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Décisions

Cass. 1re civ., 29 novembre 1994, n° 93-10.303

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Proteis viande (Sté)

Défendeur :

Probel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Gié

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Vuitton.

Rennes, du 7 oct. 1992

7 octobre 1992

LA COUR : - Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, du pourvoi principal et sur les deux moyens, qui sont identiques, du pourvoi incident : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Probel, aux droits de laquelle est la société Proteis viande, a vendu, en 1986, à la société Armorie, quarante-sept conteneurs de viande fibrée de dinde congelée préparée par la société Proteis viande et destinée à être exportée en Afrique du Sud ; que les marchandises étaient accompagnées de certificats de salubrité établis par des services vétérinaires français garantissant leur qualité sanitaire et leur conformité aux normes bactériologiques exigées par la réglementation sud-africaine ; que seuls quatre conteneurs ont été admis en Afrique du Sud, les quarante-trois autres ayant été saisis pour non-conformité aux normes sanitaires de cet Etat ; que l'expertise, ordonnée en référé à la demande de la société Armorie, a établi que les analyses bactériologiques effectuées avant expédition l'avaient été selon les seules normes françaises et à partir d'échantillons non- représentatifs de la chose vendue ; que l'arrêt attaqué (Rennes, 7 octobre 1992) a prononcé, pour défaut de conformité, la résolution des ventes portant sur les quarante-trois conteneurs saisis ;

Attendu que la société Proteis viande fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que l'obligation de délivrer une chose conforme consiste à délivrer une chose apte à sa destination conventionnelle ; qu'en estimant que la société Probel avait manqué à cette obligation sans constater que la viande n'était pas conforme aux normes sud- africaines exigées par le contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; et alors, d'autre part, que les certificats de salubrité ne constituent pas un accessoire indispensable à l'usage de la chose vendue, dès lors que les autorités sud-africaines effectuent un contrôle de la conformité des marchandises importées ; qu'en retenant néanmoins un manquement de la société Probel à son obligation de délivrance pour avoir remis des certificats de salubrité dépourvus de sincérité, la cour d'appel a violé l'article 1615 du Code civil ; qu'il est encore soutenu dans un second moyen, d'une part, qu'en prononçant globalement la résolution des ventes portant sur quarante-trois conteneurs sans examiner, pour chaque contrat, si l'obligation de délivrance n'était pas remplie, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1604 du Code civil et, d'autre part, que l'expert ayant reconnu que, sur les quarante-trois conteneurs refusés, dix-huit étaient conformes aux critères microbiologiques sud-africains, la cour d'appel, qui a prononcé la résolution des ventes portant sur tous les conteneurs refusés, sans expliquer en quoi la société Probel n'avait pas rempli son obligation à l'égard de ceux reconnus conformes, a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que le vendeur est tenu de délivrer à l'acheteur les documents administratifs qui, indispensables à l'utilisation de la chose vendue, en constituent l'accessoire, et que la remise de documents non sincères équivaut à une absence de remise ; qu'après avoir relevé que la société Probel savait que la viande était destinée à l'exportation et que les certificats de salubrité nécessaires aux exportations de viande conditionnaient l'admission de la marchandise dans le pays importateur, la cour d'appel a pu estimer qu'en livrant une marchandise accompagnée de certificats de salubrité dépourvus de sincérité, la société Probel avait manqué à son obligation de délivrer la chose convenue ; qu'elle a ainsi, par ces seuls motifs et peu important qu'une partie de la marchandise se soit révélée conforme aux exigences sanitaires du pays importateur, légalement justifié sa décision prononçant la résolution de la vente de la totalité de tous les conteneurs saisis ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis en aucune de leurs branches ;

Par ces motifs : rejette tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.