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Décisions

CJCE, 6 octobre 1976, n° 14-76

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

De Bloos, SPRL

Défendeur :

Bouyer (SCA)

CJCE n° 14-76

6 octobre 1976

LA COUR,

1. Attendu que, par arrêt du 9 décembre 1975, parvenu au greffe de la Cour le 13 février 1976, la Cour d'appel de Mons a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971, relatif à l'interprétation de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après dénommée " convention "), des questions portant sur l'interprétation de l'article 5, LO et 5, de ladite convention ;

2. Qu'il apparaît de l'arrêt de renvoi qu'à ce stade le litige concerne la compétence du juge belge pour connaître d'une action que le concessionnaire d' un contrat de distribution exclusive ayant son siège en Belgique a introduit contre son concédant établi en France ;

3. Que, se plaignant d'une rupture unilatérale sans préavis dudit contrat, le concessionnaire a assigné le concédant devant le juge belge en vue d' obtenir, conformément au droit belge, la résolution judiciaire du contrat, aux torts et aux griefs du concédant, ainsi que le paiement de dommages intérêts ;

4. Que le juge belge de première instance s'étant déclaré incompétent pour connaître du litige, le concessionnaire a interjeté appel devant la Cour d'appel de Mons ;

5. Attendu que, par la première question, il est demandé à la Cour de dire si, dans un litige opposant le bénéficiaire d'une concession exclusive de vente à son concédant à qui il reproche d'avoir violé la concession exclusive, le terme " obligation ", inscrit à l'article 5, 1, de la convention, doit être interprété comme couvrant n'importe quelle obligation découlant du contrat cadre de concession de vente exclusive ou même des ventes successives conclues en exécution dudit contrat, ou comme visant uniquement l'obligation qui sert de base à l'action judiciaire ;

6. Que, dans ce dernier cas, il est en outre demandé à la Cour de préciser si le terme " obligation " figurant à l'article 5, 1, susdit se réfère soit à l'obligation d'origine, soit à l'obligation de procurer l'équivalent de l'obligation d'origine, soir à l'obligation de payer des dommages intérêts lorsque, par l'effet de la résolution ou de la résiliation du contrat, l'obligation originaire se trouve anéantie, soit enfin à l'obligation de payer une " juste indemnité ", voire une " indemnité complémentaire ", au sens de la loi belge du 27 juillet 1961 ;

7. Attendu qu'aux termes de l'article 5, 1, de la convention, le défendeur domicilié sur le territoire d' un état contractant peut être attrait, dans un autre état contractant :

" - En matière contractuelle, devant le tribunal du lieu ou l'obligation a été ou doit être exécutée ";

8. Qu'ainsi qu'il ressort du préambule de la convention, celle-ci vise à déterminer la compétence des juridictions des états contractants dans l' ordre international, à faciliter la reconnaissance des décisions judiciaires respectives et à instaurer une procédure rapide afin d'assurer l'exécution des décisions ;

9. Que ces objectifs impliquent la nécessité d'éviter, dans la mesure du possible, la multiplication des chefs de compétence judiciaire par rapport à un même contrat ;

10. Qu'on ne saurait donc interpréter l'article 5, 1, de la convention comme se referant à n' importe quelle obligation découlant du contrat en cause ;

11. Qu'au contraire, par le terme " obligation ", cet article vise l'obligation contractuelle qui sert de base à l'action judiciaire ;

12. Qu'une telle interprétation est par ailleurs clairement confirmée par les textes italien et allemand de cette même disposition ;

13. Qu'il s'ensuit que, aux fins de la détermination du lieu d'exécution au sens de l'article 5 précité, l'obligation à prendre en considération est celle correspondant au droit contractuel sur lequel se fonde l'action du demandeur ;

14. Que, dans les cas où le demandeur fait valoir son droit au paiement de dommages intérêts ou invoque la résolution du contrat aux torts et aux griefs de l'autre partie, l'obligation visée par l'article 5, 1, est toujours celle découlant du contrat et dont l'inexécution est invoquée pour justifier de telles demandes ;

15. Que, pour ces raisons, il y a lieu de répondre à la première question que, dans un litige opposant le bénéficiaire d'une concession exclusive de vente à son concédant à qui il reproche d'avoir violé concession exclusive, le terme " obligation ", qui se trouve inscrit à l'article 5, 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, se réfère à l'obligation contractuelle servant de base à l'action judiciaire, c'est-à-dire à l'obligation du concédant correspondant au droit contractuel qui est invoqué pour justifier la demande du concessionnaire ;

16. Que, dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession exclusive, telles que le paiement de dommages intérêts ou la résolution du contrat, l'obligation à laquelle il faut se référer aux fins de l'application de l'article 5, 1, de la convention est celle qui découle du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire ;

17. Qu'en ce qui concerne les actions en paiement d'indemnités compensatoires il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, d'après le droit applicable au contrat, il s'agit d'une obligation contractuelle autonome ou d'une obligation remplaçant l' obligation contractuelle inexécutée ;

18. Attendu que, par la deuxième question, il est demandé à la Cour de dire si le concessionnaire d'une exclusivité de vente doit être considéré comme étant à la tête d'une succursale, d'une agence ou d'un établissement de son concédant, au sens de l'article 5, 5, de la convention, lorsque, d'une part, il n'a le pouvoir ni de traiter au nom de ce dernier ni de l'engager et, d'autre part, il n'est soumis ni à son contrôle ni à sa direction ;

19. Attendu qu'aux termes de l' article 5, 5, de la convention, le défendeur domicilié dans un état contractant peut être attrait, dans un autre état contractant :

" - S'il s'agit d'une contestation relative à l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, devant le tribunal du lieu de leur situation ";

20. Attendu qu'un des éléments essentiels qui caractérisent les notions de succursale et d'agence est la soumission à la direction et au contrôle de la maison mère ;

21. Qu'en ce qui concerne la notion d' " établissement " figurant dans ledit article, il ressort tant du but que de la lettre de cette disposition qu'une telle notion repose, dans l'esprit de la convention, sur les mêmes éléments essentiels que ceux de succursale ou d'agence ;

22. Que, dès lors, on ne saurait étendre les notions de succursale, d'agence ou de tout autre établissement au cas d'un concessionnaire exclusif dont l'activité est caractérisée par les données indiquées par la juridiction nationale ;

23. Attendu que, pour ces raisons, il y a lieu de répondre à la deuxième question que le concessionnaire d'une exclusivité de vente ne peut être considéré comme étant à la tête d'une succursale, d'une agence, ou d'un établissement de son concédant, au sens de l'article 5, 5, de la convention du 27 septembre 1968, lorsqu'il n'est soumis ni à son contrôle ni à sa direction ;

Sur les dépens

24. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui sont soumis aux observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement ;

25. Que, la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par la Cour d'appel de Mons par arrêt du 9 décembre 1975, dit pour droit :

1) dans un litige opposant le bénéficiaire d'une concession exclusive de vente à son concédant à qui il reproche d'avoir violé la concession exclusive, le terme " obligation ", qui se trouve inscrit à l'article 5, 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, se réfère à l'obligation contractuelle servant de base à l'action judiciaire, c'est-à-dire à l'obligation du concédant correspondant au droit contractuel qui est invoqué pour justifier la demande du concessionnaire. Dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession exclusive, telles que le paiement de dommages intérêts ou la résolution du contrat, l'obligation à laquelle il faut se référer aux fins de l'application de l'article 5, 1, de la convention est celle qui découle du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire. En ce qui concerne les actions en paiement d'indemnités compensatoires il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, d'après le droit applicable au contrat, il s'agit d'une obligation contractuelle autonome ou d'une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée.

2) le concessionnaire d'une exclusivité de vente ne peut être considéré comme étant à la tête d'une succursale, d'une agence, ou d'un établissement de son concédant, au sens de l'article 5, 5, de la convention du 27 septembre 1968, lorsqu'il n'est soumis ni à son contrôle ni à sa direction.