Livv
Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 2, 6 mai 1993, n° 2670-91

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BNP (Sté)

Défendeur :

Bettinger

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

Mme Olivier, M. Ducasse

Avoués :

SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet, Me Briyant

Avocats :

Mes Reullon, Guérin.

TI Reims, du 8 oct. 1991

8 octobre 1991

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par la Banque Nationale de Papis (BNP) contre un jugement rendu le 8 octobre 1991 par le Tribunal d'instance de Reims qui a rejeté ses demandes dirigées contre M. Pierre Bettinger, a débouté celui-ci de sa demande de dommages-intérêts et condamné la BNP à payer à M. Bettinger une indemnité de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Faits et procédure

Le 4 octobre 1988, M. Philippe Bettinger acceptait une offre de prêt faite par la BNP d'un montant de 100 000 F. Le même jour, M. Pierre Bettinger signait un engagement de caution solidaire et indivisible à concurrence de 100 000 F en principal, plus intérêts, frais et accessoires.

Le prêteur, qui pourtant s'était réservé le droit d'agréer la personne de l'emprunteur dans un délai de 7 jours, signifiait cet agrément en débloquant les fonds le 13 décembre 1988, soit deux mois après l'expiration du délai d'agrément.

Les mensualités de remboursement n'étant pas honorées, la BNP a assigné M. Pierre Bettinger, en sa qualité de caution, le 11 septembre 1989 devant le Tribunal de grande instance de Reims, en paiement de la somme de 102 241,48 F avec intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Tribunal de grande instance de Reims, estimant que le cautionnement était l'accessoire de l'opération de crédit, s'est, par jugement rendu le 16 octobre 1990, déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal d'instance de Reims.

M. Pierre Bettinger a soulevé la nullité du prêt et partant du cautionnement a formé une demande reconventionnelle en 10 000 F de dommages-intérêts et en indemnité pour frais irrépétibles.

La BNP a répliqué que l'offre de prêt était valide, qu'au pire serait encourue la déchéance des intérêts et a maintenu sa demande en paiement et en indemnité tant pour résistance abusive qu'au titre des frais irrépétibles.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement entrepris.

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la BNP rappelle que l'offre de prêt a été acceptée par M. Philippe Bettinger le 4 octobre 1988, soit le jour même où elle a été formulée, qu'il n'y a pas eu de rétractation dans le délai de 7 jours, peu important en l'espèce que l'acte de prêt comporte comme date d'offre préalable celle de la mise en place du crédit ni que le prêteur n' ait manifesté son agrément postérieurement au délai prévu pour ce faire, dans la mesure où lesdits fonds ont été versés et utilisés sans aucune réserve de la part de l'emprunteur.

Elle précise que M. Philippe Bettinger, assigné en paiement dans le cadre d'une autre instance, n'a jamais prétendu que le crédit litigieux avait été mis en place sans son accord. Estimant l'engagement de caution de M. Pierre Bettinger parfait, la BNP demande dès lors à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la caution à payer la somme de 102 241,48 F en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 5 avril 1989 ainsi qu'une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée et 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer le contrat principal de prêt comme inexistant, la BNP fait valoir que la caution doit être tenue à garantir la restitution de la somme de 100 000 F versée sur le compte de M. Philippe Bettinger,et ce,conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

M. Pierre Bettinger s'oppose à l'appel et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a estimé le contrat principal de prêt non conclu, faute pour le prêteur d'avoir manifesté son agrément dans le délai de 7 jours de la date d'acceptation de l'offre de prêt et pour l'emprunteur d'avoir expressément réitéré sa demande de prêt après l'agrément tardif.

Il fait valoir qu'en tout état de cause il est manifeste que l'engagement de caution a été donné sur un document vierge de toutes mentions relatives au contrat de prêt principal, et qu'il ne saurait être reconnu comme valide.

Il demande toutefois à la cour de réformer la décision entreprise du chef de la demande de dommages-intérêts et réclame une somme de 10 000 F pour procédure abusive et injustifiée ainsi qu'une indemnité complémentaire de 6 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 1993.

Sur quoi, LA COUR,

Attendu qu'il résulte des éléments versés aux débats que si l'offre préalable de prêt personnel présentée par la BNP à M. Philippe Bettinger porte la date du 13 décembre 1988, elle a été acceptée par l'emprunteur le 4 octobre 1988, l'engagement de caution étant daté du même jour ;

Que c'est à juste titre que le premier juge a retenu cette dernière date du 4 octobre 1988 comme étant celle de l'offre ;

Qu'aux termes de ladite offre, le prêteur se réservait le droit d'agréer la personne de l'emprunteur dans un délai de 7 jours, le contrat étant réputé non conclu si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le prêt n'avait pas été portée à la connaissance de l'emprunteur (paragraphe IV - 3 a), que ce même article prévoyait toutefois la faculté pour l'emprunteur, informé par le prêteur ; postérieurement à l'expiration du délai de 7 jours de son agrément, de conclure alors le contrat de prêt, sans pour autant en prévoir la formalisation expresse ;

Attendu qu'en l'espèce, il apparaît que si la BNP n'a pas manifesté son agrément dans les 7 jours de la signature de l'offre préalable de prêt, elle a néanmoins mis les fonds à la disposition de l'emprunteur le 13 décembre 1988 ;

Qu'il est constant que celui-ci a accepté et utilisé les fonds Attendu que c'est ainsi à tort que le premier juge a estimé que le contrat devait être réputé non conclu ;

Qu'en effet, la seule sanction civile de l'inobservation des conditions relatives à l'offre de prêt consiste, suivant l'article 23 de la loi du 10 janvier 1978, en une déchéance du droit aux intérêts, étant ici précisé que ladite déchéance était nécessairement encourue en l'espèce, faute pour la BNP de présenter un contrat exempt de toute surcharge, l'exemplaire versé aux débats étant manifestement remanié, tant en ce qui concerne la date limite d'acceptation, la date de la première échéance que le montant des échéances mensuelles, et ne pouvant permettre de retenir le taux d'intérêt mentionné à l'acte ;

Attendu que le cautionnement solidaire de la somme de 100 000 F en principal par M. Pierre Bettinger est parfaitement valable sous le bénéfice des observations précédentes ;

Que le jugement sera dès lors infirmé et M. Pierre Bettinger tenu au paiement de ladite somme en principal majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit du 5 avril 1989 ;

Attendu que les circonstances particulières de l'espèce, et notamment les surcharges susrappelées quant à la date de l'offre, ne permettent pas de qualifier d'abusive la résistance de M. Pierre Bettinger ;

Que la BNP sera déboutée de sa demande à fin de dommages-intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles ;

Que l'équité ne commande pas de faire application de ces mêmes dispositions en faveur de M. Bettinger qui sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts, l'appel étant partiellement fondé ;

Attendu qu'enfin M. Bettinger, qui succombe, sera tenu aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;

Par ces motifs, Reçoit la BNP en son appel, l'en déclare partiellement bien fondée ; Réformant le jugement entrepris ; Constate que le contrat de prêt, conclu entre la BNP et M. Philippe Bettinger à la suite de l'offre préalable de prêt en date du 4 octobre 1988, ne répondait pas aux conditions de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1978 ; En conséquence, déclare la BNP déchue du droit aux intérêts contractuels ; Condamne M. Pierre Bettinger, en sa qualité de caution solidaire de M. Philippe Bettinger, à payer à la BNP la somme de cent mille francs (100 000 F) en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 5 avril 1989 ; Rejette les demandes en dommages-intérêts et indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formées tant par la BNP que par M. Pierre Bettinger ; Condamne M. Pierre Bettinger aux dépens tant de première instance que d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.