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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 22 février 1974

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hourrière

Défendeur :

Ducrocq, Cohe

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tanchot

Conseillers :

MM. Thibaud, Lowe

Avoués :

Me Tissot, Marin, SCP Stackler-Verstraete

Avocats :

Mes Allard, Garrigou, Duboc

T. com. Bernay, du 2 févr. 1973

2 février 1973

Statuant sur les appels régulièrement formés à titre principal par veuve Hourrière et à titre récursoire par Cohe contre le jugement en date du deux février 1973 par lequel le Tribunal de commerce de Bernay, prononçant aux torts de veuve Hourrière la vente d'un coupé Fiat 124 par elle consentie à Ducrocq, a condamné la venderesse à payer à Le dernier huit mille neuf cent quatre-vingt dix huit francs quatre vingt dix, rejetant la demande en garantie de dame Hourrière contre Cohe, précédent vendeur, et celle de Cohe contre Papon son vendeur.

Attendu qu'il résulte des documents de la cause qu' Hourrière, garagiste, ayant acquis de Cohe un coupé Fiat 124, l'a revendu à Ducrocq le dix neuf juillet 1971 pour le prix de dix mille francs, le compteur indiquant alors trente cinq mille kilomètres;

Que l'expertise faite par Chambrin, expert commis en référé, a révélé que la voiture, vendue par un monsieur Versini au garage Papon de Blois qui le céda à Cohe, lequel la revendit à Hourrière, avait en fait parcouru soixante cinq mille kilomètres;

Que le recul du compteur ne peut toutefois être imputé à Hourrière, ayant été effectué lors de la vente Papon-Cohe.

Attendu que pour prononcer la résolution de la vente aux torts de Veuve Hourrière les premiers juges ont retenu qu'il y avait eu tromperie sur la qualité de la chose vendue et ont fait grief à Hourrière, professionnel de vente de voitures d'occasion, de ne s'être pas assuré si le compteur avait été déplombé et de n'avoir pas vérifié si l'état d'usure mécanique de la voiture correspondait au kilométrage indiqué au compteur;

Attendu que l'appelante soulève l'irrecevabilité de la demande par application de l'article 1648 du Code civil, la vente ayant eu lieu le dix neuf juillet 1971 et l'assignation au fond n'ayant été délivrée que le vingt huit octobre 1972;

Mais attendu que le bref délai visé par ledit article en court que du jour où l'acheteur a eu connaissance du vice caché.

Qu'en l'espèce c'est seulement le vingt cinq août 1972, date du rapport Chambrin, que Ducrocq a pu connaître l'exact kilométrage parcouru, l'expert ayant dû se livrer à de longues recherches auprès des propriétaires successifs du véhicule.

Qu'en introduisant son action deux mois après avoir eu connaissance du vice, l'acquéreur n'a pas méconnu les dispositions de l'article susvisé;

Attendu que recevable l'action en résolution est également bien fondée, l'indication d'un kilométrage très inexact ayant trompé Ducrocq sur l'usage qu il pouvait attendre du véhicule qu'il n'aurait pas acquis ou acquis à un moindre prix s'il avait connu le véritable, nombre de kilomètres parcourus;

Attendu que vendeur professionnel et technicien de l'automobile, Hourrière est censé avoir connu les vices de la chose et doit selon l'article 1645 du Code civil restituer le prix et payer tous dommages-intérêts;

Que l'appelante soutient à tort "qu'il était strictement impossible à Hourrière de détecter la manipulation dont le compteur avait été l'objet et que faire peser sur lui une telle obligation de vérification serait contraire à toute la pratique et aux usages des ventes de véhicules".

Qu'une telle argumentation manque en fait l'état d'usure mécanique de la voiture révélant à un professionnel l'usage plus ou moins long et fréquent qui a été fait du véhicule, comme elle manque en droit la pratique ni l'usage ne pouvant dispenser le vendeur de fournir une marchandise saine et loyale, conforme aux indications qu'il a données;

Attendu que le préjudice a été exactement apprécié par les premiers juges et n'est pas contesté devant la cour;

Attendu que veuve Hourrière demande garantie à Cohe; que celui ci réplique que le vice n'était pas un vice caché pour le professionnel qu'était Hourrière et que, selon une jurisprudence constante, le garagiste doit être débouté du recours qu'il exerce contre le particulier vendeur;

Attendu qu'il résulte du rapport Chamnbrin que Cohe savait que le compteur avait été remis à zéro au garage Papon alors qu'il avait parcouru au moins dix mille kilomètres selon Cohe lui-même, et en fait trente mille kilomètres; qu'en dissimulant cette circonstance à Hourrière il a agi avec une absolue mauvaise foi et ne peut échapper aux conséquences de la faute qu'il a ainsi commise, aucune règle ne dispensant celui qui traite avec un professionnel de lui fournir les renseignements qui sont en sa possession et dont l'absence altère le consentement de son co-contractant;

D'où il suit que Cohe est tenu à garantie;

Attendu que Cohe demande lui même garantie contre le garagiste Papon au motif que "bien loin d'ignorer le vice, Papon en est le responsable originaire puisqu'il a été procédé à la manipulation du compteur dans son propre garage";

Mais attendu que Cohe n'a pas ignoré le recul du compteur opéré par Papon, ayant écrit à l'expert Chambrin " ce dernier (Papon) m'a affirmé que cette voiture avait très peu roulé, je crois environ dix mille kilomètres. Je ne peux l'affirmer étant donné que quand j'ai pris cette voiture le compteur était à zéro " ;

Que la demande en garantie de Cohe, est mal fondée puisqu'il ne peut ni reprocher à Papon de l'avoir trompé ou de lui avoir caché un vice de la voiture ni faire supporter par ce dernier la faute qu'il a commise en cachant la vérité à Hourrière.

Par ces motifs Et ceux non contraires des premiers juges, expressément adoptés, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort, Les avoués des parties en leurs conclusions, Vu les ordonnances de clôture de la procédure n° 6998 et 6119 du onze février 1974, Monsieur le Président Tanchot en son rapport, Les avocats en leurs plaidoiries, Monsieur le Substitut général en ses réquisitions, Et après en avoir délibéré conformément à la loi, Joint les appels inscrits au rôle sous les numéros 5998 et 6119 Confirme le jugement attaqué quant à la résolution de la vente et au paiement de dommages-intérêts par veuve Hourrière à Ducrocq, Dit bien fondée la demande en garantie de veuve Hourrière, contre Cohe, dit que ce dernier devra garantir celle-ci du montant des condamnations mises à sa charge; Rejette la demande en garantie de Cohe contre Papon, Condamne Cohe aux entiers dépens d'appel et en prononce distraction au profit de Maître Tissot et de la SCP Stackler et Verstraeten avoués, sur leurs affirmations de les avoir avancés.