas les distributeurs indépendants isolés. En 2000, Distriboissons et le groupement d'indépendants, CEB, ont créé une centrale d'achats pour les boissons autres que la bière, nommée Horizon, en réponse à l'affiliation de France Boissons à la centrale d'achats Francap.
70. Concernant les BRSA (boissons rafraîchissantes sans alcool) et les alcools, les distributeurs intégrés ou les groupements d'indépendants offrent l'intégralité des marques : ils n'ont pas développé de partenariats avec une marque en échange d'une exclusivité. Concernant le café, les distributeurs intégrés ont lancé, ces dernières années, des partenariats avec des marques afin de développer la qualité.
2. Les relations entre les distributeurs et les brasseurs
71. Les entrepositaires ont deux sources d'approvisionnement en bières : soit la brasserie directement, soit un autre entrepositaire qui joue un rôle de grossiste. Le transport depuis la brasserie jusqu'à l'entrepôt qui a un débit suffisant pour s'approvisionner en direct ne présente pas les mêmes caractéristiques que le transport aval, depuis l'entrepôt jusqu'au cafetier. Les camions qui enlèvent la bière à la brasserie transportent près de 200 hl de bières, soit en fûts soit en citernes.
a) La sélection des entrepositaires-grossistes par les brasseurs
72. Les brasseurs sélectionnent les entrepositaires aptes à distribuer la bière dans des conditions de qualité et d'hygiène satisfaisantes et leur confèrent ensuite le statut de distributeur agréé. Un contrat de distribution sélective est alors passé pour une durée déterminée entre le brasseur et le distributeur. Les entrepositaires-grossistes traditionnels sont les distributeurs agréés des trois principaux brasseurs français.
73. A l'heure actuelle, aucun cash and carry n'a passé de contrat de distribution sélective avec un des trois principaux brasseurs français, alors qu'ils offrent des services d'installation et d'entretien des tirages à pression pour des bières de marque étrangère. Promocash offre des fûts de Mösbrau et Metro propose une gamme plus étendue, avec des fûts de Gilbert, bière belge avec deux produits (de luxe et spéciale), d'une bière hollandaise et d'une bière danoise. Les prix proposés par les cash and carry aux CHR sont notoirement inférieurs à ceux des entrepositaires.
74. Concernant le contrat de distribution sélective proprement dit, il est important de noter qu'il laisse l'entrepositaire libre de distribuer d'autres marques de bière que celles du brasseur. Un distributeur entrepositaire-grossiste est donc généralement agréé par l'ensemble des brasseurs.
75. Les obligations du distributeur concernent, notamment, des mesures techniques sur le stockage des fûts, les modalités de retour de ceux-ci au brasseur, le montage et l'entretien des tirages à pression chez les débits de boissons selon le cahier des charges, et enfin, la capacité du distributeur à assurer la promotion de la marque du brasseur auprès du cafetier.
76. Le brasseur participe généralement au financement des tirages à pression chez le cafetier, et la hauteur de sa participation dépend de la marque de la bière qui sera servie : le brasseur cofinancera plus largement un appareillage pour qu'y soient tirées ses bières.
b) Le prix de gros de la bière
77. Le prix auquel l'entrepositaire achète les bières au brasseur dépend de plusieurs variables : les quantités totales achetées, l'importance des marques du brasseur dans les ventes totales du distributeur et l'objectif de volume ou de progression.
78. En effet, les conditions générales de vente, applicables à tout distributeur, définissent les ristournes dont bénéficie le distributeur en fonction des volumes commandés. Ces conditions générales de vente sont généralement doublées par une " convention de coopération commerciale " ou un " contrat de coopération commerciale " ou encore des " conditions générales de ristournes ", selon les termes utilisés par les brasseurs, qui ont le même objet : définir les réductions supplémentaires en fonction de la part de marché du brasseur au sein des ventes du distributeur, ou encore en fonction des progressions des bières du brasseur, des objectifs atteints, ou de la présence de la gamme. Ces rémunérations prennent la forme de réductions supplémentaires sur le prix de la bière (ristournes sur facture ou hors facture).
c) Les relations entre les brasseurs et les groupements de distributeurs
79. Distriboissons est une centrale de référencement qui regroupe la tête du réseau Elidis et des entrepositaires-grossistes indépendants. Deux points du fonctionnement de Distriboissons sont intéressants au regard du lien de cette centrale d'achat avec le brasseur, en l'occurrence le groupe Kronenbourg.
80. Tout membre de Distriboissons, qu'il soit actionnaire (" adhérent " selon la terminologie de Distriboissons) ou " affilié " (sans participation au capital, mais qui bénéficie des avantages de la centrale d'achats), s'engage à commercialiser au moins [...] % des produits offerts par l'ensemble des fournisseurs référencés par Distriboissons. Pour être adhérent de Distriboissons, l'entrepositaire-grossiste doit s'approvisionner directement auprès des brasseries Kronenbourg. Cette condition n'est plus valable pour un simple affilié.
81. Distriboissons perçoit, pour le compte de ses adhérents et affiliés, toute ristourne, c'est-à-dire toute réduction de prix qui n'est pas nécessairement déduite du prix facturé à l'adhérent ou affilié par le fournisseur, mais réglée de façon différée. Il s'engage à lui reverser la ristourne dont le montant est directement lié à ses propres achats auprès du fournisseur concerné et une quote-part des ristournes dont le montant total est lié aux achats de l'ensemble des membres de Distriboissons.
82. La Centrale européenne de boissons a été créée en 1997. Elle regroupe des distributeurs indépendants. Il s'agit plus d'une centrale de référencement que d'une véritable centrale d'achats, les remises de volume n'étant pas appliquées au total des commandes de la centrale. Toutefois, l'adhésion au groupement CEB permet à l'entrepositaire de bénéficier d'une remise dite de groupement de la part d'Interbrew.
83. En conclusion, la tarification de la bière aux entrepositaires-grossistes comporte des incitations très fortes pour que le distributeur développe de façon prioritaire les marques d'un des brasseurs. Les conditions générales de vente l'incitent à concentrer les volumes de bière auprès d'un brasseur afin de bénéficier des remises de quantité, les ristournes le récompensent des efforts commerciaux qu'il a consentis pour développer majoritairement les marques d'un brasseur, et enfin, les modulations de l'aide à l'entretien du tirage à pression selon les marques de bière sont autant de facteurs qui poussent le distributeur à privilégier un partenariat commercial avec un brasseur. Toutefois, il n'existe pas d'engagement d'approvisionnement exclusif de l'entrepôt au profit d'un brasseur, ni d'attribution de territoire d'exclusivité à un distributeur. De fait, les entrepositaires-grossistes indépendants conservent toute liberté contractuelle et le partenariat qu'ils peuvent engager avec un des brasseurs ne les prive pas de la possibilité de vendre les produits concurrents. Ils sont des distributeurs multi-marques. Concernant les distributeurs intégrés, leurs relations avec les brasseurs sont régies par les mêmes dispositions.
E. - Les relations brasseur/distributeur avec le débit de boissons
84. Au nombre des restrictions verticales dans le secteur de la bière figurent les relations contractuelles entre les établissements CHR traditionnels et les brasseurs et/ou les distributeurs. Elles prennent deux formes : les contrats de bière, aux termes desquels un point de vente s'engage à vendre exclusivement les marques de bières pression du brasseur partenaire en contrepartie d'avantages financiers, et les contrats de gamme, conclus entre un CHR et un entrepositaire-grossiste, qui précisent les boissons pour lesquelles le point de vente s'engage à s'approvisionner exclusivement chez l'entrepositaire-grossiste partenaire.
1. Les contrats de bière
85. En contrepartie d'un avantage financier ou matériel consenti par le brasseur au cafetier, celui-ci s'engage à s'approvisionner pour tout ou partie de ses bières, auprès de 6 brasseurs pour une durée limitée. Un contrat est alors passé entre le brasseur et le cafetier, le " contrat de bière ". Ce contrat désigne en outre le distributeur auprès duquel le cafetier est tenu de s'approvisionner.
86. Le règlement d'exemption n° 1 984-83 du 22 juin 1983 déclarait conforme au droit communautaire les accords exclusifs de fourniture de bières et autres boissons, sous certaines conditions. Dans le préambule de ce règlement, (considérant 15) la Commission avait rappelé que : " les avantages économiques et financiers que le fournisseur accorde au revendeur (dans le cadre du contrat de bières) facilitent sensiblement l'installation ou la modernisation de débits de boissons (...) ainsi que leur entretien et exploitation : que l'obligation d'achat exclusif et l'interdiction de concurrence amènent le revendeur à concentrer ses efforts de vente sur les produits visés dans l'accord avec tous les moyens dont il dispose ; que de tels accords conduisent les parties contractantes à une coopération de longue durée qui leur permet d'améliorer la qualité des produits et du service à la clientèle fournis par le revendeur ; qu'ils permettent une planification à long terme des ventes et donc une organisation rentable de la production et de la distribution ".
87. Ce règlement a été remplacé par le règlement n° 2790/1999 du 12 décembre 1999. Afin de se conformer au nouveau règlement, les brasseurs ont limité l'exclusivité au fût et réduit la durée des contrats à 5 ans.
88. La part du marché liée par des contrats d'exclusivité est de [70-80] % des cafés purs, cafés-tabacs et cafés-restaurant et de moins de [20-30] % pour l'ensemble des établissements de la restauration hors domicile (restauration collective et établissements chaînés compris).
Tableau 10
Etablissements liés par un contrat de bière en 2000
<emplacement tableau>
89. La fraction des volumes fûts qui est vendue sous exclusivité a aussi été évaluée, en rapportant les déclarations des brasseurs sur les volumes de bières en fûts qu'ils vendent sous contrats à la consommation de fûts pour l'année 2000 (5 377 604 hl, d'après ABF).
Tableau 11
Les volumes de bières en fûts vendus sous contrats
<emplacement tableau>
2. Les contrats entrepositaire-cafetier
90. Le cafetier peut être lié au distributeur de deux façons : soit en vertu de la désignation au sein du contrat de bière, soit parce qu'il a conclu avec ce dernier un contrat de gamme, qui peut porter sur l'ensemble des boissons acheté par le point de vente.
91. Le contrat de gamme est une convention entre l'entrepositaire-grossiste et un client CHR par laquelle le client CHR s'engage à s'approvisionner pour les boissons qu'il aura choisies (bières en bouteilles, et/ou en fûts si le point de vente n'est pas lié par un contrat de bière, et/ou autres boissons), auprès du distributeur en contrepartie des avantages économiques qui lui sont consentis. La FNB a défini un contrat de gamme type qu'utilisent aussi bien les indépendants que les réseaux intégrés. Ce contrat, signé pour une durée de 5 ans, précise les volumes conventionnels. Il prévoit une pénalité en cas de non-respect de l'exclusivité de fourniture : le débit de boissons devra régler une part fixée conventionnellement, du chiffre d'affaires à réaliser jusqu'au terme normal du contrat.
92. En conclusion, l'exclusivité de marque, aux termes de laquelle un CHR traditionnel s'engage, pour une durée de 5 ans, à acheter ses bières auprès d'un unique brasseur ne concerne que les bières en fûts. Près de la moitié des volumes totaux de bières pression consommés en France sont toutefois concernés par cette exclusivité. Concernant les bières en bouteilles et les autres boissons, le CHR peut s'engager auprès d'un entrepositaire-grossiste à s'approvisionner uniquement chez lui, mais l'exclusivité ne porte alors pas sur les marques des boissons.
II. - LES OPÉRATIONS
A. - Le brasseur acquéreur
93. Le groupe Sogebra est une société anonyme de droit français dont le capital social de 850 millions de francs est détenu en totalité par le groupe Heineken, société néerlandaise. Le groupe Sogebra exerce les activités du groupe Heineken en France et contrôle 3 entités brassicoles et 1 entité de distribution :
Brasseries Heineken, qui fabrique des grandes marques nationales et internationales ;
Brasserie Fischer, qui contrôle la société Brasserie Adelshoffen, et qui produit des marques de spécialités ;
Brasserie Saint-Omer, spécialisée dans les marques distributeurs et de premier prix ;
France Boissons, qui possède [...] filiales, de formes juridiques diverses (SNC, SARL, SA), qui assurent la distribution de boissons aux établissements de la CHD.
94. En 2000, la production brassicole de Sogebra s'est élevée à [8 000-9 000] khl bières, dont [5 000-6 000] khl pour les Brasseries Heineken et le chiffre d'affaires France net cumulé des 3 brasseries a atteint [...] milliards de francs dont [...] milliards de francs pour les brasseries Heineken. Concernant l'activité de distribution, le chiffre d'affaires toutes boissons consolidé de France Boissons en 2000 était de [...] milliards de francs dont [...] milliard de francs de bières Sogebra. Enfin, le groupe employait 5 813 salariés, dont 3 649 pour France Boissons.
B. - Les opérations visées par la demande d'avis
95. La demande d'avis en date du 8 août 2001 visait les opérations suivantes réalisées entre 1997 et 2001 et n'ayant pas fait l'objet de notifications au titre de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : SVG (Pleyber Christ), BS Distribution (Rochefort), Vins Guevel (Morlaix), Ets Desjonquères (Rouen), Deparis Rimbert (Rouen), Cozigou (Plouisy), Brasserie de la Rance (Dinan), Rennes Boissons-Brasserie de la Rance (Rennes), Ets Valdigny (Paris), Ets Nayrolles (Paris), Pommeuse (Paris), Sobodis (Paris), Magnin Sasdelli (Paris), Ets Fège et fils (Grenoble), Vins Marchal (Strasbourg).
96. Par lettre du 21 janvier 2002, le directeur général de la DGCCRF a précisé au Conseil que, bien que les acquisitions des entrepôts Sobodis et Magnin Sasdelli aient été réalisées en 1996, elles entraient dans le champ de la saisine du Conseil. Il note aussi que les sociétés SVG (Pleyber Christ) et Vins Guevel ne constituent qu'une seule et même société. Au total, 14 opérations sont donc examinées.
C. - La nature des opérations
97. Aux termes de l'article L. 430-2 du Code de commerce avant sa modification par la loi NRE du 15 mai 2001 (13), " la concentration résulte de tout acte, qu'elle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante ".
98. Les opérations visées dans la saisine ont pris la forme soit de l'acquisition de la totalité du capital d'une entreprise, soit d'une prise de participation minoritaire, soit du passage d'une participation minoritaire à la détention de la totalité des actions. Si l'acquisition par une entreprise de plus de 50 % du capital d'une autre entreprise suffit à conférer à l'entreprise acquéreur une influence déterminante sur l'autre entreprise, tel n'est pas nécessairement le cas d'une prise de participation inférieure à ce seuil.
1. L'acquisition de l'intégralité du capital (douze opérations)
a) Vins Guevel
99. En avril 1998, France Boissons a acquis auprès de la société d'Investissement d'Aquitaine la totalité des actions constituant le capital social de la société des Vins Guevel (SVG), qui avait pour activité le commerce de vins, spiritueux et autres boissons (dont la bière), ainsi que l'embouteillage de vins et divers services dans le secteur du transport routier, et dont l'effectif était d'environ 100 personnes. La société Vins Guevel comportait cinq établissements :
Vins Guevel Rennes (35), qui avait, en 1998, [...] clients CHD avec lesquels il réalisait un chiffre d'affaires de distribution, toutes boissons, de l'ordre de [...] MF. La livraison de la bière représentait [...] MF (14) et [80-90] % des volumes livrés étaient des fûts ([< 10 000] hl) et [10-20] % des bouteilles. Cet entrepôt a été regroupé en [...] avec la société Fournier Services, filiale de France Boissons, par la voie d'une location gérance puis par apport de fonds de commerce. En 2000, Fournier Services a été absorbée par Rennes Boissons et la dénomination de cette dernière société est devenue France Boissons Rennes (voir paragraphe 104). Ainsi, en 2000, l'établissement de Rennes de Vins Guevel est géré par la société France Boissons Rennes, qui est elle-même une filiale de France Boissons ;
Vins Guevel Plerneuf, situé à 9 km de Saint-Brieuc (22), qui comptait, en 1998, [...] clients CHD, pour un chiffre d'affaires toutes boissons confondues qui s'élevait à [...] MF. La livraison de la bière représentait [...] MF, dont [80-90] % en fût ([< 10 000] hl) et [10-20] % en bouteilles. Cet établissement a été rattaché à la société France Boissons Côte d'Emeraude, anciennement Brasserie de la Rance, par la voie d'une location gérance (voir paragraphe 102) ;
Vins Guevel, de Pleyber-Christ (29) où était situé le siège social de SVG. Cet établissement comptait, en 1998, [...] clients, pour un chiffre d'affaires, toutes boissons confondues, s'élevant à [...] MF, dont [...] MF pour la distribution de la bière. Le volume total de bières distribué par l'établissement de Pleyber Christ était de [10 000-20 000] hl. En 1999, par la voie d'un contrat de location gérance, cet établissement a été rattaché à la société France Boissons Brest, située à Plougastel-Daoulas, près de Brest, et qui est la nouvelle dénomination de la société Fournier Distribution, acquise par le groupe Sogebra en 1996 grâce à la prise de contrôle du groupe Saint-Arnould ;
Vins Guevel Vannes (56), qui avait, en 1998, [...] clients qui représentaient un chiffre d'affaires, toutes boissons confondues, de [...] MF, dont [...] MF réalisés dans la distribution de la bière. Les volumes correspondants de bières s'élevaient à [< 10 000] hl bières, dont [< 10 000] hl en fût. Cet entrepôt a été rattaché, en 1999, à France Boissons Boucicaud, situé à Josselin, par acte de location gérance, puis par apport de fonds de commerce. France Boissons Boucicaud est la nouvelle dénomination de la société Etablissements Boucicaud, dans laquelle France Boissons a pris, en 1996, une participation majoritaire de [...] % qu'elle a complétée à [...] % en 1998 (15) ;
Vins Guevel Quimper (29), qui livrait [...] clients pour un chiffre d'affaires distribution, toutes boissons confondues, s'élevant à [...] MF, dont [...] MF dans la distribution de la bière, soit un volume de [10 000-20 000] hl bières, dont [< 10 000] hl en fût. Par la voie d'une location gérance en 1999, puis d'un apport de fonds de commerce, l'établissement de Quimper de Vins Guevel a été rattaché à la société France Boissons Quimper. Cette dernière société, anciennement nommée Fournier Distribution Quimper, a été acquise par le groupe Sogebra lors de la prise de contrôle du groupe Saint- Arnould en 1996.
100. Compte tenu des éléments qui précèdent, les chiffres d'affaires CHD bières et toutes boissons cumulés des 5 entrepôts de la société Vin Guevel sont estimés à [...] MF pour la livraison de bières et [...] MF pour la distribution de toutes les boissons (16).
b) Brasserie de la Rance
101. La société Brasserie de la Rance détenait [...] % du capital de la société Rennes Boissons - Brasserie de la Rance (ci-après Rennes Boissons). Par acte de cession daté de juillet 1996, France Boissons a acquis auprès de l'ensemble des actionnaires (représentés par la famille Thébault) la totalité des actions constituant le capital social de la société Brasserie de la Rance et la date du transfert des titres a été fixée au mois de janvier 1997 (17).
102. Localisé à Dinan (22), à la frontière du département d'Ille-et-Vilaine, cet entrepôt possédait, à la date d'acquisition, [...] clients et réalisait un chiffre d'affaires bières CHD de [...] MF (dont [80-90] % en fût, pour un volume de distribution de [30 000-40 000] hl de bières). France Boissons indique, par ailleurs, que le chiffre d'affaires bières représente [40-50] % du chiffre d'affaires total boissons en 2000. En supposant que cette répartition était la même à la date de l'acquisition, le chiffre d'affaires toutes boissons confondues de Brasserie de la Rance peut être estimé à [...] MF en 1997. La société Brasserie de la Rance a pris le nom de France Boissons Côte d'Emeraude et l'établissement de la société des Vins Guevel, qui était localisé à Plerneuf, lui a été rattaché (voir paragraphe 99).
c) Rennes Boissons
103. L'acquisition de la société Rennes Boissons a été réalisée concomitamment à celle de la société Brasserie de la Rance : en juillet 1996, l'acquisition du capital de Brasserie de la Rance a permis à France Boissons de détenir [...] % du capital de Rennes Boissons et, à la même date, France Boissons a acquis le solde des actions auprès de l'ensemble des autres actionnaires (18).
104. Localisé à Rennes (35), Rennes Boissons détenait, à la date d'acquisition, [...] clients, avec lesquels il réalisait un chiffre d'affaires bières CHD de [...] MF (dont [90-100] % en fût, pour un volume de distribution de [20 000-30 000] hl de bières fûts). France Boissons indique, par ailleurs, que le chiffre d'affaires bières représente [50-60] % du chiffre d'affaires total boissons en 2000. En supposant que cette répartition était la même à la date de l'acquisition, le chiffre d'affaires toutes boissons de Rennes Boissons peut être estimé à [...] MF environ. Rennes Boissons, filiale de France Boissons, a pris le nom de France Boissons Rennes et a absorbé, en 2000, Fournier Service (acquise par le groupe Sogebra-Heineken lors de l'opération Heineken-Fischer), qui avait acquis, par ailleurs, en 2000, le fonds de commerce de SVG Rennes (voir paragraphe 99).
d) Deparis Rimbert
105. Situés à Eu (76), les établissements Deparis Rimbert ont été acquis par France Boissons en avril 1997 ; 22 employés travaillaient dans cette société et les volumes de bières vendus au moment de l'acquisition s'élevaient à [< 10 000] hl au total, répartis en [< 10 000] hl de fûts (soit [80-90] % des ventes de bières) et [< 10 000] hl de bouteilles (soit [10-20] %). D'après les documents comptables concernant l'année 1996 et figurant au dossier, Deparis-Rimbert a réalisé un chiffre d'affaires total net de [...] MF, dont plus de [90-100] % provenaient de la vente des boissons. Les ventes de bières représentaient près de [40-50] % de la distribution toutes boissons confondues ([...] MF de CA en 1996).
106. Les établissements Deparis Rimbert ont été intégrés au réseau France Boissons de la façon suivante : consécutivement à un contrat de location gérance intervenu le [...] et encore en vigueur, Deparis Rimbert a été intégré dans la filiale Normandie Boissons, société en nom collectif, filiale de France Boissons, située à Rouen, puis ils ont été absorbés par France Boissons le 30 septembre 1998.
e) Sobodis Ile-de-France
107. Localisé à Meaux (77), l'entrepositaire Sobodis IdF a été acquis en novembre 1996 par France Boissons. Employant 22 personnes et réalisant un chiffre d'affaires grâce à la vente de bières aux établissements de la CHD de [...] MF, Sobodis IdF réalisait, à la date de l'acquisition, un chiffre d'affaires total de [...] MF, qui incluait d'autres activités que la distribution de boissons et, notamment une activité de fabrication d'eaux gazeuses. Les volumes de fûts de bières livrés par Sobodis s'élevaient à près de [< 10 000] hl.
108. La société Bertrand SA, filiale à [...] % de France Boissons, a acquis le 29 novembre 1996 la totalité des actions du groupe Chaffard SA, lequel détenait, notamment, [...] % de la société Sobodis IdF (19). Le groupe Chaffard détenait aussi un entrepôt localisé à Agnetz, dans l'Oise. En décembre 1998, le groupe Chaffard a absorbé ses filiales, dont Sobodis Ile de France, et est devenu la société Bertrand Est (filiale de Bertrand SA, elle-même filiale de France Boissons)
f) Pommeuse Distribution
109. Situé à Pommeuse (77), l'activité de l'entrepôt Pommeuse Distribution SARL concernait exclusivement la vente de vins, bières, spiritueux, eaux minérales et toutes boissons alimentaires aux CHD. En 1997, date de son acquisition par France Boissons, Pommeuse réalisait un chiffre d'affaires bières CHD de [...] MF et un chiffre d'affaires toutes boissons confondues de [...] MF. Pommeuse livrait, à cette date, [< 10 000] hl de fûts de bière par an.
110. En mars 1997, la société Entrepôts réunis du Val-de-Marne Robert Frères (Erval-Robert Frères) a acquis la quasi-totalité des actions de Pommeuse auprès du groupe familial propriétaire. Le fonds de commerce de Pommeuse Distribution a été confié en location gérance à la société mère SA Erval-Robert Frères.
g) Entreprise Nayrolles
111. France Boissons a acquis, en avril 1997, la totalité des actions des Etablissements Nayrolles. Localisé à Nogent sur Marne (94), Nayrolles réalisait un chiffre d'affaires bières CHD de [...] MF à la date d'acquisition, et son chiffre d'affaires toutes boissons peut être estimé à près de [...] MF (20). Nayrolles livrait [30 000 - 40 000] hl de fûts de bière par an au moment de son acquisition. Rattaché à France Boissons Nord en avril 1997 par acte de location gérance, l'établissement principal de Nayrolles a ensuite fermé et son activité a été transférée à Drancy, lieu d'activité de France Boissons Nord.
h) Valdigny
112. En avril 1998, la société Erval-Robert Frères, filiale de France Boissons, a acquis la totalité des actions de la société Valdigny SARL, entrepositaire-grossiste implanté à Ivry-sur-Seine (94). En 1997, Valdigny avait réalisé un chiffre d'affaires toutes boissons de l'ordre de [...] MF (21), et, en 1998, le chiffre d'affaires de la distribution de la bière s'élevait à près de [...] MF (22). Le volume de bières en fûts distribués s'élevait à [< 10 000] hl en 1998 (23). Le guide Vasseur ne fait plus apparaître l'activité de Valdigny à Ivry-sur-Seine, ce qui laisse supposer que l'entrepôt a fermé et que l'activité a été transférée à l'établissement principal de Erval Robert Frères à Nogent-sur-Marne.
i) BS Distribution
113. Acquise en avril 1998 par France Boissons, la société BS Distribution était située à Giromagny, dans le Territoire de Belfort (90) et employait une vingtaine de salariés. En 1997, cet entrepositaire réalisait un chiffre d'affaires total de [...] MF, dont [40-30] % provenait de la distribution de bières aux établissements de la CHD, soit [...] MF. Au moment de l'acquisition, BS distribuait [0-10 000] hl de bières au total, répartis en [0-10 000] hl de fûts (soit [60-70] % des ventes de bières) et [< 5 000] hl de bouteilles (soit [30-40] %).
114. BS Distribution a été intégrée au sein de la filiale de France Boissons, Bixel Brasseries Saint Louis, devenue ensuite France Boissons Mulhouse, le 1er janvier 1999, soit à la date d'effet de la fusion de ces deux sociétés qui a été décidée le 30 novembre 1999. BS distribution s'appelle dorénavant France Boissons Belfort.
j) Vins Marchal
115. Située à Saint-Michel-sur-Meurthe (88), la société Vins Marchal détenait deux filiales, la société Ingert Karcher, basée à Dachstein (67), dont la clientèle est essentiellement composée de particuliers et qui n'exerce donc pas sur le marché de la distribution des bières à destination des établissements de la CHD, et la société Vins Petit caves scarponnaises, basée à Dieulouard (54), qui vend des boissons aux points de vente CHD. 25 employés travaillaient chez Vins Marchal qui livrait, sur la zone de chalandise des Vosges, [10 000-20 000] hl de bières, fûts et bouteilles, aux débits de boissons (24). D'après les éléments comptables figurant au dossier, Vins Marchal réalisait un chiffre d'affaires total en vendant toutes boissons de l'ordre de [...] MF, et une bonne partie de ce chiffre provenait des ventes à ses deux filiales : en matière de bières, les ventes directes aux établissements de la CHD généraient près de [...] MF, alors que les ventes totales de bières, rétrocessions comprises, s'élevaient à [...] MF. La vente directe de bières représentait donc moins d'un quart de l'activité de cet entrepositaire-grossiste.
116. Vins Marchal a été acquis en novembre 1999 par France boissons. La société Ingert Karcher a donné en location-gérance son fonds de commerce à France boissons Strasbourg le 1er février 2000, puis Vins Marchal a fait de même le 1er mai 2000.
117. La société Vins Petit caves scarponnaises a donné, le 20 décembre 1999, son fonds de commerce en location-gérance à la société Lorest boissons qui était une filiale de France boissons, basée à Nancy. Or, le 1er janvier 2000, le groupe Heineken a cédé Lorest boissons à Weber Ritt en échange d'une participation de [...] % dans la société issue de la fusion entre Weber Ritt et Lorest boissons. Du fait de cette opération, Vins Petit caves scarponnaises n'est pas sous le contrôle du groupe Heineken, mais sous celui de la société issue de la fusion Weber/Lorest.
k) Fège et fils
118. Les établissements Fège et fils, situés à La Grave (05), ont été acquis en octobre 2000 par France boissons. Le 1er janvier 2001, Fège a été intégré à la filiale Dauphiné boissons de France boissons, située à Saint-Egrève (38) par acte de location-gérance. Actuellement, l'entrepôt est dénommé Dauphiné boissons La Grave.
119. Au moment de son acquisition, Fège employait 7 personnes et livrait [...] points de vente, avec lesquels il réalisait un chiffre d'affaires total de distribution de boissons qui s'élevait à [...] MF. La distribution de bières représentait moins de la moitié de ce chiffre d'affaires et, en volumes, s'élevait à [< 10 000] hl au total, répartis en [< 10 000] hl de fûts (soit [80-90] % des ventes de bières) et [< 5 000] hl de bouteilles (soit [< 10] %).
l) Magnin Sasdelli
120. L'entrepôt Magnin Sasdelli, situé à Montereau (77), a été acquis par le groupe Sogebra en octobre 1996. Ce distributeur a été intégré au réseau France boissons de la façon suivante : France boissons a cédé la totalité du capital à sa filiale Erval Robert frères, basée à Nogent (94) en 1998. Le fonds de commerce de la société Magnin Sasdelli a été mis en location-gérance auprès de Erval le 1er juin 1999, puis Erval a absorbé Magnin Sadelli en 1999. A l'heure actuelle, l'entrepôt Magnin Sasdelli, basé à Montereau, est un établissement secondaire de Erval.
121. D'après les éléments comptables au dossier, en 1995, une trentaine d'employés travaillaient chez ce distributeur qui réalisait un chiffre d'affaires total net de [...] MF ([...] M euro) dont près de [30-40] % provenait de la livraison des bières aux établissements de la CHD. Au total, cette dernière activité représentait, en volume, [10 000-20 000] hl, dont les trois quarts étaient des fûts de bière ([10 000-20 000] hl).
2. L'acquisition d'une minorité du capital (Cozigou)
122. France boissons a pris, en mars 1997, une participation de [...] % dans le capital de la société Etablissements Cozigou qui était entièrement détenu, à l'origine, par des membres de la famille Cozigou (dont quatre détenaient plus de [...] % des actions).
123. Ayant son siège social est à Plouisy (22), la société Cozigou exploitait, à la date de l'opération, 2 entrepôts de distribution de boissons, l'établissement Cozigou situé à Guingamp et l'établissement Cozigou situé à Lannion. Employant 36 personnes, ces deux entrepôts réalisaient un chiffre d'affaires bières CHD de [...] MF en 1997, dont [80-90] % en fûts (pour un volume de distribution de [20 000-30 000] hl de bières fûts) à la date d'acquisition. De plus, Cozigou détenait, à la date de l'opération, des participations minoritaires ([...] %) dans les entrepôts Sodibel, situé à Paimpol, et David, situé à Ploufragan. En 1998, Cozigou a complété sa participation dans l'entrepôt David, qui a ensuite été absorbé par Cozigou. Fin 1999, la société Cozigou a procédé à l'acquisition à [...] % de la société Auffret ([< 5 000] hl de bières, située à Rostrenen) puis en 2001, elle a acquis la société Bournet ([2 000-3 000] hl de bières), située à Carhaix.
124. L'opération Cozigou, par laquelle le groupe Heineken a acquis [...] % du capital de cet entrepositaire-grossiste, constitue une prise de participation minoritaire au sein du capital. Dans ses observations faisant suite au rapport, Heineken n'a pas contesté l'analyse menée dans ce document et selon laquelle cette prise de participation minoritaire permettait à Heineken d'exercer une influence déterminante sur les activités de Cozigou et l'opération était donc une concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001.
125. Le conseil note, cependant, que l'exercice, par l'actionnaire minoritaire et de façon exclusive, d'une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise cible, peut découler d'un faisceau de circonstances de droit et de fait. La notion de contrôle de droit s'applique aux situations dans lesquelles l'actionnaire minoritaire détient des droits particuliers qui lui permettent d'exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques et commerciales de la société, comme c'est le cas, par exemple, lorsque l'actionnaire minoritaire détient des actions préférentielles qui confèrent une majorité de droits de vote, ou encore des droits de veto sur des décisions stratégiques. En revanche, la détention, par l'actionnaire minoritaire, d'un droit de préemption sur d'autres actions ne peut pas, en elle-même, lui donner un pouvoir de contrôle sur l'entreprise, à moins que l'exercice de ce droit de préemption ne soit certain et prévu à brève échéance, de sorte que les circonstances de droit et de fait en fonction desquelles les autorités de concurrence examinent l'opération peuvent intégrer cette évolution.
126. Par ailleurs, lorsque le reste de l'actionnariat est dispersé, un actionnaire minoritaire peut se trouver en situation de contrôler, de fait, les activités de l'entreprise cible. L'exercice d'un contrôle de fait peut aussi trouver son origine dans le caractère inextricablement lié des activités des entreprises et de la reconnaissance par les actionnaires majoritaires du préjudice qu'ils subiraient s'ils venaient à s'opposer aux décisions de l'actionnaire minoritaire.
127. Au cas d'espèce, la prise de participation minoritaire réalisée par Heineken dans le capital de la société Cozigou a donné lieu à une modification des statuts. [...] Ainsi, dans leurs modalités, aucune de ces dispositions juridiques n'excède ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers et ne permet à Heineken de contrôler la stratégie de l'entreprise. De plus, l'actionnariat majoritaire des sociétés concernées est constitué d'un groupe familial et les actions sont concentrées entre les mains de quelques personnes. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être soutenu que le brasseur exerce un contrôle de fait sur les activités commerciales du distributeur. Au total, cette opération n'a pas conféré à Heineken une influence déterminante sur Cozigou. Elle ne constitue donc pas une concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce.
3. L'acquisition de l'intégralité du capital suite à la détention d'une minorité (Desjonquères)
128. Situés au lieudit Foucarmont, sur la commune de Blangy-sur-Bresle (76), non loin de la ville d'Eu où se trouve l'entrepositaire-grossiste Deparis-Rimbert dont l'acquisition est examinée aux paragraphes 105 à 106, les établissements Desjonquères n'étaient pas spécialisés dans la distribution de boissons aux cafés, hôtels et restaurants, qui ne représentait que [30-40] % de leur activité totale en 1997, et avaient une activité importante d'embouteilleur (cidre, vins, etc.). Le chiffre d'affaires CHD en bières de 1997 est estimé par Heineken à [...] MF, et la bière ne représenterait que la moitié des ventes de boissons réalisées par Desjonquères et moins de [10-20] % du chiffre d'affaires total de cette société. Le nombre de points de vente desservis avant l'acquisition était de [...] et les volumes de bières distribués par Desjonquères s'élevaient à [10 000-20 000] hl, dont [< 10 000] hl de fûts. Desjonquères a été intégré dans la filiale Normandie boissons de Rouen en 2000, consécutivement à un contrat de location-gérance.
129. L'opération examinée date de juillet 1997 et elle consiste en l'achat, par le groupe Heineken qui détenait [...] % du capital de la société Desjonquères, du reste des parts auprès des autres actionnaires. A l'origine, la société Fischer distribution possédait cette participation minoritaire au capital de Desjonquères. En 1996, lors de la fusion absorption de Fischer par le groupe Sogebra, la société Fischer distribution a été transmise à France boissons.
130. Heineken soutient que la participation minoritaire qu'il détenait dans Desjonquères lui conférait déjà un contrôle sur les activités commerciales de ce distributeur et que le transfert du contrôle de Desjonquères par Brasseries Fischer à France boissons est couvert par l'arrêté ministériel autorisant l'acquisition de Brasseries Fischer par le groupe Heineken (25). Heineken en déduit que la prise de contrôle de Desjonquères ne peut donc entrer dans le champ de compétence du conseil.
131. Or, l'opération Desjonquères examinée dans le présent avis consiste en une prise de participation complémentaire qui permet à Heineken de détenir la totalité du capital de l'entrepôt cible et de passer d'un contrôle exercé en commun avec les autres actionnaires sur les activités de l'entrepositaire-grossiste à un contrôle exclusif.
132. Comme le précise la communication de la Commission européenne relative au contrôle des concentrations : " Une opération doit également être considérée comme une concentration lorsqu'elle entraîne un changement dans la structure du contrôle, tel le passage d'un contrôle commun à un contrôle exclusif ou une augmentation du nombre d'actionnaires exerçant un contrôle en commun. ". [...]
133. En autorisant l'opération Heineken Fischer, le ministre de l'Economie avait donc contrôlé l'opération par laquelle le groupe Heineken avait acquis [...] % du capital de Desjonquères, ce qui, au vu des circonstances de droit et de fait de cette participation minoritaire, lui permettait d'exercer un contrôle conjoint sur les activités commerciales de l'entrepositaire, avec le groupe familial détenteur du solde des actions. L'opération examinée dans le présent avis consiste en un changement dans la nature du contrôle, puisque la propriété de l'intégralité du capital de Desjonquères permet au groupe Heineken d'exercer un contrôle exclusif sur les activités de ce distributeur. Il s'agit bien d'une opération de concentration au sens de l'article L. 430-2 avant sa modification par la loi du 15 mai 2001.
III. - LA CONTRÔLABILITÉ DES OPÉRATIONS
A. - Sur le droit applicable
134. La société Heineken fait valoir que depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations instauré par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), au 18 mai 2002, date de la publication du décret d'application, les acquisitions d'entrepôts visées par la saisine n° A 343 échappent au pouvoir de contrôle du ministre de l'Economie. Heineken soutient que, conformément à l'article 94, alinea 2, de la loi NRE, le nouveau régime de contrôle des concentrations ne s'applique qu'aux " opérations engagées de façon irrévocable " postérieurement à son entrée en vigueur. Par ailleurs, selon Heineken, la loi NRE ne contiendrait pas de disposition de droit transitoire qui prorogerait les pouvoirs de contrôle du ministre de l'Economie à l'égard des opérations engagées antérieurement à son entrée en vigueur. Enfin, Heineken fait valoir que le régime antérieur de contrôle des concentrations n'aurait plus de force juridique puisque les dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, codifiées au livre IV du Code de commerce ont été remplacées par de nouvelles règles issues de la loi NRE et que le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, fixant les conditions d'applications de la dite ordonnance, a été abrogé par l'article 50 du décret du 30 avril 2002. La société en conclut que l'acte par lequel le ministre a saisi le Conseil d'une demande d'avis sur ces acquisitions est illégal.
135. Sur la base de cette argumentation, Heineken a adressé au ministre de l'Economie une requête visant au retrait de la présente saisine. La demande d'Heineken ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet par le ministre de l'Economie, Heineken a, le 19 juillet 2002, formé un recours en annulation contre cette décision devant le Conseil d'Etat. Elle demandait aussi au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de l'Economie de retirer sa saisine.
136. Par un arrêt du 9 juillet 2003, le Conseil d'Etat a rejeté le recours de Sogebra au motif que la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre de l'Economie a le caractère d'un acte préparatoire et ne constitue pas en elle-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et qu'il en est de même de la décision par laquelle le ministre chargé de l'Economie refuse de retirer cette saisine.
137. Au surplus, le Conseil d'Etat se prononce, d'une part, sur les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi NRE sur les pouvoirs qu'avait le ministre en charge de l'Economie de contrôler, a posteriori, des opérations de concentrations et d'autre part, sur le régime qu'il conviendrait d'appliquer en pareil cas : " Considérant au surplus, que si la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a rendu obligatoire la notification au ministre chargé de l'Economie des projets de concentrations entrant dans le champ de l'application des articles L. 430-1 et L. 430-2 du Code de commerce et si celui-ci a, de ce fait, perdu, dans le nouveau régime issu de la loi précitée, le pouvoir de contrôler a posteriori, sauf dans les cas prévus à l'article L. 430-8 du Code de commerce, les opérations de concentration définitivement réalisées, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 94 de ladite loi que le ministre a conservé ce pouvoir s'agissant des opérations de concentrations engagées de façon irrévocable avant la date d'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations, laquelle résulte des dispositions combinées de l'article 94 de la loi du 15 mai 2001 et de l'article 51 du décret du 30 avril 2002, pris pour son application ; qu'il résulte des mêmes dispositions que l'examen de ces dernières opérations reste régi, dans le cas où le ministre décide de les soumettre au Conseil de la concurrence, aux règles de fond et de procédure fixées par les articles L. 430-1 à L. 430-7 du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que les règlements pris pour leur application ; ".
B. - Sur la prescription
138. Heineken fait encore valoir que la rédaction de l'ordonnance du 1er décembre 1986, telle que codifiée au livre IV du Code de commerce, indique clairement que la prescription triennale s'applique aux concentrations. Dans l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'article 27, traitant de la prescription triennale, figurait dans le titre III consacré aux pratiques anticoncurrentielles tandis que le contrôle des concentrations faisait l'objet du titre V. La codification de l'ordonnance, en septembre 2000, a eu pour résultat de placer cet article, devenu l'article L. 462-7 et dont la formulation est restée identique, dans le titre VI, intitulé " Du Conseil de la concurrence ", au sein du chapitre II, " Des attributions ". Heineken tire argument de ce changement de place pour faire valoir que le droit français des concentrations, clarifié par la codification, prévoit dorénavant que la prescription triennale est applicable au contrôle des opérations de concentrations. Il s'ensuivrait, selon Heineken, que le ministre en charge de l'Economie ayant saisi le conseil le 8 août 2001, toutes les opérations intervenues avant le 8 août 1998 sont prescrites, et que le Conseil de la concurrence ne peut pas se prononcer sur les opérations BS Distribution (juillet 1998), Société des vins Guevel (avril 1998), Ets Valdigny (avril 1998), Desjonquères (juillet 1997), Deparis-Rimbert (mai 1997), Nayrolles (avril 1997), Cozigou (mars 1997), Pommeuse Distribution (mars 1997), Brasserie de la Rance (janvier 1997), Rennes boissons (janvier 1997), Sobodis (novembre 1996) et Magnin Sasdelli (octobre 1996).
139. Cependant, la codification d'un texte de loi s'effectuant à droit constant, il ne peut être tiré aucune conclusion du changement de place de l'article relatif à la prescription lors de son intégration dans le Code de commerce. Au surplus, les dispositions relatives à la prescription ont pour objet d'encadrer l'exercice d'un droit contentieux et n'ont aucun sens en matière de procédure consultative. L'exception tirée par la société Heineken de l'écoulement d'un prétendu délai de prescription doit, dès lors, être rejetée.
C. - Sur les seuils de référence
140. Aux termes de l'article L. 430-1 du Code de commerce avant sa modification par la loi du 15 mai 2001 : " Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'Economie, à l'avis du conseil de la concurrence. "
141. Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs. "
142. La condition fixée à l'article L. 430-1 du Code de commerce relative au chiffre d'affaires n'est pas remplie en l'espèce, aucun des entrepositaires-grossistes parties aux opérations visées dans la saisine n'ayant réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs à la date des opérations. Il y a donc lieu de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint.
143. Dans le cadre de cette saisine, deux marchés sont concernés par les opérations : le marché des marques de bière à destination de la consommation hors domicile et le marché de la distribution de la bière aux débits de boissons (voir section IV de cet avis).
144. En 2000, Heineken dispose d'une part de marché de [30-40] % du marché de la bière consommée hors domicile, exprimé en volume, et cette part était de [30-40] % en 1996 (voir paragraphes 160 à 62). Le dépassement du seuil en termes de parts de marché sur l'un des marchés concernés par la concentration suffit à déclencher le contrôle sur l'ensemble des marchés affectés.
IV. - LES MARCHÉS CONCERNÉS PAR LES OPÉRATIONS
A. - Le marché des bières vendues dans les établissements de la consommation hors domicile
145. Il est constant, dans la doctrine des autorités de la concurrence, de distinguer un marché de la bière destinée à la distribution alimentaire et un marché de la bière destinée à la consommation hors domicile.
1. La dimension produits
146. Heineken avance que des transferts de consommation très importants ont eu lieu entre la bière et certaines boissons non alcoolisées, et qu'il convient donc de revenir sur la distinction traditionnellement opérée par les autorités de concurrence entre la bière et les autres boissons consommées hors domicile.
147. Or, le constat de la baisse des volumes de bières consommées hors domicile et de la hausse des boissons froides sans alcool consommées hors domicile, exposé aux paragraphes 8 à 10, ne signifie pas que ces produits sont substituables. En effet, les caractéristiques du produit bières (degré alcoolique, goût) en font un produit spécifique aux yeux des consommateurs. Au surplus, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a toujours distingué le produit bières des autres boissons. La Commission européenne a rappelé, dans l'appréciation qu'elle a conduite de l'acquisition du brasseur britannique Bass par le brasseur belge Interbrew, qu'il convenait d'isoler un marché de la bière (26). La " Competition Commission ", lors de son appréciation des aspects britanniques de cette opération, a complété cette analyse (27). Elle n'a pas écarté que, du côté de la demande, il existe de possibles substituts alcoolisés à la bière (le cidre, les mélanges de boissons gazeuses et d'alcool et le vin). Elle a néanmoins considéré que la bière constitue un marché spécifique (28).
a) La consommation de bière à domicile diffère de celle en établissements
148. La Cour de justice des Communautés européennes a précisé dans l'arrêt Delimitis/Heiniger Braü du 28 février 1991 (29) : " Du point de vue du consommateur, le secteur des débits de boissons, comprenant notamment les cafés et restaurants, se distingue de celui du commerce de détail, au motif que la vente dans les débits de boissons est associée non pas uniquement au simple achat d'une marchandise, mais également à une prestation de service et que la consommation de bière dans les débits de boisson ne dépend pas essentiellement de considérations d'ordre économique. Cette spécificité des ventes dans les débits de boissons est confirmée par le fait que les brasseries ont organisé des systèmes de distribution propres à ce secteur nécessitant des installations spéciales et que les prix pratiqués dans ce secteur sont, en général, supérieurs à ceux pratiqués pour les ventes dans le commerce de détail. "
149. Comme le précise cet arrêt, la consommation de bières dans un débit de boissons satisfait le " plaisir " de consommer une bière, mais aussi celui de le faire dans un établissement de restauration. La consommation de la bière en établissements de restauration se distingue donc très nettement de la consommation de bière à domicile, pour laquelle l'agrément du consommateur ne dépendra que des qualités du produit.
b) Les circuits de livraison des points de vente diffèrent de la distribution alimentaire
150. Le canal de distribution de la bière à destination de la distribution alimentaire diffère du canal à destination des établissements de restauration hors domicile. Dans le premier cas, les centrales d'achats des GMS achètent auprès des brasseurs directement et les plates-formes logistiques des distributeurs vont chercher les produits à la brasserie. Dans le second cas, un distributeur intermédiaire existe entre le brasseur et l'établissement de restauration hors domicile : l'entrepositaire-grossiste de boissons. Ce dernier s'approvisionne auprès du brasseur s'il commande des volumes suffisants pour que l'enlèvement à la brasserie soit économiquement rentable ou auprès d'un entrepositaire-grossiste de plus grande taille si les volumes de bière qu'il achète sont trop faibles.
151. L'entrepositaire-grossiste livre ses clients cafés, hôtels ou restaurants en boissons. La fréquence des livraisons dépend du taux de rotation des produits, mais il n'est pas rare que le café soit approvisionné plusieurs fois par semaine. L'entrepositaire-grossiste récupère les emballages consignés (fûts et bouteilles) de l'ensemble des boissons concernées, bières mais aussi boissons rafraîchissantes vendues en bouteilles, etc.
152. Il convient, donc, de retenir un marché des bières consommées dans des établissements de restauration hors domicile. Le Conseil de la concurrence, dans son avis sur la concentration Heineken-Fischer (30) a repris cette analyse et a conclu à la distinction entre un marché de la bière destinée à la distribution alimentaire et un marché de la bière destinée aux cafés, hôtels et restaurants.
153. En termes de volume, ce marché représente près de 30 % du total des bières vendues, alors qu'en termes de valeur, la proportion des bières consommées hors domicile est plus élevée. En 2000, la valeur de ce marché s'est élevée à près de 8 milliards de francs (1,2 milliard d'euro), pour un volume total compris entre 7 et 7,5 millions d'hectolitres d'après Gira.
154. Le volume du marché des bières consommées dans des établissements de restauration hors domicile décroît régulièrement, de près de 2 % par an. Ce marché représentait près de 9 millions d'hectolitres en 1990, 7,5 millions d'hectolitres en 1999, et légèrement plus de 7 millions en 2001.
155. Ce marché est différencié au sens où la bière consommée hors domicile n'est pas un produit homogène, mais se caractérise par la variété des types de bières, d'une part (de luxe, soit la pression, spéciale ou de spécialité), par le choix entre une bière pression et une bière en bouteilles, d'autre part, et enfin, par la diversité des lieux dans lesquels le consommateur peut boire une bière. Ces points ont été exposés aux paragraphes 11 à 17. Cette différenciation du marché ne nécessite, cependant, pas une délimitation plus fine des marchés pertinents puisque ces segments restent largement substituables entre eux pour le consommateur final.
2. La dimension géographique
156. Heineken soutient que le niveau élevé des importations de bières en France, rappelé au paragraphe 2, ainsi que l'internationalisation croissante de la concurrence entre les brasseurs devrait être pris en compte lors de la délimitation géographique du marché.
157. Or, le marché des marques de bière consommées hors domicile n'est pas plus large que le territoire national. En effet, d'une part, les modes de consommation et les préférences des consommateurs diffèrent d'un pays à l'autre. D'autre part, la particularité du système de distribution en France (marqué par une forte intégration verticale des deux brasseurs principaux) est un argument majeur en faveur de la définition d'un marché national. Un producteur étranger, qui ne possèderait pas de réseau de distribution implanté en France, devrait, pour pénétrer le marché français, soit créer un réseau de distribution suffisamment dense, soit s'assurer de pouvoir accéder à un réseau détenu par un tiers ou à différents entrepositaires-grossistes situés sur le territoire.
158. L'importance des importations (près de 20 % de la consommation totale de bières) s'explique par la décision d'Interbrew, qui possédait un brasseur implanté de longue date sur le territoire français, Stella Artois, de faire produire ses bières en Belgique en 1994 : elle ne signifie pas pour autant que les entrées sur le marché français sont aisées. Au surplus, la circonstance que les principaux brasseurs actifs sur le marché français sont adossés à des groupes d'envergure mondiale et qu'ils réalisent l'essentiel de leurs ventes hors du territoire national ne contredit pas les spécificités du marché français, exposées ci-dessus.
159. Une segmentation plus fine que l'échelon national n'est pas pertinente puisqu'en France l'essentiel de la consommation de bière hors domicile est constitué par des marques qui se situent au moins à l'échelon national, voire européen ou international. Les marques régionales constituent une part très faible de la consommation française : ce sont des bières de niche. Même si, historiquement, les consommateurs des régions brassicoles avaient une préférence relative pour les bières de " leur " brasseur (Stella Artois dans le Nord et en Picardie et Kronenbourg en Alsace), la profession s'accorde à reconnaître que ce phénomène tend à disparaître. De surcroît, la concurrence entre les brasseurs s'exerce au niveau national et les décisions stratégiques des brasseurs concernant le marché de la consommation hors domicile sont prises de façon centralisée, au niveau national (décision d'investissement dans la distribution, de lancement de campagnes de publicité, etc.).
3. Les parts de marché des brasseurs
160. Les parts de marché des brasseurs en consommation de bières hors domicile sont fournies en volume. Selon leurs propres estimations, les parts de marché des deux majors brasseurs n'ont pratiquement pas évolué entre 1996 et 2000.
Tableau 12
Les parts de marché des brasseurs, selon leurs propres estimations
<emplacement tableau>
161. Heineken avance que ces parts de marché ont été calculées sur la base des seules ventes en fûts. Ceci est inexact, les brasseurs ayant fourni ces estimations pour l'ensemble des volumes vendus, qu'ils soient conditionnés en bouteilles ou en fûts.
162. L'offre sur le marché des bières vendues hors domicile est oligopolistique. En 2000, les deux leaders Heineken et Kronenbourg desservent plus de [65-75] % de ce marché et cette proportion s'élève à [85-95] % s'il est tenu compte du troisième acteur, Interbrew.
B. - Le marché de la distribution des bières à destination des établissements de consommation hors domicile
1. La dimension produits
163. La société Heineken fait valoir qu'il convient de prendre en considération un marché de la distribution de l'ensemble des boissons à destination des établissements de consommation hors domicile. A l'appui de cette délimitation, elle soutient que la demande des points de vente concerne un assortiment de boissons et pas uniquement la bière. Du côté de l'offre, Heineken souligne le fait que les entrepositaires-grossistes livrent l'ensemble des boissons dont a besoin un point de vente (bières, eaux embouteillées, jus de fruits, boissons rafraîchissantes sans alcool, vins, alcool, cafés, etc.) et que ces acteurs ont constamment élargi les références des produits offerts, le nombre moyen de références articles boissons variant entre 2 000 et 2 500 à l'heure actuelle.
164. Heineken avance que les intervenants auprès desquels les points de vente s'approvisionnent en boissons ne sont pas restreints aux seuls entrepositaires-grossistes traditionnels, mais qu'il convient de prendre en compte les cash and carry, les distributeurs de vins et les achats en direct auprès des producteurs. Heineken souligne que les cash and carry sont des acteurs à part entière de la distribution de l'ensemble des boissons, dont ils assurent [20-30] %, tandis que le réseau France Boissons détient [20-30] % de ce marché.
165. Mais la distribution de la bière présente des spécificités. En premier lieu, les exigences des points de vente en matière d'approvisionnement en bières en fûts sont spécifiques par rapport aux autres boissons. Les tirages à pression nécessitent des entretiens réguliers, qui sont réalisés par les entrepositaires-grossistes.
166. La bière en fûts nécessite l'installation d'un équipement particulier dans le débit de boissons, le tirage à pression. Un CHR possède au moins deux points de tirage de la bière au comptoir. Le " premier bec ", dans lequel coule une bière de catégorie de luxe, voire spéciale, écoule les plus forts débits de bières : il s'agit du " demi ". Un tirage à pression nécessite des mécanismes de froid, puisque la bière est servie fraîche, et de poussée, les fûts étant généralement stockés dans la cave du CHR et reliés aux becs de tirage par des tuyaux. Selon la qualité de la bière, des installations différentes, ou à tout le moins des dosages gazeux propres, peuvent être requis. Par exemple, la Guinness (bière brune de type " stout ") est tirée avec un mélange de di-oxygène de carbone et d'azote ce qui donne à la mousse un aspect crémeux.
167. L'installation d'un tirage à pression requiert des travaux de plomberie, voire de maçonnerie. Elle est estimée entre 25 000 et 30 000 F (3 811 à 4 573 euro) pour un poste de 3 ou 4 becs. Cet investissement n'est quasiment jamais réalisé par le cafetier, et la plupart du temps, il est financé à parts égales par l'entrepositaire et le brasseur (voir paragraphe 63).
168. L'entretien et la sanitation des tirages de bière est une opération déterminante pour la qualité de la bière en fût qui est un produit vivant, non pasteurisé. D'après l'audit réalisé par l'Association des brasseurs de France en 1999 auprès des entrepositaires-grossistes et portant sur la qualité de la bière, il doit avoir lieu toutes les 6 semaines. Passé ce délai, la qualité bactériologique des bières pression s'en ressent. L'opération de sanitation est réalisée par les plombiers spécialisés de l'entrepositaire-grossiste ou des entreprises spécialisées. Elle n'est pas à la charge du cafetier, mais à celle du distributeur et/ou du brasseur. Réalisées 8 à 10 fois par an, les interventions coûtent près de 300 FF (45 euro) : le coût total de l'entretien des tirages à pression est de près de 3 000 FF/an (450 euro).
169. La fréquence des livraisons de bières au point de vente est d'au moins une fois par semaine. D'après la profession, un café " moyen " sert, avec le premier bec, près de 30 demis par jour ouvrable (32), soit 150 demis en une semaine de 5 jours. Sachant qu'un fût contient 30 ou 50 litres, soit moins de 120 demis ou de 200, du fait des pertes à chaque verre, l'entrepositaire-grossiste livre donc le CHR au moins une fois par semaine (33).
170. En deuxième lieu, le choix d'un débit de boissons en matière d'approvisionnement en boissons est largement déterminé par les conditions de livraison des bières. En effet, la bière en fût est un produit phare pour les CHR traditionnels, qui représente près de 48 % de ses ventes. Au surplus, une large part de ces points de vente sont financés par le brasseur et le distributeur en contrepartie d'une exclusivité, ou alors l'entretien des tirages à pression est financé par l'entrepositaire-grossiste. Une fois son choix porté sur un entrepositaire-grossiste, le point de vente se fera livrer pour les autres boissons, par ce distributeur.
171. En troisième lieu, les points de vente n'arbitrent pas entre les mêmes acteurs lorsqu'ils achètent des fûts de bière et lorsqu'ils achètent d'autres produits. Tandis que les cash and carry constituent une alternative aux entrepositaires-grossistes pour l'approvisionnement en autres boissons et que, pour se déterminer, le débit de boissons compare l'économie que représente l'enlèvement auprès du cash and carry de ces boissons vendues moins chères que celles livrées par les entrepositaires avec la perte de temps qu'impliquent des déplacements réguliers, les termes de son choix sont différents pour les fûts de bières.
172. D'une part, les cash and carry ne sont pas sélectionnés par les trois principaux brasseurs (Kronenbourg, Heineken et Interbrew) comme distributeurs susceptibles de vendre leurs produits dans des conditions de qualité satisfaisantes à leurs yeux. Un point de vente qui souhaiterait offrir des bières pression de ces marques ne peut donc s'adresser qu'aux entrepositaires-grossistes. Ce point a été développé au paragraphe 73.
173. D'autre part, les marques de fûts de bière qu'offrent les cash and carry n'ont pas le niveau de notoriété des marques dominantes, de sorte qu'ils tiennent une place marginale pour l'approvisionnement en fûts des débits de boissons.
174. En quatrième lieu, les cash and carry sont en concurrence avec les entrepositaires-grossistes pour l'approvisionnement en bières en bouteilles mais d'une part, ils n'offrent pas de services de livraison au point de vente, ni de services de consigne et, d'autre part, l'approvisionnement en bouteilles de bières reste, à titre principal, assuré par les entrepositaires-grossistes. En effet, en 1999, les bouteilles consignées représentaient 16,2 % de la consommation de bières hors domicile, tandis que les bières en contenants perdus représentaient près de 8 % (34).
175. En cinquième lieu, les points de vente du troisième marché ne s'approvisionnent qu'auprès des entrepositaires-grossistes et non auprès des cash and carry. Ainsi que l'a souligné un représentant du groupe Elior lors de la séance, la politique d'approvisionnement en boissons est centralisée et les points de vente ne disposent pas de marge de manœuvre : ils commandent les marques choisies par le groupe et se font livrer par le réseau de distribution référencé.
176. Pour l'ensemble de ces raisons, il convient d'isoler le marché de la distribution des bières aux points de vente.
177. La nature verticale des opérations examinées autorise cette délimitation. En effet, ainsi que cela est rappelé dans le rapport annuel du Conseil de la concurrence 2001 : " L'objectif poursuivi in fine par les autorités de concurrence à travers la notion de marché pertinent est d'apprécier le pouvoir de marché d'une entreprise, c'est-à-dire sa capacité à augmenter ses prix au-delà du prix concurrentiel sans que la baisse des ventes qui en résulte annule la hausse des profits escomptés (35). "
178. Dans le cadre d'une opération verticale, le pouvoir de marché de la structure intégrée peut s'exercer sur deux marchés distincts, qui sont des étapes de la chaîne de valeur, ainsi que l'a dit le Conseil de la concurrence : " Considérant que l'intégration verticale du groupe, renforcée par l'opération examinée, est en principe susceptible d'emporter plusieurs effets anticoncurrentiels ; que, d'une part, des situations de puissance d'achat ou de vente à certains niveaux de la chaîne de valeur pourraient s'en trouver renforcées ; que des risques d'éviction de concurrents moins intégrés verticalement ne sont pas à exclure ; que la constitution de grands groupes intégrés occupant une position forte, tant sur les marchés de contenus que sur ceux de la communication, pourrait contribuer à rendre plus malaisée l'entrée sur les marchés en cause ; qu'en effet, dès lors que les activités d'amont et d'aval sont dominées par des groupes intégrés, il sera difficile à un nouvel entrant de se limiter à un seul marché (36). "
179. La détention de la distribution par les brasseurs est susceptible de restreindre la concurrence entre les brasseurs à la condition que cette intégration verticale constitue des barrières à l'entrée pour la distribution des bières des brasseurs non intégrés. Dans cette perspective, il semble donc logique de s'intéresser à la distribution de la bière afin d'évaluer les pouvoirs de marché, amont et aval, des structures intégrées.
2. Les dimensions géographiques
a) La dimension nationale de la distribution de bières aux débits de boissons
180. Le marché de la distribution possède une dimension nationale du fait que le segment de clientèle des établissements chaînés et de la restauration collective est uniformément présent sur l'ensemble du territoire national et que les entreprises qui gèrent ces points de vente négocient les conditions d'approvisionnement avec le réseau de distribution au niveau national.
181. Cette dimension nationale provient aussi de l'organisation en réseau de la distribution intégrée qui lui permet de mener des campagnes nationales de promotion, d'investir dans des équipements informatiques et, concernant les autres boissons que la bière, de négocier avec les fournisseurs au niveau national.
b) Les parts de marché des entrepositaires-grossistes au niveau national
182. Les parts de marché des distributeurs qui opèrent sur le marché de la distribution des bières aux débits de boissons sont mesurées en utilisant les volumes vendus de bière en fûts. D'une part, le fût représente la très grande majorité des ventes de bières hors domicile (76 % en 1999). D'autre part, le fût constitue l'instrument de mesure le plus simple et le plus couramment utilisé par les distributeurs.
183. Le tableau suivant présente les estimations que font les brasseurs de leurs parts de marché entre 1996 et 2000 sur le marché de la distribution de bière au niveau national, ainsi que les volumes vendus. La part de marché des indépendants au niveau national est obtenue par soustraction.
Tableau 13
Les parts de marché des réseaux de distribution intégré, selon les brasseurs
<emplacement tableau>
184. Le périmètre des entrepôts pris en compte pour évaluer la part de marché du réseau de distribution de Kronenbourg ne comprend pas les participations minoritaires qu'il détient dans plusieurs distributeurs, qui représentent environ [< 10] % du marché. Seule une analyse au cas par cas des opérations, du type de celles développées au titre II de cet avis, permettrait d'établir si Kronenbourg exerce véritablement un contrôle sur ces entrepositaires.
185. La part de marché de la distribution Heineken comprend les participations minoritaires détenues par ce brasseur. Il s'agit de participation relativement peu nombreuses comparées à celles que détient Kronenbourg, de sorte que leur impact sur la part de marché est négligeable ([< 5 %]).
186. En 2000, les réseaux de distribution intégrés à des brasseurs assurent la très grande majorité de la distribution de bière en France. Heineken a une position légèrement plus forte que Kronenbourg (respectivement [30-40] et [20-30] % du marché), et Interbrew occupe la troisième place, avec une part de marché sensiblement plus faible.
187. Pris ensemble, les trois réseaux intégrés assurent [60-70] % de la distribution en 2000. Les indépendants représentent donc [30-40] % de la distribution de bière sur le territoire national, mais, dans la mesure où la concurrence qu'ils exercent porte, à titre principal, sur les marchés locaux, ce chiffre ne rend pas véritablement compte de leur capacité concurrentielle, qui doit être analysée au cas par cas, pour chaque marché local.
c) La dimension locale de la distribution de bières aux débits de boissons
188. Un débit de boissons situé dans une ville arbitrera entre un certain nombre de distributeurs répartis dans une zone géographique limitée autour de cette ville. Ainsi, un cafetier de Lille ne fera pas appel à un distributeur marseillais. En effet, le manque d'espace de stockage sur place des débits de boissons impose des livraisons fréquentes (au minimum une fois par semaine) et en petites quantités (un ou plusieurs fûts, quelques caisses de bouteilles consignées). S'il est difficile de connaître avec exactitude la part du service de livraison dans les conditions d'approvisionnement des débits de boissons, puisque le prix que facture l'entrepositaire-grossiste au cafetier comprend aussi bien les produits livrés que la livraison proprement dite ou la rémunération du soutien commercial et financier consenti par l'entrepositaire-grossiste au café, la profession s'accorde à souligner que le service de livraison représente une part importante du coût pour le point de vente.
189. Vu du côté de l'offre, lors d'une tournée de livraison, le " roulage à vide " du camion est plus coûteux que les activités de livraison proprement dites. Ainsi, le rayon d'action d'un distributeur est limité car, au-delà d'une certaine distance à partir de son entrepôt, il ne sera pas économiquement rentable pour lui d'aller livrer les points de vente. Au surplus, les entrepositaires-grossistes assurent une fonction de dépannage et leur proximité géographique est une composante importante du service rendu. D'après le guide Vasseur, le rayon d'intervention des entrepositaires est de l'ordre de la centaine de kilomètres.
190. Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de retenir une dimension locale pour le marché de la distribution des bières. Une étude versée au dossier par Interbrew et réalisée par le Pr Montet montre que les prix moyens de deux produits Interbrew pratiqués par les entrepositaires-grossistes et relevés sur un échantillon de 39 villes diffèrent sensiblement, d'une zone géographique à l'autre, et que les écarts relevés restent à peu près constants entre 1992 et 1998.
191. Ces constatations ne doivent pas pour autant conduire à définir un marché de la distribution CHR traditionnel qui serait uniquement local et un marché de la distribution clients chaînés qui serait national. En premier lieu, les produits demandés sont identiques : tous les types de conditionnement sont demandés par les deux segments, même si la répartition est différente (la proportion de boîtes est plus importante dans le segment dit du 3e marché). En deuxième lieu, la livraison aux deux catégories de clients est identique sur le plan de la logistique. En troisième lieu, il n'y a pas de cloisonnement entre les deux canaux de distribution. L'organisation en réseau permet de pénétrer la distribution aux clients chaînés et également a fortiori aux clients CHR traditionnels.
192. La mise en évidence d'une double dimension géographique se retrouve régulièrement dans l'analyse développée par les autorités de concurrence en matière de grande distribution. La Commission, à cet égard, a régulièrement retenu que les rapports de concurrence entre les grandes chaînes de détail ne se limitaient pas à une concurrence sur le plan local mais recouvraient en réalité une dimension géographique plus large, s'agissant de la structure de l'assortiment, des campagnes de publicité, des actions de promotion ou de lancement d'un nouveau produit avec la coopération du fournisseur, de la politique de fidélisation de la clientèle.
3. Les marchés locaux concernés par les concentrations examinées
193. Les opérations en cause étant qualifiées de concentrations au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce avant sa modification par la loi du 15 mai 2001, il convient d'analyser les conséquences qui en ont résulté sur la structure des marchés locaux de distribution de bières. Cet exercice, qui repose, d'une part, sur la délimitation géographique du marché affecté et, d'autre part, sur l'identification des positions concurrentielles des entrepositaires-grossistes avant et après l'opération, sera conduit pour les 13 opérations suivantes : Vins Guevel, Brasserie de la Rance, Rennes Boissons, Deparis Rimbert, Sobodis IdF, Pommeuse Distribution, Nayrolles, Valdigny, BS Distribution, Vins Marchal, Fège et fils, Magnin Sasdelli et Desjonquères.
194. Pour délimiter le marché local concerné par chacune de ces opérations, la société Heineken a considéré la zone de chalandise de l'entrepôt cible, entendue comme la zone dans laquelle elle livre des points de vente.
195. Concernant les structures du marché local affecté par la concentration examinée, les positions concurrentielles des entrepositaires-grossistes avant et après l'opération sont reconstruites sur la base des informations données par le brasseur et celles de ses concurrents. Les parts de marché des entrepositaires-grossistes sont données en 2000. Si une autre acquisition est intervenue postérieurement à celle examinée, son effet sur la part de marché distributive de Heineken est présenté. Enfin, si des acquisitions ont été réalisées après 2000 et ont affecté la structure du marché, il en est tenu compte. Concernant les entrepositaires-grossistes indépendants, il n'est pas tenu compte des distributeurs qui livrent moins de 1 500 hl de bières en fûts. En effet, ces acteurs du marché ne sont pas susceptibles de livrer une concurrence efficace aux réseaux intégrés.
196. Dans la mesure où 6 des marchés locaux affectés sont situés en région Bretagne, les parts de marché des réseaux intégrés fournies par les brasseurs pour cette région sont présentées avec les analyses locales.
a) Marché de Rennes (Rennes Boissons et établissement de Rennes de SVG)
197. L'acquisition de Rennes Boissons (janvier 1997) et de l'établissement de Rennes de SVG (avril 1998) ont des effets sur une zone qui couvre à peu près le département de l'Ille-et-Vilaine. Selon Heineken, en 2000, près de [110 000-120 000] hl de fûts bières ont été vendus sur ce marché.
198. Sur ce même marché, avant les acquisitions examinées, France Boissons intervenait via quatre entrepositaires : sa filiale Fournier Services, acquise en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, les établissements Boucicaud, acquis par France Boissons en 1996 et qui interviennent sur la partie sud-ouest du département d'Ille-et-Vilaine bien que le principal de leur activité se situe en dehors du marché considéré, Félix Blanchard, acquis par France Boissons en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, entrepôt localisé à Saint-Malo, qui intervient au nord du département, dans une bande de 60 km de long au bord de la côte et, enfin, la société Brasserie de la Rance, acquise par France Boissons en 1997, située à Dinan et qui intervient principalement dans les Côtes d'Armor, jusqu'à Saint-Brieuc. L'ensemble de ces distributeurs livrait [30 000-40 000] hl, soit [20-30] % du marché. L'acquisition de Rennes Boissons a porté cette part de marché à [40-50] %. Au moment de l'acquisition de l'établissement Rennes de SVG, en avril 1998, la part de marché distributive de France Boissons était de [40-50] %, et elle est passée à [50-60] % grâce à cette opération. En 2000, France Boissons détient aussi [50-60] % du marché.
199. A la date des acquisitions examinées, Interbrew ne possédait aucun entrepôt intervenant sur la zone. En 2001, Interbrew a acquis un entrepôt indépendant, Lavoquet-Prechoux, qui détient [< 5] % du marché local de la distribution de Rennes.
200. Kronenbourg indique qu'Elidis détient des participations minoritaires dans deux entrepôts, Boissons 2000 (situé à Rennes) et Générale de Boissons Fougères (GB Fougères, situé à Fougères) qui, pris ensemble, détiennent [20-30] % du marché. Dans la mesure où il ne peut être considéré, sans un examen approfondi des conditions de ces prises de participation minoritaires comme celui développé au titre II de cet avis, que ces entrepositaires-grossistes sont contrôlés par Kronenbourg, ils sont considérés comme indépendants. Trois autres distributeurs indépendants de taille significative ont été identifiés (Barre, [< 5 000] hl, [< 5] % du marché ; Delourmel, même part de marché et, enfin, Vignier, [< 5 000] hl, près de [< 5] %).
201. Sur le marché de Rennes, France Boissons détient, en 2000, plus de [40-50] % de la distribution et, en ajoutant la part de marché d'Interbrew, la distribution intégrée représente [50-60] %. Kronenbourg détient une minorité du capital des plus gros indépendants restants.
Figure 2 : Rennes. Parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
b) Marché de Saint-Malo (Brasserie de la Rance)
202. Le marché retenu couvre la partie est du département des Côtes-d'Armor jusqu'à Saint-Brieuc outre la partie nord du département de l'Ille-et-Vilaine. Le volume de bières en fût consommées sur ce marché s'élevait, en 2000, à près de [70 000-80 000] hl.
203. Avant l'acquisition de Brasserie de la Rance en 1997, sur ce marché local, France Boissons contrôlait 5 entrepositaires grossistes : Fournier Services, acquis par France Boissons en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, Rennes boissons, acquis par France Boissons en 1997, Rennes SVG, établissement de la société Vins Guevel (entrepôt acquis en 1998, regroupé avec Fournier Services en 1999), Félix Blanchard, acquis par France Boissons en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, et l'établissement Plerneuf de la société Vin Guevel. L'ensemble de ces distributeurs distribuait 10 000-20 000 hl de fûts de bière, soit [10-20] % du marché local, et Brasserie de la Rance, acquis en 1997, détenait [30-40] %. Ainsi, l'acquisition a permis à Heineken de contrôler [50-60] % du marché local et en 2000, sa part distributive avait augmenté pour atteindre [60-70] %.
204. En 2000, Elidis desservait [20-30] % du marché de Saint-Malo, via l'entrepôt Elidis Saint-Brieuc situé à Saint-Brieuc [10 000-20 000] hl) et deux entrepôts d'importance moindre, Elidis Taule et l'établissement de Plemet, qui dépend d' Elidis Saint-Brieuc. A la même date, Interbrew possédait Begard Boisson Service, qui contrôlait [< 5] % du marché.
205. En 2000, la distribution intégrée à des brasseurs assure plus de [80-90] % de la distribution de bières en fûts, comme l'illustre le marché suivant. Aucun distributeur indépendant de taille significative n'intervient sur le marché de Saint-Malo (37).
Figure 3. Saint-Malo : parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
c) Marché de Brest (SVG - Etablissement Pleyber Christ)
206. Le marché retenu couvre une grande partie du département du Finistère plus une petite partie des départements des Côtes-d'Armor et du Morbihan. En 2000, la taille de ce marché était de [80 000-90 000] hl fûts bière.
207. Avant l'acquisition de SVG en avril 1998, et donc de l'établissement de Pleyber Christ actif sur le marché de Brest, France Boissons était présent sur le marché de Brest à hauteur de [30-40] % (près de [30 000-40 000] hl de bière en fût), via Fournier Distribution, situé à Plougastel Daoulas et acquis par France Boisson en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, devenu par la suite France Boissons Brest. L'acquisition examinée ici a porté la part distributive du réseau de Heineken à [50-60] %, et, en 2000, cette part de marché est quasiment identique ([50-60] %).
208. Interbrew n'intervient pas en tant que distributeur sur ce marché local. Elidis est présent sur le marché de Brest via les entrepôts Elidis Brest et Elidis Taule, acquis en 1997, lors de l'acquisition de Self par le groupe Kronenbourg. Les parts de marché de ces distributeurs n'ont pas été fournies directement par Kronenbourg, mais elles peuvent être estimées. Le volume distribué par Elidis Taule est de l'ordre de [<10 000] hl, et Kronenbourg indique, par ailleurs, qu'Elidis Brest se situe dans la catégorie IV des entrepôts, c'est-à-dire ceux distribuant plus de [20 000-30 000] hl fûts bière. Au surplus, d'après les informations sur les acquisitions réalisées après la saisine fournies par Interbrew, Kronenbourg aurait acquis, en 2002, un petit distributeur indépendant, Cadiou, qui livrait [< 5 000] hl de fûts de bière et employait 5 personnes. Elidis distribue donc sur le marché de Brest un volume de fûts de bière de l'ordre de [30 000-40 000] hl fûts bière, soit près de [40-50] %.
209. Il ne resterait à l'heure actuelle qu'un seul distributeur indépendant de taille significative, Adam, qui emploie trente personnes, est affilié à la CEB et distribue majoritairement des bières Interbrew. A l'heure actuelle, on constate une nette prédominance des réseaux intégrés France Boissons et Elidis sur la zone ([90-100] % en cumulé), comme cela est représenté sur la figure suivante.
Figure 4. Brest : parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
d) Marché de Quimper (SVG - Etablissement Quimper)
210. Le marché, affecté par l'acquisition de l'établissement de Quimper de la société Vins Guevel (SVG) en avril 1998, couvre la partie sud du département du Finistère et comprend les villes de Quimper, Châteaulin et Lorient. Selon Heineken, en 2000, le volume de bière en fûts distribué sur cette zone était de [50 000-60 000] hl fûts bières.
211. L'entrepôt Fournier Distribution, situé à Quimper, acquis par France Boissons en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint Arnould, détient sur le marché local étudié [30-40] % de la distribution des fûts de bière ([20 000-30 000] hl). L'acquisition de l'établissement de Quimper de SVG a permis de gagner [10-20] % du marché, et donc d'atteindre [50-60] % en 1998. En 2000, la part de marché de France Boissons n'a pas sensiblement changé ([50-60] %).
212. Elidis est présent sur la zone via l'entrepôt Elidis Quimper. D'après Interbrew, le volume distribué par cet entrepôt est de [10 000-20 000] hl fûts, soit [20-30] % du marché. Interbrew a acquis, en 2001, un entrepôt indépendant dénommé Morvan, qui vendait [< 5 000] hl fûts, soit près de [< 5] % de la distribution.
213. Sur le marché de Quimper, les réseaux intégrés détiennent plus de [70-80] % de la distribution. Deux entrepôts indépendants, Andro, qui distribue [< 5 000] hl et Le Corre, [< 5 000] hl sont aussi présents mais ils restent de petite taille. Au surplus, Interbrew avance que le groupe Sogebra aurait acquis Andro en 2001 (38).
Figure 5 : Quimper : parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
e) Marché de Vannes (SVG - Etablissement Vannes)
214. Le marché affecté par l'acquisition de l'établissement de Vannes de SVG en avril 1998 couvre la presque totalité du département du Morbihan et correspond à un volume de fûts de bière pour l'année 2000 de [100 000-110 000] hl fûts bière.
215. France Boissons Boucicaud, dans lequel France Boissons a acquis en 1996 une participation minoritaire, complétée à hauteur de [...] % en 1998, distribuait [10 000-20 000] hl, soit [10-20] % du marché. L'acquisition de SVG Vannes a permis de porter la part de marché de France Boissons à [20-30] % l'année de l'acquisition, et en 2000, cette position est proche de ([20-30] %).
216. A la date de l'acquisition, Elidis est présent sur le marché de Vannes via principalement l'entrepôt Elidis Auray, issu de l'acquisition par Kronenbourg, en 1996, de Sadibo, qui distribuait plus de [20 000-30 000] hl fûts bière, et via l'entrepôt Elidis Lorient, ancien entrepositaire indépendant SEM, Société des Entrepôts du Morbihan, acquis en 1996) (39). Sa part de marché est supérieure à [20-30] %. Interbrew détient deux entrepôts actifs sur le marché de Vannes : ABC Locminé, acquis en 1998, et Pinabel, acquis en 1999 (département du Morbihan, [< 5 000] hl), qui a été intégré à ABC Locminé (le fonds de commerce a été acheté par ABC Locminé). Interbrew indique que sa part distributive sur la zone est de [20-30] % (40).
217. La distribution intégrée aux brasseurs contrôle plus de [70-80] % des ventes de bières en fûts sur le marché de Vannes, ainsi que l'illustre la figure suivante. Deux entrepositaires indépendants ont été identifiés sur ce marché, Rivallin ([< 5 000] hl) et Benoît (moins de [< 5 000] hl), mais ce dernier vendrait majoritairement des bières du groupe Sogebra (41).
Figure 6. Vannes : Parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
f) Marché de Saint-Brieuc (SVG - Etablissement Plerneuf)
218. Le marché affecté par l'acquisition de l'établissement Plerneuf de la société Vins Guevel (SVG) couvre le département des Côtes-d'Armor, autour de Saint-Brieuc, et [60 000-70 000] hl fûts bières y ont été distribués en 2000.
219. Les entrepôts contrôlés par France Boissons qui étaient actifs sur ce marché avant l'acquisition examinée qui a eu lieu en avril 1998 sont Félix Blanchard, acquis par France Boissons en 1996 lors de la prise de contrôle par Sogebra du groupe Saint-Arnould, Brasserie de la Rance, acquis par France Boissons en 1997, et les Etablissements Boucicaud, acquis par France Boissons en 1996. Pris ensemble, ils distribuaient [< 10 000] hl de fûts de bière sur le marché de Saint-Brieuc, soit [10-20] %. L'acquisition de l'établissement Plerneuf a porté cette part de marché à [20-30] % et elle est de [20-30] % en 2000.
220. Elidis est présent sur le marché de Saint-Brieuc via l'entrepôt Elidis Saint-Brieuc, situé à Saint-Brieuc, qui distribue sur la zone [10 000-20 000] hl de fûts de bière. Deux entrepôts situés l'un à Taule (Elidis Taule) et l'autre à Plémet (qui dépend de Elidis Saint-Brieuc) font une partie de leur volume dans cette zone (42). Au total, Elidis indique distribuer [10 000-20 000] hl fûts sur la zone, soit [20-30] % de la distribution. Interbrew indique qu'il ne possède pas d'entrepôt agissant sur la zone.
221. La distribution intégrée détient en 2000 [40-50] % du marché de la distribution des bières de Saint-Brieuc, ainsi que l'atteste la figure suivante. Parmi les entrepositaires-grossistes indépendants actifs sur le marché de Saint-Brieuc figure Cozigou, dans lequel le groupe Heineken a pris une participation de [< 50] % et qui détenait à la date d'acquisition deux entrepôts de distribution de boissons, l'établissement Cozigou situé à Guingamp, l'établissement Cozigou situé à Lannion, ainsi que des participations minoritaires ([...] %) dans les entrepôts Sodibel situé à Paimpol et David situé à Ploufragan. Ce distributeur détient [40-50] % du marché en 2000, après avoir acquis Auffret ([< 2 000] hl) en 1999 et Carhaix Boissons ([2 000-3 000] hl) en 2001. L'entrepôt Hamon, qui dessert moins de [< 5] % du marché, est détenu en minorité par Interbrew. A la suite de cette opération, il a pris le nom de Gouet Boissons Service. Les autres entrepôts indépendants ne sont pas, à notre connaissance, de taille suffisante pour exercer une pression concurrentielle.
Figure 7. Saint-Brieuc : parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...].
g) Marché de Dieppe (Deparis-Rimbert et Desjonquères)
222. Dans la mesure où l'opération Desjonquères, en date de juillet 1997, est une opération qui aboutit à un changement dans la nature du contrôle (passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif), elle n'impacte pas la position concurrentielle de France Boissons qui comprenait, avant la date de l'opération, la part de marché de Desjonquères. L'acquisition de Deparis-Rimbert a eu lieu en mai 1997 et le marché local affecté par cette acquisition de Deparis correspond à la bande côtière allant de Dieppe à la hauteur d'Abbeville, large de près de 35 km pour inclure Neufchatel-en-Bray. La portion du département de la Seine-Maritime concernée comprend uniquement la partie nord-est. Ni Rouen ni Fécamp ne sont comprises et en ce qui concerne la Somme, la portion du nord-ouest de ce département doit être incluse. En 2000, le volume total du marché local s'élève, d'après Kronenbourg, à [30 000-40 000] hl, et d'après Interbrew, [30 000-40 000] hl de fûts de bières (43). Un volume de [30 000-40 000] hl sera retenu.
223. Selon les informations fournies par Heineken, les distributeurs de son réseau qui interviennent sur le marché pertinent sont au nombre de trois : Normandie Boissons, avec un établissement principal basé à Oissel, dans la banlieue de Rouen, que France Boissons détenait avant 1997 et auquel deux dépôts secondaires ont été adjoints, à savoir le dépôt d'Eu, anciennement établissements Deparis Rimbert, et celui de Foucarmont, anciennement établissements Desjonquères ; Gerbaud Picardie Boissons, basé à Amiens, que France Boissons détenait avant 1997, et qui livre la bande côtière du marché pertinent ; Le Havre Bières Boissons, dont une partie de l'activité se fait dans la partie Seine-Maritime du marché pertinent. Les parts de marché fournies par Heineken ne sont pas exploitables car elles sont calculées sur un marché géographique bien plus large que celui retenu. Une estimation de la position de Heineken avant l'acquisition peut néanmoins être conduite à partir des études de marché local fournies par les concurrents. Selon Kronenbourg et Interbrew, Heineken livrait près de [10 000-20 000] hl sur le marché de Dieppe en 2000, soit une part de marché de l'ordre de [30-40] %. Heineken indique que Deparis Rimbert livrait près de [< 10 000] hl de fûts de bière sur la zone au moment de son acquisition. Sa position concurrentielle avant cette opération peut donc être estimée à [10-20] %.
224. Kronenbourg possède 4 entrepôts Elidis qui livrent le marché de Dieppe : Elidis Eu, Elidis Amiens, dont [10-20] % de l'activité ont lieu sur le marché concerné, Elidis Rouen et Elidis Le Havre, qui réalisent chacun [< 10] % de leur activité sur le marché de Dieppe. Ces établissements ont été acquis avant 1997, date de l'opération étudiée. En 2000, ils livrent plus de [10 000-20 000] hl de fûts de bière, soit une part de marché de l'ordre de [30-40] %. Interbrew indique posséder un entrepôt actif dans la zone étudiée, Brasseries Delaporte, basé à Amiens, qu'il détient depuis une époque antérieure à 1995, et qui livre près de [< 5 000] hl, soit plus de [< 10] % du marché.
225. En 2000, les distributeurs intégrés à des brasseurs détiennent ensemble près de [70-80] % de la distribution de bières sur le marché de Dieppe. Deux distributeurs indépendants sont actifs sur la zone, Brun, qui réalise près de [10-20] % du marché ([< 5 000] hl) et Grandvilloise de Boissons, situé à Grandvilliers (60), qui livre [< 5 000] hl sur la zone et distribue majoritairement des bières Interbrew.
Dieppe : parts de marché des réseaux intégrés en 2000 [...]
h) Marché de Saint-Dié - Epinal (Vins Marchal)
226. Les effets de l'acquisition de Vins Marchal par le groupe Heineken se situent sur une zone d'une quarantaine de kilomètres de rayon autour de Saint-Dié (Vosges, 88), qui recouvre l'est du département des Vosges (88), y compris la ville d'Epinal, et une petite partie du sud du département de Meurthe-et-Moselle (54). D'après Heineken, le volume total de bière en fûts s'élève autour de [20 000-30 000] hl en 2000.
227. Au moment de l'acquisition de Vins Marchal en 1999, le distributeur appartenant au groupe Heineken, France Boissons Strasbourg, situé dans la banlieue de Strasbourg et donc dans la région Alsace, livrait dans le marché pertinent de Saint-Dié - Epinal, où il possédait une position marginale près de [< 5] % du marché. A la suite de l'acquisition de Vins Marchal (distribuant [30-40] % de ce marché), la part de marché de Heineken a légèrement chuté en 2000 et représente moins de [20-30] %.
228. Kronenbourg ne détient aucun distributeur sur le marché local étudié, mais de nombreuses participations minoritaires en Lorraine, (7, à la fin 2001), et quatre entrepositaires sont actifs sur ce marché local. Interbrew contrôle Maison Antoine, situé à Thiefosse (88) et acquis en 2001, qui intervient sur le marché local de Saint-Dié - Epinal, dont il détient, selon Interbrew, près de [< 10] % (44).
229. Plusieurs entrepositaires-grossistes indépendants de grande taille sont actifs sur le marché : Les Vins du Père Mathieu, dans lesquels Kronenbourg a pris une participation minoritaire de [...] % avant 1996, et qui dessert près de [10-20] % du marché ; Noirot, acquis par Sobest en 2001, sachant que Sobest est détenu à [< 50] % par Kronenbourg, et qui assure lui aussi près de [10-20] % du marché ; Niffle, dont le capital serait exempt de toute participation minoritaire détenue par un brasseur et qui livre près de [10 000-20 000] hl, soit plus de [30-40] % de ce marché. Un second distributeur, Mangenot, de taille plus modeste ([< 5 000] hl) dessert près de [< 10] % du marché.
230. Au total, à l'heure actuelle, le marché de Epinal - Saint-Dié est caractérisé par la prédominance des distributeurs indépendants, le plus gros d'entre eux détenant [30-40] % de la distribution des bières. Heineken, avec [20-30] % du marché, est le deuxième opérateur, mais il est suivi par deux entrepositaires indépendants d'une taille raisonnable. Enfin, Interbrew dessert près de [<10] % du marché.
Figure 8. Les parts de marché sur le marché de Saint-Dié - Epinal à l'heure actuelle [...]
i) Marché de Montbéliard Belfort (BS Distribution)
231. Le marché sur lequel BS Distribution, acquis en 1998, agit correspond à une zone géographique d'une quarantaine de kilomètres autour de la ville de Montbéliard. Cette zone comprend le nord du département du Doubs (y compris Montbéliard), le Territoire de Belfort et l'extrême nord-est du département de la Haute-Saône (70). Selon Heineken, en 2000, le volume total du marché local de Montbéliard Belfort s'élevait à [20 000-30 000] hl. Les données sur la taille du marché en 2000 fournies par Kronenbourg ([20 000-30 000] hl) et par Interbrew sont convergentes.
232. Avant l'opération examinée, Heineken était présent sur le marché via Comtoise de Boissons à Besançon (25), acquis par le groupe Heineken en 1996, et il desservait près de [< 5] % du marché. BS Distribution desservant près de [10-20] % (45) du marché, la part de marché de France Boissons est passée à [10-20] % sur la zone, et elle atteint un niveau comparable en 2000 (46). Par la suite, aucune acquisition n'a été réalisée par Heineken sur la zone.
233. Kronenbourg n'est pas présent sur ce marché et Interbrew ne dispose que d'un seul entrepôt sur la zone, Ferrare, situé à Valentigney (25), près de Montbéliard, qui livre 5 400 hl de fûts sur la zone Montbéliard/Mulhouse, soit [0-10] % du marché selon Interbrew. Etant donné que le marché géographique retenu est plus restreint que celui d'Interbrew (sa taille est de la moitié de celle du marché pertinent d'Interbrew), la part distributive d'Interbrew à l'heure actuelle est près de [10-20] %.
234. Le marché de Montbéliard Belfort est caractérisé par la dominance d'un distributeur indépendant Ferrer, au capital duquel Kronenbourg est entré en 1996. Depuis, Ferrer a procédé à plusieurs acquisitions :
En 1999, il achète Servipro, petit distributeur localisé à Argésians (90), qui ne dessert pas le marché de Montbéliard Belfort ;
En 2001, il acquiert deux distributeurs basés en Haute-Saône, qui sont présents sur le marché pertinent ;
Sovebo basé à Vesoul et sa filiale Peltey, basée à Raddon ;
Demesy, basé à Ronchamp.
235. Sovebo et Peltey, pris ensemble, distribuaient en 2000, [< 10 000] hl de bières (dont [< 10 000] hl de Kronenbourg) et leur activité s'exerçait à raison de [40-50] % dans le marché local étudié. Leur part de marché sur le marché local de Montbéliard Belfort est estimée à [10-20] % par Kronenbourg. Demesy distribuait en 2000 un total de [< 10 000] hl de bière, dont [80-90] % sur le marché local étudié, et sa part de marché sur Montbéliard Belfort est de [10-20] %. Ces acquisitions ont permis de porter la part de marché distributive de Ferrer de [20-30] % à [50-60] % du marché local.
236. La part des indépendants autres que Ferrer est réduite à quelques % du marché, et selon Kronenbourg, le plus gros de ces indépendants, Burgey, basé à Baudoncourt (25), ville située à une quarantaine de kilomètres au nord ouest de Belfort et de Montbéliard ne livre que [< 5 000] hl sur la zone. Les autres entrepôts indépendants ont, à notre connaissance, une activité bière moins significative ([< 5 000] hl). Le graphique suivant présente la structure du marché local.
Figure 9
Les parts de marché sur le marché de Montbéliard Belfort à l'heure actuelle [...]
j) Marché de Gap-Grenoble (Fège et fils)
237. Selon Heineken, le marché géographique de la distribution qui est affecté par l'acquisition de Fège, réalisée en 2000, est constitué par une partie du département des Hautes-Alpes (05), et notamment les vallées de L'Alpe-d'Huez, du Montgenèvre, de Serre-Chevalier et de Vallouise et la station des Deux-Alpes ainsi qu'une partie de l'Isère. En 2001, selon Heineken, le volume de bière en fûts distribués dans ce marché local s'élevait à près de [30 000-40 000] hl. La particularité de ce marché local est que le groupe Heineken a acquis un entrepôt actif dans cette zone, après avoir acquis Fège. Il s'agit des établissements Bouchet, qui livrent [< 5 000] hl de bières (tous contenants confondus) dans la zone, mais la décomposition entre fûts et bouteilles n'est pas précisée, situés à Monnetier-les-Bains, et qui ont été acquis en février 2002.
238. Au moment de l'acquisition de Fège, un distributeur appartenant au groupe Heineken, Dauphiné Boissons, situé à Saint-Egrève dans la banlieue de Grenoble, livrait dans le marché pertinent plus de [10 000-20 000] hl de fûts de bières, soit [40-50] % du marché. L'acquisition de Fège a porté cette part de marché à [60-70] % et cette position est aujourd'hui supérieure, du fait de l'acquisition des établissements Bouchet (autour de [< 5] % du marché). L'acquisition de Fège (qui distribuait, en 2000, [< 10 000] hl de bières dont [< 10 000] hl de fûts) a permis à Heineken de gagner près de [10-20] % du marché local de la distribution de fûts de bières.
239. Le groupe Kronenbourg possède une participation minoritaire dans Marin Capponi, distributeur installé à Grenoble, acquise en 1999. Ce distributeur livre au total entre [10 000-30 000] hl. Interbrew dispose d'un entrepôt à Gap, à savoir Mathias Roux, acquis en 1998, qui livre près de [< 10 000] hl de bières. D'après ces éléments, le marché local affecté par l'acquisition de Fège est caractérisé par la prédominance de réseaux de distribution intégrés aux brasseurs, avec une dominance de Heineken ([60-70] % du marché). Aucun distributeur indépendant n'est présent sur ce marché.
k) Marché parisien (Magnin Sasdelli, Sobodis IdF, Pommeuse, Nayrolles, Valdigny)
240. La région parisienne est la première région de consommation de bière hors domicile en France avec, pour l'année 2000, plus de 1,3 million d'hl de bière tous contenants annuels, soit près 20 % de la consommation totale, et près de 1 million d'hectolitres de bières pression, soit 20 % de la consommation totale de bières en fûts. La majorité de la consommation s'effectue au sein de la capitale et de la petite ceinture. Toutefois, de plus en plus de bières sont consommées en grande banlieue du fait du développement qu'y connaissent les activités économiques et de l'essor des lieux de résidence.
241. Le marché considéré par Heineken est la zone formée par le recouvrement des zones de chalandise des entrepôts acquis par ce groupe. Cette zone couvre Paris et sa petite couronne plus la partie est de la région parisienne. Dans le cadre de la procédure relative à la demande d'avis portant sur des acquisitions d'entrepôts réalisées par Kronenbourg enregistrée au conseil sous le n° A-343, ce brasseur a fourni une étude locale du marché parisien qui retient, comme marché pertinent, Paris et sa petite couronne. Dans le cadre de la présente procédure, Kronenbourg a versé, en tant que témoin, cette étude locale. Le marché considéré par Interbrew est l'ensemble de la région parisienne.
242. Cependant, il résulte des éléments recueillis au cours de l'instruction que le marché pertinent de la distribution de bière affecté par les opérations notifiées est la région Ile-de-France. En effet, les débits de boissons de cette région sont placés sans des conditions de concurrence qui sont très proches, quelle que soit leur localisation (Paris intra-muros ou grande banlieue). La très grande majorité des entrepositaires-grossistes interviennent sur l'ensemble de la région Ile-de-France, sans distinction entre Paris et le reste de la région, et détiennent des parts de marché semblables sur Paris et la petite couronne et sur l'ensemble de la région, ainsi qu'en atteste le tableau suivant.
Tableau 14
Estimations par les brasseurs de leurs propres parts de marchés distributives en vol fûts
<emplacement tableau>
243. France Boissons possède, à l'heure actuelle, 3 filiales en région parisienne :
SA Bertrand, qui possède 5 entrepôts de distribution situés à La Villette (75), Compiègne (60), Mantes (78), Arpajon (91), Meaux (94) ;
Erval Robert Frères, qui possède 5 entrepôts de distribution situés à Nogent-sur-Marne (94), Les Alluets-le-Roi (78), Etréchy (91), Gretz (77), Pommeuse (77), Montereau (77) ;
France Boissons Nord, qui possède 1 entrepôt de distribution situé à Drancy (93).
244. Entre 1996 et 2000, Heineken a réalisé les acquisitions récapitulées dans le tableau suivant :
Tableau 15
Acquisitions réalisées par le groupe Sogebra sur le marché parisien (source : Heineken)
<emplacement tableau>
245. Heineken a fourni, année par année, les parts de marché en toutes bières distribuées en direct aux CHR par ses entrepôts dans la zone considérée. Les parts de marché distributives en fûts sont obtenues en appliquant le coefficient multiplicateur qui permet de traduire les parts de marché tous contenants en parts de marché fûts (47). Le tableau suivant récapitule les parts de marché distributives de Heineken sur le marché de l'Ile-de-France entre 1996 et 2000.
Tableau 16
Evolution des parts de marché de France Boissons entre 1996 et 2000
<emplacement tableau>
247. Avant 1996, Elidis possédait l'entrepôt Elidis Ile-de-France à Poissy. Les acquisitions, réalisées par Kronenbourg selon ses sources sur la période 1996-2000, sont les suivantes :
Blanchet, acquis en mars 1996 et devenu Elidis Paris ;
Jouvence Deparde, racheté en 1996 et devenu Elidis Alfortville, rattaché à Elidis Ile-de-France ;
Collange (93), [< 5 000] hl, racheté en juillet 1996 et rattaché à Elidis Ile-de-France ;
Brasserie Bouras (93), [< 5 000] hl, racheté en mai 1996 et rattaché à Elidis Ile-de-France ;
Tafanel, dans lequel Kronenbourg détenait [...] une participation minoritaire de [...] % qu'il a complétée à 100 % en 2000.
248. Kronenbourg a fourni une reconstruction historique des volumes de ventes fûts toutes marques de son réseau Elidis. Ces volumes comprennent les rétrocessions (fournitures à d'autres entrepositaires-grossistes) et ne correspondent donc pas strictement aux volumes de vente en direct aux CHR. De plus ils correspondent à toute l'activité bière du distributeur et non aux seuls volumes distribués sur la zone. Il y a lieu d'opérer des corrections sur les parts de marché d'Elidis Poissy. La première vise à tenir compte des rétrocessions effectuées par cet entrepôt égales à [30 000-40 000] hl fûts pour l'année 2000, que l'on supposera constantes durant la période 1996-2000. La seconde correction prend en compte le fait qu'Elidis Poissy effectue seulement [50-60] % de son activité sur la zone (comme indiqué par Kronenbourg pour l'année 2000).
249. Kronenbourg n'ayant pas fourni d'évolution du volume du marché parisien entre 1996 et 2000, cette évolution peut être reconstruite en appliquant au volume donné pour l'année 2000 ([...] hl fûts) le taux de décroissance donné par ABF (- 8 % de décroissance entre 1999 et 2000 ; + 3 % de croissance entre 1998 et 1999 ; + 1 % de croissance entre 1997 et 1998 ; et - 9 % de décroissance entre 1996 et 1997).
250. Le tableau suivant présente l'évolution des parts de marché distributives de Kronenbourg sur le marché parisien. Dans la mesure où il a été considéré que le groupe Kronenbourg exerçait, avec la famille Tafanel, un contrôle conjoint sur l'entrepôt Tafanel avant l'opération examinée de 2000, le total de parts de marché inclut Tafanel durant la période 1996-2000.
Tableau 17
Evolution des parts de marché de la distribution Kronenbourg entre 1996 et 2000
<emplacement tableau>
251. On constate une croissance lente mais régulière des entrepôts Elidis Poissy et Tafanel, contrebalancée par des pertes de parts de marché de Elidis Paris (ex-Blanchet) qui représentent près de [< 5] % entre 1996 et 2000. Ces pertes de parts de marché de Elidis Paris seraient dues à la concurrence exercée par les frères Blanchet, qui ont ouvert un entrepôt en 1996, Bières de Paris, et auraient récupéré un certain nombre de clients de l'ex-Blanchet.
La part de marché d'Interbrew
252. En 2000, Interbrew possède 2 distributeurs principaux sur la région parisienne : Brasserie Nouvelle de Lutèce, qui a 2 entrepôts dans les départements 92 et 94, acquis en 1997, et Passelac (93), acquis en 1999. En 2001, Interbrew a acquis CEB Dampierre (78).
Tableau 18
Evolution des parts de marché de la distribution Interbrew entre 1996 et 2000
<emplacement tableau>
Les distributeurs indépendants
253. En 2000, les distributeurs intégrés à des brasseurs représentent près de [80-90] % du marché parisien. La part des indépendants, pris ensemble, est donc de près de [10-20] %. Le plus gros distributeur indépendant est Brasseurs Parisiens, qui dessert près de [< 10] % du marché. Puis viennent plusieurs distributeurs qui ont moins de 5 % de part de marché individuelle (Jacques Milliet, Brasserie de l'Etoile, Brasseries des Vosges, etc.). Le tableau suivant présente les principales caractéristiques des indépendants. Compte tenu de la taille importante du marché parisien (plus de 1 million d'hl), le seuil en dessous duquel les distributeurs ne sont pas de taille à exercer une pression concurrentielle sur les réseaux intégrés a été fixé à près de 5 000 hl (correspondant à 0,5 % du marché environ).
Tableau 19
Les principaux distributeurs indépendants sur le marché parisien en 2000
<emplacement tableau>
254. Le graphique suivant récapitule les parts de marché des réseaux intégrés entre 1996 et 2000 :
Figure 10. Paris : parts de marché distributives en 1996 et en 2000 [...]
V. - LES EFFETS DES OPÉRATIONS
SUR LA CONCURRENCE
255. Les opérations de concentration décrites ci-dessus sont susceptibles d'avoir des effets, d'une part, sur le degré de concentration des marchés de la distribution de bières, d'autre part, sur l'intégration verticale des brasseurs.
A. - La concentration du marché de la distribution de la bière
1. L'ampleur du mouvement de concentration et la participation des acquisitions examinées dans le cadre du présent avis à ce mouvement
256. Le mouvement de concentration et de restructuration de la distribution de la bière a pris plusieurs formes. On observe une réduction du nombre d'entrepositaires. Au milieu des années quatre-vingt, le nombre d'entrepositaires-grossistes sur le territoire national était estimé entre 1 500 et 2 000, dont environ 500 de taille moyenne ou importante. A l'heure actuelle, il existe près de 1 150 entrepositaires traditionnels. Cette réduction résulte en partie des concentrations réalisées par les brasseurs, l'intégration des entrepositaires dans les réseaux des trois grands brasseurs s'étant accompagnée de restructurations. Entre 1996 et 2000, la part de marché de Heineken est passée de [20-30] % à [30-40] % et cette augmentation est due aux acquisitions d'entrepositaires-grossistes. Dans le même temps, l'ensemble des acquisitions réalisées par Kronenbourg, au niveau national, n'a pas modifié sensiblement sa part de marché dans la distribution de la bière, qui était de [20-30] % en début de période et est estimée à [20-30] % en fin de période. La part de marché d'Interbrew est passée de [< 10] % à [< 10] %.
257. Sur certains marchés locaux concernés par les opérations examinées dans le présent avis, les effets des acquisitions effectuées par Heineken sur le degré de concentration du marché sont parfois plus importants que ceux mesurés au niveau national : de 1996 à 2000, la part de la distribution de bière du brasseur passe de [20-30] % à [40-50] % sur le marché de Rennes ; de [10-20] % à [50-60] % sur le marché de Saint-Malo ; de [30-40] % à [40-50] % sur le marché de Brest ; de [30-40] % à [50-60] % sur le marché de Quimper, de [10-20] % à [30-40] % sur le marché de Dieppe, de [40-50] % à [60-70] % sur le marché de Gap-Grenoble et de [20-30] % à [40-50] % sur le marché parisien. Sur d'autres marchés du présent avis, les opérations ont conduit le brasseur à considérablement augmenter sa part de marché, qui était initialement faible : sur le marché de Saint Dié-Epinal, la part de Heineken en tant que distributeur est passée de [< 10] % à [20-30] % grâce à l'acquisition examinée dans le présent avis et, sur celui de Montbéliard-Belfort, de [< 10] à [10-20] %. Enfin, sur deux marchés locaux, les acquisitions examinées ont porté la part de Heineken, en tant que distributeur local de bières, à un niveau inférieur à sa position mesurée au niveau national : sur le marché de Vannes, l'acquisition examinée porte la part de Heineken de [10-20] % à [20-30] % en 2000, et sur celui de Saint-Brieuc, de [10-20] % à [20-30] %, alors qu'il détient [30-40] % de la distribution mesurée au niveau national en 2000.
258. Compte tenu des positions occupées en début de période et des acquisitions réalisées ensuite par les réseaux intégrés de Kronenbourg et Interbrew, le degré de concentration de ces marchés locaux en fin de période est souvent élevé. La part de marché des trois réseaux intégrés est, en 2000, de près de [90-100] % sur le marché de Brest, de [80-90] % sur le marché de Saint-Malo, de près de [70-80] % sur le marché de Quimper, sur celui de Vannes et enfin sur celui de Dieppe, de près de [erreur matérielle : lire [80-90] %] sur le marché parisien, et enfin de plus de [60-70] % sur le marché de Gap Grenoble.
259. La concentration du secteur de la distribution peut aussi être mesurée avec l'évolution entre 1990 et 2000 des parts de marché de la distribution toutes boissons, retracée dans le tableau 7 du paragraphe 57. Parallèlement à l'intégration par les brasseurs, les distributeurs indépendants se sont regroupés soit autour de la CEB, soit autour de Distriboissons (cf. paragraphes 58 à 61).
2. Les gains d'efficacité liés à la consolidation du marché
260. Heineken fait valoir que les mutations du secteur de la consommation hors domicile ont fait évoluer l'activité historique des entrepositaires-grossistes, qui consistait en la livraison de fûts de bière aux CHR traditionnels. Les entrepositaires-grossistes ont notamment élargi la gamme des boissons qu'ils proposent aux débits de boissons, en réponse à la baisse de la demande de boissons alcoolisées. Le déclin des établissements traditionnels (les CHR) les a également amenés à développer leurs capacités d'animation commerciale auprès de ces points de vente pour les soutenir. De plus, à côté des CHR traditionnels, se sont développés les établissements chaînés et du troisième marché, qui ont des exigences différentes vis-à-vis de leurs fournisseurs en boissons, notamment en termes de couverture du territoire national. Enfin, la concurrence des cash and carry pousse les distributeurs traditionnels à améliorer leurs services.
261. Pour Heineken, ces évolutions rendaient nécessaire une consolidation du secteur de la distribution de la bière, auparavant trop atomisé et marqué par la prépondérance des capitaux à structure familiale, qui pesait sur les possibilités de développement. Les acquisitions réalisées par le brasseur lui ont permis de fusionner des entrepôts situés sur la même zone de chalandise, et de procéder aux réorganisations nécessaires. Des plates-formes d'envergure régionale ont également été mises en place.
262. Concernant la phase aval de l'activité d'entrepositaire-grossiste, le regroupement de distributeurs auparavant isolés peut améliorer l'efficacité de l'organisation des tournées de livraisons aux points de vente. La consolidation des entrepositaires-grossistes permet aussi de rentabiliser, sur une plus grande activité, la partie qui peut être considérée comme fixe dans le court terme des investissements nécessaires à l'activité d'entrepositaire comme, par exemple, les frais généraux (comptabilité, par exemple). Toutefois, ces économies sont limitées par la structure des coûts de livraison. Le coût principal de la livraison résidant dans le transport des marchandises entre l'entrepôt et le point de vente, l'implantation de dépôts secondaires est nécessaire pour desservir les zones qui présentent une faible densité de points de vente. De fait, la consolidation de la distribution n'a pas véritablement modifié l'implantation géographique des entrepôts qui restent présents sur tout le territoire, ni supprimé le maillage fin des dépôts.
263. Concernant l'approvisionnement, Heineken fait valoir que les concentrations réalisées accroissent la puissance d'achat des grossistes vis-à-vis des fournisseurs qui, pour la plupart, appartiennent à de grands groupes internationaux, et que ces concentrations permettent d'obtenir des fournisseurs des conditions d'achat plus intéressantes. En outre, grâce à la plus grande taille des entrepôts, des références à rotation moyenne ou faible ont pu être introduites et le portefeuille des boissons distribuées s'est diversifié (49). Enfin, à compter d'un certain volume de boissons, l'entrepositaire-grossiste peut aller directement chercher les produits auprès du fabricant. Il supporte alors le coût de transport, mais eu égard au volume de bières enlevées, l'enlèvement direct s'avère plus rentable que l'enlèvement auprès d'un entrepositaire-grossiste voisin de plus grande taille qui facturera une marge pour rentabiliser son activité de grossiste. Il existe donc des possibilités d'économies logistiques, au stade amont de l'activité des entrepositaires-grossistes qui peuvent être exploitées par une concentration horizontale de la distribution.
264. Le conseil note, cependant, que la constitution de groupements de distributeurs indépendants, comme la CEB, permet ainsi d'exploiter une partie de ces gains qui relèvent de la massification des achats.
265. Heineken expose encore que la concentration horizontale de la distribution permet de répondre à certaines attentes des établissements chaînés de la consommation hors domicile. Ainsi, un réseau de distribution est en mesure de coordonner ses entrepôts pour assurer la livraison à des horaires précis, ce qui permet aux chaînes d'organiser leur gestion interne en conséquence. La mutualisation au sein d'un réseau des coûts de logistique permet aussi d'offrir un assortiment large de produits, voire de gérer des gammes de produits semblables. Enfin, la mise en place de systèmes d'échanges de données informatisées entre les clients chaînés et les réseaux de distribution autorise une gestion plus efficace de l'activité des réseaux.
266. La mise en place de réseaux couvrant tout le territoire national répond, en effet, aux exigences des établissements chaînés qui veulent s'adresser à un guichet unique et mener des négociations centralisées. Les coûts de transaction sont ainsi réduits. Ce point a toute son importance car il concerne le segment de clientèle qui est en croissance. Le représentant d'Accor a confirmé au cours de la séance que l'approvisionnement en bière de ses hôtels et points de vente est négocié avec un petit nombre d'interlocuteurs.
B. - L'intégration verticale des brasseurs
267. Les acquisitions, examinées dans le présent avis, s'inscrivent dans le cadre du mouvement d'intégration verticale des brasseurs constaté en France depuis quelques années. Les rachats d'entrepositaires-grossistes indépendants ont, en effet, été exclusivement le fait des brasseurs, leurs principaux fournisseurs.
1. Les gains d'efficacité liés à l'intégration verticale et leur transmission aux débits de boissons
268. Le conseil relève que, d'une manière générale, les fusions verticales peuvent permettre de réduire l'ampleur de la double marginalisation. Quand deux entreprises amont et aval possèdent un pouvoir de marché et qu'elles maximisent séparément leur profit propre, chacune impose à l'autre une externalité négative, provoquant ainsi une baisse du surplus des consommateurs et des profits des entreprises. En alignant les intérêts des deux parties, l'intégration supprime ces externalités, ce qui conduit à un prix ou un niveau de services plus efficace.
269. Heineken fait valoir que l'intégration verticale a permis d'assurer la qualité de la bière, produit vivant non pasteurisé, dont les qualités organoleptiques et bactériologiques dépendent des conditions de transport et de stockage des fûts ainsi que du nettoyage des installations de tirage pression. A titre de démonstration, Heineken produit des éléments sur le nombre moyen de nettoyages de la tuyauterie bière par an, qui montrent que cette tuyauterie est nettoyée en moyenne 7,4 fois par an si elle est livrée par un distributeur indépendant contre 8,3 si elle est livrée par France Boissons.
270. Heineken soutient encore que le financement des CHR se trouve amélioré du fait de la détention de la distribution, qui lui assure une connaissance plus précise de la situation commerciale et financière des cafetiers, du fait que les distributeurs se rendent très fréquemment dans les établissements. Les informations recueillies permettent de sélectionner au mieux les cafetiers et de prévenir les éventuels incidents de paiement. La baisse des encours des créances litigieuses entre 1996 et 2002 (près de [...] Meuro à [...] Meuro, soit - [30-40] %) témoigne de cette meilleure gestion du risque CHR. En outre, l'amélioration du métier de " banquier " du CHR permise par l'intégration verticale s'est traduite par une augmentation des engagements financiers en faveur des CHR sur la même période (les encours de créances cautionnées par Heineken sont passées de près de [...] Meuro à plus de [...] Meuro). Enfin, selon Heineken, le taux d'intérêt moyen dont bénéficient les cafetiers s'est réduit grâce à l'intégration verticale et ceux-ci obtiennent des prêts dans de meilleures conditions qu'au début des années 90 (l'écart entre ce taux et le taux de l'emprunt obligataire du Trésor à 10 ans est passé de 4,42 points à 2,71).
271. Les déclarations des représentants de la CEB confirment ce point : " La présence de distributeurs intégrés, appartenant à un brasseur, a modifié la concurrence à laquelle se livrent les distributeurs pour obtenir l'approvisionnement d'un café. Les distributeurs intégrés sont en mesure d'offrir au café des conditions plus intéressantes que le distributeur indépendant : le prix est généralement plus faible, et le distributeur intégré est prêt à supporter un risque financier plus élevé que le distributeur indépendant. Cela s'explique parce que les distributeurs intégrés sont en mesure de procéder à des " lissages " régionaux, les gains dans une région compensant les pertes dans une autre, et parce qu'ils sont adossés à des brasseurs qui disposent d'une surface financière plus large que les distributeurs indépendants ".
272. Toutefois, le conseil relève que les relations tarifaires entre le brasseur et les entrepositaires présentent certaines spécificités qui ne favorisent pas la suppression de la double marge. En particulier, le prix auquel un distributeur achète la bière à un brasseur est défini par les conditions générales de vente et les contrats commerciaux, qui sont décrits aux paragraphes 77 à 78. Ces dispositifs contractuels procurent un avantage aux distributeurs " colorés ", qui distribuent, à titre principal, les marques d'un brasseur, mais leurs critères s'appliquent indifféremment aux distributeurs, qu'ils soient indépendants ou intégrés. Un distributeur membre d'un réseau et un indépendant, qui ont des activités comparables aussi bien en termes de volume que de portefeuilles de marques, se verront donc appliquer des conditions équivalentes. Dans ce contexte, le fait d'être intégré au brasseur ne procure pas un avantage concernant les conditions d'approvisionnement. De fait, aucun élément au dossier ne suggère que le renforcement de l'intégration verticale se serait traduit par une baisse des prix dont auraient bénéficié les CHR ou leurs clients
2. Le risque de fermeture du marché
273. En regard des gains d'efficacité mentionnés ci-dessus, l'analyse économique n'exclut pas que l'un des intérêts de l'intégration verticale puisse être, pour une entreprise, la possibilité d'évincer ses concurrents non intégrés ou au moins de les pénaliser en augmentant leurs coûts. Les pratiques peuvent consister, pour une entreprise située en amont, à refuser de vendre un input à des entreprises en aval (ou à le fournir à un prix élevé). Le même type d'effet se produit, de manière symétrique, si la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter et de distribuer les produits des fabricants indépendants en amont et tente ainsi de les exclure du marché.
274. L'intégration verticale produit alors les mêmes effets que des clauses restrictives de concurrence passées entre un fournisseur et ses distributeurs. Dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales, la Commission européenne mentionne, parmi ces pratiques, le monomarquisme, qui consiste pour le fabricant à inciter l'acheteur à s'approvisionner exclusivement ou principalement auprès d'un seul fournisseur, sous l'effet d'une obligation expresse ou d'un mécanisme incitatif. Elle signale que, du point de vue de la concurrence, les clauses de ce type risquent de fermer l'accès des fournisseurs concurrents ou potentiels au marché ou de faciliter la collusion entre fournisseurs en cas d'utilisation cumulative. Comme pour les autres types de restrictions verticales, si la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %, ces risques sont peu probables. Toutefois, la Commission insiste également sur le risque de verrouillage du marché découlant de l'effet cumulatif de la conclusion par plusieurs grands fournisseurs d'accords de monomarquisme avec un très grand nombre de leurs fournisseurs. Elle estime qu'un tel effet cumulatif est peu probable en dessous de 50 % de part de marché cumulée pour les cinq premiers fournisseurs.
275. Ces critères fournissent une grille d'analyse qui peut être appliquée de façon pertinente aux risques de forclusion des fournisseurs indépendants par les brasseurs intégrés. La faisabilité et l'intérêt de pratiques de forclusion dépendent en effet, en premier lieu, du pouvoir de marché de l'entreprise intégrée. De même, la présence sur les marchés amont et aval d'autres entreprises verticalement intégrées est à prendre en compte pour évaluer le degré de fermeture de ces marchés à la suite de l'intégration. En second lieu, pour que ces pratiques aient pour effet de fermer l'accès d'un concurrent au marché aval, il faut que l'entrée sur celui-ci soit difficile et qu'il n'existe pas d'alternatives suffisantes à la distribution par l'entreprise intégrée. Les critiques qui mettent en doute l'intérêt de ces pratiques pour l'entreprise intégrée observent, certes, que, dans l'hypothèse où des pratiques de forclusion existeraient, les entreprises non intégrées peuvent se protéger en contractant avec d'autres firmes indépendantes ou en en prenant le contrôle. Encore faut-il que ces entreprises indépendantes existent ou puissent être créées. La Commission insiste, à cet égard, sur l'importance des barrières à l'entrée : " Dans la mesure où il est relativement facile pour des fournisseurs concurrents de créer de nouveaux débouchés ou de trouver des acheteurs alternatifs pour le produit considéré, le verrouillage ne devrait pas poser de réel problème " (point 144 des lignes directrices). Elle insiste également sur la capacité des acheteurs à faire contrepoids et qui, s'ils sont suffisamment puissants, ne laisseront pas facilement écarter l'offre de biens ou de services concurrents.
276. Au cas d'espèce, il importe donc, afin d'apprécier le risque de forclusion des brasseurs indépendants, d'évaluer les conditions de la concurrence sur les marchés aval et amont et l'existence d'alternatives aux réseaux de distribution intégrés. Il convient également d'apprécier dans quelle mesure les détaillants peuvent imposer aux distributeurs intégrés de continuer à livrer d'autres marques que celles de leurs brasseurs.
a) Les conditions de la concurrence sur les marchés aval et amont
277. Les bières offertes au consommateur se sont largement diversifiées ces dernières années : de nouvelles sortes de bière se sont développées (bières blanches et autres spécialités) et de nouvelles marques sont apparues, produites par les grands groupes brassicoles, qui offrent aujourd'hui la même gamme de bières (voir paragraphes 34 et 35) ou qui proviennent de brasseurs d'implantation régionale, voire de micro-brasseries (voir paragraphe 21). Toutefois, cette diversification ne doit pas masquer le fait que l'offre sur le marché des bières vendues hors domicile est largement oligopolistique : en 2000, les deux leaders, Heineken et Kronenbourg, desservent plus de [60-70] % de ce marché, dont [30-40] % pour Kronenbourg. Cette proportion s'élève à [80-90] % s'il est tenu compte du troisième acteur, Interbrew.
278. Le degré de concentration sur les marchés de la distribution de la bière, établi ci-dessus aux paragraphes 256 et 257, est également très important, les trois brasseurs précités totalisant [60-70] % des ventes de bières en fûts en 2000, au niveau national, dont [20-30] % pour Kronenbourg. Ainsi qu'il a été indiqué, le degré de concentration du marché de distribution de la bière et d'intégration verticale est plus élevé pour certains des marchés locaux qui font l'objet de la saisine du ministre.
279. S'agissant des conditions d'entrée sur ces marchés, le conseil avait considéré, dans son avis n° 96-A-09, " qu'il existe sur le marché de la bière destinée aux cafés-hôtels-restaurants de fortes barrières à l'entrée ; qu'à celles communes à l'ensemble du secteur de la bière, telles celles qui découlent du caractère fortement capitalistique du processus de production ou du caractère mature de ce marché, il convient d'ajouter les barrières spécifiques constituées par les réseaux intégrés d'entrepositaires-grossistes, l'existence de contrats d'approvisionnement exclusifs passés avec les débitants de boissons par les trois brasseurs, qui détiennent ensemble 90 % du marché, la forte concentration de l'offre qui ne permet que difficilement l'acquisition d'une brasserie déjà implantée sur le marché pour le pénétrer, et la forte fidélité aux marques qui caractérisent ce marché ; que cette situation rend difficile l'accès de nouveaux concurrents sur ce marché ainsi que le développement de ceux qui y sont déjà présents ; que, d'ailleurs, aucun nouvel opérateur n'a pénétré, de manière significative et indépendante des deux groupes Heineken et Danone, sur le marché français ces dernières années ". A la suite de l'opération de concentration qui faisait l'objet de cet avis, ces conditions relevées par le conseil n'ont fait que se renforcer.
280. Les barrières à l'entrée sur le marché de la distribution de la bière sont également fortes compte tenu de la nature particulière des relations commerciales entre les entrepositaires-grossistes et les CHR. Comme décrit au paragraphe 88, [70-80] % des CHR sont liés à un entrepositaire-grossiste par un contrat de bière, d'une durée de cinq ans, qui désigne le distributeur auprès duquel le cafetier est tenu de s'approvisionner, ce qui confère une certaine viscosité au marché. Par ailleurs, les CHR peuvent être liés directement au distributeur par un contrat de gamme, de même durée. Les professionnels du secteur, dont notamment le représentant de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (UMIH), entendu en séance, ont aussi insisté sur l'importance des relations personnelles entre l'entrepositaire et le cafetier.
281. La création ex nihilo d'un réseau d'entrepositaires-grossistes ne représente pas un investissement particulièrement lourd (le chiffre de 200 millions d'euro est avancé dans la profession), mais la rentabilité des entrepôts peut prendre un certain nombre d'années. En effet, du fait des rendements d'échelle croissants, il est nécessaire d'avoir un certain nombre de clients pour dégager un chiffre d'affaires suffisant et pouvoir réaliser un bénéfice. Les pertes cumulées durant ces années sont d'autant plus grandes que l'acquéreur ne peut pas exploiter ces économies. Or, le gain de nouveaux clients est assez long du fait du coût de changement de fournisseurs. Interbrew a créé quelques entrepôts dans les zones où le brasseur n'était pas implanté, notamment à Valence, Lorient, Nantes et Mâcon. La société indique que le point de rentabilité ne peut être atteint qu'au-dessus d'un volume de livraison de [< 10 000] hl de bière en fût.
282. Le prix élevé des transactions, phénomène déjà relevé dans l'avis précité par le conseil citant le témoignage des Brasseries Meteor : " De plus, force est de constater que les derniers prix d'achat des fonds de commerce d'entrepositaires se sont faits dans des conditions telles que seul un contrôle de la part de marché peut justifier des prix aussi insensés ", a été confirmé par le test de marché concernant les acquisitions plus récentes, dont celles faisant l'objet du présent avis. Malgré cela, le fait que les brasseurs aient privilégié le rachat des entrepositaires existants et le caractère limité des exemples récents de création d'entreprises, est également de nature à indiquer que le marché de la distribution de la bière est d'accès difficile.
b) Les alternatives à la distribution intégrée pour les brasseurs qui ne possèdent pas de réseau de distribution
Le recours aux distributeurs indépendants
283. Heineken conteste que les réseaux intégrés constituent un véritable " goulot d'étranglement " incontournable. Selon ses arguments, dans la mesure où les brasseurs non intégrés peuvent recourir aux entrepositaires-grossistes indépendants pour distribuer leurs produits, le refus, par les réseaux intégrés, de les distribuer ne les évincerait pas pour autant du marché des bières vendues hors domicile. A l'appui de sa démonstration, Heineken met en avant le nombre élevé de distributeurs indépendants.
284. Or, le secteur des entrepositaires-grossistes indépendants (voir la description détaillée aux paragraphes 42 à 46) est marqué par un grand nombre d'entreprises de petite taille qui exercent leur activité dans des zones de chalandise beaucoup plus réduites que les entrepôts intégrés. Les désavantages de coûts liés à leur taille peuvent cependant, comme il a été constaté aux paragraphes 264 et 266, être en partie compensés par la constitution de groupements d'indépendants.
285. De nombreux distributeurs indépendants sont, par ailleurs, marqués par leur forte " coloration ", dans la mesure où ils commercialisent essentiellement les marques de l'un des trois grands brasseurs. Les mécanismes des remises de fidélité (paragraphes 77 et 78) incitent, en effet un distributeur indépendant à travailler de façon privilégiée avec l'un des brasseurs. Leur aptitude à présenter une alternative pour les brasseurs indépendants est alors limitée.
286. En tout état de cause, du fait de l'acquisition massive des entrepositaires-grossistes par les deux brasseurs principaux, qui a connu une accélération à partir de 1996, le nombre de distributeurs indépendants restants avec lesquels il est possible, pour un brasseur concurrent, de nouer des relations commerciales est de plus en plus réduit. Si, sur un marché local donné, leur nombre est trop réduit et si leur taille n'est pas suffisante, ils ne pourront pas offrir de relais efficace au brasseur non intégré pour distribuer ses propres marques.
287. S'agissant de la possibilité pour un brasseur indépendant de s'assurer le contrôle d'autres indépendants et de constituer ainsi son propre réseau, ou de la possibilité pour Interbrew de développer son réseau, le nombre réduit d'entrepositaires-grossistes indépendants doit encore être pondéré du fait de l'existence de participations minoritaires des brasseurs intégrés dans les entrepôts indépendants. Ces participations peuvent, en effet, être assorties de droits de préférence en faveur du brasseur, qui subordonnent toute vente d'action à des tiers à son approbation, [...].
288. Le contrat d'affiliation au groupement de distributeurs Distriboissons comporte en son article 20 une clause de droit de préférence aux termes de laquelle l'adhérent s'oblige à informer préalablement Distriboissons s'il envisage de céder tout ou partie de son fonds, et s'engage, à conditions égales, à donner la préférence par rapport à un tiers à tout adhérent que Distriboissons lui désignerait, ou à Distriboissons lui-même.
Les alternatives aux entrepositaires-grossistes traditionnels
289. Heineken fait valoir dans ses observations que, même si le Conseil décide de cantonner son examen au marché de la distribution de la bière, il doit être tenu compte des alternatives constituées par les canaux de distribution " toutes boissons ". Il met en avant le rôle grandissant des cash and carry, sur lesquels les brasseurs s'appuieraient pour pénétrer le marché français de distribution de la bière. Selon lui, ce type de distribution développe les services jusqu'ici proposés par les entrepositaires, y compris pour la bière en fûts, avec une étendue de gammes de services, des normes de qualité et des prix largement compétitifs par rapport aux distributeurs traditionnels. Par ailleurs, Heineken souligne le large assortiment proposé par les cash and carry pour les autres boissons, notamment les bières en bouteilles, à des prix notoirement moindre que ceux de la distribution traditionnelle et soutient que le maillage de plus en plus fin du territoire par leurs points de vente diminue fortement l'inconvénient que constitue pour les cafetiers l'obligation de se déplacer. Promocash disposerait aujourd'hui de 130 établissements et Metro de 78 points de vente. Au total, la part des cash and carry dans la distribution " toutes boissons " serait passée de 10-20 % en 1990 à [20-30] % en 2000 et ces établissements assureraient moins de 10 % de l'approvisionnement en bières des CHR en 2002.
290. Cependant, à l'heure actuelle, les cash and carry ne sont pas agréés par les trois principaux brasseurs pour assurer la distribution de leurs bières en fûts et ne constituent donc pas, pour la quasi-totalité des CHR, une alternative aux entrepositaires-grossistes. Par ailleurs, l'offre des cash and carry en fûts ne concerne qu'un très petit nombre de marques importées limitées à Mösbrau pour Promocash, Gilbert, Bavaria et Thor pour Metro, ce dernier proposant également une marque propre, Metreau. Par rapport aux entrepositaires, les cash and cary présentent pour les brasseurs indépendants désirant avoir accès à la distribution de la bière en fûts plusieurs faiblesses. Malgré la multiplication de leurs points de vente, le maillage du territoire national n'est pas comparable à celui des 1 150 entrepôts et ils ne sont donc en mesure d'offrir des services de livraison, d'installation et d'entretien des systèmes de tirage qu'à un petit nombre de CHD. De plus, ils ne participent pas, contrairement aux entrepositaires, au financement des CHD aux côtés des brasseurs, ce qui limite l'accès des bières qu'ils distribuent au " premier bec ".
291. Promocash a ainsi précisé, dans ses écritures remises en séance, que " compte tenu de ses restrictions d'approvisionnement, notre enseigne n'est pas complètement concurrente des grossistes sur ce marché. ". Il estime sa part des ventes de bière en fûts aux détaillants à moins de 1 % du total. Il ajoute : " Promocash pourrait commercialiser plus de fûts en proposant une formule cash and carry (emporté, paiement immédiat), une offre globale de marques fournisseurs et de marques propres avec des services et une gamme de solutions en cohérence avec son concept (sanitation, prix...) donc sans financement. "
292. Dans ces circonstances, les cash and carry ne constituent pas, à l'heure actuelle, une alternative pour les brasseurs qui ne possèdent pas de réseau de distribution pour accéder aux points de vente.
c) La capacité de contrepoids des acheteurs
293. Heineken souligne, dès lors, que la bière ne représente qu'une partie de l'activité de son réseau de distribution, et que, en cas de refus d'approvisionner un point de vente avec une bière concurrente, ce dernier peut se tourner vers un distributeur alternatif. Le réseau de Heineken perdra alors la marge commerciale qu'il réalise sur la bière, mais aussi sur l'ensemble des produits livrés.
294. Sur ce point, les CHR traditionnels doivent être distingués des établissements du " troisième marché ". Pour ces derniers, il résulte clairement du témoignage apporté par le représentant du groupe Accor en séance qu'ils choisissent d'abord les marques de bières qu'ils entendent proposer sur leurs points de vente, en fonction d'études marketing sur les attentes de leur clientèle, et qu'ils ont la capacité d'imposer ce choix aux distributeurs. Les CHR traditionnels, en revanche, au nombre de plusieurs dizaines de milliers et acheteurs de quantités souvent très faibles, n'ont pas cette capacité. Il ressort des tests de marché qu'ils sont relativement indifférents aux marques de bières qu'ils proposent et concluent avec un distributeur et un brasseur essentiellement en fonction des conditions financières obtenues.
295. Le poids des contrats de bière limite, par ailleurs, la capacité des détaillants CHR à changer de distributeur et de fournisseur rapidement. La forte proportion des CHR liés par un contrat de bière d'une durée de cinq ans, à un brasseur, a été soulignée au paragraphe 280 ci-dessus (environ 70-80 %). Elle s'explique par le caractère déterminant, pour les CHR, des financements et des remises liés à ces contrats.
296. Enfin, dans un contexte où le cafetier est relativement peu sensible à la marque, l'entrepositaire dispose d'un pouvoir de prescription qui tient à la fréquence des livraisons, à l'existence de relations personnalisées entre le distributeur et le cafetier, ainsi qu'à la participation, de l'entrepositaire-grossiste aux côtés du brasseur, au financement des débits de boissons. Les entrepositaires sont les mieux renseignés sur les transmissions et cessions de CHR et les mieux placés pour orienter le choix d'un cafetier sur un contrat de bière : il est en situation de faire pencher la décision du CHR vers les produits de son brasseur. A l'échéance, il y a de fortes chances pour que les renégociations des contrats de bières des clients de l'entrepositaire intégré favorisent le brasseur acquéreur.
297. Il ressort donc de l'examen du fonctionnement du marché que les CHR traditionnels ne sont pas en mesure de s'opposer à l'exclusion des marques non intégrées.
d) La tendance au monomarquisme des réseaux intégrés
298. Heineken avance deux arguments pour expliquer que son réseau de distribution n'a pas forcément intérêt à limiter ses approvisionnements en bières concurrentes pour distribuer, de façon exclusive, ses marques.
299. D'une part, des accords de coopération commerciale entre brasseurs tiers et réseaux intégrés, comme celui signé entre Interbrew et France Boissons, existent, aux termes desquels le réseau intégré accepte de développer les marques d'un brasseur tiers contre des redevances de coopération commerciale.
300. D'autre part, la substituabilité des gammes de bières n'est pas totale et le réseau a intérêt à conserver dans son portefeuille les produits concurrents pour satisfaire les points de vente qui ont une préférence pour la marque plutôt que pour le prix.
301. Le conseil note, cependant, que les clauses d'exclusivité des contrats de bière, s'ils limitent la faculté de choix des cafetiers, empêchent également les distributeurs acquis de convertir les volumes sous contrats avec des brasseurs concurrents avant la date d'échéance. Cette viscosité de la demande confère une certaine lenteur aux mouvements de conversion.
302. Le conseil relève aussi que, par définition, les remises de fidélité accordées par les brasseurs au distributeur, intégré ou non, en fonction de la part de leurs produits dans les ventes du distributeur, favorisent déjà le monomarquisme. Ces remises sont détaillées dans les paragraphes 77 et 78. Les représentants de la CEB ont déclaré à ce sujet : " Les brasseurs accordent aux distributeurs des remises tarifaires qui sont basées sur la part du brasseur dans les ventes de l'entrepositaire-grossiste. Les conditions de ces remises varient d'un brasseur à l'autre. Les remises sont d'autant plus intéressantes que la part de marché du brasseur dans les ventes de l'entrepôt est élevée : lorsque la part d'un brasseur est supérieure à [...] % des ventes du distributeur, la remise tarifaire varie entre [...] et [...] % du prix. "
303. Enfin, le conseil observe que les brasseurs, eux-mêmes, reconnaissent qu'un des enjeux de l'acquisition des entrepôts est de " sécuriser leurs volumes ", et que les réseaux de distribution intégrés privilégient les marques du brasseur propriétaire, ainsi que cela résulte d'éléments suivants :
304. En premier lieu, la CEB déclare que la tendance au monomarquisme, qui provient du jeu des remises de fidélité, se trouve amplifiée en cas d'acquisition du distributeur par le brasseur : " Ces remises défavorisent les entrepositaires-grossistes indépendants par rapport aux distributeurs intégrés. En effet, les distributeurs indépendants distribuent les bières de plusieurs brasseurs. La part de marché d'un brasseur atteint rarement les seuils qui déclenchent les remises les plus importantes, alors qu'un distributeur intégré bénéficie de conditions plus avantageuses ".
305. En deuxième lieu, l'étendue très large de la gamme de bières fabriquée par le brasseur intégré favorise l'exclusion des bières concurrentes. Selon Interbrew, le lancement par Kronenbourg d'une marque sur un réseau sur lequel il n'était jusqu'alors pas présent, se traduit rapidement par des problèmes d'accès à la distribution pour les marques concurrentes. Il cite notamment l'exemple de Guinness, déréférencée du réseau de Kronenbourg lorsque le brasseur a lancé sa propre bière " stout ", Beamish.
306. En troisième lieu, les ventes des bières des brasseurs concurrents dans les réseaux intégrés diminuent. Ainsi, les chiffres fournis par Interbrew sur l'évolution de ses ventes au sein du réseau France Boissons montrent une baisse des volumes de [30-40] % entre 1994 et 2001. Interbrew a pris en compte les distributeurs dans lesquels Heineken détient une participation minoritaire et a raisonné à périmètre constant, ce qui signifie qu'il a considéré que les entrepôts contrôlés par Heineken en 2001 étaient déjà sous le contrôle du brasseur les années précédentes.
Tableau 20
Evolution des ventes Interbrew dans la distribution Heineken (majoritaire et minoritaires) en khl fûts
<emplacement tableau>
307. Lors de la séance, la société Brasseries Meteor, brasseur indépendant basé en Alsace (voir le paragraphe 21), a souligné les difficultés qu'elle rencontrait pour faire distribuer ses produits par les réseaux des brasseurs intégrés. Selon elle, les remises consenties par les réseaux intégrés sur ses bières serait moindres que celles qu'ils proposeraient sur les bières du brasseur propriétaire. Elle a fait état d'une baisse sensible de ses ventes, de l'ordre de [10-20] % entre 1996 et 2002, qui n'excède cependant pas la baisse globale du marché. Elle explique le maintien de sa position par le recours aux entrepositaires indépendants, sur les marchés géographiques sur lesquels l'offre alternative d'entrepositaires indépendants existait. Elle a déclaré, en revanche, que ce redéploiement de sa distribution n'avait pas été possible sur certaines zones géographiques, sur lesquelles ne subsistent plus de distributeurs indépendants.
308. L'évolution des ventes des brasseurs indépendants témoigne également du repli des brasseurs vers la distribution intégrée. Les représentants de la CEB ont ainsi signalé, lors de la séance, qu'à l'heure actuelle, les marques des trois brasseurs intégrés ne représentaient plus que [70-80] % des ventes de ses adhérents contre [80-90] % en 1996.
309. En quatrième lieu, Heineken avance des exemples d'augmentation des références de bières autres que celles du groupe Heineken proposées par les entrepôts qu'il a acquis : ainsi, en 1998, l'établissement de Quimper de SVG offrait [...] références de bières en fûts dont [...] appartenant au groupe Sogebra et en 2000, le nombre total de références a atteint [...], dont [...] du groupe Sogebra.
310. Or ces chiffres relatifs au nombre de produits référencés doivent être comparés avec les éléments fournis par les brasseurs sur les ventes de leur réseau de distribution. Le tableau suivant illustre la tendance au monomarquisme des réseaux intégrés : entre 1996 et 2000, la part des bières du brasseur a augmenté au sein de chacun des deux principaux réseaux. France Boissons distribue à [70-80] % des bières Heineken en 2000, contre [60-70] % en 1996 et ces chiffres sont identiques chez Elidis pour les bières Kronenbourg.
Tableau 21
Les marques détenues par les réseaux de distribution
<emplacement tableau>
311. Il résulte d'ores et déjà de ces éléments, que, selon les données de marché recueillies, les réseaux de distribution intégrés privilégient les marques du brasseur propriétaire et que cette tendance s'accroît avec le degré d'intégration verticale du secteur.
e) Le cumul des opérations et l'atteinte à la concurrence sur le marché national des marques de bières
312. Les opérations de concentration dont le conseil est saisi dans le cadre de la présente demande d'avis affectent un certain nombre de marché locaux, dont une partie est de taille réduite (de l'ordre de [20 000-30 000] hl pour Montbéliard-Belfort, de [20 000-30 000] hl pour Saint-Dié - Epinal, de [30 000-40 000] hl pour Dieppe, de [30 000-40 000] pour Gap-Grenoble, de [50 000-60 000] hl pour Quimper, de [60 000-70 000] hl pour Saint-Brieuc, de [70 000-80 000] hl pour Saint-Malo, [80 000-90 000] hl pour Brest, de [100 000-110 000] hl pour Vannes et de [110 000-120 000] hl pour Rennes). Toutefois, le présent avis doit être mis en regard de l'avis rendu parallèlement sur les acquisitions du groupe Kronenbourg pendant la même période, qui porte sur 5 marchés locaux. Par ailleurs, la présence, parmi les marchés examinés, du marché parisien qui, avec plus de un million d'hl, représente 20 % de la bière distribuée au niveau national, permet de couvrir une part significative des marchés de distribution de la bière aux CHR, comme le ministre en a exprimé le souci dans son courrier du 21 janvier 2002, précisant l'étendue de sa saisine : " Cette liste (...) a été constituée avec le souci de couvrir de manière aussi exhaustive que possible le territoire national afin d'établir les positions réelles des deux groupes sur les différents marchés pertinents. ".
313. Aussi est-il possible de considérer que les difficultés d'accès aux marchés locaux de la distribution de la bière aux CHR sont de nature à renforcer les barrières à l'entrée sur le marché national de la bière consommée hors domicile, voire à en évincer les brasseurs non intégrés. Le verrouillage de l'accès à la distribution dans les CHR est d'autant plus préjudiciable que, comme l'a constaté le conseil dans son avis n° 98-A-09, concernant les boissons gazeuses sans alcool au goût de cola, l'accès aux marchés de la consommation hors domicile constitue un enjeu crucial pour le jeu de la concurrence pour l'ensemble du secteur car les CHR constituent des lieux où se prennent des habitudes de consommation. Même si les grands brasseurs intégrés proposent une gamme étendue de marques de bières, celle-ci reste limitée par rapport à la grande diversité des marques de bières existantes, nationales et étrangères. Les difficultés d'accès à la distribution en CHR des brasseurs indépendants et des nouveaux entrants risquent de se traduire par une perte de diversité pour le consommateur.
C. - Conclusion sur les effets des opérations
314. Il résulte des éléments d'analyse ci-dessus qu'il existe un risque de verrouillage de l'accès à la distribution des brasseurs non intégrés sur les marchés locaux sur lesquels la majeure partie de la distribution de la bière est contrôlée par un ou plusieurs brasseurs. L'intégration verticale des deux premiers brasseurs, qui détiennent près de [60-70] % du marché de la distribution de bières au niveau national, dont [30-40] % pour le réseau de Heineken, produit des effets cumulatifs. Les barrières à l'entrée sur les marchés de la distribution de la bière, l'absence d'alternative à la distribution par des entrepositaires-grossistes et l'incapacité des CHR à faire contrepoids au pouvoir de marché des brasseurs permettent aux brasseurs intégrés de verrouiller l'accès à la distribution dès lors que les distributeurs indépendants n'offrent plus un débouché suffisant. D'ores et déjà, la part des brasseurs tiers dans les ventes des réseaux intégrés a diminué depuis 1996. Si la modernisation de la distribution de la bière et l'intégration verticale des brasseurs permettent des gains d'efficacité non contestables, ceux-ci ne sont pas de nature à compenser les effets restrictifs de concurrence d'une fermeture de la distribution aux brasseurs non intégrés et aux nouveaux entrants. De plus, la modernisation du secteur et les gains liés à la puissance d'achat peuvent être réalisés par des solutions n'impliquant pas un renforcement de l'intégration verticale des brasseurs, telles que le regroupement des indépendants ou une concentration horizontale du marché.
315. Les 13 opérations de concentration identifiées à la section 193 concernent 11 marchés locaux : Rennes (Etablissement de Rennes de Société des Vins Guevel, SVG, et Rennes Boissons), Saint-Malo (Brasserie de la Rance), Saint-Brieuc (Etablissement de Plerneuf de SVG), Quimper (Etablissement de Quimper de SVG), Brest (Etablissement de Pleyber Christ de SVG), Vannes (Etablissement de Vannes de SVG), Dieppe (Desjonquères et Deparis Rimbert), Paris (Valdigny, Nayrolles, Pommeuse, Sobodis et Magnin Sasdelli), Saint Dié-Epinal (Vins Marchal), Montbéliard Belfort (BS Distribution) et Grenoble-Gap (Fège et fils). Le conseil constate que sur les marchés de Saint-Malo, Brest, Quimper, Vannes, Dieppe, Grenoble-Gap et sur le marché parisien, la situation de la concurrence présente un risque pour les brasseurs non intégrés.
316. Sur le marché de Rennes, l'acquisition de Rennes Boissons en 1997 porte la part de marché de France Boissons de [20-30] à [40-50] %, puis, en 1998, l'acquisition de l'établissement de Rennes de SVG permet à la distribution de Heineken de passer de [40-50] % à [50-60] % du marché local. La distribution intégrée est représentée sur le marché de Rennes, à titre principal, par Heineken puisque Interbrew est présent sur ce marché mais avec une position très faible, et que Kronenbourg n'y possède pas d'entrepôt. Toutefois, les deux plus gros entrepositaires indépendants sont toutefois détenus en minorité par Kronenbourg. En conséquence, le conseil est d'avis qu'en l'état, les opérations qui lui ont été soumises pour avis par le ministre ne portent pas atteinte à la concurrence. Néanmoins, le conseil note qu'en cas de prise de contrôle, par Kronenbourg, des entrepositaires-grossistes indépendants dont il détient une minorité du capital, la structure de la distribution locale, et notamment la faible part qui sera dévolue aux indépendants, sera susceptible de conduire à des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs qui ne possèdent pas de réseau de distribution.
317. Sur le marché de Saint-Malo, l'acquisition de Brasserie de la Rance en 1997 a permis à Heineken de passer de [10-20] % à [50-60] % du marché local, et en 2000, sans acquisitions supplémentaires, la part de marché de France Boissons atteint [60-70] %. La distribution intégrée aux brasseurs représentait, en 2000, plus de [80-90] % de ce marché local ([60-70] % pour Heineken, [20-30] % pour Kronenbourg tandis qu'Interbrew a une position négligeable, [< 5] %). La part de marché des indépendants s'est donc fortement réduite du fait de l'acquisition examinée et cette structure de marché est susceptible de générer des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs non intégrés. En conséquence, le conseil est d'avis que l'acquisition de Brasserie de la Rance n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Saint-Malo.
318. Sur le marché de Brest, l'acquisition de l'établissement de Pleyber Christ de SVG en 1998 a porté la part de marché de Heineken de [30-40] % à [50-60] %. En 2000, la part de marché cumulée de Heineken et Kronenbourg est de près de [90-100] % et il n'existe plus de distributeur indépendant de taille à concurrencer ce duopole. Les acquisitions, antérieures à celle présentement examinée et qui ont été réalisées par Kronenbourg, avaient participé à l'augmentation des difficultés d'accès aux débits de boissons pour les brasseurs non intégrés, et l'acquisition réalisée par ce brasseur en 2002, postérieurement à la saisine du ministre de l'Economie concernant des acquisitions réalisées par le groupe Kronenbourg, a renforcé de cette situation. L'acquisition examinée dans le présent avis a, elle aussi, contribué à la disparition de la distribution indépendante. Le conseil est donc d'avis que l'acquisition de l'établissement de Pleyber Christ de SVG n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Brest.
319. Sur le marché de Quimper, grâce à l'acquisition de l'établissement de Quimper de SVG en 1998, la part de marché de Heineken est passée de [30-40] % à [50-60] %. En 2000, la part de marché cumulée de Heineken, Kronenbourg et Interbrew est de près de [70-80] % et un des distributeurs indépendants restants aurait été acheté par Heineken en 2001. C'est l'opération examinée qui a réduit la part de la distribution indépendante, puisque, auparavant, la distribution contrôlée par les brasseurs représentait moins de [60-70] %. Cette structure locale est de nature à générer des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs non intégrés. Le conseil est donc d'avis que l'acquisition de l'établissement de Quimper de SVG n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Quimper.
320. Sur le marché de Vannes, Heineken est passé de [10-20] % à [20-30] % grâce à l'acquisition de l'établissement de Vannes de SVG en 1998. En 2000, la part de marché cumulée de Heineken, Kronenbourg et Interbrew est d'un peu moins de [70-80] %, Kronenbourg possédant [20-30] % du marché et Interbrew [20-30] %. L'acquisition examinée a contribué à la réduction de la distribution indépendante, qui peut entraîner des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs non intégrés. Le conseil est donc d'avis que l'acquisition de l'établissement de Vannes de SVG n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Vannes.
321. Sur le marché de Saint-Brieuc, l'acquisition de l'établissement de Plerneuf de SVG a porté la part de marché de Heineken de [10-20] à [20-30] % en 1998. La distribution intégrée aux brasseurs représente près de la moitié du marché local de Saint-Brieuc et l'entrepôt Cozigou, dans lequel Heineken détient une participation minoritaire qui ne lui confère pas de contrôle sur les activités commerciales de ce distributeur, détient près de [40-50] % du marché. En conséquence, le conseil est d'avis qu'en l'état, l'acquisition examinée ne porte pas atteinte à la concurrence sur le marché de Saint-Brieuc. [...].
322. Sur le marché de Dieppe, l'acquisition de Deparis-Rimbert a [...] la part de marché de Heineken, qui est passée de [10-20] % à [30-40] % en 1997. La distribution contrôlée par les brasseurs représentent [70-80] % du marché local de Dieppe, et l'acquisition examinée a contribué à cette situation, qui entraîne des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs non intégrés. En conséquence, le conseil est d'avis que l'acquisition de Deparis Rimbert n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Dieppe. Le rachat de [...] % du capital de Desjonquères en 1997, quelques mois avant l'acquisition de Deparis-Rimbert, s'il constitue bien une opération de concentration, comme examiné ci-dessus aux paragraphes 128 à 133, n'a pas pour effet d'accroître la part de marché de Heineken qui contrôlait déjà ce distributeur depuis 1996.
323. Sur le marché de Saint-Dié - Epinal, l'acquisition de Vins Marchal en 1999 a permis à Heineken de passer de [< 5] % à [20-30] %, et trois entrepositaires indépendants de grande taille sont présents, dont deux sont détenus, en minorité par Kronenbourg. L'acquisition examinée ici n'est pas de nature, en l'état, à porter atteinte au fonctionnement du marché examiné. Néanmoins, le conseil note qu'en cas de prise de contrôle, par Kronenbourg, des entrepositaires-grossistes indépendants dont il détient une minorité du capital, la structure de la distribution locale, et notamment la faible part qui sera dévolue aux indépendants, sera susceptible de conduire à des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs qui ne possèdent pas de réseau de distribution.
324. Sur le marché de Montbéliard Belfort, l'acquisition de BS Distribution en 1998 a fait passer la part de marché de Heineken de [< 5] à près de [10-20] %, ce qui est équivalent à la part de marché d'Interbrew et un distributeur indépendant, Ferrer, détient près de [50-60] % du marché. Dans ces circonstances, l'opération n'est pas de nature, en l'état, à porter atteinte au fonctionnement du marché examiné. Néanmoins, le conseil note qu'en cas de prise de contrôle, par Kronenbourg, de Ferrer, la structure de la distribution locale, et notamment la faible part qui sera dévolue aux indépendants, sera susceptible de conduire à des difficultés d'accès aux points de vente pour les brasseurs qui ne possèdent pas de réseau de distribution.
325. Sur le marché de Gap-Grenoble, en acquérant Fège en 2000, Heineken est passé de [40-50] % à [60-70] %, position qu'il a augmenté par la suite en achetant Bouchet en 2002. Aucun distributeur indépendant n'intervenant sur ce marché, dominé par les réseaux intégrés, les brasseurs non intégrés peuvent rencontrer des difficultés pour accéder aux points de vente. L'acquisition examinée a largement contribué à cette situation. En conséquence, le conseil est d'avis que l'acquisition de Fège n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elle comporte sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Gap-Grenoble.
326. Sur le marché parisien, Heineken a gagné près de [< 10] % du marché grâce aux acquisitions de Magnin-Sasdelli, Sobodis, Pommeuse et Nayrolles et Valdigny et sa part de marché est passée, entre 1996 et 2000, de [20-30] % à [40-50] %. Les opérations examinées se sont déroulées après novembre 1996, soit après la prise de contrôle de Blanchet par Kronenbourg, et à cette date, la part de marché d'Elidis était de [30-40] %. Les réseaux intégrés aux brasseurs détenaient près de [60-70] % de la distribution avant les acquisitions examinées : elles ont donc contribué à la réduction de la distribution indépendante, de sorte que les brasseurs non intégrés peuvent rencontrer des difficultés pour accéder aux débits de boissons. Le conseil est donc d'avis que les acquisitions de Magnin Sasdelli, Sobodis, Pommeuse, Nayrolles et Valdigny n'apportent pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'elles comportent sur le marché de la distribution de bières aux établissements de la CHD de Paris.
327. Enfin, le conseil est d'avis que, à l'avenir, les prises de participation minoritaire dans le capital de distributeurs ne devraient pas être assorties de clauses qui confèrent à Heineken de droit de préemption sur l'intégralité du solde du capital familial des distributeurs puisque de telles clauses ont pour effet d'ériger des barrières à l'entrée sur le marché de la distribution, aucun autre acteur que le brasseur détenteur de la minorité du capital ne pouvant devenir propriétaire de l'entrepositaire-grossiste.
328. Sur la base des considérations qui précèdent, le Conseil de la concurrence est d'avis :
* que l'opération Cozigou n'est pas une concentration au sens de l'article L. 430-2 avant sa modification par la loi du 15 mai 2001 ;
* que les opérations Brasserie de la Rance, établissements de Pleyber Christ, de Quimper et de Vannes de SVG, Deparis Rimbert, Fège et fils et Magnin Sasdelli, Pommeuse, Sobodis, Nayrolles et Valdigny soumises à son examen sont de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés ;
* que les opérations Rennes Boissons, établissements de Rennes et de Plerneuf de SVG, Vins Marchal et BS Distribution ne sont pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
(1) Avis n° 96-A-09 du 9 juillet 1996 du Conseil de la concurrence et arrêté du 20 août 1996 du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation et du ministre délégué aux finances et commerce extérieur.
(2) Par exemple, la Brasserie des Amis Réunis, installée dans le Nord, table essentiellement sur des bières événementielles telles que les bières de " Cosette " et de " Jean Valjean " offrant des produits originaux, les Brasseurs de Gayant proposent la " Madison ", bière au Grand Marnier, destinée à un public féminin ou la " Tequieros ", bière blonde à la Tequila.
(3) Interbrew n'a pas fourni directement sa part de marché mais une estimation de ses ventes en CHD tous contenants (1996 : [...] mhl, 2000 : [...] mhl, hors transmanche, réponse au questionnaire I) ainsi qu'une estimation du volume total du marché CHR (1996 : [...] mhl, 2000 : [...] mhl).
(4) Ce n'est qu'en 2001 que les ventes des brasseries Kronenbourg ont été incluses dans le chiffre d'affaires du groupe.
(5) Ces informations sont tirées des rapports d'activité de Scottish et Newcastle de 2001 et 2000.
(6) Ce chiffre inclut les droits d'accises.
(7) Ces informations sont tirées des rapports d'activité d'Interbrew de 2001 et 2000.
(8) Rappelons ici qu'Interbrew ne possède pas de site brassicole en France : il importe de Belgique les bières qu'il vend en France à partir de son site d'Armentières.
(9) Certains entrepositaires-grossistes disposent d'un embranchement SNCF eu égard au caractère pondéreux de la bière.
(10) Un camion livre une vingtaine de cafés.
(11) En page 97 du rapport d'activité 1996 du conseil, ce dernier note : " Le ministre a retenu l'analyse du marché de la bière destinée à la distribution de détail effectuée par le conseil, mais il n'en a pas tiré les mêmes conséquences. Alors que le conseil s'appuyant sur les déclarations des grands distributeurs (...) avait estimé qu'il n'existait pas de sources d'approvisionnement alternatives, particulièrement sur les segments MDD et MPP, auprès des brasseurs opérant en France ni auprès des brasseurs étrangers, le ministre a, en effet, estimé que les barrières à l'entrée n'étaient pas telles qu'elles rendaient impossible l'entrée sur le marché de brasseurs, notamment étrangers, en mesure d'offrir des quantités significatives de bières. Il a ainsi considéré que si le comportement prévisible des entreprises en duopole tel que l'avait décrit le conseil pouvait constituer un obstacle à la baisse des prix, la menace de pénétration de brasseurs étrangers sur le marché était, à elle seule, de nature à dissuader les entreprises à pratiquer des hausses de prix, dès lors que de telles pratiques auraient pour conséquence de leur faire perdre des parts de marché. "
(12) La CEB est composée des adhérents de plusieurs anciens groupements qui ont disparu suite à la création de la CEB : Générale de Boissons (GBF) et Omni Boissons, lui-même composé de quatre GIE (Distribuni, MAD, Interdistribution et Distribel).
(13) Les opérations ayant été réalisées avant la date de publication du décret d'application des dispositions de la loi NRE en matière de contrôle des concentrations, ce sont les dispositions du Code de commerce avant sa modification qui continuent de s'appliquer.
(14) Heineken indique que l'activité bières représente en chiffre d'affaires [50-60] % à [50-60] % de l'activité toutes boissons.
(15) Source : rapport de gestion du conseil d'administration de France Boissons pour l'année 1996.
(16) Le chiffre d'affaires toutes boissons ([...] MF) ne représente qu'une partie de l'activité de la société ([...] MF se répartissant en [...] MF de ventes de marchandises et [...] MF de production vendue).
(17) Comme indiqué dans le procès-verbal de délibération du conseil d'administration de Brasserie de la Rance en date du 10 décembre 1996.
(18) Comme indiqué dans le procès-verbal de délibération du conseil d'administration en date du 10 décembre 1996 de ladite société, la date du transfert des titres a été fixé à janvier 1997.
(19) Le groupe Chaffard détenait aussi un entrepôt localisé à Agnetz, dans l'Oise.
(20) Le chiffre d'affaires total de Nayrolles est de [...] MF en 1996, ce qui correspond à peu près à son CA toutes boissons dans la mesure où l'activité de Nayrolles est centrée, comme l'indiquent ses statuts, sur la distribution de bières, limonades, boissons gazeuses, cidres et eaux minérales.
(21) L'activité de Valdigny est centrée sur la distribution en gros de boissons (bières, cidres, vins, spiritueux) : ce distributeur n'a pas d'activités annexes.
(22) Heineken a fourni les chiffres pour le premier semestre : ils ont été multipliés par 2 pour avoir une estimation du CA annuel.
(23) Heineken a fourni les chiffres pour le premier semestre : ils ont été multipliés par 2 pour avoir une estimation du volume annuel.
(24) La répartition entre les fûts et les bouteilles n'est pas disponible.
(25) Arrêté ministériel du 20 août 1996.
(26) Décision de la Commission n° M.2044 du 22 août 2000, Interbrew/Bass.
(27) Competition Commission " Interbrew SA and Bass PLC ", a report on the acquisition by Interbrew SA of the brewing interests of Bass PLC, Presented to the Parliament by the Secretary of State for Trade and Industry by command of Her Majesty, janvier 2001.
(28) Son argumentaire est double. D'une part, elle cite deux études qui montrent que la demande de bières est relativement inélastique (l'élasticité prix serait comprise entre - 0,5 et - 0,75). D'autre part, les différences dans les processus de production de ces boissons, et notamment le fait que les brasseurs anglais produisent à titre principal de la bière et ni du cidre ni du vin, justifient que la bière doit être traitée comme un marché de produits distinct de celui des autres boissons.
(29) Arrêt de la CJCE du 28 février 1991, Stergios Delimitis c/ Henninger Braeu AG, n° affaire C-234-89.
(30) Avis du Conseil de la concurrence n° 96-A-09 du 9 juillet 1996 a/s concentration Heineken/Fischer.
(31) Interbrew n'a pas fourni directement sa part de marché mais une estimation de ses ventes en CHD tous contenants (1996 : [...] mhl, 2000 : [...] mHl, hors transmanche, réponse au questionnaire I) ainsi qu'une estimation du volume total du marché CHR (1996 : [...] mhl, 2000 : [...] mhl).
(32) Le débit du premier bec d'un café moyen tourne autour de 50 hl par an, soit 100 fûts de bière de 50 litres ou 166 de 30 litres.
(33) C'est une approximation qui ne tient pas compte de la saisonnalité de la consommation de bières.
(34) Les bières en contenants perdus pouvant être achetées ailleurs qu'auprès des cash and carry, la place de ces distributeurs est donc inférieure à [< 10] %.
(35) Rapport annuel 2001 du Conseil de la concurrence, page 90.
(36) Avis n° 00-A-04 du 29 février 2000 relatif à l'acquisition par la société Vivendi de la participation de 15 % détenue par le groupe Richemont dans la société Canal +.
(37) Les entrepôts indépendants, dont Boisard, localisé à Saint-Brieuc qui dispose de 3 camions, sont de petite taille (- de 1 500 hl de bières en fûts).
(38) Le K bis de la société Andro indique la cessation d'activité en septembre 2001 et d'après le K bis de la société France Boissons Quimper, cet entrepositaire-grossiste dispose d'un établissement secondaire situé à Plonéour-Lanvern, à la même adresse qu'Andro.
(39) Notons qu'Elidis est également à Belle-Ile (Elidis Belle-Ile, issu de Belle-Ile Boissons, ex-entrepositaire indépendant) qui distribue un volume limité à [< 5 000] hl, soit vraisemblablement l'approvisionnement de l'île exclusivement.
(40) Cette part de marché est basée sur une délimitation géographique plus restreinte du marché de Vannes opérée par Interbrew ([30 000-40 000] hl, tandis que le volume de [100 000-110 000] hl a été retenu). L'extension géographique conduit à tenir compte de l'activité d'une autre filiale d'Interbrew, ABC Redon (ou ABC Dist, situé à Rieux, département du Morbihan, [20 000-30 000] hl) acquis en 1998, ce qui ne remet pas en cause le pourcentage de [20-30] %.
(41) L'importance des ventes de Sogebra à Benoît ([< 5 000] hl bières) en atteste.
(42) Elidis Saint-Brieuc résulte de l'acquisition de l'entrepôt Even par Kronenbourg. Kronenbourg indique, dans un courrier adressé à la DGCCRF, qu'elle détenait avant 1996 une participation minoritaire dans cet entrepôt qu'elle a complétée en 1996 pour avoir une participation majoritaire. Il semble qu'Elidis Plemet résulte de l'acquisition de l'entrepôt Négoce Boissons qui était rattaché à Even. Quant à l'entrepôt Elidis Taule, il résulte de l'acquisition de l'entrepôt indépendant Sonodis en 1997, probablement rattaché à l'entrepôt Self distribution dans lequel Kronenbourg a complété sa participation en 1997. Sonodis (alors participation minoritaire en 1996) a par ailleurs procédé à l'acquisition de l'entrepôt indépendant Guillaume en 1996.
(43) Heineken avait procédé à une délimitation beaucoup plus large du marché géographique qui correspondait à la zone de chalandise de Desjonquères : il incluait la majorité du département de la Seine-Maritime, y compris la ville de Rouen, mais pas la ville du Havre, l'extrême Nord-Est de l'Eure, le Nord-Ouest de l'Oise, y compris la ville de Beauvais et enfin l'Ouest de la Somme, y compris Amiens. Près de [120 000-130 000] hl de fûts de bières étaient livrés sur cette zone. Dans la mesure où le conseil est d'avis que l'opération Desjonquères n'a pas d'effet sur les positions concurrentielles de France Boissons, il ne retient pas cette délimitation, mais celle qui correspond à la zone de chalandise de Paris.
(44) Ce chiffre est à prendre avec précaution puisque Interbrew n'a pas estimé la taille du marché comme Heineken (+[20-30] %).
(45) Ce chiffre est recalculé à partir des données fournies par Heineken qui a fourni ses parts de marché distributives, tous contenants et pas en fûts uniquement : le rapport détaille ce point.
(46) Actuellement, BS Distribution est le dépôt secondaire de France Boissons Mulhouse, qui existe depuis 2001, et qui est issu de la fusion entre Entrepôts Barth à Wittenheim (68) et Bixel Brasserie Saint Louis à Altkirch (68). En 1999, BS Distribution avait fusionné avec Bixel Brasserie Saint Louis.
(47) Heineken n'a pas fourni la répartition des ventes de ses entrepôts entre bouteilles et fûts, mais il a donné la part de marché de ses distributeurs pour les ventes de bières, tous contenants confondus. Un coefficient rectificateur doit lui être appliqué dans la mesure où les proportions dans lesquelles France Boissons vend des fûts et des bouteilles sont différentes de celles dans lesquelles ces différents contenants sont consommés. Selon Gira, les fûts représentent 74 % des bières consommées hors domicile sur la période 1996-2000 (voir chapitre 1, tableau 12). Selon les données régionales Ile-de-France fournies par Heineken, les fûts représentent (80-90] % des volumes distribués par les entrepôts France Boissons. Les parts de marché en fûts de France Boissons peuvent donc être obtenues à partir des parts de marché tous contenants en multipliant ces dernières par un coefficient de proportionnalité égal à [...].
(48) Pour l'entrepôt Magnin Sasdelli qui ne fait pas tout son volume sur le marché considéré, mais également sur les régions Bourgogne et Champagne (la part couverte en nombre d'habitants sur ces deux régions représente [20-30] % environ de la totalité de la part couverte par cet entrepôt), nous avons appliqué forfaitairement un pourcentage de [60-70] % sur le volume fût distribué par cet entrepôt ([10 000-20 000] hl), ce qui donne un volume fût de [< 10 000] hl.
(49) L'analyse de ce point concernant les bières sera conduite aux paragraphes 298 à 311. Webmestre