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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 23 février 2000, n° 199800926

BOURGES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Thuault

Défendeur :

Tixier (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trochain

Président de chambre :

M. Baudron

Avocat général :

M. Violette

Conseillers :

MM. Gautier, Gouilhers, Mme Gaudet

Avoués :

Mes Guillaumin, Le Roy des Barres

Avocats :

Mes Ardaillon, Cherrier.

C. cass. du 7 avr. 1998

7 avril 1998

Vu le jugement rendu le 14 décembre 1994 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand déboutant Mme Viviane Thuault de sa demande en annulation du contrat par lequel elle avait fait installer par la société Tixier un foyer de cheminée avec récupérateur et réseau de distribution de chaleur,

Vu l'arrêt confirmatif rendu le 26 septembre 1995 par la Cour d'appel de Riom excluant tout manquement aussi bien à son devoir de conseil qu'à son obligation de délivrance de la part de la société Tixier,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 1998 censurant cette décision au visa de l'article 1147 du Code civil,

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi remise au greffe de la cour le 25 mai 1998 par Mme Thuault,

Vu les conclusions signifiées le 13 août 1999 par Mme Thuault tendant à obtenir la réformation du jugement du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand et le paiement de diverses sommes sur le fondement soit des dispositions de l'article 1184 du Code civil soit de celles de l'article 1110 alinéa 1 du même Code,

Vu les conclusions signifiées le 9 février 1999 par la SA Jean-Claude Tixier s'opposant aussi bien à la demande de résolution du contrat dès lors qu'elle prétend avoir exactement rempli son obligation de conseil et son obligation de délivrance d'un appareil conforme à la commande, qu'à la demande d'annulation puisque selon elle Mme Thuault ne peut invoquer une quelconque erreur sur les qualités substantielles au vu des conditions d'intervention de la SA Tixier,

Sur quoi, LA COUR

Attendu qu'il est constant que la SA Tixier a non seulement vendu mais également installé le matériel de chauffage litigieux ; que selon l'expert désigné par le Juge des référés les Etablissements Tixier ont en outre lors de l'établissement du devis de travaux visité très précisément les locaux qu'ils n'ignoraient ainsi rien de la configuration très particulière de ceux-ci, comme en atteste par ailleurs le croquis détaillé établi préalablement ;

Attendu que ce même homme de l'art a effectivement constaté que le matériel installé fournissait une puissance insuffisante alors pourtant qu'il apparaissait à l'époque comme le plus puissant de la gamme proposée ; qu'il apparaît en outre que l'installation elle-même s'est révélée défectueuse du fait de la mise en place du matériel sur trois étages en dépit des recommandations du fabricant ou de l'insuffisance de l'arrivée d'air frais ;

Attendu que la SA Tixier vendeur de l'appareil a ainsi manqué au devoir de conseil et d'information qui lui incombait en tant que vendeur professionnel à l'égard de Mme Thuault, profane en la matière qui recherchait un système de chauffage pour son immeuble, devoir de conseil lui faisant obligation de rechercher quels étaient les besoins spécifiques de celle-ci et de l'informer de l'aptitude du matériel proposé à l'utilisation qui en était prévue ; que la configuration des lieux et l'insuffisance de l'isolation mises en avant par la SA Tixier pour s'exonérer auraient dû au contraire être expliquées à Mme Thuault avant toute installation afin que celle-ci prenne une décision éclairée ;

Attendu encore qu'il apparaît que les désordres relevés dans l'installation elle-même et ci-dessus rappelés constituent également des manquements à l'obligation de délivrance laquelle imposait aussi la mise à disposition de Mme Thuault d'une chose correspondant au but recherché ;

Attendu que la résolution du contrat conclu entre les parties le 8 mars 1992 est donc encourue que le jugement sera réformé en ce sens ;

Attendu que de ce fait, les parties doivent être rétablies dans leur état d'avant contrat ; que la SA Tixier devra donc restituer la somme de 37 000 F et reprendra le matériel vendu dont Mme Thuault indique dans ses écritures qu'il est à sa disposition

Attendu que le bon de commande du 8 mars 1992 mentionne expressément un financement par un crédit ; que Mme Thuault produit les échéanciers des prêts contractés et doit être indemnisée des sommes versées au titre de ces prêts et qui excèdent le prix de vente, ce qui représente une somme de 5 228,40 F ; que les travaux d'isolation qu'elle a effectués pour un total de 3 096,96 F pour l'aménagement et l'isolation des gaines sont également en relation directe avec le contrat ;

Que l'enlèvement de l'installation nécessite une remise en état des lieux qui justifie au vu des éléments d'appréciation fournis par l'expert l'allocation de la somme de 3 000 F réclamée à ce titre ; que les honoraires de l'expert officieux consulté par Mme Thuault ne sauraient donner lieu à une indemnisation spécifique ces derniers étant pris en compte dans l'indemnité qui sera allouée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'enfin le dysfonctionnement constaté est incontestablement à l'origine d'un trouble de jouissance lié à l'insuffisance de la température produite et à l'inconfort qui en est résulté pour l'occupante de l'immeuble ; que cette considération justifie l'allocation d'une somme de 10 000 F de ce chef ;

Attendu qu'il est encore sollicité une autre somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts sans autre explication ; que cette demande sera en conséquence rejetée ;

Attendu que l'équité commande de ne pas laisser supporter à Mme Thuault la totalité des frais irrépétibles qu'elle a été amenée à exposer indépendamment de ceux pris en charge par l'aide juridictionnelle ;

Par ces motifs, Déclare l'appel de Mme Thuault recevable ; Réformant le jugement rendu le 14 décembre 1994 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand et statuant à nouveau, Prononce la résolution du contrat conclu entre les parties le 8 mars 1992 ; Condamne en conséquence la SA Tixier à rembourser à Mme Thuault contre restitution du matériel litigieux la somme de 37 000 F ; Condamne en outre la SA Tixier à payer à Mme Thuault : la somme de 21 325, 96 F à titre de dommages-intérêts en réparation des divers préjudices subis, - une indemnité de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Tixier aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé ; dit qu'ils seront recouvrés selon les formes propres à l'aide juridictionnelle dont bénéficie Mme Thuault selon décision du 9 novembre 1998.