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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 6 février 2002, n° 99-05687

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofinoga (SA)

Défendeur :

Fumanal

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Paris

Conseillers :

MM. Armingaud, Torregrosa

Avoués :

SCP Salvignol-Guilhem, SCP Argellies-Travier-Watremet

Avocats :

Me Ménard-Durand, SCP Daynac-Legros.

TI Béziers, du 24 sept. 1999

24 septembre 1999

Rappel des faits, de la procédure et des moyens

Par offre préalable d'ouverture de crédit en date du 23 février 1988, acceptée le 25 février 1988 la SA Cofinoga a consenti à Christine Fumanal un crédit par découvert en compte d'un montant maximal de 20 000 F.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 novembre 1998, la SA Cofinoga a prononcé la déchéance du terme dudit crédit, à raison de la défaillance de Christine Fumanal, et mis en demeure la débitrice de lui payer la somme de 49 930,21 F.

Le 25 août 1999, la SA Cofinoga a fait assigner Christine Fumanal devant le Tribunal d'instance de Béziers aux fins d'obtenir sa condamnation à payer les sommes de :

- 49 130,21 F, avec les intérêts au taux contractuel,

- 4 000 F, sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Par jugement en date du 24 septembre 1999, cette juridiction a :

- prononcé la déchéance de la SA Cofinoga du droit aux intérêts au titre de l'ouverture de crédit souscrite le 25 février 1988, à compter du mois de mars 1991, sur le fondement de l'article L. 311-1 du Code la consommation,

- condamné Christine Fumanal à payer à la SA Cofinoga la somme de 12 920,48 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1998,

- accordé vingt quatre mois de délais à Christine Fumanal pour lui permettre de s'acquitter de sa dette par le règlement de vingt trois mensualités de 500 F chacune, outre une dernière devant solder la totalité de la dette en principal, intérêts et frais, sur le fondement de l'article 1244-1 du Code civil,

- dit que les versements devront intervenir le premier dans les quinze jours de la notification du présent jugement et les autres à même date les mois suivants,

- dit qu'à défaut de règlement d'une seule mensualité à la date convenue, la débitrice sera déchue du bénéfice du terme, la totalité de la dette restant due devenant immédiatement exigible,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de cette cour le 24 novembre 1999, la SA Cofinoga a régulièrement interjeté appel de la décision susmentionnée.

La SA Cofinoga soutient, au principal, que le moyen tiré du défaut d'information est atteint de forclusion. Le délai biennal de forclusion prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation, qui peut valablement être opposé par le prêteur à l'emprunteur et, le cas échéant, au juge, court à compter de l'échéance du renouvellement du contrat, soit, en l'espèce, au mois de février de chaque année. La société Cofinoga a, à cet égard, satisfait à son obligation d'information en adressant à Christine Fumanal un relevé de compte arrêté au 23 septembre 1997, de sorte qu'elle ne pourrait être déchue du droit aux intérêts qu'à compter du mois de février 1998, alors même que la déchéance du terme est intervenue le 23 août 1998, et les débats devant le premier juge, le 10 septembre 1999.

En toute hypothèse, la SA Cofinoga ne saurait être déchue du droit aux intérêts, quand bien même elle aurait manqué à l'obligation d'information qui pèse sur elle, dès lors qu'il résulte de la reconstitution du compte afférent au crédit litigieux que la débitrice a continué d'utiliser ledit crédit. Une telle utilisation emporte, en effet, ratification expresse de la poursuite du contrat initial.

En défense aux moyens soulevés par Christine Fumanal, la société Cofinoga fait valoir, d'une part, qu'une simple lecture de l'historique du compte révèle, contrairement aux allégations de l'intimée, que le premier incident de paiement non régularisé remonte à l'année 1998, de sorte que l'action en paiement, engagée par la SA Cofinoga dans les deux ans dudit incident, ne peut en aucune façon être considérée comme forclose. La société Cofinoga prétend, d'autre part, que le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre préalable est irrecevable comme forclos sur le fondement de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, le contrat de crédit litigieux formé depuis plus de dix ans, et infondé, en ce qu'il respectait bel et bien les dispositions légales en vigueur au temps de sa formation.

En conséquence, la SA Cofinoga demande à la cour de:

- condamner Christine Fumanal à payer à la SA Cofinoga la somme principale de 49 130,21 F au titre du contrat de crédit qui lui a été consenti le 25 février 1988, assortie des intérêts au taux contractuel de 15,96 % ayant couru sur la somme de 45 735,64 F à compter du 24 novembre 1998,

- débouter Christine Fumanal de toute éventuelle contestation et de toute éventuelle nouvelle demande de délais de paiement.

Christine Fumanal, fait valoir, à titre principal, que l'action engagée par la SA Cofinoga est forclose au sens de l'article L. 311-37 du Code de la consommation. Le premier incident de paiement, caractérisé par le dépassement du découvert autorisé convenu, a, en effet, été enregistré par le compte afférent au crédit, au mois de mai 1995, sans qu'il soit régularisé par la suite, alors, cependant, que la société Cofinoga n'a saisi le Tribunal d'instance de Béziers, qu'au mois d'août 1999, soit plus de deux ans après la survenance dudit incident de paiement non régularisé.

En conséquence, Christine Fumanal demande à la cour de :

- juger que le premier incident de paiement non régularisé se situe au mois de mai 1995,

- juger que la SA Cofinoga est irrecevable dans son action.

Christine Fumanal prétend, subsidiairement, que la société Cofinoga doit être déchue du droit aux intérêts, conformément aux dispositions de l'article 311-33 du Code de la consommation, à raison non seulement du manquement de la SA Cofinoga à son obligation d'information, telle qu'elle est posée à l'article 311-9, alinéa 2 du Code de la consommation, mais surtout de l'irrégularité de l'offre préalable faite par la société à Christine Fumanal. Une telle irrégularité résulte de l'inobservation des dispositions de l'article L. 311-10, 3e du Code de la consommation, qui prescrivent la reproduction des dispositions de l'article L. 311-37 dudit Code, aux termes duquel les actions ou les exceptions tirées de l'existence du présent contrat sont soumises à la forclusion biennale. Christine Fumanal soutient, en conséquence, qu'elle doit être considérée comme tenue du seul remboursement du capital, qui s'élève à la somme de 45 252,24 F, auquel il conviendra d'imputer les versements mensuels d'un montant de 500 F effectués depuis le mois d'octobre 1999 jusqu'au mois de juin 2000, soit 4 500 F, et les intérêts indûment versés depuis le 25 février 1988, lesquels ne pourront être inférieurs à la somme de 36 030,56 F correspondant aux intérêts versés à compter du mois de novembre 1990. La condamnation de la débitrice ne saurait, dès lors, excéder la somme de 2 321,68 F, avec intérêts au taux légal à compter de la seule déchéance du terme en date du 28 novembre 1998. Une telle condamnation devra tenir compte du plan de surendettement, exécutoire à la date du 30 mai 2000, qui a accordé à Christine Fumanal un délai de paiement de 36 mois.

En conséquence, Christine Fumanal demande à la cour de :

- juger que la SA Cofinoga est déchue du droit aux intérêts dès l'origine du contrat,

- limiter la condamnation de Christine Fumanal à une somme qui ne saurait être supérieure à 2 321,68 F,

- donner acte de ce que les mesures d'exécution seront suspendues jusqu'au 30 mai 2003 sur le fondement de l'article L. 331-9 du Code de la consommation.

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, l'action en paiement engagée par le prêteur à raison de la défaillance de l'emprunteur dans l'exécution de son obligation de restitution des sommes prêtées au titre d'un crédit à la consommation, doit être formée dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance, à peine de forclusion, quand bien même elle serait née d'un contrat conclu antérieurement au 1er juillet 1989.

Attendu qu'en matière de crédit permanent, s'il est de principe que le délai biennal de forclusion susvisé court à compter de la clôture du compte afférent à l'ouverture de crédit, ou de la déchéance du terme dudit crédit, dès lors que ce compte fonctionne normalement, c'est-à-dire dans les limites du découvert autorisé, il en est tout autrement, en revanche, lorsque le découvert autorisé est dépassé sans être ultérieurement restauré ; qu'en effet, un tel dépassement doit s'analyser comme une échéance impayée manifestant la défaillance de l'emprunteur, et constitue, dès lors qu'aucune régularisation n'intervient, le point de départ du délai de forclusion.

Attendu que, le 25 février 1988, Christine Fumanal a accepté une offre préalable d'ouverture de crédit en forme de découvert en compte, faite par la SA Cofinoga ; que le recto de ladite offre présente un encart mentionnant les "conditions de l'offre" ; qu'au titre de ces conditions figurent deux stipulations afférentes au montant du découvert autorisé à l'emprunteur par le prêteur ; qu'aux termes de la première des deux stipulations, le "montant maximum du découvert autorisé" est arrêté à 50 000 F, tandis qu'à ceux de la seconde, " le montant du découvert autorisé à l'ouverture est fixé à " 20 000 F ;

Attendu que la première des deux stipulations doit être analysée comme déterminant, pour l'ensemble des offres de crédit proposées par la SA Cofinoga, le montant maximum du découvert pouvant être autorisé compte tenu des capacités financières propres à chaque souscripteur potentiel ; qu'à ce titre, une telle stipulation, dont le montant est pré-imprimé, constitue un élément des conditions générales de crédit, qui n'ont vocation à s'appliquer qu'à défaut de conditions particulières ;

Attendu, précisément, que la seconde stipulation fixe, au cas particulier, le montant du découvert autorisé; qu'une telle constatation résulte à la fois de la formule employée pour annoncer ledit montant, qui renvoie à l'ouverture du crédit, et de la forme dactylographiée dudit montant;

Attendu, au demeurant, que la SA Cofinoga, elle-même, dans ses écritures d'appel, reconnaît avoir consenti à Christine Fumanal un crédit d'un montant de 20 000 F;

Attendu, ainsi, que la société Cofinoga a consenti à Christine Fumanal une ouverture de crédit en forme de découvert en compte, dont le montant maximal était de 20 000 F.

Attendu, par ailleurs, que l'historique du compte attaché à l'ouverture de crédit litigieuse, révèle que le montant du découvert autorisé a été dépassé au mois de mai de l'année 1995 ; qu'en effet, à cette date, ledit compte présentait un solde débiteur de 33 371,69 F ; qu'il ressort dudit historique qu'à aucun moment, depuis lors, et jusqu'à la déchéance du terme du crédit, prononcée le 28 novembre 1998, le dépassement du découvert n'a été régularisé; qu'au contraire, la situation débitrice du compte n'a, en raison de l'importance des retraits effectués postérieurement audit dépassement et de l'insuffisance des dépôts réalisés aux mêmes périodes, cessé de s'aggraver.

Attendu que le dépassement susmentionné doit être considéré comme constituant le point de départ du délai biennal de forclusion édicté à l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'il s'est écoulé un délai bien supérieur à deux ans entre la survenance du premier incident de paiement non régularisé, en date du mois de mai de l'année 1995, et l'assignation formée par la SA Cofinoga, en date du 25 août 1995.

Attendu, en conséquence qu'il convient de déclarer l'action en paiement engagée par la SA Cofinoga, forclose.

Attendu, dès lors, qu'il est sans pertinence de répondre aux autres moyens développés par les parties.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare l'appel recevable en la forme, Au fond, Infirme le jugement entrepris, Rejette la demande en paiement de la SA Cofinoga comme forclose sur le fondement de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, Condamne la société. Cofinoga à payer à Christine Fumanal la somme de 765 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Condamne la même aux entiers dépens.