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Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 2, 17 novembre 1997, n° 95002347

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baillard

Défendeur :

Gachet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Tay

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Lebrun

Avoués :

Me Garnier, SCP Laval-Lueger

Avocats :

Mes Laine, Fontaine.

TGI Tours, du 9 mai 1995

9 mai 1995

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté le 6 juillet 1995 par Monsieur Baillard à l'encontre d'un jugement rendu le 9 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Tours qui l'a notamment condamné à payer à Monsieur Gachet la somme de 80 793 F et celle de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Il résulte des énonciations non contredites de la décision attaquée. des écritures des parties et des pièces par elles régulièrement produites que par acte du 26 novembre 1991 Monsieur Baillard a vendu à Monsieur Gachet son véhicule Toyota Celica affichant 49 700 km moyennant la somme de 65 000 F. L'acquéreur rencontrant des péripéties d'ordre mécanique procéda au remplacement du moteur puis revendit ledit véhicule à Monsieur Lopez au prix de 60 000 F mais ce dernier ayant à son tour des ennuis, le fit examiner par un expert qui concluait que le kilométrage réel était supérieur à celui affiché au compteur. Monsieur Gachet repris le véhicule, remboursa le prix et les frais occasionnés; puis par acte du 2 avril 1993 assigna Monsieur Baillard en annulation de la vente.

Aux termes de ses conclusions, Monsieur Baillard demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de condamner Monsieur Gachet à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Il fait valoir que Monsieur Gachet connaissait le kilométrage réel au moment de l'achat du véhicule, et que l'état de leurs relations explique la transaction réalisée entre eux sans le moindre document. Il soutient que Monsieur Gachet connaissait la voiture et était informé du changement de compteur, d'autant qu'au moment de l'échange il lui a remis les factures d'entretien qui indiquaient au début un kilométrage supérieur à 100 000 ainsi que le certificat de contrôle technique. Il conteste avoir affirmé à l'expert qu'il n'avait pas signalé le changement de compteur à Monsieur Gachet et observe que fin décembre 1991 soit un mois après la cession Monsieur Gachet a fait changer le moteur sans lui faire de reproche, alors que s'il n'avait pas connu le kilométrage avancé il aurait à ce moment précis invoqué le vice caché et le dol. Il prétend que le décalage entre le kilométrage mentionné sur le certificat de vente et celui du véhicule ne suffit pas à lui seul à établir le dol, que lorsque Monsieur Gachet a consenti une résolution amiable de la vente le 7 août 1992 il connaissait le kilométrage de la voiture, de sorte qu'ainsi l'action en vice caché n'a pas été intentée dans un bref délai. Il ajoute que Monsieur Gachet a préféré acheter un moteur à la casse, sans en informer par ailleurs le nouvel acheteur et le changer lui-même en janvier 1992, ce qui démontre qu'il était alors suffisamment compétent pour se rendre compte de l'état du véhicule lors de l'échange ou de la panne en décembre 1991. Il soutient, à titre subsidiaire, que Monsieur Gachet ayant opté pour une remise en état ne peut demander l'annulation de la vente mais seulement la réduction du prix, qu'il ne peut donc solliciter que le montant de ladite remise en état soit 10 793 F. Plus subsidiairement, il indique que sur la somme de 65 000 F convenue Monsieur Gachet n'a jamais payé la soulte de 15 000 F, qu'il ne peut donc prétendre qu'à la partie du prix payé soit 50 000 F et qu'il faut enfin tenir compte de la dépréciation du véhicule;

Aux termes de ses conclusions, Monsieur Gachet demande à la cour de confirmer la décision entreprise sauf à lui allouer la somme de 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Il fait valoir que s'il avait eu connaissance du kilométrage réel il n'aurait pas acheté le véhicule litigieux ou alors à un prix nettement moindre et que ce n'est qu'une fois le vice caché révélé par le rapport de Monsieur Echevard qu'il est entré en possession des factures d'entretien aucun document ne lui ayant été remis lors de la vente. Il expose que Monsieur Baillard a indiqué à l'expert qu'il n'avait pas informé son acquéreur du changement de compteur et qu'il a ainsi délibérément entrepris des manœuvres dolosives alors qu'il ne pouvait diagnostiquer lui-même le vice caché qui n'a été révélé que par le rapport demandé par Monsieur Lopez. Il constate que s'agissant du préjudice les garanties sont les mêmes en cas d'échange ou de vente et que Monsieur Baillard a en échange de la cession du véhicule litigieux reçu un autre véhicule 205 GTI à titre de l'action en paiement ainsi qu'une somme d'argent pour le surplus, de sorte que la somme de 65 000 F doit donc être retenue pour l'évaluation du préjudice;

Sur ce LA COUR,

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées;

Attendu qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus; que dans le cas de ventes successives d'un véhicule d'occasion, la garantie du vendeur initial peut être retenue si les vices cachés, constatés alors que la chose vendue était la propriété du dernier acquéreur existaient lors de la première vente;

Attendu qu'en l'espèce il est établi que Monsieur Baillard a cédé son véhicule le 26 novembre 1991 alors que celui-ci affichait un kilométrage de 49 700 kilomètres comme en fait foi le certificat de cession du véhicule régulièrement versé aux débats, que Monsieur Baillard a lui-même déclaré à l'expert Monsieur Echevard qu'il avait procédé en mai 1990 à l'échange du tableau de bord qui comprend entre autres le compteur et qu'il ne l'avait pas signalé à Monsieur Gachet, que cette expertise contradictoire en date du 26 mai 1994 indique qu'au 26 mai 1990 lors de l'achat du véhicule par Monsieur Baillard le véhicule accusait déjà 112 314 kms;

Que le kilométrage réel d'un véhicule étant l'unique moyen de mesurer la vétusté de la voiture, et du moteur en particulier, le vice est constitué dès lors que le vendeur ne fournît pas ces informations essentielles à l'acquéreur; que le vice apparaît comme rédhibitoire dès lors que l'acheteur s'est vu un peu plus d'un mois après la cession contraint d'acheter un nouveau moteur, que ce défaut était incontestablement propre à diminuer la valeur du véhicule;

Attendu que Monsieur Gachet ne peut être considéré comme un acheteur professionnel dès lors qu'il exerçait le métier de touer peintre au moment de la conclusion de la vente; qu'en cette qualité l'acheteur doit être considéré comme un simple particulier, que constitue donc un vice caché celui que seul un technicien aurait pu découvrir;

Que, par ailleurs Monsieur Baillard ne rapporte pas la preuve qu' au moment de la cession l'acheteur connaissait le kilométrage réel et ne justifie pas l'avoir informé à ce sujet; qu'il est, d'ailleurs, établi que le dossier d'entretien du véhicule n'a pas été remis à l'acquéreur lors de la cession;

Attendu qu'à supposer même que les parties se connaissaient, ce qui est indifférent en l'espèce, il n'est pas allégué que le prix n'aurait pas correspondu à la qualité revendiquée; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Baillard ne démontre pas que Monsieur Gachet ait accepté le véhicule en connaissance de cause et ne pourrait ainsi prétendre à la garantie;

Qu'il est démontré au contraire, que Monsieur Gachet n'a eu une connaissance certaine du vice qu'après l'expertise du véhicule en juin 1992 par Monsieur Foucher à la demande de Monsieur Lopez, qu'il a ainsi agit dans un bref délai en assignant Monsieur Baillard par acte du 2 avril 1993, qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que Monsieur Gachet est bien fondé à demander la résolution du contrat et la réparation du préjudice par lui subi du fait des vices cachés du véhicule;

Que l'acquéreur n'a pas demandé la remise en état du véhicule mais la résolution de la vente, que le choix de l'action rédhibitoire n'est donc pas discutable, qu'en application de l'article 1645 du Code civil le vendeur est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur si le vendeur connaissait les vices de la choses;

Qu'en l'espèce l'indemnisation doit donc être appréciée eu égard au prix reçu par Monsieur Baillard pour ledit véhicule; qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une éventuelle dépréciation de la chose, qu'il est constant que Monsieur Baillard a cédé son véhicule contre une valeur de 65 000 F, cette somme qui doit seule être retenue dès lors que Monsieur Baillard ne justifie pas des modalités précises de la cession; que la décision déférée doit être confirmée sur ce point;

Attendu qu'outre la restitution du prix le vendeur doit être condamné à rembourser les frais liés à la vente et justifiés par l'acquéreur ainsi qu'à la réparation intégrale du dommage dès lors que le vendeur connaissait le vice de la chose au moment de la conclusion du contrat, qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a condamné Monsieur Baillard à payer à Monsieur Gachet la somme totale de 80 793 F en réparation de son préjudice;

Attendu que les moyens fondés sur le dol sont dépourvus d'intérêt;

Attendu qu'eu égard aux dispositions du présent arrêt, l'appelant sera débouté de l'ensemble de ses demandes;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel; qu'il y a lieu en conséquence de condamner Monsieur Baillard à lui payer la somme de 4 000 F;

Par ces motifs, Et ceux non contraires des Premiers Juges, Statuant, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Et y ajoutant, Déboute Monsieur Baillard de l'ensemble de ses demandes, Condamne Monsieur Baillard à payer à Monsieur Gachet la somme de 4 000 F en remboursement des frais irrépétibles par lui exposés, Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.