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Décisions

CJCE, 1re ch., 28 septembre 1994, n° C-144/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pfanni Werke Otto Eckart KG

Défendeur :

Landeshauptstadt München, Landesanwaltschaft Bayern

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Edward

Avocat général :

M. Van Gerven

Juges :

MM. Joliet, Rodríguez Iglesias

Avocats :

Mes Schroeter, Zwipf

CJCE n° C-144/93

28 septembre 1994

LA COUR (première chambre),

1 Par ordonnance du 26 novembre 1992, parvenue à la Cour le 6 avril 1993, le Bundesverwaltungsgericht a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, de la directive 79-112-CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 33, p. 1, ci-après la "directive").

2 Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant la société Pfanni Werke Otto Eckart (ci-après "Pfanni Werke") à la Landeshauptstadt Muenchen à propos de l'obligation de mentionner un additif dans la liste des ingrédients figurant sur l'étiquetage de ses produits.

3 La directive dispose, en son article 3, que l'étiquetage d'une denrée alimentaire comporte la liste des ingrédients qui la composent. A cette règle sont apportées diverses dérogations dont celle qui figure à l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret. Selon cette disposition, ne sont pas considérés comme ingrédients:

"les additifs dont la présence dans une denrée alimentaire est uniquement due au fait qu'ils étaient contenus dans un ou plusieurs ingrédients de cette denrée et sous réserve qu'ils ne remplissent plus de fonction technologique dans le produit fini".

4 En droit allemand, cette disposition a été transposée par l'article 5, paragraphe 2, point 2, de la Lebensmittelkennzeichnungsverordnung du 22 décembre 1981 (règlement relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires, BGBl. I, p. 1625, ci-après la "LMKV"). A l'époque des faits, cette disposition prévoyait que ne sont pas considérés comme ingrédients "les substances figurant à l'annexe 2 de la Zusatzstoff-verkehrsverordnung (règlement relatif à la mise sur le marché des additifs) et les arômes qui étaient contenus dans un ou plusieurs ingrédients d'une denrée alimentaire, sous réserve qu'ils ne remplissent plus de fonction technologique dans le produit fini" ("sofern sie im Enderzeugnis keine technologische Wirkung mehr ausueben"). Le diphosphate E 450a figurait à l'annexe 2 de la Zusatzstoff-verkehrsverordnung du 10 juillet 1984 (BGBl. I, p. 897), laquelle a été modifiée par le règlement du 19 juin 1989 (BGBl. I, p. 1123).

5 Pfanni Werke, fabricant de produits alimentaires à base de pommes de terre déshydratées, ajoute du diphosphate E 450a lors de la fabrication de l'ingrédient "flocons de purée de pommes de terre" pour bloquer l'effet des enzymes qui font virer sa couleur au gris.

6 Il résulte de l'ordonnance de renvoi que la Landeshauptstadt Muenchen a reproché à ce fabricant de ne pas avoir mentionné cet additif dans la liste des ingrédients de ses produits. Selon cette autorité, le diphosphate E 450a a une incidence sur la couleur du produit fini et doit donc être considéré comme un ingrédient au sens des dispositions mentionnées ci-dessus. La Landeshauptstadt Muenchen a également informé Pfanni Werke que, si elle poursuivait ses activités sans satisfaire à l'obligation d'étiquetage, elle ferait l'objet d'une décision officielle d'interdiction ainsi que d'une amende.

7 Pfanni Werke a introduit un recours à l'encontre de la Landeshauptstadt Muenchen auprès du Bayerisches Verwaltungsgericht Muenchen (ci-après le "Verwaltungsgericht"), en faisant valoir que le diphosphate E 450a ne jouait aucun rôle dans le produit fini et que, dès lors, il ne devait pas être inscrit dans la liste des ingrédients. Cet additif ne serait ajouté à la pâte de pommes de terre que pour empêcher celle-ci de changer de couleur, pâte qui, quant à elle, ne représenterait qu'un stade du processus de fabrication de l'ingrédient "flocons de purée de pommes de terre". Lors de la phase ultérieure de déshydratation de cette pâte, la coloration des flocons de pommes de terre dans le produit fini ne pourrait plus être altérée, car les enzymes seraient neutralisées dans les cellules des pommes de terre sous l'effet de la chaleur.

8 Par jugement du 22 mars 1989, le Verwaltungsgericht a rejeté le recours introduit par Pfanni Werke. Il a en effet estimé que l'adjonction du diphosphate E 450a déterminait l'apparence du produit fini et que, par conséquent, il devait apparaître sur l'étiquetage.

9 Pfanni Werke a interjeté appel de ce jugement devant le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof. S'appuyant sur les termes de l'article 5, paragraphe 2, point 2, de la LMKV, précitée, il a soutenu que le diphosphate E 450a ne remplissait plus aucune fonction technologique dans le produit fini.

10 Par arrêt du 1er août 1990, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof a rejeté l'appel comme non fondé. Dans sa motivation, cette juridiction a maintenu l'interprétation du Verwaltungsgericht, tout en soulignant que l'intention du législateur était d'informer le consommateur de manière aussi complète que possible sur la composition et les caractéristiques des denrées alimentaires qui lui sont proposées.

11 Pfanni Werke a alors formé un recours en révision auprès du Bundesverwaltungsgericht. Considérant que le litige soulevait un problème d'interprétation de la réglementation communautaire en cause, le Bundesverwaltungsgericht a sursis à statuer et a posé à la Cour la question suivante:

"Un additif remplit-il encore une fonction technologique dans le produit fini lorsqu'il empêche l'altération de la coloration de l'ingrédient au cours de sa fabrication et que cet état ('Zustand') subsiste dans le produit fini sans que la présence de l'additif continue à y être nécessaire ?"

12 Par sa question, la juridiction nationale demande en substance si l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, de la directive doit être interprété en ce sens qu'un additif empêchant l'altération de la coloration d'un ingrédient au cours de sa fabrication ne remplit plus de fonction technologique dans le produit fini, lorsque sa présence dans celui-ci n'est plus nécessaire pour empêcher l'altération de la coloration dudit produit fini.

13 A cet égard, la Landesanwaltschaft Bayern, qui a déclaré défendre les mêmes intérêts que la Landeshauptstadt Muenchen, considère que tout additif influençant directement ou indirectement les qualités du produit fini doit être mentionné dans la liste des ingrédients. L'objectif de la directive serait en effet d'empêcher que le consommateur soit induit en erreur par l'étiquetage des denrées alimentaires et de l'informer de façon aussi complète que possible sur leur composition.

14 Cet argument ne saurait être retenu.

15 Il est vrai que, comme l'indique son sixième considérant, la directive est fondée sur l'impératif de l'information et de la protection des consommateurs et que c'est pour mettre en œuvre cet objectif qu'elle oblige les producteurs à mentionner la liste des ingrédients sur l'étiquetage de leurs produits. Toutefois, cette obligation est assortie de diverses dérogations, dont celle contenue à l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, précité.

16 De ces dispositions, il résulte que la directive exige une information efficace du consommateur, qui lui soit compréhensible, mais non, comme le soutient la Landeshauptstadt Muenchen, l'énumération exhaustive des ingrédients utilisés dans le processus de fabrication des produits visés. D'ailleurs, si une telle interprétation était retenue, l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, de la directive serait vidé de son contenu.

17 En l'occurrence, il ressort de l'ordonnance de renvoi que le risque que la pâte de pommes de terre ne prenne une coloration grise disparaît à la fin de l'opération de chauffage et de déshydratation de sorte que la présence du diphosphate E 450a n'est plus nécessaire dans le produit fini.

18 Dans ces conditions, il convient de constater que l'additif litigieux ne remplit plus de fonction technologique dans le produit fini et que, dès lors, il ne doit pas, sous peine d'induire le consommateur en erreur, être mentionné dans la liste des ingrédients.

19 Il y a donc lieu de répondre à la question préjudicielle posée que l'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, de la directive doit être interprété en ce sens qu'un additif empêchant l'altération de la coloration d'un ingrédient au cours de sa fabrication ne remplit plus de fonction technologique dans le produit fini, lorsque sa présence dans celui-ci n'est plus nécessaire pour empêcher l'altération de la coloration dudit produit fini.

Sur les dépens

20 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

Statuant sur la question à elle soumise par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 26 novembre 1992, dit pour droit:

L'article 6, paragraphe 4, sous c), ii), premier tiret, de la directive 79-112-CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard, doit être interprété en ce sens qu'un additif empêchant l'altération de la coloration d'un ingrédient au cours de sa fabrication ne remplit plus de fonction technologique dans le produit fini, lorsque sa présence dans celui-ci n'est plus nécessaire pour empêcher l'altération de la coloration dudit produit fini.