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Décisions

Cass. 1re civ., 26 mai 1994, n° 92-21.602

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ville de Concarneau

Défendeur :

Dorval (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Sargos

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Le Bret, Laugier, Mes Parmentier, Copper-Royer, Vuitton.

Rennes, du 24 sept. 1992

24 septembre 1992

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Fauglas a installé dans un immeuble appartenant aux époux Dorval un réseau d'adduction d'eau chaude dont les tuyaux en cuivre, fabriqués par la société Tréfimétaux et vendus par la société Le Joncour, se sont corrodés et ont présenté des fuites à partir de 1985 ; que, sur l'action des époux Dorval, le tribunal de grande instance, par jugement rendu le 26 juin 1987, a condamné la société Fauglas à réparer leur préjudice en posant un appareil de traitement de l'eau ; que cette entreprise a exécuté ce jugement, puis, subrogée dans les droits des époux Dorval, a engagé une action tendant au remboursement du coût de ces réparations, contre, d'une part, la ville de Concarneau, à laquelle elle imputait d'avoir fourni à ses abonnés une eau trop " agressive ", cause de la corrosion des tuyaux, d'autre part, les sociétés Tréfimétaux et Le Joncour ; que l'arrêt attaqué (Rennes, 24 septembre 1992), retenant que les tuyaux étaient de bonne qualité et installés conformément aux règles en vigueur à l'époque de la construction et que leur corrosion était exclusivement due à " l'agressivité " de l'eau dont la composition chimique attaquait le cuivre, mais qui restait néanmoins potable, a, d'une part, mis hors de cause les sociétés Tréfimétaux et Le Joncour, d'autre part, dit que la société Fauglas et la ville de Concarneau étaient responsables des désordres survenus sur le réseau d'eau chaude des époux Dorval, enfin, retenant que cette collectivité territoriale avait manqué à l'obligation de livrer une eau conforme à l'usage auquel elle était destinée, l'a condamnée à garantir intégralement la société Fauglas ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu que la ville de Concarneau reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi retenu sa responsabilité en raison de la fourniture d'une eau corrosive, constitutive d'un manquement à son obligation de délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle était destinée, alors qu'elle ne pouvait être recherchée en garantie par les constructeurs pour des désordres ne se rapportant pas à la vente d'eau mais au fonctionnement de la distribution publique qui lui imposait une simple obligation de moyens, et que, n'étant pas mise en cause par les propriétaires des pavillons pour leur consommation d'eau potable, elle n'avait pas à répondre dans son rôle de distributeur public d'une obligation de résultat vis-à-vis des fabricants ou installateurs des canalisations servant à distribuer l'eau, de sorte qu'auraient été violés les articles 1147 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile ; qu'enfin, elle fait grief au même arrêt de n'avoir pas recherché si la composition de l'eau qu'elle distribuait n'était pas le résultat d'un cas fortuit, dès lors qu'elle n'avait la maîtrise ni du choix des tuyaux ni des conditions de chauffage de l'eau et qu'ainsi, la cour d'appel n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1148 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que le litige concerne les dommages subis par des abonnés au réseau de distribution d'eau de la ville de Concarneau en raison de la composition physico-chimique de l'eau fournie, la société Fauglas n'agissant que comme subrogée dans leurs droits ; que le service de distribution de l'eau est un service public industriel et commercial, alors même qu'il est assuré par une collectivité territoriale, et que les liens existant entre un tel service et ses usagers sont des liens de droit privé ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a retenu à bon droit qu'étaient applicables à la ville de Concarneau les dispositions du Code civil relatives à l'obligation faite au vendeur de délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle est destinée ;

Et, attendu, ensuite, que le cas fortuit suppose nécessairement un événement extérieur à l'activité du débiteur de l'obligation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi, en aucune de ses branches, le moyen ne peut donc être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.