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Décisions

Conseil Conc., 28 juillet 2005, n° 05-D-47

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la destruction d'armements et de munitions

Conseil Conc. n° 05-D-47

28 juillet 2005

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 26 novembre 2001, sous le numéro F 1359, par laquelle le ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur de la destruction d'armements et de munitions ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Sotradex, Alsetex, SIMT et SFRM et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Alsetex, Sotradex, SIMT et SFRM entendus lors de la séance du 28 juin 2005 ; la société Formétal ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. Le secteur de la destruction d'armements et de munitions

1. Les caractéristiques de l'activité de destruction d'armements et de munitions

1. La destruction d'armements et de munitions concerne de nombreux produits : des munitions (cartouches, obus de mortier, roquettes, etc.), des charges explosives (têtes de missiles, cônes de torpilles, etc.), des armes (pistolets, armes d'infanterie, grenades, bombes, mines antichar ou antipersonnel ...) ou des parties électroniques d'armements (missiles, etc.).

2. Les armements et les munitions traités par les entreprises proviennent majoritairement des corps d'armée rattachés au ministère de la Défense (armée de terre, armée de l'air et marine nationale). Le service central de maintenance de l'armée de terre estime à environ 26 000 tonnes les armements et munitions en attente d'une destruction dans ses dépôts.

3. La destruction d'armements et de munitions peut être décidée pour plusieurs motifs parfois réunis simultanément : les munitions peuvent contenir des substances actives périmées, ce qui rend leur efficacité aléatoire (90 % des motifs de destruction) ; certains armements ou munitions peuvent présenter une défectuosité apparente (corrosion ou traces de chocs par exemple) ; l'abandon de certaines armes peut rendre les munitions correspondantes obsolètes (motif fréquent depuis 1996) ; des munitions anciennes peuvent se révéler dangereuses à stocker (instabilité de la charge explosive) ; les capacités de stockage des armements et des munitions dans les dépôts des armées peuvent également se réduire du fait de la modification de la réglementation (périmètre de sécurité) et la ratification de conventions peut interdire l'usage d'une arme et rendre sa destruction obligatoire (convention d'Ottawa du 18 septembre 1997 relative à l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et à leur destruction).

4. Il existe plusieurs modes de destruction des armements et des munitions. Tous les procédés nécessitent une importante main d'œuvre qualifiée, généralement issue des armées, qui effectue la manipulation des produits. Ces travaux sont à l'origine de plusieurs accidents mortels chaque année. Le terme générique de destruction recouvre les techniques suivantes :

* La démilitarisation, qui consiste à rendre les armements et munitions impropres à leur usage initial de façon irréversible. Ces procédés sont notamment le passage sous presse, la découpe par jet d'eau très haute pression, la cryofracture à l'azote liquide, le démontage manuel puis l'incinération ... Ces procédés permettent un recyclage des métaux ou des plastiques. Les matières actives ne sont en revanche pas récupérées en France ;

* La destruction, également appelée "pétardage", les munitions sont totalement éliminées (explosion) ;

* Le rétrofitage, consistant à vider les munitions de leur contenu et à les remplir par une autre matière. Ce procédé conduit à la création de nouvelles munitions (munitions d'exercice le plus souvent) ;

* La dépollution, ou le déminage, qui consiste pour les entreprises du secteur, à se déplacer sur un site afin de le sécuriser en le dépolluant de toutes matières pyrotechniques.

5. Le transport des armements et munitions des dépôts des armées vers les sites de destruction des entreprises du secteur est soumis à plusieurs contraintes. Ces déplacements ne peuvent être effectués que par des transporteurs professionnels habilités. Chaque transport de munitions est programmé et fait l'objet d'une correspondance entre le directeur de l'établissement du matériel concerné et le titulaire, pour régler les modalités d'exécution. En outre, certains déplacements sont directement pris en charge par le personnel chargé des transports dans les sociétés de destruction d'armements et de munitions.

B. Les entreprises de destruction d'armements et de munitions

6. L'activité des entreprises de destruction d'armements et de munitions est étroitement encadrée par le contrôle général des armées (CGA). L'exercice de cette activité nécessite, pour ces sociétés spécialisées, d'obtenir de nombreux agréments militaires et civils. Les justificatifs de ces autorisations sont exigés à chaque soumission et constituent des éléments indispensables à la constitution des dossiers de candidature.

7. L'instruction ministérielle n° 56586/T/DCM/AG/3/MU/51 du 9 décembre 1959 modifiée, relative à la surveillance et au contrôle des travaux de démolition de munitions déclassées, exécutés en métropole par des entreprises spécialisées agréées par le ministère des Armées comporte, en annexe, la liste des cinq entreprises civiles spécialisées dans la démolition de munitions déclassées agréées par le ministère de la Défense (annexe 4 du rapport). Il s'agit des cinq sociétés suivantes : Société industrielle de munitions et travaux (SIMT), Sotradex, Formétal, Société française de récupération de munitions (SFRM) et AF Démil.

8. Selon une note ministériel n° 89753/SPN/FS/MU du 5 novembre 1999, la société SFRM ne peut plus être consultée, à la suite de dysfonctionnements révélés par un contrôle de l'inspection des poudres et explosifs et de l'inspection du travail.

9. Seules les entreprises agréées sont généralement consultées par le ministère de la Défense ou celui de l'économie et des finances (direction nationale des interventions domaniales DNID). Ponctuellement, certains marchés ont été ouverts aux entreprises non agréées mais titulaires d'une autorisation de commerce de matériels de guerre, mais aucune de ces entreprises n'a déposé de candidature.

1. La société Sotradex

10. Cette société, dont le siège social de cette société est situé au 66, avenue des Champs-Élysées à Paris, et dont le site de production est implanté dans l'Aube, est présidée par Mme Danièle F. Elle a réalisé, entre 1997 et 1998, un chiffre d'affaires moyen de 10 millions de francs HT.

2. Les sociétés Formétal, Af Démil et Alsetex

11. Ces trois sociétés appartiennent au même groupe, le groupe Alsetex. Le capital de la société d'armement et d'études Alsetex, dénommée Alsetex, est détenu à 75 % par la société SAMP et à 25 % par la famille X... .

12. En 1994, la société Alsetex a racheté la société Formétal. Le siège social de la société Formétal est situé à Précigné (72) et le site de destruction est implanté à Méré (89). Entre 1997 et 2001, les dirigeants de la société Formétal étaient M. Alain X, président du conseil d'administration, M. Jean-Marc Y et M. Daniel Z, administrateurs, et, à compter du 1er février 2000, M. Serge A, directeur commercial d'exploitation. Le chiffre d'affaires de la société s'est élevé à 9,5 millions francs HT en 1997, 7,6 millions de francs HT en 1998 et 6,6 millions de francs HT en 1999. Le 15 juillet 2003, le Tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Formétal et a nommé Maître Maes en qualité de mandataire liquidateur.

13. En 1995, la société Alsetex a créé la société Alsetex-Formétal-Démil, dénommée AF Démil, SARL dont le gérant était M. Alain X. Le capital de la société était détenu à concurrence de 62,5 % par la société Alsetex et de 37,5 % répartis également entre MM. B, C et D. Le chiffre d'affaires de la société AF Démil s'est élevé à 15,4 millions de francs HT en 1997, à 11,4 millions de francs HT en 1998 et à 6,2 millions de francs HT en 1999. Le 31 décembre 1999, la société AF Démil a été absorbée par la société Alsetex et a été radiée du registre du commerce et des sociétés. La société AF Démil est devenue un département de la société Alsetex. En 2000, après l'absorption de la société AF Démil, la société Alsetex employait environ 70 salariés sur le site de Précigné et réalisait un chiffre d'affaires total de 50 millions de francs.

14. Le 2 juillet 2004, M. Serge A, alors directeur commercial de la société Alsetex, a déclaré (annexe 12) : " Les sociétés Formétal, AF Démil, absorbée par Alsetex, étaient liées entre elles par des dirigeants et un service commercial commun. Les deux sociétés entre 1997 et 2000 n'étaient pas réellement concurrentes. Le PDG de Formétal était également gérant de AF Démil. Ces liens économiques et financiers étaient connus du ministère de la Défense et des professionnels du secteur ".

3. Les sociétés société industrielle de munitions et travaux (SIMT) et société française de récupération de munitions (SFRM)

15. Les sociétés SIMT et SFRM ont été créées dans les années 1955. Le siège social et le site de destruction de la société SIMT sont situés à La Carougnade, Saint Martin de Crau (13). Le siège social de la société SFRM est situé à la même adresse mais dispose d'un site de destruction distinct à Saint-Varent près de Thouars dans les Deux-Sèvres (79). L'administration des deux sociétés est localisée au 35, boulevard de la Barasse à Marseille (13) et M. Bernard E est simultanément PDG des deux sociétés. Entre 1997 et 2000, le chiffre d'affaires de la société SIMT a été compris entre 4,3 et 6,9 millions de francs HT, le chiffre d'affaires réalisé avec les services de l'armée représentant environ 10 % du chiffre d'affaires global. Sur la même période, le chiffre d'affaires de la société SFRM a été compris entre 1,8 et 2,5 millions de francs HT.

4. Les autres sociétés

16. Jusqu'en 1997, d'autres entreprises françaises soumissionnaient aux appels d'offres de destruction d'armements et de munitions. Il s'agissait des sociétés GIAT Industrie et SNPE, qui se sont progressivement retirées du secteur, et des sociétés SAMP et Ets Leroye, qui ont fait l'objet d'une liquidation judiciaire. Depuis 1998, ces sociétés ne figurent plus dans la liste des entreprises agréées par l'instruction ministériel n° 56586/T/DCM/AG/3/MU/51.

C. La demande

17. Les marchés de destruction d'armements et de munitions sont passés, soit par les trois corps d'armée, armée de terre, armée de l'air et marine nationale, qui disposent de services distincts, soit par la direction nationale des interventions domaniales (DNID). Depuis quelques années, la NAMSA (agence OTAN d'entretien et d'approvisionnement) prend également en charge la démilitarisation des munitions des pays européens et organise des appels d'offres auprès d'entreprises agréées. Le présent dossier ne concerne pas les marchés passés par la NAMSA.

1. Le SCMAT de l'armée de terre

18. Le service central de maintenance de l'armée de terre (SCMAT) est le principal client des entreprises spécialisées dans la destruction d'armements et de munitions. Les marchés passés par le SCMAT sont évalués à 5,5 millions de francs TTC en 1997, 4,3 millions de francs TTC en 1998, 17 millions de francs TTC en 1999 et 44,5 millions de francs TTC en 2000.

2. Le SMC de l'armée de l'air

19. Le service des marchés centralisés (SMC), localisé dans la base militaire aérienne de Vélizy-Villacoublay, est rattaché à la direction centrale du matériel de l'armée de l'air (DCMAA). Les marchés de destruction d'armements et de munitions représentent moins d'un pour cent de l'activité globale du SMC, soit 2,8 millions de francs pour l'an 2000. En 1999 ce chiffre était de 11,3 millions de francs. Jusqu'à fin 1998 la procédure utilisée était celle des marchés négociés, puis celle des appels d'offres restreints et, plus récemment, celle des appels d'offres ouverts.

3. Les SSF de Brest et Toulon, de la marine nationale

20. Le service de soutien de la flotte (SSF) dispose de deux services distincts de passation des marchés, l'un à Brest et l'autre à Toulon. Ces deux services passent de manière autonome les marchés de destruction d'armements et de munitions mais demeurent sous l'autorité du service des programmes navals basé à Paris. Ils utilisent la procédure de l'appel d'offres restreint ou du marché négocié.

4. La DNID

21. La direction nationale des interventions domaniales (DNID) est un service du ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie chargé, notamment, de la vente de certains biens mobiliers détenus par les services de l'État.

22. La destruction d'armements et de munitions entraîne parfois la production de sous-produits valorisables, essentiellement des métaux, qui sont récupérés puis vendus par les entreprises attributaires des marchés. La DNID se charge, conjointement avec les services des armées, de la passation de ces marchés de destruction d'armements et de munitions. Avant chaque appel d'offres, la DNID évalue avec précision les "prix limites" attendus pour la consultation. Les prix de soumission des entreprises correspondent à la valeur des sous-produits valorisables qui seront récupérés par les entreprises attributaires, déduction faite des coûts de destruction supportés par les entreprises.

23. Les marchés lancés par la DNID au cours des dernières années se sont élevés à 77 700 francs HT en 1997, 24 100 francs HT en 1998, 4 000 francs HT en 1999 et 294 100 francs HT en 2000.

II. Les pratiques relevées

A. L'organisation du cartel

1. Les déclarations

24. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a déclaré (annexe 8) :

" En ce qui concerne les réunions que nous avons tenues avec nos concurrents je vous précise les éléments ci après.

Je ne me souviens pas de la date de la première réunion de concertation avec mes concurrents, cependant j'ai personnellement participé à quatre ou cinq réunions de ce type.

Plus précisément, je me suis rendu au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine à plusieurs reprises dans un local au 1er étage après avoir composé un Code à l'entrée. C'était toujours Mlle Danièle F qui m'ouvrait la porte et qui me raccompagnait après nos réunions. Je pensais qu'elle habitait à cette adresse. A l'intérieur de ce local (appartement), nous tenions nos réunions dans une petite salle meublée avec une grande table en verre et une dizaine de chaises.

Les participants étaient Mlle Danièle F (Sotradex), moi-même et M. Jean B (AF Démil), M. Jean B (également pour Formétal), M. Bernard C (Formétal), M. Serge A à deux réunions depuis son arrivée en février 2000 (Formétal) M. Jean-Claude G (SIMT), M. Bernard E (SIMT) et Mme Catherine E moins fréquemment (SIMT). A chaque réunion il y avait au minimum un représentant de chaque société.

M. Alain X a assisté une seule fois à ces réunions le jeudi 10 février 2000 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine et a discuté avec Mlle F d'un marché de découpage de bombes pour lequel la société Sotradex disposait d'une technologie de découpe à jet d'eau adaptée à ce traitement. Nous voulions que Sotradex prenne en charge ce marché car cela nous aurait coûté beaucoup plus cher de louer le matériel adéquat. Cet entretien s'est soldé par un échec et nous avons dû nous en occuper nous même. (...) " Les dates de ces réunions au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine sont celles qui figurent notamment dans les scellés saisis dans ma société à savoir : la réunion mardi 15 septembre 1998 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine avait pour thème initial la répartition des marchés de mines HPD et du marché de munitions chargées au phosphore. (...)

Nous nous sommes également entendus sur les marchés de mines HPD pour lesquels nous avons convenu de proposer des offres de couverture pour les lots de Salbris et d'Aubigné afin d'être prioritaires pour les futurs marchés de phosphore. M. B m'accompagnait dans cette réunion en qualité de directeur commercial d'AF DEMIL. (...)

En règle générale lorsque les marchés allaient sortir nous nous réunissions (entre concurrents) au préalable avant les dates limites de dépôt des offres pour les marchés de destruction de munitions.

Les réunions suivantes ont toutes eu lieu à l'adresse 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine dans le local de Mlle F et les personnes précitées (au minimum un représentant par société) étaient présentes.

Ces réunions ont eu lieu le jeudi 22 janvier 1998, le mardi 15 septembre 1998, le mardi 9 février 1999, le jeudi 6 mai 1999, le mardi 18 mai 1999, le mercredi 1er septembre 1999, le lundi 20 septembre 1999, le vendredi 15 octobre 1999, le mercredi 8 décembre 1999, le jeudi 10 février 2000, et le jeudi 9 mars 2000 qui fut la dernière réunion. Les réunions de concertation ont débuté pour nous en 1998. Dans le cadre de ces réunions M. B (directeur commercial de Formétal et d'AF Démil), menait les négociations avec nos concurrents mais surtout pour la société Formétal.

Il a notamment participé à des répartitions de lots pour les marchés DNID. Généralement, lorsque l'armée proposait des marchés à lots géographiques, il y avait rencontre des sociétés et répartition des lots à l'exception d'AF Démil qui ne répondait pas à ces appels d'offres.

L'arrivée d'AF Démil a été un élément perturbateur du système en place car nous voulions traiter les marchés de phosphore auparavant attribués aux sociétés déjà en place. Nous avions convenu qu'AF Démil obtiendrait 10 % des marchés et que les sociétés Formétal, Sotradex et SIMT obtiendraient chacun 30 % des marchés. ".

25. M. Jean-Claude G, directeur technique des sociétés SIMT et SFRM, a déclaré le 3 janvier 2001 (annexe 10) :

" J'ai rencontré Mlle F à trois ou quatre reprises au cours de l'année 2000. Je me suis rendu cinq ou six fois au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly sur Seine au cours de cette année.

Je me suis rendu à cette adresse à plusieurs reprises (de 10 à 15 fois) depuis le début de l'année 1998 jusqu'au jeudi 9 mars 2000 (date de la dernière réunion à laquelle j'ai participé).

L'objet de ces réunions était de se partager les marchés à venir et donc de déterminer le montant des offres de chacune des sociétés participantes. Les sociétés qui participaient à ces réunions étaient : Formétal SAE, SAE Alsetex, SIMT, AF Démil et Sotradex. Il y a eu systématiquement au moins un représentant de chaque société au cours de ces réunions au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly su Seine et ce depuis le début de l'année 1998. Ces représentants étaient le plus souvent : Mlle F qui nous accueillait, M. B, M. C, M. X, M. A, M. Bernard E, Mme Catherine E (quelques fois), M. Y. Nous nous réunissions en réalité à chaque fois qu'un marché de destruction d'armements et de munitions sortait et antérieurement au dépôt de nos offres respectives pour les marchés de l'armée.

Je ne me souviens plus des dates exactes de ces réunions qui se tenaient toujours à la même adresse (15 rue du Commandant Pilot à Neuilly su Seine)(...).

Les discussions que nous entretenions concernant la répartition des marchés concernaient également une répartition en pourcentage des marchés de destruction de munitions futurs sur la base de 30 % pour Sotradex, 30 % pour Formétal, 30 % pour SIMT et 10 % pour AF Démil (Alsetex). Fin 1997 et au début 1998 cette répartition était prévue à chaque marché puis nous avons décidé d'appliquer cette répartition sur plusieurs marchés pris globalement afin que la répartition soit moins apparente.

Afin de pallier les imperfections de cette répartition nous avons également convenu de procéder à un équilibrage dans les attributions de lots en fonction des spécificités de chaque entreprise dans le traitement des munitions ".

26. M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal, a déclaré le 20 décembre 2000 (annexe 7) :

" J'ai assisté à une réunion le 10 février 2000 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuillysur- Seine. Ce local appartient à Mme F et le bouton de l'interphone qui correspond à ce local porte l'inscription DEMIRE. Ce local est situé au 1er étage à droite et sert habituellement de bureau à Mme F.

Lors de cette réunion, les personnes suivantes étaient présentes :

Pour la société Formétal SAE : M. Alain X (PDG), M. Jean B (Directeur commercial de Formétal et d'AF Démil), moi-même en qualité de nouveau Directeur d'exploitation de Formétal ;

Pour la société AF Démil : M. Jean-Marc Y (Directeur d'exploitation), M. Jean B ;

Pour la société SAE Alsetex : M. Alain X, M. Jean-Marc Y ;

Pour la société Sotradex : Mlle Danièle F (PDG) ;

Pour la société SIMT : M. Bernard E (PDG) et M. Jean-Claude G (Directeur technique).

Au cours de cette réunion nous avons parlé du marché DNID (...). En pratique nous nous sommes mis d'accord sur des fourchettes de prix à partir desquels nous allions élaborer les montants des offres qui allaient être adressées au service DNID (17 rue Scribe à Paris).

La discussion a également porté sur l'équilibre dans la répartition que nous faisions des marchés antérieurs sur la base de 30 % du marché pour chacune des sociétés Sotradex, SIMT, Formétal, et 10 % pour AF Démil.

Nous avons également parlé de la politique future de nos sociétés vis-à-vis des prochains marchés de destruction d'armements et de munitions pour lesquels nous allons soumissionner et notamment les marchés de destruction de munitions au phosphore (...) et le marché de retraitement des cônes de torpilles (...). Au cours de la réunion du 10 février 2000 la discussion a achoppé au sujet des parts exigées par M. G pour la société SIMT (...).

Plus précisément, Messieurs B et C... de la société Formétal se chargeaient de la détermination des montants des offres de la société Formétal en fonction de leurs études de prix. Les fourchettes de prix sur lesquelles nos sociétés se mettaient d'accord découlaient directement de ces études. Les offres de chacune des entreprises étaient ajustées en fonction des coûts de traitement propres à chaque société. (...)

Je dois vous préciser qu'en fait il y a eu une autre réunion, postérieure à celle du 10 février 2000, à laquelle j'ai personnellement participé. Celle-ci a eu lieu le jeudi 9 mars 2000 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-Sur-Seine. Les participants étaient M. G de SIMT, M. Y de Alsetex, Mlle F de Sotradex, M. B et moi-même de Formétal. Je ne me souviens pas des autres participants. Au cours de cette réunion nous avons discuté des éléments figurant dans le document 16 scellé 5, que j'ai rédigé pendant les discussions. Nous avons traité d'un marché marin qui a fait l'objet d'un appel d'offres restreint. n° A 00 77 144 470 75 53 concernant l'élimination de charges militaires pour un montant de 3 579 676,44 francs TTC.

Ce marché composé de 75 lots a été attribué intégralement à Formétal (...) et a posé un certain nombre de difficultés.

A ce sujet, et antérieurement au dépôt des offres, M G s'est estimé léser puisqu'il a fait une estimation globale du marché concerné et considérait qu'il ne serait pas attributaire d'une part suffisante du marché de marine. Il voulait absolument obtenir le lot de Lorient ce qui lui aurait permis d'obtenir environ 30 % du marché. M. Y et M. B pour AF Démil ont déclaré qu'ils n'étaient jamais attributaires de la part qui leur était due soit 10 % des marchés. Melle F pour Sotradex a demandé le choix des munitions qu'elle allait détruire et non pas des dépôts de munitions.

Nous en avons conclu qu'il fallait que les prix des offres de nos sociétés soient augmentés jusqu'au niveau des prix pratiqués par AF Démil. Mais finalement chacun est resté sur ses positions et Formétal a proposé une offre propre qui a été retenue par la personne responsable du marché ".

27. M. A a ajouté le 10 janvier 2004 : " Le ministère de la Défense n'a pas organisé de réunions entre les entreprises. Il est responsable du fait que seules les 5 entreprises agréées étaient consultées. L'organisation des appels d'offre peut expliquer en partie le comportement ultérieur des entreprises. Si Formétal et AF Démil n'avaient pas participé à ces réunions organisées par Sotradex, elles n'auraient obtenu aucun marché parce que les coûts de production étaient plus élevés. En effet, ces deux sociétés respectent les normes environnementales ce qui n'est pas toujours le cas des autres entreprises. Ce critère n'est pas toujours pris en compte par le ministère de la Défense. Par ailleurs la société Sotradex bénéficie d'un avantage économique non négligeable car elle est titulaire d'un droit d'occupation à titre gratuit d'un terrain militaire. "

28. M. Daniel Z, directeur général adjoint de la société Alsetex a déclaré le 7 février 2001 (annexe 9) :

" M. Alain X est actuellement Directeur de site de SAE Alsetex à Précigné. Il est placé sous mon autorité directe. (...)

Je ne me suis jamais rendu au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine. J'étais au courant des réunions auxquelles ont participé messieurs X, A et Y avec les responsables des sociétés concurrentes à la nôtre.

Ces réunions ont eu lieu très fréquemment et existent depuis de nombreuses années et avaient pour objet, à l'origine, des échanges en matière de techniques de destruction et de sécurité en raison de la spécialisation de notre métier.

Je n'ai jamais assisté à ces réunions et je n'en connais pas l'objet précis. A mon avis M. Alain X a participé parfois à ces réunions.

Je n'ai jamais eu connaissance d'un partage des marchés de destruction de l'armée entre les sociétés du secteur. Je n'ai jamais donné de directives aux membres de notre société pour que nous exigions des parts de marché au cours de ces réunions. Les concertations dont vous me faites part et qui ont eu lieu au cours de ces réunions sont exclusivement à l'initiative des responsables directs des sociétés en cause (Formétal, Alsetex, AF Démil, SIMT, Sotradex) ".

2. Les documents

a) La réunion du 22 janvier 1998

L'agenda de M. Y

29. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 22 janvier 1998. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 14) :

" RVS avec JF ce matin à Paris avec Sotradex ".

Le cahier de M. G

30. Un cahier a été saisi dans le bureau de M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT. Au dos de la feuille 63 et sur la feuille 64, il est indiqué (annexe 15) :

" Réunion du jeudi

E - Danielle - Joël - Directeur AF DEMIL - B - C... "

(...)

<emplacement tableau>

" Moyenne 215 à 220 Les calculs étaient déjà faits et vus "

b) La réunion du 15 septembre 1998

Les agendas

31. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 15 septembre 1998. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 18) :

" 9 heures réu

Mi HPD FR

(...)

SOTRADEX

15 rue du CDT Pilot à Neuilly

10 h 30

Code B 1805

DEMIRE

Tel 06 07 89 51 65

ou 01 46 37 45 96 "

32. Dans l'agenda de M. G, il est mentionné, à la date du 13 septembre 1998 : " départ Paris ", et à la date du 16 septembre 1998 : " retour Paris " (annexe 17).

La note manuscrite datée du 15 septembre 1998

33. Une note manuscrite, datée du 15 septembre 1998, a été saisie dans la salle de réunion des locaux de la société Formétal situés à Méré. Sur ce document il est indiqué (annexe 18) :

" le 15/9/98

Danielle

J.M

Jean

G Jcl + Catherine E

Moi

Total mines 170 808 MAS/SOTRADEX/Formetal/AFDEMIL 4 42700

<emplacement tableau>

G réclame 2 parts compte tenu de l'arrivée d'AFDEMIL Soumission

<emplacement tableau>

c) La réunion du 9 février 1999

34. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 9 février 1998. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 19) :

" D F

B 1805 Code Demire

15 rue CDT Pilot Neuilly ".

d) La réunion du 16 mars 1999

35. Un document manuscrit, daté du 16 mars 1999, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal. Sur ce document, il est mentionné (annexe 20) :

" Réunion du 9-3-99 (...) "

" MARDI 16 / MARS à 10H00

Proposition de j.cl G Formetal traite la Démil

AF Demil traite le PH

<emplacement tableau>

e) La réunion du 6 mai 1999

36. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 6 mai 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 21) :

" Réunion chez Danièle F

À 10 h 45 Code "B 1805" DEMIRE

15 rue CDT Pilot Neuilly ".

f) La réunion du 18 mai 1999

37. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 18 mai 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 22) :

" Paris 14 heures Sotradex ".

g) La réunion du 1er septembre 1999

38. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 1er septembre 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 23) :

" Réunion Paris avec SOTRADEX Code 27A30 ".

h) La réunion du 20 septembre 1999

39. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 1er septembre 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 24) :

" 14 h Sotradex Paris

Code 27A30 puis DEMIRE

Métro porte Maillot puis Direction marché de Neuilly ".

i) La réunion du 15 octobre 1999

40. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 15 octobre 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 25) :

" 10 h Paris Sotradex

récupérer J B à 7h15 à Solesmes

Code 27A30 ".

j) La réunion du 8 décembre 1999

41. M. Y a déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 8 décembre 1999. Dans son agenda, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 26) :

" Paris ce soir (...)

10h30 / 11h Sotradex 27A30 Demire ".

k) La réunion du 8 février 2000

42. Dans l'agenda de M. Y, sur les notes de la semaine du 13 au 19 décembre 1999, figurent les mentions suivantes (annexe 27) :

" Notes : proposer à M. G

14/15 ou 16/12/99

soit 5.6.7/01/99

soit 12.13/01/99

Rvs Marseille ".

43. Dans l'agenda de M. Y, à la date du 8 février 2000 figurent les mentions suivantes : " SIMT ce jour " (annexe 28). Dans l'agenda de M. G, à la date du mardi 8 février 2000, figurent les mentions suivantes (annexe 29) : " réunion Carougnade Y X E ". Dans l'agenda de M. X, aux dates des 7 et 8 février 2000, figurent les mentions suivantes (annexe 30) : " Marseille ".

l) La réunion du 10 février 2000

44. M. Y et M. A ont déclaré que les entreprises s'étaient réunies le 10 février 2000. Dans l'agenda de M. Y, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 28) : " réunion Paris chez D F ". Dans l'agenda de M. G, à la date du jeudi 10 février 2000, figurent les mentions suivantes (annexe 29) : " RDV Paris Danielle ". Dans l'agenda de M. X, à la date du jeudi 10 février 2000, figurent les mentions suivantes (annexe 30) : " Dom "Miss" Paris ".

m) La réunion du 9 mars 2000

45. M. Y, M. G et M. A ont déclaré que les entreprises s'étaient réunies le jeudi 9 mars 2000. Dans l'agenda de M. Y, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 31) : " Paris 10h réu Danielle F ". Dans l'agenda de M. G, à cette même date, figurent les mentions suivantes (annexe 32) :

" RDV Danielle

Si accord DNID

Annulé si non marché DNID ".

B. Les indices et preuves relatifs aux concertations spécifiques à chaque appel d'offre

46. Au cours des opérations de visites et saisies qui se sont déroulées le 23 novembre 2000, divers documents, relatifs à 13 appels d'offres lancés entre avril 1996 et mars 2000, ont été recueillis. Ils sont passés en revue ci-dessous, accompagnés pour chacun des 13 appels d'offres d'un bref descriptif du déroulement et du résultat de l'appel d'offres et des déclarations relatives à ces 13 appels d'offres, recueillies au cours de l'enquête et de l'instruction auprès des responsables des entreprises mises en cause.

1. Le marché de munitions réformées de 1996 de la marine

47. Des notes manuscrites ont été saisies dans les locaux de la société Formétal. Sur ces notes, il est mentionné (annexe 33) :

" Le bonjour à tous,

Ci-joint calculs de B Jean pour élimination Mu Marine

Qu'en pensez-vous ? Réponses à Formetal MÉRÉ

Signature

Transmis à 1 page + 4 pages

SOTRADEX : 16 1 46 37 45 96

OK Rv (25/04/96)

Ets LAROYE : 26 89 27 34

OK Rv (25/04/96)

Mr E : 91 89 74 29 +

OK Rv (25/04/96)

90 50 61 38

OK Rv (25/04/96)

JP le 25/4 - TPH pour rectifier prix du transport "

" Objet : Élimination de munitions réformées

(...)

Conclusion : Pour 1 organisme autre que la marine ces prix sont sûrs certains de passer. A mon avis je pense que le coût de la démilitarisation devrait être baissé de 30 % par modèle. "

48. Les quatre pages suivantes sont également manuscrites et retracent intégralement le calcul des prix de transport et des prix de soumission pour un marché de marine. Ce document a donc été transmis par la société Formétal à ses concurrents, les sociétés Sotradex, Ets Laroye et M. E (SIMT et SFRM), le 25 avril 1996.

49. M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal, a déclaré (annexe 7) : " Le document 139 du scellé n° 5 saisi dans mon bureau a été rédigé par M. C et a été transmis à Sotradex, Laroye, et SIMT (M. E) et concerne une communication de prix à nos concurrents. Les documents 141 à 147 du scellé n° 5 saisi dans mon bureau ont été rédigés par M. B. ".

2. L'élimination de cartouches 30 MM

a) La procédure

50. L'armée de l'air a organisé un appel d'offres pour l'élimination de cartouches de 30 mm. Ces marchés ont concerné un total de 468 278 cartouches de 30 mm. Trois entreprises se sont portées candidates, les sociétés Formétal, SIMT et Sotradex. La date limite de remise des plis était le 11 juin 1997 et les offres déposées étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

La somme de ces offres atteint un montant total de 3 501 408,25 francs. Seul le lot 1 a été attribué à Sotradex le 17 septembre 1997, les offres des sociétés Formétal et SIMT ayant été écartées pour non conformité de leurs modes opératoires.

51. Une nouvelle procédure a été organisée pour les lots 2 et 3, la date limite de dépôt des offres était fixée au 1er août 1997. Les offres déposées étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

Le lot 2 a été attribué à Formétal et le lot 3 à la société Sotradex. La société SIMT a été écartée pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées.

b) Les indices ou preuves de concertation

La similitude des offres

52. Le montant de l'offre de la société Sotradex pour le lot 2 est strictement identique au montant proposé par la société Formétal. Cette similitude ne peut résulter du simple effet du hasard.

Les notes du cahier manuscrit de M. G

53. Un cahier manuscrit a été saisi dans le bureau de M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT. La chronologie des notes dans le cahier et certaines mentions permettent de considérer que les entreprises se sont concertées dès 1996. En effet, à la page 206 de ce cahier, il est mentionné (annexe 39) : " Réunion mardi 1er septembre 1996 à 14H30 ". A la page 211, il est mentionné (annexe 40) : " Lundi 28 octobre tir du tuyau ". En 1996, le 28 octobre tombe bien un lundi. A la page 225, il est mentionné (annexe 41) : " le jeudi 7 novembre ". En 1996, le 7 novembre tombe bien un jeudi. A la page 226, il est mentionné (annexe 42) : " Paris Neuilly-sur-Seine 15 rue du Commandant Pillot tel 01 46 37 12 09 Code n°13540 DEMIR 1er étage ".

54. Aux pages 231, 232 et 233, il est mentionné (annexe 43) :

<emplacement tableau>

Les mentions du document (500 000 pièces de 30 mm), le montant global (entre 3 et 3,5 millions de francs) et le nombre de participants (3) permettent de soutenir que ces notes concernent les marchés d'élimination de cartouches de 30 mm passés au cours de l'été 1997.

55. A la page 306, il est mentionné (annexe 44) : " réunion jeudi 10 avril ". En 1997, le 10 avril tombe effectivement un jeudi. Et, enfin, à la page 311, il est mentionné (annexe 45) : " M. H du 15 avril 1997 ".

3. Le marché d'élimination de mines antipersonnel

a) La procédure

56. L'armée de terre a organisé un appel d'offres restreint pour des marchés à bons de commande concernant la destruction de mines antipersonnel (appel d'offres restreint n° 97 16 N8 2091). Cet appel d'offres était composé de 12 lots, les quantités minimales et maximales de chaque lot sont reportées ci-après :

<emplacement tableau>

57. L'appel à candidatures a été lancé le 23 octobre 1997. La date limite de réception des candidatures était le 19 novembre 1997. Les entreprises ont été consultées le 23 décembre 1997 et la date limite de dépôt des offres était le 30 janvier 1998. Les offres déposées étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

58. La société AF Démil a été attributaire du lot 7 pour un montant total de 1 342 748,34 francs TTC. La société Sotradex a été attributaire des lots 1, 2, 4, 5, 6, 8 pour un montant total de 1 280 913,46 francs TTC et la société Formétal a été attributaire des lots 3, 9, 10, 11 et 12 pour un montant total de 1 671 405,05 francs TTC. 17

b) Les indices ou preuves de concertation

Les notes manuscrites du cahier de M. G

59. Les pages 63 et 64 du cahier saisi dans le bureau de M. G, directeur technique de la société SIMT, reproduites ci-dessus au paragraphe 30 ci-dessus, sont relatives à une réunion tenue entre " E - Danielle - Joël - Directeur AF DEMIL - B - C..." et comportent des listes de prix pour le marché en question. M. G a précisé le 3 janvier 2001(annexe 10) : " Concernant la datation des documents saisis dans mon bureau lors des opérations de visite et de saisie du jeudi 23 novembre 2000 je vous précise que ces documents ont été écrits par moi-même et que le cahier figurant dans le scellé n° 1 sous les cotes 58 à 104 commence début 1997 et se termine en 1998 "

L'agenda de M. Y

60. L'agenda de M. Jean-Marc Y, directeur technique de la société AF Démil jusqu'en décembre 1999, a été saisi dans son bureau au sein de la société Alsetex. A la date du jeudi 22 janvier 1998, il est mentionné (annexe 48) :" jeudi 22 janvier 1998 : RVS avec JF ce matin à Paris avec Sotradex ". " JF " correspond aux initiales de Jean B, directeur d'exploitation de la société Formétal en 1998.

Les déclarations de M. G

61. Le 3 janvier 2001, M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT, a déclaré (annexe 10) : " (En ce qui concerne le marché de mines HPD) Les prix que nous avons proposés dans le bordereau de prix pour le marché ont été élaborés par moi-même à la suite d'une discussion avec Mlle Danièle F, PDG de la société Sotradex. Lors de cette réunion, antérieure à la remise des plis pour ce marché, nous avons convenu de la fixation des prix de soumission pour ce marché et de la répartition a posteriori du marché entre nos deux sociétés. Cette répartition n'a pas été prévue dans les documents officiels de marché (...) Nous avons procédé de la même manière avec la société Formétal pour le traitement des mines antipersonnelles (numéro officiel 98 20 018) ".

4. Les marchés de destruction de mines anti-char HPD

a) Les procédures

Le premier appel d'offres du 23 mars 1998

62. L'armée de terre a organisé, en mars 1998, un appel d'offres restreint pour la destruction de 170 808 mines anti-char à haut pouvoir de destruction (Mi AC HPD) (AOR 98N2065). L'appel d'offres regroupait 9 lots correspondant aux dépôts de stockage des armements. L'appel à candidatures a été lancé le 23 mars 1998. Six entreprises ont fait parvenir leur candidature : les sociétés Formétal, AF Demil, Sotradex, SIMT, SFRM et Giat Industries. Le 11 juin 1998, la société Sotradex a été informée que sa candidature était retenue. Le 21 septembre 1998, le service de l'armée de terre accusait réception de l'offre de la société Sotradex signée du 18 septembre 1998.

63. Le 23 septembre 1998, l'appel d'offres a été déclaré infructueux, l'enveloppe financière étant insuffisante.

Le second appel d'offres du 18 février 1999

64. A la suite de cette procédure infructueuse, l'armée de terre a organisé un nouvel appel d'offres restreint, pour la destruction de 170 799 mines anti-char à haut pouvoir de destruction, subdivisé en quatre lots (AOR 98N82002). Le 18 février 1999, un nouveau dossier a été envoyé aux six entreprises qui étaient candidates à l'appel de candidatures du 23 mars 1998. La date limite de remise des offres était le 2 avril 1999. Seules les sociétés Formétal, AF Démil, Sotradex et SIMT ont déposé des offres reportées ci-après :

<emplacement tableau>

65. Les prix détaillés de la destruction et du transport (en FHT), pour chaque lot, étaient les suivants :

<emplacement tableau>

66. Les lots 1 et 2 ont été attribués à la société SIMT, pour un montant global de 4 032 098 francs TTC, (marché n° 99 01 112) et les lots 3 et 4 à la société Sotradex, pour un montant de 3 856 710 francs TTC.

b) Les indices ou preuves de concertation

La note manuscrite datée du 15 septembre 1998 saisie dans les locaux de la société Formétal

67. La note manuscrite reproduite ci-dessus au paragraphe 33, fait état d'une réunion tenue le 15 septembre 1998 entre " Danielle, J.M, Jean, G Jcl , Catherine E, Moi " et comporte des prix relatifs à ce marché.

68. Ce document, daté du 15 septembre 1998, est antérieur à la date de soumission de la société Sotradex, le 18 septembre 1998. Les nombres des mines (total et par site) correspondent à ceux de l'appel d'offres du 23 mars 1998 et les sociétés mentionnées sont celles qui ont ultérieurement déposé une offre pour ces mines anti-char HPD. " Danielle " correspond au prénom de la présidente de la société Sotradex, Danièle F, le nom de la société Sotradex étant mentionné à plusieurs reprises. " JM " correspond aux initiales du prénom de Jean-Marc Y, directeur d'exploitation de la société AF Démil en 1998, le nom de la société étant mentionné à plusieurs reprises. " Jean " correspond au prénom du directeur commercial de la société Formétal, Jean B, le nom de la société Formétal étant mentionné à plusieurs reprises. " G Jcl " correspond au nom et initiales du prénom du directeur technique des sociétés SIMT et SFRM, Jean-Claude G. " Catherine E " porte le même nom que le président de la société SIMT, Bernard E.

La note manuscrite non datée saisie dans les locaux de la société Formétal

69. Un document, non daté, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal. Sur ce document il est indiqué (annexe 51) :

<emplacement tableau>

70. Dans les colonnes du tableau figurent les abréviations désignant divers dépôts de munitions de l'armée de terre ainsi que des prix des destructions de munitions et de transport. Ces prix ne correspondent pas à ceux qui ont été déposés. Les mentions chiffrées en bas des colonnes (-7880, + 6618 etc.) correspondent exactement à celles portées sur le précédent document daté du 15 septembre 1998.

Le tableau " annexe à l'acte d'engagement " saisi dans les locaux de la société Formétal

71. Un document " tableau n°1 annexe à l'acte d'engagement ", non daté, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal. Sur ce document, sont portées à droite les mentions manuscrites suivantes (annexe 52) :

<emplacement tableau>

Sur la gauche du document, les nombres mentionnés (3=56 936, 4=42702...) correspondent au nombre de mines à détruire dans l'appel d'offres du 23 mars 1998 (170 808) divisé par 3, 4 ou 5.

Le tableau " annexe à l'acte d'engagement " saisi dans les locaux de la société Formétal

72. Un document, " tableau n°1 annexe à l'acte d'engagement ", non daté, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal. Sur la gauche et en bas du tableau pré imprimé (en caractères gras) sont portées les mentions manuscrites suivantes (en italiques) (annexe 53) :

<emplacement tableau>

73. En haut et à droite du tableau (en caractères gras) sont portées les mentions suivantes (en italique) :

<emplacement tableau>

Le document " service central de gestion " saisi dans les locaux de la société Formétal

74. Un document, non daté, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal. Sur ce document, sont portées les mentions manuscrites suivantes (annexe 54) :

<emplacement tableau>

75. Le nombre de mines correspond à celui de l'appel d'offres du 18 février 1999. Les nombres mentionnés juste à droite des noms de société sont identiques aux prix mentionnés sur le document 83 scellé 1 saisi dans les locaux de la société SIMT.

Le document " mines HPD " saisi dans les locaux de la société Formétal

76. Un document manuscrit, qui a pour titre " Mines HPD ", a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal (annexe 55). Sur ce document sont portées les mentions manuscrites suivantes :

<emplacement tableau>

Les documents " tableau n° 1 annexe à l'acte d'engagement" saisis dans les locaux de la société Formétal

77. Trois documents " tableau n°1 annexe à l'acte d'engagement " ont été saisis dans la salle de réunion de la société Formétal (annexe 56). Le tableau est un cadre de prix pré-imprimé destiné à être complété par les entreprises candidates. Il est complété par des prix manuscrits, différents sur chacun des 3 documents, ainsi que par diverses mentions manuscrites. L'écriture manuscrite de chaque document semble différente.

78. Sur le premier document sont portées les mentions suivantes :

<emplacement tableau>

79. Sur le second document sont portées les mentions suivantes :

" SIMT l'acier ne représentant qu'une faible part des métaux issus de la destruction de ces munitions. Les dépôts de munitions concernés par ce marché étaient les suivants :

. Pour le lot 1 : Miramas, Canjuers, Billard ;

. Pour le lot 2 : Salbris, La Courtine, Évreux ;

. Pour le lot 3 : Thouars, Aubigné, Coetquidan ;

. Pour le lot 4 : Brienne, Ors, Mourmelon, Savigny ;

. Pour le lot 5 : Le Valdahon, Neubourg, Rozelier, Waltersweier ;

. Pour le lot 6 : Connantray, Leyment, Chemilly.

92. La DNID a évalué, pour chaque lot, la différence entre les coûts de démolition et la valeur des métaux récupérables :

<emplacement tableau>

93. Le procès-verbal de la commission d'appel d'offres précise : " Sachant que ce marché est réservé aux 5 sociétés agréées, la concurrence est nulle. Compte tenu de toutes ces observations, il est proposé un prix limite de 10 000 francs pour les lots 1 à 3 et de 6 000 francs pour les lots 4 à 6 ".

94. Les sociétés Sotradex, SIMT, SFRM et Formétal ont déposé des offres le 21, 22 et 23 septembre 1998. Les offres sont reportées ci-dessous :

<emplacement tableau>

95. Le 24 septembre 1998, le lot 1 a été attribué à la société SIMT, le lot 3 à la société SFRM, les lots 2 et 6 à la société Formétal et les lots 4 et 5 à la société Sotradex.

b) Les indices ou preuves de concertation

Les notes manuscrites de M. G

96. Un cahier manuscrit a été saisi dans le bureau de M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT. Dans ce cahier sont portées les mentions suivantes (annexe 61) :

<emplacement tableau>

97. Les noms portés sur la gauche du document correspondent aux différents dépôts de munitions de l'appel d'offres. Le premier groupe (Miramas à Coetquidan) correspond aux dépôts des lots 1 et 3 pour lesquels les sociétés SIMT et SFRM ont soumissionné. Le deuxième groupe (Ors à Le Rozelier) correspond aux dépôts de munition des lots 4 et 5 pour lesquels la société Sotradex a été attributaire (6 RMAT est implanté à Mertzwiller). Les chiffres en tonnage correspondent probablement aux poids de matériaux récupérables par les entreprises (laiton et acier). Les mentions " SIMT 1, Danielle 4 et 5, Formétal 2 et la 6 " correspondent aux résultats de l'appel d'offres.

6. Les marchés de dénaturation d'armements de petit calibre

a) La procédure

98. L'armée de l'air a passé un marché négocié pour la dénaturation d'armements de petit calibre, principalement des pistolets automatiques, des pistolets-mitrailleurs et des fusils. Le marché regroupait deux lots composés des matériels suivants :

<emplacement tableau>

99. Deux entreprises ont déposé des offres pour les deux lots : la société Sotradex et la société AF Démil. La société AF Démil a daté son offre du 16 février 1999 (annexe 62). La société Sotradex a daté son offre du 18 février 1999 (annexe 63). Ces offres étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

Les indices ou preuves de concertation

Le tableau manuscrit saisi dans les locaux des sociétés Alsetex (document 140)

101. Un tableau manuscrit a été saisi dans le bureau de Mme I de la société Alsetex (annexe 65) (scellé 10 document 140). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

102. Les prix de ce document et les offres déposées par les deux entreprises sont comparés ci-après :

<emplacement tableau>

Le tableau manuscrit saisi dans les locaux de la société Alsetex (document 149)

103. Un autre tableau manuscrit a été saisi dans le bureau de Mme I, de la société Alsetex (annexe 66) (scellé 10 document 149). Sur ce document sont portées les mentions suivantes :

<emplacement tableau>

104. Dans ce tableau sont calculés les différentiels des offres des deux sociétés. Les prix sont différents de ceux effectivement déposés.

Le tableau manuscrit saisi dans les locaux de la société Alsetex (document 152)

105. Un autre tableau manuscrit a été saisi dans le bureau de Mme I, de la société Alsetex (annexe 67) (scellé 10 document 152). Sur ce document sont portées les mentions suivantes :

<emplacement tableau>

106. Sur ce document la mention " 1er jet " est inscrite en diagonale au marqueur de couleur jaune fluorescent. Les prix mentionnés sont différents de ceux effectivement déposés. 29

La télécopie de l'armée de l'air du 5 février 1999

107. Une télécopie, émise par la direction centrale du matériel de l'armée de l'air, a été saisie dans le bureau de Mme I, de la société Alsetex (annexe 68). Cette télécopie comporte 3 pages et est datée du 5 février 1999. Ces documents précisent la composition des lots 1 et 2 du présent marché. Sur les pages 2 et 3 de la télécopie, ont été ajoutées à la main et au crayon à papier diverses mentions manuscrites. Il s'agit notamment d'indications de prix globaux, à gauche des tableaux, et de prix unitaires, à droite des tableaux.

En bas de la page 2 sont portées les mentions suivantes :

<emplacement tableau>

En bas de la page 3 sont portées les mentions suivantes :

" SOTRADEX : 59,00 au lieu de 58,00 francs (FSA) ".

Ces modifications ont été prises en compte dans les données du tableau présenté dans le paragraphe 103.

L'agenda de M. Y

108. L'agenda 1999 de M. Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a été saisi dans les locaux de la société Alsetex (annexe 69). A la date du mardi 9 février 1999, il est indiqué :

" mardi 09/02/99

D F

B 1805 Code Demire

15 rue CDT Pilot Neuilly (...) ".

Les déclarations de M. Y

109. Le 21 décembre 2000, Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a déclaré (annexe 8) :

" Les documents 99 à 173 du scellé n° 10 saisis dans mon bureau font référence au marché n° 99 14 069 00 470 7819 (OMC du 24/11/98) concernant la dénaturation d'armements de petit calibre. Les tableaux manuscrits figurant dans ces documents ont été établis par nous-mêmes, antérieurement au dépôts des offres respectives des sociétés pour les marchés concernés ".

7. le marché de destruction de munitions chargées au phosphore

a) La procédure

110. L'armée de terre (SCMAT) a organisé un appel d'offres restreint pour la destruction de munitions chargées au phosphore. Cet appel d'offres n° 99 N8 2001 du 18 février 1999 concernait la destruction de 6 lots de cartouches de 90 et 105 mm, de semi-cartouches de 105 mm et d'obus de 155 mm, soit au total 72 831 munitions stockées dans 16 établissements militaires répartis sur le territoire. Six sociétés ont fait parvenir leur candidature : les sociétés Formétal, AF Démil, Sotradex, SIMT, SFRM et Giat Industrie. L'appel d'offres a été envoyé aux six candidats le 18 février 1999. La date limite de dépôt des offres était le 2 avril 1999.

111. Seules les sociétés Formétal et AF Démil ont déposé des offres reportées ci-après :

<emplacement tableau>

112. Le marché a été attribué à la société Formétal pour un montant de 8 044 808,70 francs TTC. La société AF Démil est intervenue sur ce marché en qualité de sous-traitante de la société Formétal, pour un montant de 3 513 367,44 francs.

b) Les indices ou preuves de concertation

Le cahier de M. Y

113. Un cahier manuscrit a été saisi dans le bureau de M. Jean-Marc Y, au sein de la société Alsetex (annexe 70). M. Y était, jusqu'en décembre 1999, directeur d'exploitation de la société AF Démil. Sur la page 132 de ce cahier, il est indiqué :

<emplacement tableau>

114. Le document est daté du 18 février 1999, il est donc antérieur à la date limite de remise des offres fixée au 2 avril 1999. Les initiales " JF " correspondent à celles du nom et du prénom du directeur d'exploitation de la société Formétal, M. Jean B, et " JMP " aux initiales de M. Jean-Marc Y, directeur d'exploitation de la société AF Démil à la date des faits.

115. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a déclaré (annexe 8) :

" Le document 132 du scellé n° 7 saisi dans mon bureau indique notre répartition (entre concurrents) pour le marché de munitions chargées au phosphore N° 99 N8 2001 ".

Le compte rendu daté du 16 mars 1999

116. Un document manuscrit, daté du 16 mars 1999, a été saisi dans la salle de réunion de la société Formétal (annexe 71). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

117. Cette réunion est antérieure à la date limite de remise des offres, fixée au 2 avril 1999. M. Jean-Claude G est le directeur technique des sociétés SIMT et SFRM. La société SIMT a déposé sa candidature mais n'a déposé d'offre.

118. Le 20 décembre 2000, M. A, directeur de la société Formétal, a déclaré (annexe 7) : " Le document 19 du scellé n° 1 saisi dans notre salle de réunion fait référence à une réunion à 10 heures 00 le mardi 16 mars 1999 et concerne la destruction de munitions chargées au phosphore ".

Les déclarations de M. Y

119. Ces échanges sont également confirmés par la déclaration de M. Y, directeur d'exploitation de la société AF Démil jusqu'en décembre 1999, en date du 21 décembre 2000, reproduite ci-dessus au paragraphe 24. 32

8. Le marché de dénaturation d'armements de petit et moyen calibre

a) La procédure

120. L'armée de l'air a organisé un appel d'offres pour la dénaturation d'armements de petit et moyen calibre. Il s'agissait d'un marché à bons de commandes pour une durée de 3 ans (1999, 2000 et 2001). Seules deux sociétés étaient agréées par le ministère de la Défense : les sociétés Sotradex et AF Démil. La date limite de dépôt des offres était le 25 mai 1999.

121. Les deux sociétés agréées ont déposé des offres : la société Sotradex, dont l'offre est datée du 17 mai 1999, et la société AF Démil, dont l'offre est datée du 18 mai 1999. Les prix déposés par les deux sociétés étaient les suivants :

<emplacement tableau>

122. Sur la base de ces prix, pour l'année 1999, les offres minimales et maximales de la société Sotradex s'élevaient à 612 000 et 891 990 francs HT et celles de la société AF Démil à 626 845 et 911 560 francs HT.

123. Le rapport de présentation du marché précise :

" Suite à cette nouvelle consultation, l'étude des offres fait apparaître que certains des postes (identiques à ceux des précédents marchés), malgré l'augmentation de la quantité à détruire, sont chiffrés au même prix, voire augmentés.

La PRM (personne responsable du marché) a demandé aux deux sociétés de lui apporter toutes les informations nécessaires sur ce point et, le cas échéant, de faire bénéficier l'armée de l'air d'une meilleure offre de prix.

Les deux sociétés ont répondu ne pouvoir réviser leurs prix à la baisse, les offres afférentes aux marchés cités ci-dessus ayant été calculées de manière purement théorique avec des marges déjà très réduites ".

124. Le marché, évalué à 1 800 000 francs HT minimum sur les 3 années, a été attribué à la société Sotradex.

b) Les indices ou preuves de concertation

Le tableau " annexe de prix année 1999 " saisi dans la société Alsetex

125. Un tableau pré-imprimé " annexe de prix année 1999 ", complété par des mentions manuscrites, a été saisi dans le bureau de Mme I de la société Alsetex (annexe 73). Sur ce document il est indiqué :

" ANNEXE DE PRIX

ANNÉE 1999

<emplacement tableau>

126. Les prix unitaires de la société Sotradex mentionnés dans ce tableau sont identiques à ceux qui ont été déposés par cette société, à l'exception du prix unitaire des chargeurs pour armes (prix déposé 4,90 francs).

Le tableau " annexe de prix année 2001 " saisi dans la société Alsetex

127. Un tableau pré-imprimé " annexe de prix année 2001 ", complété par des mentions manuscrites, a été saisi dans le bureau de Mme I de la société Alsetex (annexe 74). Sur ce tableau pré-imprimé sont ajoutées, à gauche du tableau et dans la colonne prix unitaire, les mêmes mentions que sur le document précédent. Comme dans le tableau présenté ci-avant, les prix unitaires de la société Sotradex mentionnés dans ce document sont identiques à ceux qui ont été déposés par cette société, à l'exception du prix unitaire des chargeurs pour armes (prix déposé 4,90 francs).

L'agenda de M. Y

128. Dans l'agenda 1999 de M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, il est indiqué (annexe 75 et 76) :

" jeudi 06/05/99

Réunion chez Danièle F

À 10h45 Code "B 1805" DEMIRE

15 rue CDT Pilot Neuilly (...) "

" mardi 18/05/99

Paris

14 heures SOTRADEX "

" mercredi 19 mai

17h réponse ce jour pour marché démil des armes "

9. Les marchés de destruction de grenades, roquettes et obus mortiers de l'armée de terre

a) Les procédures

129. Le ministère de la Défense (DCMAT) a organisé simultanément 4 appels d'offres restreints pour l'élimination de grenades, roquettes et obus de mortier qui ont fait l'objet d'un même appel à la concurrence le 17 avril 1998. Les entreprises ont été consultées le 16 ou le 19 mars 1999.

L'élimination de grenades à fusil antichars de 65 mm

130. Le ministère de la Défense a organisé un appel d'offres restreint pour l'élimination de grenades à fusil antichars de 65 mm. Les sociétés AF Démil, Formétal, Giat industries, SIMT, SFRM et Sotradex ont été consultées. La date limite de réception des offres était fixée au 14 mai 1999. Les offres étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

La société Formétal était moins disante pour les deux lots.

L'élimination de roquettes de 73 mm

131. Le ministère de la Défense a organisé un appel d'offres restreint pour l'élimination de roquettes de 73 mm. Les sociétés AF Démil, Formétal, Giat industries, SIMT, SFRM et Sotradex ont été consultées. La date limite de réception des offres était fixée au 14 mai 1999. Les offres étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

La société SIMT était moins disante pour les deux lots.

L'élimination d'obus de mortier de 60 mm

132. Le ministère de la Défense a organisé un appel d'offres restreint pour l'élimination d'obus de mortier de 60 mm. Les sociétés AF Demil, Formétal, Giat industries, SIMT, SFRM et Sotradex ont été consultées. La date limite de réception des offres était fixée au 19 mai 1999. Les offres étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

133. La société SIMT était moins disante pour les lots 1, 2 et 6, la société Formétal sur les lots 3 et 4 et la société AF Démil sur le lot 5.

L'élimination d'obus de mortier de 60, 81 et 120 mm

134. Le ministère de la Défense a organisé un appel d'offres restreint pour l'élimination d'obus de mortier de 60, 81 et 120 mm. Les sociétés AF Démil, Formétal, Giat industries, SIMT, SFRM et Sotradex ont été consultées. La date limite de réception des offres était fixée au 19 mai 1999. Les offres étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

135. La société Formétal étaient moins disante pour le lot 1, la société SIMT pour le lot 2 et la société Sotradex pour les lots 3 et 4.

b) Les indices ou preuves de concertation

La note manuscrite de M. Y

136. Un cahier manuscrit a été saisi dans le bureau de M. Jean-Marc Y, directeur de département AF Démil de la société Alsetex (annexe 81). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

137. La date du 15 mai 1999 correspond au lendemain de la date limite de dépôt des offres des deux premières consultations et précède de quatre jours la date limite de dépôt des offres pour les deux autres consultations. Ce document fait état de clés de répartition entre entreprises : 30 % pour les société Sotradex, Formétal et SIMT et de 10 % pour AF Démil.

Les déclarations de M. Y

138. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Demil de la société Alsetex a déclaré (annexe 8) (cotes 122 à 129) :

" Nous avions convenu qu'AF DEMIL obtiendrait 10 % des marchés et que les sociétés Formetal, SOTRADEX et SIMT obtiendraient chacun 30 % des marchés (...). Le document 143 du scellé 7 saisi dans mon bureau indique ces pourcentages de répartition et mon calcul de l'état de la situation des sociétés au 15/05/1999 vis à vis de cette répartition ".

10. Le marché de destruction de mines FG 26

a) La procédure

139. Le ministère de la Défense (DGA SPN de Brest) a organisé un appel d'offres restreint pour l'élimination de mines anti-sous-marines FG26. Le courrier de demande de prix (aux sociétés candidates) du SPN de Brest relatif à ce marché est daté du 5 mai 1999. Seule la société Alsetex a déposé une offre datée du 29 mai 2000. Les sociétés Sotradex, SNPE et Formétal ayant répondu qu'elles ne déposaient pas d'offres. L'offre de la société Alsetex s'élevait à 11 899 362,80 francs TTC. Le marché n'a pas été attribué au motif qu'il n'y avait qu'une seule offre d'un montant trop élevé et que les délais de destruction proposés étaient trop longs.

b) Les indices ou preuves de concertation

La note manuscrite de M. Y

140. Le cahier manuscrit mentionné ci-dessus au paragraphe 136 comporte également les mentions suivantes ;

<emplacement tableau>

Les déclarations de M. Y

141. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex a déclaré (annexe 8) :

" Nous avions convenu qu'AF DEMIL obtiendrait 10 % des marchés et que les sociétés Formetal, SOTRADEX et SIMT obtiendraient chacun 30 % des marchés (...). Le document 143 du scellé 7 saisi dans mon bureau indique ces pourcentages de répartition et mon calcul de l'état de la situation des sociétés au 15/05/1999 vis à vis de cette répartition ".

11. Le marché de la DNID pour l'aliénation de munitions réformées du 15 février 2000

La procédure

142. La DNID a organisé un appel d'offres restreint pour l'aliénation des produits provenant de munitions réformées de l'armée de terre. Les tonnages de munitions à traiter et l'évaluation de la valeur des lots étaient les suivants :

<emplacement tableau>

143. Le procès-verbal de la commission d'appel d'offres du 15 février 2000 précise : " Ce marché étant réservé aux 5 sociétés agréées Défense, la concurrence est nulle, de plus, l'affaire contentieuse de M. E chapotant deux sociétés (SIMT et SFRM), présente une difficulté supplémentaire. Il ne reste donc que 2 sociétés fiables (Sotradex et Formétal), AF Démil ne soumissionnant jamais pour les marchés DNID. Compte tenu de toutes ces observations, il est proposé de retenir un prix limite de 5 000 francs pour chacun des lots bien que l'on devrait obtenir un minimum de 10 000 francs à l'unité ".

144. Selon le registre de réception des plis, la société Sotradex a déposé son offre le 11 février à 15 heures 20, la société SIMT le 14 février à 9 heures et la société Formétal le 14 février à 10 heures 30. Les offres reçues étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

145. Le 15 février 2000, les lots 1 et 3 ont été attribués aux sociétés proposant le prix le plus élevé : le lot 1 à la société Sotradex et le lot 3 et à la société Formétal. En revanche, le lot 2 n'a pas été attribué à la société mieux-disante, la société SIMT, au motif que cette société n'aurait pas respecté ses engagements sur des marchés précédents. Il a été attribué à la société Formétal.

b) Les indices ou preuves de concertation

La note manuscrite de M. A du 10 février 2000

146. Une note manuscrite, datée du 15 février 2000, a été saisie dans le bureau de M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal (annexe 86). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

147. La date du 10 février est antérieure à la date de remise des offres des trois candidates. M. Pierre J est le responsable des marchés de destruction d'armements et de munitions de la DNID. Le numéro de téléphone qui est mentionné au-dessus de son nom correspond à son téléphone professionnel. " Miss " correspond probablement à Mme Danièle F, présidente de la société Sotradex. " Mas " correspond au nom du président de la société SIMT, Bernard E, et " Nous ", désigne probablement la société Formétal au sein de laquelle les documents ont été saisis. Les prix mentionnés sur ce document sont identiques à ceux qui ont été effectivement déposés par les entreprises.

Les déclarations de M. A

148. M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal, a confirmé dans sa déclaration du 20 décembre 2000, déjà mentionné au paragraphe 27 ci-dessus : " Au cours de cette réunion nous avons parlé du marché DNID (Direction nationale des interventions domaniales) concernant la démolition de munitions réformées qui a fait l'objet de l'appel d'offres restreint n° VMA III 200 du 15 février 2000 et dont vous pouvez retrouver les références dans le document commençant à la cote 125 du scellé n°3 saisi dans ma société.

Ce marché possédait trois lots et nous avons décidé qui prendrait chacun des lot : le n°1 pour Sotradex, le n°2 pour SIMT et le n°3 pour Formétal. La date limite de dépôt des offres était le 15 février 2000. En pratique nous nous sommes mis d'accord sur des fourchettes de prix à partir desquelles nous allions élaborer les montants des offres qui allaient être adressés au service DNID (17 rue Scribe à Paris) (...).

Les documents (...) et 19 du scellé n° 5 saisi dans mon bureau ont été établis par moi-même lors de la réunion du 10 février 2000. Le document 19 concerne notre concertation au sujet du marché DNID précité n° VMA III 200 du 15 février 2000 ".

Les déclarations de M. Y

149. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a déclaré (annexe 8) :

" A chaque réunion il y avait au minimum un représentant de chaque société. M. Alain X a assisté une seule fois à ces réunions le jeudi 10 février 2000 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine (...).

Les réunions suivantes ont toutes eu lieu à l'adresse 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine dans le local de Mlle F et les personnes précitées (au minimum un représentant par société) étaient présentes (...).

Ces réunions ont eu lieu le (...) jeudi 10 février 2000 (...) ".

Les agendas de M. G, Y et X

150. L'agenda 2000 de M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT, a été saisi dans son bureau (annexe 87). A la date du jeudi 10 février, il est indiqué : " RDV Paris Danielle "

151. L'agenda 2000 de M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a été saisi dans son bureau (annexe 88). A la date du 10 février, il est indiqué : " Réunion Paris chez D F ".

152. L'agenda 2000 de M. Alain X, président de la société Formétal, a été saisi dans son bureau (annexe 89). A la date du 10 février, il est indiqué : " Dom "Miss" Paris ".

La convention de cession du lot 2

153. Le 2 mars 2000, la société SIMT, qui n'a pas été attributaire du lot 2 malgré son prix le mieux-disant, a écrit à la société Formétal pour lui faire une proposition de rachat du lot 2 (annexe 90). Ce courrier précisait :

" Objet : lot 2 vente DNID du 15 février 2000

Monsieur,

Suite aux différents entretiens que nous avons eu, d'une part avec le SCMAT sur le plan technique, et d'autre part avec la DNID sur le plan administratif, rien ne semble s'opposer à ce que nous puissions vous faire une offre de rachat du lot précité, pour lequel nous étions les mieux-disants et qui vous a été attribué à la suite d'une confusion litigieuse entre nos deux sociétés, SIMT et SFRM (...).

Pour ces raisons, en particulier celle d'assurer la pérennité de nos entreprises, nous souhaitons que notre offre à 10 000 francs pour ce lot soit de votre convenance. Dans l'attente de votre réponse que nous espérons prompte et favorable, nous vous prions de croire, monsieur, à l'assurance de nos meilleurs sentiments B E ".

154. La société Formétal a accepté cette proposition et une convention de cession du lot 2 a été signée entre les sociétés Formétal et SIMT le 16 et 17 mars 2000 (annexe 91). Cette convention précisait :

" Convention du 15 mars 2000 de démolition de munitions réformées

Entre

La société Formetal SAE représentée par

M. Serge A

Directeur d'exploitation d'une part, et

M. E Bernard PDG

Agissant comme représentant légal de la société SIMT (...)

Il est convenu ce qui suit :

Article 1 Objet de la convention

Sous réserve des conditions de l'article II ci-après, la société Formetal SAE émet un avis favorable à la cession de la totalité du lot n°2 de l'adjudication domaniale citée supra, au profit de la société SIMT.

La valeur de rachat de ce lot est fixée conjointement à dix mille francs. Cette cession fait suite à la demande de la société SIMT, par lettre du 2 mars 2000

(...)

A Marseille le 17 mars 2000 A Méré le 16 mars 2000

B E Serge A

PS Règlement du lot effectué le 10.03.2000 de fr 10 000 (dix mille francs) ".

12. Les marchés de destruction de missiles et de bombes

a) La procédure

155. Une procédure de marché négocié après mise en concurrence a été organisée par le ministère de la Défense (direction centrale du matériel de l'armée de l'air). La procédure regroupait 7 lots. Le 31 janvier 2000, les quatre sociétés agréées par le ministère de la Défense ont été consultées : les société Alsetex, Formétal, SIMT et Sotradex.

156. La date limite de réception des offres était le 18 février 2000. Les offres conformes étaient les suivantes :

. lot 1 (électronique missile magic 1) : offre du groupement Formétal/Alsetex et offre de la société Sotradex ;

. lot 2 (missile AS 37) : offre du groupement Formétal/Alsetex et offre de la société Sotradex ;

. lot 3 (missile S 530 F) : offre du groupement Formétal/Alsetex et offre de la société Sotradex ;

. lot 4 (BAT 120) : offre du groupement Formétal/Alsetex, offre de la société Sotradex et offre de la société SIMT ;

. lot 5 (BAP 100) : offre du groupement Formétal/Alsetex, offre de la société Sotradex et offre de la société SIMT ;

. lot 6 (BLG 66AC/IZ) : offre de la société Sotradex ;

. lot 7 (déchets makrolon) : offre du groupement Formétal/Alsetex, offre de la société Sotradex et offre de la société SIMT.

157. Les prix unitaires déposés sont reportés ci-après :

<emplacement tableau>

158. Les lots 1, 2, 3, 5 et 7 ont été attribués au groupement Formétal/Alsetex pour un montant global minimal de 4 770 000 francs TTC. Le lot 4 a été attribué à la société SIMT pour un montant minimum de 5 600 000 francs TTC et le lot 6 à la société Sotradex pour un montant minimum de 5 100 000 francs TTC. Sur le montant total de tous les lots évalué à 17 790 000 francs TTC, la part attribuée au groupement est proche de 40 %, celles de la société Sotradex et de la société SIMT sont proches de 30 %.

b) Les indices ou preuves de concertation

Le document manuscrit de M. A :

159. Un document manuscrit a été saisi dans le bureau de M. A, directeur d'exploitation de la société Formétal (annexe 93). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

Le post-it saisi dans le bureau de M. A

160. Un post-it jaune a été saisi dans le bureau de M. A, directeur d'exploitation de la société Formétal (annexe 94). Sur ce document sont portées les mentions manuscrites suivantes :

<emplacement tableau>

Les déclarations de M. A

161. M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal, a déclaré qu'une réunion s'était tenu le 10 février (cf. ci-dessus au paragraphe 26) : " Les documents 17, 18, et 19 du scellé n° 5 saisis dans mon bureau ont été établis par moi-même lors de la réunion du 10 février 2000 ".

13. Le marché d'élimination de charges militaires

a) La procédure

162. Une procédure de marché négocié, avec mise en concurrence, a été organisée par le ministère de la Défense (SPN de Brest) pour l'élimination de grenades à fusils, munitions pour mortiers et cartouches d'artillerie. Le marché était constitué d'un seul lot regroupant 75 lignes de produits différents. L'avis d'appel public à la concurrence a été publié au BOAMP du 3 mars 1999, les entreprises ont été consultées le 22 février 2000 et la date limite de dépôt des offres était le 14 mars 2000. Les offres reçues étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

163. Les offres des sociétés AF Démil et SIMT ont été éliminées au motif qu'elles étaient incomplètes. Suite à des incohérences relevées dans les deux autres offres, la société Formétal a été re-consultée le 7 avril et la société Sotradex le 10 avril.

164. A la suite de ces consultations, les nouvelles propositions étaient les suivantes :

<emplacement tableau>

Le marché a été attribué à la société Formétal.

b) Les indices ou preuves de concertation

La note manuscrite de M. A

165. Une note manuscrite, non datée, a été saisie dans le bureau de M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal (annexe 96). Sur ce document, il est mentionné :

<emplacement tableau>

Les déclarations de M. A

166. Dans sa déclaration du 20 décembre 2000, M. Serge A, directeur d'exploitation de la société Formétal, a déclaré que ce marché avait été discuté au cours d'une réunion le 9 mars 2000 (cf. § 26 ci-dessus).

Les déclarations de M. G

167. Le 3 janvier 2001, M. Jean-Claude G, directeur technique de la société SIMT, a déclaré (annexe 10) : " Concernant le marché d'élimination de charges militaires (appel d'offres restreint n° 00 77 144 470 75 53) de 75 lots, à l'occasion de ma réunion du jeudi 9 mars 2000 avec mes concurrents au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly sur Seine, j'ai décidé de demander le lot de Lorient car celui-ci me permettait d'en faire bénéficier la société SFRM qui manquait de travail à cette période ".

Les déclarations de M. Y

168. Le 21 décembre 2000, M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a déclaré (annexe 8) :

" ces réunions ont eu lieu le (...) et le jeudi 9 mars 2000 qui fut la dernière réunion ".

L'agenda de M. G

169. L'agenda 2000 de M. G, directeur technique des sociétés SIMT et SFRM, a été saisi dans les locaux de la société SIMT (annexe 97). Dans cet agenda il est mentionné :

" Jeudi 9 mars

RDV Danielle si accord DNID

Annulé si non marché DNID ".

L'agenda de M. Y

170. L'agenda 2000 de M. Jean-Marc Y, directeur du département AF Démil de la société Alsetex, a été saisi dans les locaux de la société Alsetex (annexe 98). Dans cet agenda il est mentionné :

" jeudi 9 mars

Paris 10h réu Danielle F ".

C. Les griefs notifiés

171. Un grief a été retenu à l'encontre des sociétés Sotradex, Formétal, AF Démil, Alsetex, SIMT et SFRM pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en se concertant, entre janvier 1998 et mars 2000, pour se répartir l'ensemble des marchés de destruction d'armements et de munitions et avoir échangé des informations sur les prix avant de répondre aux appels d'offres. Cette concertation concerne notamment onze procédures d'appels d'offres.

172. Ce grief a été notifié aux sociétés Sotradex, Formétal, Alsetex, SIMT et SFRM et a été maintenu au stade du rapport.

III. Discussion

A. Sur le grief notifié

173. Selon les déclarations de plusieurs responsables (paragraphes 24 à 28), étayées par de nombreux documents recueillis lors des opérations de visites et saisies, les représentants des entreprises de destruction d'armements et de munitions se sont réunis au minimum à treize reprises, entre janvier 1998 et mars 2000. Les annotations contenues dans les agendas des représentants de ces sociétés et divers document saisis, présentés aux paragraphes 29 à 45 ci-dessus, confirment que des réunions se sont effectivement tenues le 22 janvier 1998, le 15 septembre 1998, le 9 février 1999, le 16 mars 1999, le 6 mai 1999, le 18 mai 1999, le 1er septembre 1999, le 20 septembre 1999, le 15 octobre 1999, le 8 décembre 1999, le 8 février 2000, le 10 février 2000 et le 9 mars 2000. Ces réunions se déroulaient le plus souvent au 15, rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine et regroupaient les sociétés Sotradex, Formétal, AF Démil, remplacée par la société Alsetex au début de l'année 2000, SIMT et SFRM.

174. Selon les déclarations recueillies, ces réunions se tenaient généralement à l'occasion du lancement d'un appel d'offres dans le secteur d'activité des entreprises concernées, avant les dates limites de remise des offres. Au cours de ces réunions étaient notamment discutés les prix de soumission et la désignation des attributaires des appels d'offres, afin d'aboutir à une répartition des marchés entre ces entreprises, à hauteur de 30 % pour chacune des sociétés Sotradex, Formétal et SIMT/SFRM et 10 % pour la société AF Démil, puis Alsetex.

175. Au cours des visites et saisies ont été recueillis divers documents, présentés aux paragraphes 56 à 170 ci-dessus, qui confirment que de telles concertations ont pris place à l'occasion de onze appels d'offres entre janvier 1998 et mars 2000.

176. Sur le marché des mines antipersonnel (paragraphes 56 à 61), alors que la date limite de dépôt des offres était le 30 janvier 1998, les sociétés Formétal, Sotradex, AF Démil et SIMT se sont concertées préalablement à la remise des offres, au cours d'une réunion le 22 janvier 1998, pour se répartir les lots et déterminer les prix auxquels elles devaient soumissionner.

177. Sur le marché des mines anti-char HPD (paragraphes 62 à 90), préalablement au dépôt de leurs offres pour les appels d'offres du 23 mars 1998 et 18 février 1999, les sociétés Sotradex, Formétal, AF Démil et SIMT se sont réparties les différents lots et ont échangé des informations sur les prix qu'elles devaient déposer. Ces échanges ont eu lieu notamment au cours d'une réunion organisée le 15 septembre 1998 au 15 rue du Commandant Pilot à Neuilly-sur-Seine.

178. Sur le marché de la DNID pour l'aliénation de munitions réformées du 24 septembre 1998 (paragraphes 91 à 97), les sociétés Sotradex, SIMT, SFRM et Formétal se sont concertées pour se répartir le marché sur la base du tonnage de métaux récupérables, et elles ont échangé des informations sur les prix qu'elles allaient déposer.

179. Sur le marché de la dénaturation d'armements de petit calibre (paragraphes 98 à 109), les sociétés Sotradex et AF Démil ont échangé des informations sur les prix avant de déposer leurs offres, au cours d'une réunion qui s'est tenue le 9 février 1999.

180. Sur le marché des munitions chargées au phosphore (paragraphes 110 à 119), les sociétés AF Demil, Formétal, SIMT et SFRM se sont concertées préalablement à la remise des offres, au cours d'une réunion organisée le 16 mars 1999, pour se répartir les marchés, décider que la société Formétal serait l'attributaire de ce marché et que la société AF Démil interviendrait comme sous-traitante pour traiter le phosphore.

181. Sur le marché de la dénaturation d'armements de petit et moyen calibre (paragraphes 120 à 128), préalablement à la remise des offres, dont la date limite était fixée au 25 mai 1999, les sociétés AF Démil et Sotradex se sont concertées pour se partager les marchés, décider qui serait l'attributaire, et échanger des informations sur les prix.

182. Les marchés de destruction de grenades, roquettes et obus de mortier (paragraphes 129 à 138) ont été pris en compte dans la répartition des marchés entre les entreprises selon la clé de répartition 30 % pour chacune des sociétés Sotradex, Formétal, SIMT/SFRM et 10 % pour la société AF Démil.

183. Le marché de destruction de mines FG 26 (paragraphes 139 à 141) a été pris en compte dans la répartition des marchés entre les entreprises selon la clé de répartition 30 % pour chacune des sociétés Sotradex, Formétal, SIMT/SFRM et 10 % pour la société AF Démil. La concertation lors de cet appel d'offres prévoyait également un système de compensation ou de reversement pour parvenir à cette répartition.

184. Sur le marché de la DNID pour l'aliénation de munitions réformées du 15 février 2000 (paragraphes 142 à 154), les sociétés Sotradex, Formétal, SIMT et Alsetex se sont concertées préalablement à la remise des offres, pour se répartir les marchés et déterminer des fourchettes de prix pour leurs différentes offres, au cours d'une réunion organisée le 10 février 2000 au 15 rue du Commandant Pilot.

185. Sur le marché de destruction de missiles et de bombes (paragraphes 155 à 161), dont la date limite des offres était le 18 février 2000, les sociétés Formétal, Alsetex, Sotradex et SIMT se sont concertées préalablement au dépôt de leurs offres, pour se répartir les différents lots et échanger des informations sur les prix au cours d'une réunion organisée le 10 février 2000 au 15, rue du Commandant Pilot.

186. Sur le marché de l'élimination de charges militaires (paragraphes 162 à 170), dont la date limite de dépôt des offres était le 14 mars 2000, les sociétés Sotradex, Formétal, SIMT, SFRM et Alsetex se sont concertées, avant de déposer leurs offres pour se répartir les marchés et échanger des informations sur les prix au cours d'une réunion organisée le 9 mars 2000 au 15 rue du commandant Pilot.

187. Les pratiques mises en œuvre par les entreprises correspondent à la fois à des répartitions de marchés et à des ententes sur les prix de soumission, qui, selon une jurisprudence constante et abondante, sont considérées comme contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. En ce qui concerne les accords de répartition de marchés entre entreprises, le Conseil et la cour d'appel rappellent de manière constante que de tels accords faussent le jeu de la concurrence (n° 95-D-76 marchés de grands travaux dans le secteur du génie civil ; n° 03-D-12 dans le secteur des escaliers en béton).

188. Par ailleurs, le Conseil et la Cour d'appel de Paris rappellent également régulièrement le principe selon lequel, en matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, une entente anticoncurrentielle peut prendre la forme, notamment, d'une coordination des offres ou d'échanges d'informations entre entreprises, antérieurs à une date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être. Ces informations peuvent concerner l'existence de compétiteurs mais également, leur nom, leur importance, leur disponibilité en personnel et en matériel, leur intérêt ou leur absence d'intérêt pour le marché considéré ou enfin, les prix qu'ils envisagent de proposer. Ces pratiques altèrent le jeu de la concurrence, en ce qu'elles ont pour effet de supprimer la concurrence entre les entreprises soumissionnaires en limitant l'indépendance des offres, de tromper le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur le marché en cause et de provoquer ainsi une hausse artificielle des prix (n° 03-D-07, n° 03-D-10, n° 03-D-19, n° 03-D-29, n° 03-D-34, n° 03-D-46, n° 03-D-47, n° 03-D-55 et n° 03-D-63).

189. Enfin, s'agissant des entreprises qui appartiennent à un même groupe, comme c'est le cas, d'une part, pour les sociétés Formétal, AF Démil et Alsetex et, d'autre part, pour les sociétés SIMT et SFRM, le Conseil de la concurrence et la Cour d'appel de Paris ont rappelé à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles elles peuvent soumissionner à un appel d'offres. Le dépôt d'offres distinctes par des entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers n'est licite que si ces offres ont été établies de manière indépendante. Ces offres multiples ne doivent donc pas avoir été établies en concertation ou après que les entreprises ont communiqué entre elles, car ces offres ne sont, alors, plus indépendantes. Dans ce cas, les présenter comme telles trompe le responsable du marché sur la nature, la portée, l'étendue ou l'intensité de la concurrence. De telles pratiques ont un objet ou, potentiellement, un effet anticoncurrentiel. Il importe peu que le responsable du marché ait connu les liens unissant les entreprises concernées, dans la mesure où de tels liens n'impliquent pas nécessairement la concertation ou l'échange d'informations (cf. décisions n° 03-D-01 et n° 03-D-29 du Conseil et l'arrêt du 18 novembre 2003 de la Cour d'appel de Paris).

1. Sur les spécificités du marché

190. Les sociétés mises en cause font valoir qu'il s'agit d'un marché spécifique avec un seul client, l'Etat, et seulement cinq, puis quatre, entreprises agréées susceptibles de répondre aux appels d'offres. Elles exposent que sur ce marché, la concurrence était déjà inexistante et la concertation entre les entreprises était de fait nécessaire au bon fonctionnement du marché.

191. La société Sotradex soutient que ce ne sont pas les ententes entre entreprises, mais la réglementation et l'autorité publique, qui auraient supprimé la concurrence (pas d'appel d'offres européen et agrément des entreprises autorisées à soumissionner). Elle demande à bénéficier des dispositions de l'article L. 420-4 du Code de commerce, au motif que l'instruction ministérielle du 9 décembre 1959 organise une limitation du marché par la procédure d'agrément et qu'elle a pour vocation d'autoriser des pratiques anticoncurrentielles, puisque le texte lui-même restreint le champ du marché.

192. La société Alsetex fait valoir que le donneur d'ordre a toléré, voire encouragé, les pratiques reprochées, en mettant en place un système d'agrément et en consentant à la société Sotradex, depuis le début des années 1950, une autorisation d'occupation temporaire d'un terrain du ministère de la Défense. Elle précise que parmi ce nombre restreint d'offreurs, la société Sotradex a bénéficié ainsi d'avantages de la part du donneur d'ordre qui ont faussé la concurrence et que ce déséquilibre concurrentiel a contraint ses concurrents à négocier des parts de marché, d'où les réunions de répartition organisées par la société Sotradex elle-même. Elle ajoute que le donneur d'ordre n'a pas été trompé sur l'état de la concurrence, dont il avait une parfaite connaissance.

193. La société Sotradex fait valoir que les faits s'expliquent aisément car les capacités techniques des entreprises et les localisations géographiques de leurs sites de destruction, par rapport à la localisation des munitions, ont rendu nécessaires ces échanges. Elle précise que les spécificités techniques (techniques utilisées et localisation des dépôts) ont toujours été prises en compte dans les répartitions de marché et que les répartitions des marchés entre les cinq entreprises agréées permettaient d'organiser le traitement de produits dangereux, dans les limites imposées par l'administration. Elle ajoute que cette nécessité technique serait une condition prétorienne qui permettrait de considérer l'accord de répartition de marchés comme n'ayant pas d'objet anticoncurrentiel.

194. Toutefois, aucune des spécificités mises en avant par les entreprises mises en cause ne justifie que les entreprises présentes sur un marché renoncent à se faire concurrence, se concertent sur les prix des soumissions, désignent préalablement au dépôt des offres les attributaires des marchés puis remettent plusieurs offres séparées dont certaines ne sont que des offres de couverture, organisant ainsi à l'intention du maître d'ouvrage une apparence de concurrence.

195. En premier lieu, l'existence d'un seul demandeur sur un marché ne justifie pas qu'il soit mis dans l'incapacité d'organiser une mise en concurrence entre plusieurs offreurs. Le Conseil de la concurrence et la Cour d'appel de Paris ont ainsi condamné, à de multiples reprises, des pratiques concertées sur des marchés où il n'y avait qu'un seul demandeur (par exemple, décision n° 98-D-30 sur les marchés des travaux souterrains pour le gaz et l'électricité en région parisienne). Au surplus, il convient de rappeler que les appels d'offres n'étaient pas centralisés et qu'ils étaient organisés par différents services des corps d'armée ou par la DNID, de telle sorte qu'il y avait plusieurs maîtres d'ouvrage.

196. En deuxième lieu, un petit nombre d'offreurs sur un marché, lorsque l'entrée sur le marché est strictement réglementée, ne justifie pas les pratiques de concertation sur les prix et de répartition des marchés. Ces conditions n'entraînent pas la suppression de toute possibilité de concurrence, ni ne rendent inévitables, et donc justifiés, de tels cartels. Dès lors qu'existe plus d'un offreur sur un marché, une concurrence entre eux est possible et il ne peut être justifié de l'empêcher ou de la restreindre par le moyen d'une entente. Or, si la nécessité d'obtenir un agrément pour intervenir sur ce marché constitue, certes, une barrière à l'entrée, les pouvoirs publics ont pris soin de désigner plusieurs entreprises agréées (cinq puis quatre après la suppression de l'agrément dont bénéficiait la société SFRM). C'est donc à tort que, comme le font apparaître les éléments réunis au dossier, certaines des commissions d'appel d'offres considèrent que " le marché étant réservé aux cinq société agréées, la concurrence est nulle " (cf. § 93 et 143).

197. Les autorités nationales de la concurrence ont d'ailleurs rappelé que la prohibition des ententes demeure applicable lorsque le marché est l'objet de réglementations restrictives ou de certaines particularités qui limitent, même considérablement, le jeu de la concurrence. Cela a été le cas, par exemple, pour des concertations entre pharmaciens, répartiteurs pharmaceutiques, ambulanciers, taxis ou des entreprises de dépannage sur autoroute. Dans ces cas, elles ont considéré que les atteintes à la concurrence sur ces marchés sont d'autant plus graves que la concurrence est déjà limitée. L'existence d'un texte réglementaire limitant l'entrée sur le marché ne peut donc justifier l'application des dispositions de l'article L. 420-4 qui exonère les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application, dans la mesure où l'existence de barrières à l'entrée ne justifie pas l'entente.

198. En troisième lieu, aucun élément du dossier ne permet de soutenir que les maîtres d'ouvrage ont organisé et toléré les concertations mises en œuvre par les entreprises. Bien au contraire, il ressort de l'instruction que les différents services du ministère de la Défense et de la DNID ont organisé des appels d'offres afin de mettre en concurrence les entreprises agréées. En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que " les pratiques utilisées par le maître de l'ouvrage à l'occasion d'un appel d'offres, (...) même si elles facilitent les pratiques irrégulières des entreprises, ne peuvent pas faire échec à l'application des textes invoqués [ les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du Code du commerce], dès lors que sont établies à l'encontre des sociétés des pratiques tendant à fausser le jeu de la concurrence " (Cour de cassation, 12 janvier 1993, SA Sogea).

199. De même, il est de jurisprudence constante qu'il importe peu que les responsables des marchés aient connu les liens qui unissaient, d'une part, les sociétés SIMT et SFRM et, d'autre part, les sociétés Alsetex, AF Démil et Formétal, dès lors que de tels liens n'impliquaient pas nécessairement la concertation ou l'échange d'information. Dans la mesure où ces entreprises ont déposé des offres présentées comme indépendantes, alors qu'elles ont été établies en concertation, ces entreprises ont faussé la concurrence et ont trompé les responsables des marchés sur la nature, la portée, l'étendue ou l'intensité de la concurrence.

200. En quatrième lieu, les considérations relatives aux contraintes de capacités de production et à leur localisation ne peuvent justifier les concertations menées. Elles montrent au contraire que, pour une opération de destruction donnée, les entreprises mises en cause utilisaient des techniques différentes, supportaient des coûts différents et n'étaient donc pas en mesure de proposer les mêmes prix. Les entreprises les plus proches des lieux de livraison des produits à détruire étaient par exemple en mesure d'emporter le marché à un coût moindre. La prise en compte de ces spécificités techniques (techniques utilisées et localisation des dépôts) dans les répartitions des marchés convenues entre les entreprises ne justifie pas ces concertations dans la mesure où il s'agit justement de facteurs qui, en l'absence de pratiques anticoncurrentielles, auraient dû permettre à l'entreprise la mieux placée de l'emporter grâce à ses plus faibles prix. Au surplus il ressort de la déclaration du directeur commercial de Formétal (cf. paragraphe 27 ci-dessus) que les marchés n'étaient pas répartis en fonction de l'efficacité des participants à l'entente : " Si Formétal et AF Démil n'avaient pas participé à ces réunions organisées par Sotradex, elles n'auraient obtenu aucun marché parce que les coûts de production étaient plus élevés ".

2. Sur l'objet et l'effet anticoncurrentiel des pratiques

201. La société Sotradex soutient que les pratiques relevées n'avaient ni objet ni effet anticoncurrentiel et qu'il n'est pas démontré que les échanges d'informations sur les prix entre la totalité des entreprises agréées ont fait échec aux processus individuels de décision.

202. La société Sotradex fait valoir qu'il n'y a pas d'objet et d'effet anticoncurrentiels puisque toutes les entreprises agréées participaient à l'entente et que l'éviction des autres sociétés est le fait des autorités publiques (absence d'appel d'offres européen et présence de la procédure d'agrément). Elle soutient également que cette répartition de marché a permis la survie des entreprises et a permis au client public d'avoir une offre diversifiée, puisque certaines sociétés avaient réussi à se maintenir grâce à ces discussions, alors que, depuis le début de la procédure, deux des cinq sociétés ont été placées en liquidation judiciaire.

203. La société Alsetex soutient que les pratiques mises en œuvre entre entreprises agréées n'ont pas eu pour objet ou pour effet d'évincer une catégorie d'opérateurs, puisque toutes les entreprises agréées ont participé à l'entente, et que les autres opérateurs (non agréés) ne se seraient pas avérés plus compétitifs.

204. Les sociétés SIMT et SFRM rappellent que l'origine de la profession remonte aux années 1955. Après la seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie, les stocks de munitions inutilisées ou obsolètes étaient très importants. M. F, ancien militaire de carrière a alors décidé de créer une entreprise (Sotradex) spécialisée dans la destruction des armements et a obtenu un agrément du ministère de la Défense. Par la suite d'autres entreprises se sont créées, à proximité des grands dépôts de stockage. Au fil des années, les munitions sont devenues moins riches en valeur récupérable et les entreprises se sont concertées pour gérer la crise.

205. Toutefois, il ne peut être valablement soutenu qu'une concertation entre toutes les entreprises présentes sur un marché ne serait pas anticoncurrentielle parce qu'elle n'aurait pas pour objet ou pour effet d'évincer une des entreprises présentes sur le marché mais au contraire de les y maintenir. La prohibition des ententes visant à fixer artificiellement le niveau des prix et la répartition des marchés n'est pas nécessairement fondée sur l'effet d'éviction qu'elles peuvent avoir sur des entreprises non parties à l'entente. Au contraire, des ententes qui ont pour effet d'élever le niveau des prix peuvent entraîner l'entrée de nouvelles entreprises sur le marché concerné, effet limité, au cas d'espèce par la nécessité d'obtenir l'agrément des pouvoirs publics.

206. Les ententes visant à " faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse " et à " répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement " sont toutefois prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce parce qu'en faisant obstacle au libre jeu de la concurrence, elles favorisent une mauvaise allocation des ressources à travers, par exemple, la survie d'entreprises inefficaces, et découragent les investissements dans de nouvelles technologies ou visant à développer les capacités de production. Ainsi, en convenant artificiellement d'une répartition de 30 % pour les sociétés Formétal, Sotradex et SIMT et de 10 % pour AF Démil, l'entente mise en cause a favorisé une allocation inefficace des ressources et supprimé les incitations des entreprises concernées à investir et innover.

207. Aussi ressort-il de la jurisprudence communautaire et nationale que les arguments sur la crise du secteur et le fait que la concertation a permis la survie des entreprises ne peuvent, en aucun cas, justifier l'entente. Ainsi, le TPICE a précisé (TPICE, 6 avril 1995, société métallurgique de Normandie et autres c/Commission des Communautés européennes Affaire T- 147-89) : " aucun argument de fait, fût-il une situation de crise, ne saurait être retenu pour justifier une entente ". Il en est de même au niveau national comme l'a relevé le Conseil de la concurrence dans plusieurs décisions (décision n° 88-D-13, décision n° 05-D-03 sur le secteur de l'eau de javel).

208. L'effet de telles ententes est, en premier lieu, ressenti par les demandeurs, en l'espèce les différentes divisions de l'armée auteurs des appels d'offre, soit immédiatement du fait de la fixation concertée par les entreprises des prix à un niveau artificiellement élevé (ou bas pour les marchés de récupération), soit à terme du fait de la perte de compétitivité des entreprises présentes sur les marchés. Plusieurs éléments du dossier montrent que l'entente avait pour objet et a eu pour effet de réduire les recettes que les différents corps d'armée pouvaient escompter tirer de la récupération des matériaux. Ainsi la note manuscrite reproduite au § 165 comporte la mention " Politique = Si on veut être véritablement cohérent et imposer nos prix, il ne faut pas transcrire la règle des 30/30/30/10 sur chaque marché, mais en global par année ". De même, la déclaration du directeur commercial d'Alsetex, citée au paragraphe 200 ci-dessus, montre qu'en l'absence d'entente, les matériaux à récupérer auraient été mieux valorisés. Dans le cadre du marché passé par la DNID pour l'aliénation de munitions réformées, il apparaît également que lorsque la société SIMT, qui avait proposé pour le traitement du lot 2 le prix de 8200 francs la tonne rachète ce lot à la société Formétal qui en a été attributrice au prix de 7850 francs, elle propose un prix de 10 000 francs (cf. paragraphe 153 ci-dessus).

209. En tout état de cause, une entente visant à faire obstacle à la libre fixation des prix et à répartir les marchés est prohibée même en l'absence d'effet perceptible sur les prix pratiqués sur ce marché, ainsi que l'a jugé à de nombreuses reprises la Cour d'appel de Paris : " Mais considérant que des pratiques dont l'objet ou l'effet potentiellement anticoncurrentiel est avéré sont qualifiables, de ce seul fait, au regard des règles de concurrence ; (cour d'appel, 23 novembre 2003, société Préfall) ".

IV. Sur les sanctions

A. Sur l'imputabilité des pratiques

210. Les principes régissant l'imputabilité des pratiques en cas de transformation de la structure d'une entreprise, entre la commission des pratiques et leur sanction, ont été rappelés à de nombreuses reprises par le Conseil et la Cour d'appel de Paris, par exemple dans un arrêt du 27 novembre 2001 :

" Considérant, en effet, d'une part, que les sanctions prévues à l'article L. 464-2 du Code de commerce sont applicables aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 et suivants du même Code et, d'autre part, que lorsque, entre le moment où les pratiques ont été mises en œuvre et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne morale responsable de l'exploitation a cessé d'exister juridiquement, les pratiques sont imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a été juridiquement transmise et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle ".

211. Le principe fondamental de ces jurisprudences est de faire peser la sanction du comportement infractionnel d'abord sur la personne morale responsable de ce comportement. En conséquence, tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise ayant mis en œuvre les pratiques subsiste juridiquement, c'est elle qui doit assumer la responsabilité de ces pratiques, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ont été cédés à une tierce personne.

212. Lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise a juridiquement disparu, les pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise, c'est-à-dire à la personne morale qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur des pratiques. Il peut s'agir de la société qui a absorbé la société auteur des pratiques, à la suite d'une fusion entre l'auteur des pratiques et une autre entité.

213. En cas de liquidation judiciaire, tant que la personne morale subsiste juridiquement, parce que les opérations de la liquidation ne sont pas terminées, c'est à elle que doivent être imputées les pratiques qui peuvent être relevées à son encontre, mais le Conseil a généralement considéré, en opportunité, qu'en raison de la mise en liquidation judiciaire, il n'y avait pas lieu de prononcer de sanction. Si les opérations de liquidation sociale sont terminées et que la personne morale a disparu, les griefs ne peuvent être imputés au cessionnaire eu égard aux dispositions de l'article L. 621-63, alinéa 3, du Code de commerce.

214. En l'espèce, la société AF Démil a participé à la concertation jusqu'à sa dissolution par transmission universelle du patrimoine à la société Alsetex, le 31 décembre 1999. La société AF Démil ayant été absorbée par la société Alsetex, cette dernière vient aux droits et obligations de la société AF Démil, pour les pratiques mises en œuvre par la société AF Démil avant sa dissolution.

215. Ainsi, la société Alsetex doit répondre du grief, pour ses propres pratiques à partir de janvier 2000, et elle vient aux droits et obligations de la société AF Démil, pour les pratiques mises en œuvre par cette dernière avant le 31 décembre 1999.

216. Par ailleurs, le 15 juillet 2003, le Tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Formétal et a nommé Maître Maes en qualité de mandataire liquidateur (annexe 6). A ce jour, la société Formétal n'est pas radiée du registre du commerce et des sociétés : les griefs retenus à son encontre ont donc été notifiés au liquidateur de la société.

B. Sur le régime juridique applicable

217. La société Alsetex fait valoir que les dispositions de la loi NRE relatives à l'article L. 464-2 du Code de commerce ne sont pas applicables aux faits relevés dans le présent dossier. Elle attire également l'attention du Conseil sur le fait que la société AF Démil, devenue une branche de la société Alsetex, ne réalise qu'un très faible chiffre d'affaires avec l'armée française, 23 000 euro en 2004, le chiffre d'affaires étant principalement réalisé avec des clients étrangers.

218. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

219. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos". Dès lors, le montant maximum de la sanction est évalué à partir du seul chiffre d'affaires réalisé en France et les exportations ne sont pas prises en compte.

C. Sur la gravité des pratiques et l'importance du dommage causé à l'économie

220. Les pratiques d'entente de prix et de répartition de marchés sont des pratiques anticoncurrentielles particulièrement graves et figurent parmi les ententes jugées injustifiables par la recommandation du 25 mars 1998 de l'OCDE. En l'espèce, ces pratiques ont concerné, entre janvier 1998 et mars 2000, toutes les entreprises du secteur et l'ensemble des marchés de destruction d'armements et de munitions passés par l'armée et par la DNID.

221. La société Sotradex a joué un rôle leader dans cette entente, en organisant notamment la plupart des réunions au cours desquelles les prix des soumissions et les répartitions de marché ont été discutés, ce qui confère à son comportement une gravité particulière.

222. Le dommage à l'économie doit être apprécié en tenant compte de la taille du marché de destruction de munitions et d'armements affecté par les pratiques. Le chiffre d'affaires cumulé des cinq sociétés agréées en France s'élevait à 20 millions de francs, en 1998, et à 18 millions de francs, en 1999. Mais les onze marchés de prestations de services passés à partir de 1998 et étudiés ci-avant sont pluriannuels et peuvent être évalués à plus de 55 millions de francs HT, dont une part résulte de la hausse artificielle des prix provoquée par l'entente.

223. L'évaluation de la sanction de chaque entreprise doit également tenir compte du fait que les marchés étaient répartis à hauteur de 30 % entre chacune de sociétés Sotradex, SIMT et SFRM, et de 10 % pour la société Alsetex.

224. Mais si le dossier comporte plusieurs éléments montrant que les entreprises parties à l'entente ont bien cherché à obtenir des prix plus rémunérateurs, aucune pièce ne permet de chiffrer ces majorations. Notamment, le dossier ne contient pas d'élément permettant de comparer le niveau des prix résultant de l'entente et celui qui s'est établi depuis que les autorités militaires ont confié les tâches de l'espèce à l'OTAN. En effet, pour contrer les effets de l'entente, les autorités militaires ont décidé, postérieurement aux faits, de confier à la NAMSA, agence de l'OTAN, la charge d'organiser les appels d'offres pour les marchés de destruction de munitions. Ces appels d'offres sont ouverts aux entreprises des pays membres de l'alliance.

225. Enfin, il convient de noter que, depuis que les tâches de destruction des munitions ont été confiées à la NAMSA, les chiffres d'affaires hors taxe réalisés en France par les entreprises en cause ont été singulièrement réduits par rapport aux chiffres d'affaires réalisés à l'époque des faits. La quasi disparition du marché, en France, constitue une circonstance exceptionnelle. En effet, si comme il est rappelé ci-dessus, le dommage à l'économie doit s'apprécier en fonction de la taille du marché affecté par les pratiques et donc des chiffres d'affaires réalisés à l'époque des faits, le plafonnement de la sanction à 5 % du chiffre d'affaires du dernier exercice connu, soit l'année 2004, vide d'effet significatif les possibilités de sanctions pécuniaires. Seule la société Alsetex a conservé un chiffre d'affaires notable, mais réalisé en quasi-totalité sur d'autres marchés que celui de la destruction d'armements et de munitions.

D. Sur les sanctions pécuniaires

226. Le Tribunal de commerce du Mans a prononcé, le 15 juillet 2003, la liquidation judiciaire de la société Formétal. Compte tenu de ce contexte, il n'y a pas lieu, en opportunité, de prononcer de sanction. Dès lors il n'y a pas lieu d'infliger de sanction à l'encontre de la société Formétal.

227. Le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France par la société Sotradex entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2004 s'est élevé à 981 255 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Sotradex est fixé à 28 000 euro.

228. Le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France par la société Alsetex, entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2004, s'est élevé à 8 110 428 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Alsetex est fixé à 20 000 euro.

229. Le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France par la société SIMT, au cours de l'année 2004, s'est élevé à 1 248 949 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société SIMT est fixé à 20 000 euro.

230. Le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France par la société SFRM en 2004 s'est élevé à 1 500 euro. En raison de la faiblesse de ce chiffre d'affaires, le Conseil renonce à infliger une sanction pécuniaire à la société SFRM.

Décision

Article 1er : Il est établi que les sociétés Sotradex, Formétal, Alsetex, SIMT et SFRM ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

. à la société Sotradex une sanction de 28 000 euro ;

. à la société Alsetex une sanction de 20 000 euro ;

. à la société SIMT une sanction de 20 000 euro ;

Délibéré sur le rapport oral de Mme Sévajols par M. Nasse, vice-président présidant la séance et MM. Combe, Honorat et Piot, membres.