Cass. 1re civ., 18 juillet 1995, n° 93-14.067
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Solyred (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grégoire (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Gié
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, Me Cossa, SCP Peignot, Garreau, M. Boullez.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par contrat du 7 septembre 1988, la Société thérachienne de traitement des métaux (STTM), qui a pour activité l'anodisation et la coloration des profilés d'aluminium, a acheté à la société Diversey un procédé électrolytique de colorisation " Divercolor " comprenant un générateur de courant fabriqué par la Société lyonnaise de redresseurs (Solyred) et des produits chimiques à utiliser pour les bains d'électrolyse ; que le procédé destiné à remplacer un autre précédemment utilisé n'ayant pas donné satisfaction, la STTM, mise en redressement judiciaire, a obtenu la désignation d'un expert en référé, puis a assigné la société Diversey en réparation de son préjudice ; que cette société a appelé son assureur, la société Commercial union, et la Solyred en garantie ; qu'après avoir condamné la société Diversey à payer au représentant des créanciers de la STTM la somme de 1 030 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué (Paris, 16 octobre 1992) a condamné la société Solyred à garantir la société Diversey de cette condamnation, et déclaré mal fondée la demande de cette dernière formée contre la société Commercial union ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Solyred fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir la société Diversey des condamnations prononcées au profit de la STTM, alors, selon le moyen, que, de première part, le fabricant ne peut être tenu de garantir l'acquéreur des condamnations prononcées à son encontre au profit d'un sous-acquéreur qu'à la condition qu'il soit constaté que l'appareil vendu était, soit atteint d'un vice caché l'ayant rendu impropre à sa destination, soit non conforme à celui qui avait été commandé ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu de rechercher quelles étaient les causes de la contre-performance du générateur, intégré dans un procédé qui comportait d'autres éléments dont il était indissociable, et qu'il était donc inutile de vérifier si le défaut provenait d'une cause interne à l'appareil ou d'une cause étrangère comme de déterminer s'il était soit atteint d'un vice caché, soit non conforme à la commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; et alors que, de deuxième part, il appartenait au demandeur en garantie de démontrer que la responsabilité du prétendu garant était engagée ; qu'en l'espèce, c'était donc au concepteur de rapporter la preuve d'une défectuosité ou d'une non-conformité du générateur ; que, dès lors que l'appareil n'avait fait l'objet d'aucune expertise, le concepteur ne pouvait administrer cette preuve qu'à la condition d'établir que tous les autres éléments de l'installation dans laquelle le générateur avait été intégré ne pouvaient être incriminés et, en particulier, que les produits chimiques employés étaient adéquats ; qu'en décidant que le concepteur pouvait se retourner contre le fabricant en l'absence de toute preuve de l'inadéquation de ses produits, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; et alors que, de troisième part, la société Solyred faisait valoir que le procédé Divercolor avait été introduit dans une installation préexistante et avait été mis en œuvre dans le cadre d'une succession d'opérations qui nécessitaient en amont d'autres interventions, lesquelles n'avaient été l'objet, lors de l'expertise, d'aucune vérification particulière ; que, par ailleurs, à l'issue de l'installation, le concepteur avait lui-même et sous sa responsabilité introduit dans le microprocesseur les données de ses programmes nécessaires au fonctionnement de son procédé ; qu'en délaissant ces conclusions qui soulignaient que la contre-performance du générateur pouvait être imputée à d'autres causes qu'au générateur lui- même, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que les juges sont tenus d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée lorsque le demandeur en preuve ne peut procéder lui-même aux investigations nécessaires ; qu'en l'espèce, la société Solyred avait réclamé l'expertise du générateur ; qu'en déclarant que le fabricant devait garantir le concepteur sans ordonner cette mesure d'instruction, la cour d'appel a violé l'article 144 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté, avec l'expert, la mauvaise qualité de la coloration obtenue par le générateur construit par la société Solyred, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la capacité nominale de cet appareil n'a jamais pu être atteinte et qu'il ne peut fournir de courant aux caractéristiques qui avaient été précisées dans la commande ; qu'il ajoute qu'aucune preuve n'a été rapportée ni d'une mauvaise préparation des supports d'aluminium ni de l'inadéquation des produits chimiques fabriqués par la société Diversey et dont certains étaient déjà utilisés par la STTM depuis plusieurs années ; que de ces motifs, qui caractérisent l'inexécution par la société Solyred de son obligation de délivrer une chose conforme à celle convenue, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et qui n'était pas tenue d'ordonner l'expertise complémentaire sollicitée, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que la société Solyred devait garantir la société Diversey de l'entière condamnation mise à sa charge au profit de la STTM ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen : (sans intérêt) ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.