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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 31 octobre 1997, n° 9602258

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rouger

Défendeur :

Delourmel Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lefevre

Conseillers :

Mmes L'Henoret, Sabatier

Avoués :

Mes Leroyer-Barbarat, Gauvain & Demidoff, Bazillz & Genicon

Avocats :

Mes Demidoff, Lauret.

TGI Rennes, du 29 janv. 1996

29 janvier 1996

Expose du litige et de la procédure

Le 25 mars 1992 Monsieur Rouger a fait l'acquisition auprès de la société Delourmel Automobiles d'un véhicule Mercedes type 240 D, année modèle 1982, ayant parcouru 275 857 kilomètres au prix de 35 000 F TTC.

Le 11 mai 1992, le moteur du véhicule a subi une grave avarie et Monsieur Rouger a obtenu en référé une expertise.

L'expert a déposé son rapport le 11 février 1994 et par acte du 29 décembre 1994, Monsieur Rouger a Lait assigner son vendeur à l'effet d'obtenir la résolution de la vente et la condamnation de ce dernier à lui en verser le prix, la somme de 222 907 F à titre de dommages et intérêts et celle de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 29 janvier 1996, le Tribunal de grande instance de Rennes a :

- débouté Monsieur Rouger de l'intégralité de ses demandes.

- condamné Monsieur Rouger à verser à la société Delourmel Automobiles la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- mis l'intégralité des dépens à la charge de Monsieur Rouger.

Monsieur Rouger a relevé appel.

Prétentions et moyens des parties

L'appelant conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de prononcer la résolution de la vente en raison de l'existence d'un vice caché et à défaut son annulation par application de l'article 1116 du Code civil, de condamner la société Delourmel Automobiles à lui restituer le prix d'achat, soit 35 000 F, majoré des intérêts au taux légal depuis le 26 mars 1992 et à lui payer 222 907 F à titre de dommages et intérêts et 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il rappelle que l'avarie subie procède d'une absence d'huile dans le moteur alors qu'il avait parcouru 3 400 kilomètres et qu'une vidange avait été faite un peu plus d'un mois auparavant.

Il reproche au tribunal de s'être appuyé sur le rapport d'expertise judiciaire qui concluait à une négligence de sa part dans l'entretien du véhicule, alors qu'il résulte de l'avis de deux autres experts que le moteur était très usé et que la consommation d'huile constatée était tout à fait anormale, ce fait étant confirmé par les attestations qu'il produit de nombreux utilisateurs de ce type de véhicule.

Il fait grief en toute occurrence à son vendeur de lui avoir caché cette surconsommation d'huile et l'usure anormale du moteur, contestant la remise par ce dernier de la notice d'entretien et ajoutant qu'il a acquis le véhicule pour un prix supérieur à l'argus ce qui démontrerait qu'il était attaché au bon état du moteur.

Pour la société Delourmel le jugement doit être confirmé et Monsieur Rouger condamné à lui payer une somme de 15 000 F pour ses frais irrépétibles.

Elle considère que les rapports d'expertise produits par l'appelant ne sont pas probants eu égard à leur contenu vague et imprécis et aux affirmations non justifiées qu'il contiennent et que les attestations qu'il a fait établir sont insuffisantes à remettre en cause les éléments techniques du rapport de l'expert judiciaire compte tenu des divergences qu'elles présentent.

Elle rappelle que lors des opérations d'expertise Monsieur Rouger n'aurait pas manqué de signaler le défaut de remise de la notice technique s'il ne l'avait pas reçue et que l'appelant lui avait indiqué avoir observé une baisse de la pression d'huile, ajoutant que l'état usagé du moteur, observé par les experts, résultait de l'absence de lubrifiant.

Enfin elle relève le caractère exorbitant de la demande indemnitaire de Monsieur Rouger.

Motifs

Considérant qu'il résulte des éléments produits aux débats que Monsieur Rouger a passé commande le 25 mars 1992 d'un véhicule d'occasion Mercedes 240D mis en circulation depuis octobre 1981 ;

Que lorsqu'il en a pris livraison le 15 avril 1992 le véhicule avait déjà parcouru 275 418 kilomètres (cf contrôle technique du 6 avril 1992) ;

Que le 11 mai 1992 Soit moins d'un mois après qu'il a commencé à l'utiliser, le véhicule est tombé en panne.

Que cette panne provoquée par une absence d'huile de lubrification est intervenue alors que Monsieur Rouger avait fait parcourir à son véhicule 3439 kilomètres (278 857 kilomètres affichés au compteur) sans en avoir jamais contrôler le niveau d'huile.

Considérant que, certes, l'expertise à laquelle le véhicule a été soumis a mis en évidence que son moteur était usé

Que toutefois force est de constater que les deux experts qui l'ont examiné font état l'un d'une " usure générale due à son simple fonctionnement " (Monsieur Gardans expert mandaté pour Monsieur Rouger), l'autre "d'une altération normale de ses éléments" (Monsieur Laurent, expert désigné en référé) et, qu'aucun d'eux ne conclut au caractère inhabituel de cette usure eu égard à l'ancienneté du véhicule (+ plus 10 ans) et au kilométrage parcouru (+ 278 000 kilomètres) et n'exclut le fait que normalement et régulièrement vérifié et entretenu le véhicule aurait pu rendre à Monsieur Rouger l'usage qu'il en attendait soit atteindre un kilométrage de 400 000 kilomètres voire 500 000 kilomètres ;

Que cela étant la "vétusté" du moteur ne saurait constituer un vice caché et ni l'avis du consultant (Monsieur Dette) sollicité par Monsieur Rouger, qui n'a pas vu le véhicule et se réfère à la notoriété de la marque, ni le prix payé, supérieur au coût moyen argus ne sont suffisants à faire la preuve contraire ;

Que s'agissant de la consommation d'huile, il est constant que le carter qui contenait 5,5 litres de lubrifiant lorsque Monsieur Rouger a pris possession du véhicule et n'a reçu aucun ajout en cours d'utilisation, était vide au bout des 3 439 kilomètres parcourus avant la panne ce qui représente une consommation de 1,59 litre pour 1 000 kilomètres ;

Que celle-ci ne saurait être regardée comme anormalement excessive et constitutive d'un vice caché dans la mesure où d'une part elle se situe bien en deçà du maximum signalé par le constructeur (2,5 litres aux 1 000 kilomètres) et où d'autre part si elle se révèle légèrement supérieure à la moyenne retenue par ce dernier (entre 1 litre et 1,5 litre pour 1 000 kilomètres) l'ancienneté du moteur, la conduite du véhicule et ses conditions d'utilisation (régime élevé sur voie express) qui sont sans conteste des facteurs générant une augmentation de consommation, ont pu en être à l'origine;

Que cela étant ni les attestations établies par des propriétaires de véhicules de même type justement parce que sont ignorées les circonstances de conduite et de circulation des véhicules concernés, ni les affirmations péremptoires mais sans explication et justification techniques des experts sollicités par l'appelant ne permettent d'accréditer la thèse de ce dernier ;

Que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a débouté Monsieur Rouger de ses demandes fondées sur l'existence d'un vice caché ;

Considérant que dans la mesure où il résulte des éléments qui précèdent que ni l'état du moteur, ni sa consommation d'huile ne présentaient un caractère anormal, le vendeur n'avait aucune obligation de renseigner l'appelant qui se décrit au demeurant comme ayant une certaine expérience des véhicules, sur la nécessité d'observer une règle élémentaire d'entretien qui est le contrôle régulier du niveau d'huile, et incombe à tout utilisateur quelque soit la notoriété du fabriquant ou la qualité soutenue de la marque, s'agissant de surcroît d'un véhicule de plus de 10 ans, ayant déjà parcouru 275 000 kilomètres et dont Monsieur Rouger faisait un usage intense comme le laisse supposer le kilométrage (3 439 kilomètres) qu'il a parcouru en moins d'un mois ;

Que le jugement est dès lors également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de la vente de Monsieur Rouger et ses prétentions subséquentes ;

Considérant qu'échouant en son appel. Monsieur Rouger est condamné à en supporter les dépens et ne peut prétendre de ce fait au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que l'équité commande en revanche une application de ce texte à l'avantage de l'intimée à laquelle est allouée une somme supplémentaire de 3 000 F;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement Condamne Monsieur Rouger aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Le condamne à payer à l'intimé 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.