Cass. 1re civ., 4 octobre 1988, n° 86-13.437
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Gourcuff
Défendeur :
Ricklin et Blanchy (SCP), Antonini
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Viennois
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
Mes Foussard, Vuitton
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 19 septembre 1979, a été adjugé à M. de Gourcuff, par le ministère de la société civile professionnelle Ricklin et Blanchy, commissaires-priseurs associés (la SCP), un tableau présenté comme une œuvre d'Hubert Robert ; que l'expert de cette vente était M. Antonini ; que M. de Gourcuff, ayant eu des doutes sur l'authenticité du tableau, a obtenu, par voie de référé, la désignation d'un expert ; que celui-ci a estimé que ce tableau n'avait pas été peint par Hubert Robert ; que M. de Gourcuff a assigné la SCP et M. Antonini pour faire prononcer la nullité de la vente et obtenir, contre restitution du tableau, leur condamnation solidaire à lui rembourser la somme de 90 220 francs, avec les intérêts de droit à compter du 19 septembre 1979, outre le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 1153 et 1378 du Code civil ; - Attendu qu'après avoir prononcé la nullité de la vente pour erreur sur une qualité substantielle de la chose, la cour d'appel a assorti la condamnation au remboursement de la somme de 90 220 francs " des intérêts à compter du 19 septembre 1979, jour du versement de cette somme, et ce, au besoin, à titre de supplément de dommages-intérêts " ;
Attendu qu'en faisant courir les intérêts moratoires à compter du versement de la somme et non du jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer sans rechercher si le débiteur était de bonne ou de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour mettre hors de cause Mme Antonini, venant aux droits de son mari, décédé, la cour d'appel retient qu'au moment de la vente l'état du tableau rendait difficile l'appréciation de son authenticité dès lors qu'en l'état où il était présenté il était difficile de vérifier si la signature " Robert prinxit / Romae 1759 " n'était pas une addition postérieure et que ce sont le nettoyage et le dévernissage auquel il a été procédé postérieurement à la vente qui ont permis de lever le " doute favorable " que l'on pouvait avoir au moment de la vente et de révéler que la signature était une addition postérieure à la peinture ;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs qui établissent que l'expert n'était pas fondé à attribuer avec certitude - comme il l'avait fait dans le catalogue - le tableau à Hubert Robert mais devait seulement indiquer qu'il pouvait être attribué à ce peintre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du premier moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCP à payer les intérêts de droit de la somme de 90 220 francs à compter du 19 septembre 1979 et ce, au besoin, à titre de supplément de dommages-intérêts, et en ce qu'il a mis hors de cause Mme Antonini, l'arrêt rendu le 10 mars 1986, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Poitiers.