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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 2 mars 2005, n° 04-02756

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Interior's Country Corner (SAS), Le Broussois

Défendeur :

Vitaly (SARL), Cadojeux (Sté), Ateliers de la Madeleine (Sté), La Madeleine Inc (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

Mes Olivier, Naboudet, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Casalonga, Jouve-Gaillard, Risse

TGI Bobigny, du 28 oct. 2003

28 octobre 2003

Vu l'appel interjeté par la société Interior's Country Corner et Jean-Michel Le Broussois du jugement rendu le 28 octobre 2003 par le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a:

- donné acte à M. Le Broussois et à la société Interior's Country Corner de leur désistement à l'égard de la société Antic Ligne Créations,

- dit valables les dépôts effectués par la société Interior's, enregistrés à l'OMPI sous les numéros DM/041 381, DM/037 279, DM/033 907, DM/041 381, DM/038 879, DM/032 330, DM/046 807, DM/043 170, DM/044 965,

- débouté Jean-Michel Le Broussois et la société Interior's Country Corner de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté les sociétés Vitaly, Cadojeux et Opium de leurs demandes reconventionnelles, à l'exception de celles formées en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société Interior's à verser à la société Vitaly et à la société Cadojeux, chacune, la somme de 2 000 euro en application de ce texte,

- condamné la société Vitaly à payer à la société Opium la somme de 1 000 euro au même titre,

- condamné la société Interior's aux dépens;

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 janvier 2005 par lesquelles Jean- Michel Le Broussois et la société Interior's Country Corner, ci-après Interior's, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré valables les modèles, demandent à la cour de:

- dire que les intimées ont porté atteinte au droit moral de Jean-Michel Le Broussois,

- les condamner à lui payer à ce titre la somme de 50 000 euro de dommages-intérêts,

- dire que les intimées ont commis des actes de contrefaçon des modèles déposés par la société Interior's,

- les condamner in solidum à payer à la société Interior's la somme de 200 000 euro à titre de dommages-intérêts et ordonner une expertise comptable pour le surplus,

- dire que les intimées ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Interior's,

- les condamner in solidum à payer à la société Interior's la somme de 200 000 euro à titre de dommages-intérêts et ordonner une expertise comptable pour le surplus,

- interdire aux intimées toute commercialisation directe ou indirecte des modèles d'enseignes incriminés au titre de la contrefaçon et de l'ensemble des enseignes incriminées au titre de la concurrence déloyale sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée et par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la confiscation aux fins de destruction par voie d'huissier et aux frais des intimées des produits incriminés détenus directement ou indirectement par ces sociétés ou leurs revendeurs, sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes qu'elle aura prononcées,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, par extraits ou par résumé, dans 10 journaux ou revues de leur choix, aux frais in solidum des intimées sans que le coût mis à la charge de ces dernières ne puisse excéder la somme de 4 500 euro HT par insertion,

- condamner in solidum les intimées à leur verser la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 juin 2004 aux termes desquelles la société Cadojeux sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Jean-Michel Le Broussois et la société Interior's de l'ensemble de leurs prétentions, et formant appel incident, demande à la cour de les condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euro en réparation du préjudice causé par la procédure manifestement abusive et une somme complémentaire de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à titre subsidiaire forme un appel en garantie à l'encontre de son fournisseur, la société Vitaly;

Vu les dernières écritures signifiées le 13 décembre 2004 par lesquelles la société Vitaly, poursuivant la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon et concurrence déloyale et son infirmation pour le surplus, demandant à la cour de:

- déclarer nuls les dépôts de modèles réalisés par la société Interior's,

- lui allouer une provision de 50 000 euro à valoir sur son préjudice commercial à déterminer par voie d'expertise comptable,

- condamner la société Interior's et Jean-Michel Le Broussois à lui payer la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les assignations délivrées conformément aux articles 684 et suivants du nouveau Code de procédure civile à la société de droit vietnamien Ateliers de la Madeleine et à la société de droit chinois La Madeleine Inc;

Sur ce, LA COUR

Considérant que la société Interior's Country Corner, ci-après Interior's, qui a pour objet la création, la commercialisation d'objets de décoration et de meubles, est titulaire d'une série de modèles d'enseignes décoratives en bois ou résine peints, déposés à l'OMPI, sous le nom de Jean-Michel Le Broussois, revêtues des inscriptions suivantes:

- "Deux Alpes" n° DM/041 381 (photographie n° 9) déposé le 8 décembre 1997,

- "Deux Alpes" n° DM/053 458 (photographie n° 2), déposé le 27 juin 2000, comportant une représentation graphique identique au précédent, qui surmonte un tableau en ardoise,

-" Billiard Academy" n° DM/037 279 (photographie n° 9), déposé le 19 août 1996,

- "North Eastern Railway" n° DM/033 907, déposé le 9 novembre 1995, renouvelé le 23 février 2000,

- "Golf' n° DM/041 381 (photographie n° 7), déposé le 9 septembre 1997,

- " French bakery" n° DM/038 879 (photographie n° 4), déposé le 22 janvier 1997,

- " Bordeaux St Emilion" n° DM/032 330 (photographie n° 1), déposé le 3 mars 1995,

- "Racing horse" n° DM/046 807, déposé le 4 février 1999,

- "Jazz band "n° DM/043 170, (photographie n° 3), déposé le 20 janvier 1998,

- " Hunting season" n° DM/044 965 (photographie n° 10), déposé le 15 novembre 1998;

Que ces dépôts internationaux de modèles désignent la France;

Qu'après avoir fait pratiquer trois saisies contrefaçon, le 15 janvier 2001, au salon Imporama, sur le stand de la société Vitaly, le 10 septembre 2001 au salon Maison & Objet, sur le stand de la société Antic Ligne, le 11 janvier 2002, au même salon, sur le stand de la société Cadojeux, la société Interior's et Jean-Michel Le Broussois ont assigné ces sociétés ainsi que les sociétés La Madeleine Inc et Ateliers de la Madeleine en contrefaçon des modèles d'enseigne susvisés et pour concurrence déloyale et parasitaire ;

- Sur la procédure

Considérant qu'il n'est pas établi, en l'absence de retour des actes délivrés aux sociétés Ateliers de la Madeleine et La Madeleine, dont le siège social est respectivement situé à Binh Duong au Vietnam et à Hong Kong en Chine, ou de l'avis de réception des lettres recommandées, qu'elles en ont eu connaissance en temps utile ; que la cour n'est donc pas valablement saisie des demandes formées à leur encontre;

- Sur la validité des modèles

Considérant que la société Vitaly conteste la validité des modèles invoqués par la société Interior's faisant valoir que les enseignes représentées signalisaient les tavernes, puis les pubs anglais et reprennent des thèmes chers aux concitoyens britanniques, irlandais ou américains : le golf, le billard, le bowling, le nautisme, le jazz, les courses hippiques, les trains à vapeur, le tennis, le gospel;

Considérant que si les enseignes en bois peint traitant de ces thèmes préexistaient au dépôt des modèles, ceux-ci doivent être appréciés selon la disposition particulière des éléments graphiques et textuels qui est la leur;

Considérant que les reproductions de tableaux, gravures, affiches, produites aux débats par la société Vitaly, n'ont en commun avec les modèles déposés que les sujets : promenade en traîneau sur la neige, envol de canard, concours hippique ; que les représentations d'enseignes en bois, dont des photographies sont communiquées, se distinguent de ces modèles par leur forme, la disposition des motifs ornementaux et les inscriptions qui y sont portées;

Qu'en l'absence d'antériorités de toutes pièces divulguant les caractéristiques ornementales de ces enseignes, ces modèles sont nouveaux et présentent un caractère propre;

Considérant que l'agencement inédit de ces différents éléments graphiques et textuels et le choix des couleurs portent l'empreinte de la personnalité de l'auteur de sorte que ces modèles bénéficient également de la protection instituée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle;

- Sur la contrefaçon

Considérant qu'il convient de comparer les neufs modèles déposés par les appelants aux tableaux saisis ;

- Sur le modèle DM/041 381 et DM/053 458 dénommé "Les Deux Alpes"

Considérant que l'enseigne déposée représente, dans un cadre arrondi sur sa partie supérieure, un traîneau, tiré par un cheval, occupé par deux passagers, sur un fond de paysage enneigé; que l'inscription "Les Deux Alpes" en lettres stylisées figure, sur la partie supérieure du tableau, dans un rouleau décoré de fleurs de montagne;

Considérant qu'il ressort des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 15 janvier 2001 au Salon Imporama que la société Vitaly proposait à la vente un tableau en bois peint portant l'inscription "Winter Pleasure" ; qu'entouré d'un encadrement rectangulaire, il représente un traîneau tracté par un cheval sur lequel ont pris place trois passagers ; que le sujet se détache sur un paysage de plateau enneigé entouré de sommets au pied desquels poussent des sapins;

Considérant que ce tableau reproduit les éléments caractéristiques du modèle déposé selon le même agencement et dans les mêmes nuances de couleurs ; que s'y retrouvent dans un décor montagnard, avec en arrière fond des sommets à la forme pointue accentuée par un effet d'ombre dans les couleurs bleu/gris, un traîneau de couleur beige contrastant avec celle de la robe du cheval ; que les deux cadres de couleur marron comportent un liseré doré ; que les différences de détail tenant aux titres, au nombre de personnages et à la forme supérieure arrondie du cadre sont insignifiantes et sans incidence sur la contrefaçon, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage de l'examen des deux tableaux;

Que le tableau en bois peint ayant pour titre "Winter Pleasure" constitue donc la contrefaçon du modèle n° DM/041 381 et DM/053 458;

- Sur le modèle DM/046 807 dénommé "Racing Horse"

Considérant que la société Interior's soutient que ce modèle est contrefait par une enseigne commercialisée par la société Cadojeux, acquise auprès de la société Vitaly intitulée "Horse Show";

Considérant que les deux tableaux représentent un cheval, à la robe de couleur ocre, monté d'un jockey, au galop sur la piste d'un champ de course ; que cette scène, figurée au premier plan, montre le cheval longeant une barrière blanche dont la courbure dessine un virage, et fait apparaître en arrière plan une étendue d'herbe et le prolongement de la barrière ;

Considérant qu'aucune des scènes équestres représentées sur les affiches et gravures produites par la société Vitaly ne comporte ces similarités dans la composition et le choix des couleurs de sorte que ce choix ne peut être fortuit ; que les différences soulignées par les intimées quant à la forme des enseignes, à la présence, en arrière plan, de trois autres cavaliers sur le premier, de spectateurs sur le second, au sens inversé de la course, ne modifient pas l'impression visuelle d'ensemble de sorte que le grief de contrefaçon du modèle DM/046 807 est caractérisé ;

* Sur le modèle DM/043 170 intitulé "Jazz Band New Orleans"

Considérant que la société Interior's incrimine un tableau portant le titre "Jazz" commercialisé par les sociétés Vitaly et Cadojeux;

Mais considérant que si les deux enseignes représentent deux joueurs de jazz, sur un fond de couleur noire, et évoquent l'ambiance musicale caractéristique de la Louisiane, en particulier de la Nouvelle Orléans, seul ce thème leur est commun, l'interprétation de la scène par le choix d'instruments différents, les postures et les tenues des musiciens, les couleurs des inscriptions coordonnées à la couleur dominante des vêtements (jaune pour la première, bleu et blanc pour la seconde) ne suscitant pas la même une impression visuelle d'ensemble;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté le grief de contrefaçon;

* Sur le modèle DM/032 330 intitulé "Bordeaux St Emilion"

Considérant que le modèle DM/032 330 représente une horloge à cadran de couleur claire insérée dans un cadre de forme rectangulaire, comportant deux découpes en creux sur sa partie haute et basse, de couleur sombre décoré de grappes de raisin et revêtu des inscriptions "Bordeaux St Emilion";

Que l'enseigne incriminée est une horloge dont le cadran clair se détache sur un fond de teinte sombre, orné de part et d'autre de grappes de raisins, portant les inscriptions "French Wine", sur la partie supérieure, "Bordeaux St Emilion" " Grand cru classe" sur la partie inférieure;

Considérant que si la promotion d'un vin est banalement associée à la représentation de grappes de raisin, il n'en est pas de même du choix de ce motif allié au nom d'un cru, pour ornementer une horloge;

Qu'alors que le nom du cru et les nuances de couleurs sont reprises, les différences de forme des supports, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage des deux modèles, sont sans incidence sur la contrefaçon;

Que la société Vitaly et la société Cadojeux ont donc commis des actes de contrefaçon du modèle DM/032 330;

* Sur le modèle DM/044 965 intitulé "Hunting Season"

Considérant que le modèle en cause illustre le vol d'un canard col-vert, ailes déployées au dessus d'un étang, bordé d'arbres et de roseaux, à la tombée de la nuit ; que sur la partie supérieure du tableau, est peinte la mention "Hunting Season" en lettres cursives;

Que si le tableau incriminé représente, sous un titre identique, un envol de deux canards au dessus d'un étang bordé d'arbres et de roseaux, la société Interior's ne peut revendiquer un droit privatif sur toute représentation de scène typique de la saison de la chasse, couramment évoquée par ce thème, ainsi qu'il ressort des copies de tableaux produites aux débats ; que de la position d'envol des deux canards, de la perspective des paysages et des couleurs utilisées découle une impression visuelle distincte de sorte que le grief de contrefaçon n'est pas établi;

* Sur le modèle DM/033 907 représentant un train à vapeur

Considérant que l'enseigne déposée à titre de modèle présente une forme rectangulaire, surmontée d'un fronton à découpe arrondie portant le titre "North Eastern Railway"; qu'y figure au premier plan, un train à vapeur composé de trois wagons, vu de profil, et en arrière plan, un paysage de collines et d'arbres en pleine campagne;

Que le tableau litigieux, intitulé "Omnibus Paris Brest 1912" reprenant la forme rectangulaire du premier, représente un train à vapeur de trois wagons circulant sur un pont dans la campagne qui forme un arrière plan constitué de collines arborées;

Considérant que si les titres des deux enseignes et le sens de marche du train différent, l'angle de prise de vue du train, de profil, caractéristique du modèle premier, particulièrement original par rapport aux exemples de publicité ferroviaire produites aux débats par la société Vitaly, comme la longueur du convoi, sont reproduits dans le modèle second de sorte que l'impression visuelle d'ensemble est semblable;

Que ce tableau constitue donc la contrefaçon du modèle DM/033 907;

* Sur le modèle DM/038 879 représentant un boulanger

Considérant que si les deux enseignes en cause représentent un boulanger en train d'enfourner des pâtons dans un four à l'ancienne en briques réfractaires, la forme du four comme la tenue vestimentaire du boulanger sont largement inspirées de l'imagerie traditionnelle comme le montrent les abécédaires versés aux débats ; que, contrairement aux assertions de la société Interior's, le choix d'une tenue couvrante composée d'un bonnet et d'une chemise à manches longues n'est pas inédit, mais se retrouve sur les dessins produits (182. Abécédaire 68 A) ; que l'interprétation de ce thème commun, par la forme distincte des enseignes, les inscriptions y figurant (en langue anglaise pour la société Interior's, en français pour les intimées) ne suscite pas la même impression d'ensemble;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point;

* Sur le modèle DM/037 279 représentant deux joueurs de billard

Considérant que les deux enseignes illustrent une scène de jeu de billard, l'un des deux joueurs observant l'autre, le plateau de jeu étant éclairé par deux faisceaux de lumière s'échappant de deux lustres;

Mais considérant que tant le format des deux enseignes, que l'angle de prise de vue du plateau de jeu confèrent au tableau premier plus de netteté et un aspect plus intimiste de sorte que l'impression visuelle d'ensemble qui s'en dégage n'est pas la même;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté le grief de contrefaçon;

* Sur le modèle DM/041 381 représentant un joueur de golf

Considérant que les deux enseignes représentent un joueur de golf au cours d'une compétition sportive; que si les deux tableaux sont de forme verticale allongée, inhérente à la scène illustrée, elles évoquent deux moments distincts de la partie en cours, sur l'enseigne de la société Interior's le joueur est seul, le club en l'air sur le point de réaliser un swing, alors que sur l'enseigne saisie, il a lancé la balle que son caddie suit du regard ; que l'impression visuelle d'ensemble distincte résultant de l'attitude et la tenue vestimentaire des joueurs comme de l'arrière plan du green est exclusive d'une contrefaçon;

Que le jugement doit donc être confirmé sur ce point;

Considérant que la société Cadojeux invoque vainement sa bonne foi, inopérante devant les juridictions civiles;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la société Interior's reprochent aux sociétés Cadojeux et Vitaly de proposer à la vente une gamme complète d'enseignes reprenant des formes, des graphismes, des couleurs, des noms, des calligraphies et des thèmes identiques à ceux qu'elle utilise de longue date pour caractériser sa propre gamme et de s'être inscrit en parasites en s'appropriant indûment ses succès commerciaux et le bénéfice de ses investissements créatifs et publicitaires;

Considérant que la comparaison de l'ensemble des produits commercialisés par les sociétés Cadojeux et Vitaly révèle que par le choix des thèmes, des couleurs, des calligraphies elles ont entendu créer un effet de gamme, pour se placer sur le marché de l'enseigne en bois vieilli sur lequel la société Interior's connaît un réel succès depuis dix années, de sorte que le consommateur pourrait être légitimement conduit à attribuer la même origine à ces articles;

Qu'il s'ensuit qu'en commercialisant ces enseignes s'inspirant de celles mise sur le marché antérieurement par la société Interior's, la société Vitaly et la société Cadojeux ont cherché à se placer dans le sillage de ses produits et commis des actes de concurrence déloyale;

- Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il ressort des saisies contrefaçon pratiquées à l'occasion de salons consacrés à la décoration et des catalogues produits aux débats que les enseignes litigieuses ont été largement diffusées par les sociétés Vitaly et Cadojeux;

Que la mise sur le marché d'enseignes de qualité moindre, vendues à des prix inférieurs, a porté atteinte aux droits d'auteur de Jean-Michel Le Broussois et à la valeur patrimoniale des modèles déposés exploités depuis 10 ans, en les banalisant, incitant ainsi la clientèle à s'en détourner;

Que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 15 000 euro l'atteinte portée au droit moral d'auteur de Jean-Michel Le Broussois et à celle de 50 000 euro le préjudice subi par la société Interior's du fait des actes de contrefaçon;

Considérant que la société Interior's a subi, du fait du comportement déloyal et parasitaire des sociétés intimées, un préjudice commercial qui sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité de 60 000 euro;

Considérant qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée afin de mettre un terme aux agissements illicites selon les modalités précisées au dispositif; qu'il en sera de même de la publication demandée;

Qu'en revanche, la mesure de confiscation n'apparaît pas justifiée eu égard à l'interdiction prononcée;

- Sur l'appel en garantie de la société Cadojeux

Considérant que, dans une lettre datée du 25 octobre 2001, la société Vitaly a assuré à la société Cadojeux que les modèles qu'elle lui avait fournis n'étaient en rien une contrefaçon des produits commercialisés par la société Interior's; que si la société Cadojeux a attendu la saisie-contrefaçon pour s'enquérir de la provenance des articles litigieux, la société Vitaly ne conteste pas sa garantie de sorte qu'il y sera fait droit;

- Sur les autres demandes

Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes de dommages-intérêts formées par la société Vitaly et la société Cadojeux ainsi que celles fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Qu'en revanche, les dispositions de ce texte bénéficieront à la société Interior's et à Jean-Michel Le Broussois, la somme de 10 000 euro devant leur être allouée à ce titre;

Par ces motifs, Se déclare non régulièrement saisie de l'action dirigée à l'encontre des sociétés Ateliers de la Madeleine et La Madeleine, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité des modèles déposés par la société Interior's et rejeté l'action en contrefaçon fondée sur les modèles numéros DM/043 170, DM/044 965, DM/037 279 et DM/041 381- Photographie 7, Statuant à nouveau, Dit que la société Vitaly et la société Cadojeux ont commis des actes de contrefaçon des modèles déposés par la société Interior's enregistrés à l'OMPI sous les numéros DM/041 381- photographie n° 9, DM/053 458, DM/046 807, DM/032 330 et DM/033 907, ainsi que des actes de concurrence déloyale, Condamne in solidum les sociétés Vitaly et Cadojeux à verser les sommes suivantes - à Jean-Michel Le Broussois, 15 000 euro en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur, - à la société Interior's, 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon et 60 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale, Fait interdiction à la société Vitaly et à la société Cadojeux de commercialiser les 9 enseignes incriminées au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, se réserve la liquidation de l'astreinte, Autorise la société Interior's à faire publier le dispositif de l'arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais des sociétés Vitaly et Cadojeux, sans que ceux-ci ne puissent excéder la somme de 3 500 euro HT par insertion, Rejette le surplus des demandes, Condamne in solidum la société Vitaly et la société Cadojeux à verser à la société Interior's et à Jean-Michel Le Broussois la somme globale de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que la société Vitaly devra garantir la société Cadojeux de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Condamne in solidum la société Vitaly et la société Cadojeux aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.