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Décisions

Cass. com., 26 octobre 1999, n° 96-17.271

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Girard frères (Sté)

Défendeur :

Hotes tenues (Sté), Dumont Mornet Gouvieux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Vigneron

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Me Roger, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

Paris, 15e ch., sect. B, du 12 avr. 1996

12 avril 1996

LA COUR : - Met, sur sa demande, hors de cause la société Dumont Mornet Gouvieux (DMG) ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Girard frères (société Girard) a vendu à la société Hotes tenues du tissu destiné à la confection de chemisiers ; que cette société, se plaignant de la qualité défectueuse du tissu, a obtenu, en référé, la désignation d'un expert, a fait opposition à l'ordonnance portant injonction de payer le prix du tissu et a formé une demande reconventionnelle en réparation de son préjudice, sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, pris en leurs diverses branches, réunis : - Attendu que la société Girard reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Hotes tenues, alors, selon le pourvoi, de première part, que la cour d'appel doit préciser la base légale de sa condamnation ; qu'en ne précisant pas si cette condamnation a été faite sur le fondement des vices cachés du produit ou d'un défaut de conformité du produit par rapport à la commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et suivants du Code civil et au regard des articles 1604 et suivants du même Code ; alors, de deuxième part, que les parties déterminent dans leurs conclusions les limites du litige ; que la cour d'appel, qui, alors que la société Hotes tenues ne demandait la condamnation de la société Girard que sur le fondement de la violation de l'obligation précontractuelle de renseignement ou sur celui de la garantie des vices cachés, a retenu le défaut de livraison conforme de la chose vendue, a ainsi dénaturé les limites du litige et violé les articles 4, 5 et 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office un moyen de pur droit tiré du défaut de conformité de la chose vendue, la cour d'appel a ainsi violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, que l'acheteur, qui a vérifié la marchandise et l'a réceptionnée sans réserve, ne peut plus contester ensuite la conformité du produit livré ; qu'en ne recherchant pas, comme il était demandé et l'avait relevé dans son rapport l'expert, si la société Hotes tenues, dans son courrier du 15 octobre 1990, n'avait pas reconnu après divers tests que la qualité du tissu retraité était bonne, ce qui l'empêchait d'invoquer plus tard la non-conformité du produit, a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ; alors, de cinquième part, que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil ; qu'en considérant qu'il s'agissait en l'espèce de l'action en non-conformité de la chose vendue, la cour d'appel a donc violé l'article 1641 du Code civil par refus d'application et l'article 1604 du Code civil par fausse application ; alors, de sixième part, que la garantie des vices cachés implique que l'acheteur agisse à bref délai ; qu'en n'établissant pas la date de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du Code civil ; alors, de septième part, que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; que la cour d'appel, qui n'a pas établi que le défaut était caché à l'acheteur au moment de la vente, le 15 octobre 1990, a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 1642 du Code civil ; alors, de huitième part, que le vendeur n'est tenu à garantie que des défauts cachés qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine ; que la cour d'appel, qui n'a pas examiné si, comme il était soutenu, l'acquéreur n'avait pas considéré, après avoir eu connaissance du défaut, dans une lettre du 15 octobre 1990, que la qualité du tissu était impropre à l'usage auquel on le destinait, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ; et alors, enfin, que l'obligation précontractuelle implique que le vendeur connaissait avant la conclusion du contrat un élément qu'il n'a pas communiqué à l'acheteur ; que la cour d'appel, qui n'a pas établi à quelle date le contrat avait été conclu et qui s'est bornée à soutenir que, depuis septembre 1990, la société Girard était au courant du défaut, n'a ainsi pas établi que cette connaissance était antérieure à la conclusion du contrat et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Girard n'est pas recevable à invoquer pour la première fois devant la cour de cassation la fin de non-recevoir, qui n'est pas d'ordre public, fondée sur l'expiration du bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé que la société Girard a livré le tissu litigieux en sachant qu'il devait servir à la fabrication de chemisiers, retient que ce tissu déteint au frottement des mains et au contact de la transpiration, ce qui le rend impropre à l'usage auquel il est destiné, faisant ainsi ressortir qu'il présente des défauts cachés, garantis par le vendeur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui rendent inopérants les griefs des deuxième, troisième, quatrième, cinquième et neuvième branches, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le cinquième moyen : - Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ; - Attendu que l'arrêt condamne la société Hotes tenues à payer à la société Girard la somme de 45 550,51 francs représentant le prix du tissu avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 1991, date de l'ordonnance portant injonction de payer ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans indiquer la date de la sommation de payer cette somme, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a fixé au 6 juin 1991 le point de départ des intérêts au taux légal de la somme de 45 550,51 francs que la société Hotes tenues a été condamnée à payer à la société Girard, l'arrêt rendu le 12 avril 1996, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Reims.