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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 8 mars 2005, n° 02-03779

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobile Citroën (SA)

Défendeur :

Duchene, Macif Centre Ouest Atlantique (Sté), Nasa Citroën (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Avoués :

SCP Landry & Tapon, SCP Alirol & Laurent, SCP Paille & Thibaukt

Avocats :

Mes Brandet, Arzel, Munoz, Delisle.

TGI Niort, du 25 nov. 2002

25 novembre 2002

LA COUR,

Vu le jugement contradictoire en date du 25 novembre 2002 par lequel le Tribunal de grande instance de Niort a:

- dit que l'incendie survenu sur le véhicule Citroën appartenant à Monsieur Jean-Luc Duchene provient d'un vice caché antérieur à la vente;

- déclaré la SA Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën tenues de garantir Monsieur Jean-Luc Duchene et la MACIF Centre Ouest Atlantique en leur qualité de vendeur et de fabricant;

- condamné in solidum la SA, Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën à verser à la MACIF Centre Ouest Atlantique la somme de 22 845,84 euro et à Monsieur Jean-Luc Duchene la somme de 1 805,21 euro;

- dit que la SA Automobile Citroën sera tenue de garantir et de relever indemne la SA Nasa Citroën de toutes les condamnations prononcées;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire;

- condamné in solidum la SA Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën à verser à la MACIF la somme de 1 829,39 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la SA Automobile Citroën selon déclaration au greffe de la cour en date du 24 décembre 2002;

Vu les conclusions de la SA Automobile Citroën enregistrées au greffe le 10 avril 2003 aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter Monsieur Jean-Luc Duchene, la Compagnie MACIF et la SA Nasa Citroën de toutes leurs demandes dirigées contre elle et de les condamner solidairement au paiement d'une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions de Monsieur Jean-Luc Duchene et de la MACIF enregistrées au greffe le 21 octobre 2004 demandant à la cour de condamner solidairement la SA Automobile Citroën et la SA Nasa Citroën à verser:

- à Monsieur Jean-Luc Duchene la somme de 2 365,55 euro outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation;

- à la MACIF la somme de 22 845,84 euro outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la somme de 2 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- à Monsieur Jean-Luc Duchene et à la MACIF la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive;

Vu les conclusions de la SA Nasa Citroën en date du 7 mai 2004 aux termes desquelles elle demande à la cour de déclarer recevable son appel incident, de réformer le jugement entrepris en constatant que le véhicule litigieux n'était affecté d'aucun vice caché antérieur à la vente, en déboutant Monsieur Jean-Luc Duchene et sa compagnie d'assurances de toutes leurs demandes et à litre subsidiaire, en condamnant la SA Automobile Citroën à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre et en la condamnant in solidum avec Monsieur Jean-Luc Duchene et la MACIF au paiement d'une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état intervenue le 6 janvier 2005;

Sur ce

Monsieur Jean-Luc Duchene a acheté à la SA Nasa Citroën, le 16 février 2001 un véhicule diesel Citroën Jumper moyennant le prix de 19 556,77 euro.

Le 25 mai 2001, Monsieur Jean-Luc Duchene se plaignant d'émanations de gasoil, a ramené le véhicule chez son vendeur qui n'a rien détecté de suspect, changeant simplement un collier sur la durit d'alimentation de la pompe d'injection.

Le 26 mai 2001, constatant la persistance de cette odeur Monsieur Jean-Luc Duchene s'est présenté chez un autre concessionnaire Citroën à Mulhouse qui n'a rien décelé.

Le 30 mai 2001, le véhicule a été détruit par un incendie ayant pris naissance au niveau du groupe motopropulseur.

Monsieur Jean-Luc Duchene soutient que son vendeur, la SA Nasa Citroën, est tenue de l'indemniser sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, le véhicule étant entaché d'un vice caché antérieur à la vente.

De plus, il indique que la SA Automobile Citroën, fabricant du véhicule, a sa responsabilité engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 et suivants du Code civil.

Sur l'action dirigée a l'encontre de la SA Nasa Citroën

L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Ainsi en droit, un vice caché est une anomalie, une altération de la chose qui nuit à son bon fonctionnement et la rend impropre à l'usage auquel elle est destinée.

En l'espèce, il convient de relever que deux expertises amiables ont été Laites, l'une par l'assureur de Monsieur Jean-Luc Duchene et la seconde par l'assureur de la SA Automobile Citroën.

L'expert diligenté par la MACIF indique que le foyer d'incendie se situe dans le compartiment moteur avec une progression du feu d'avant vers l'arrière. Il précise qu'il n'est pas possible de mettre en cause les interventions des deux concessionnaires Citroën et il conclut qu'il s'agit d'un incendie fortuit relevant de la responsabilité du constructeur.

L'expert de la SA, Automobile Citroën confirme que le foyer de l'incendie se situe dans le compartiment moteur, il indique qu'à l'endroit où le feu a pris, il n'existe pas de source de chaleur suffisante pour enflammer du gazole et il ajoute qu'il ne pense pas que cet incendie soit consécutif à une fuite de carburant mais à une anomalie électrique. Il conclut que ses recherches n'ont pas permis de mettre en avant la responsabilité d'un tiers.

En l'espèce il convient de relever que ce véhicule était un véhicule neuf n'ayant parcouru que 14 000 km, l'autre part, il n'est nullement démontré ni même évoqué qu'un événement extérieur au véhicule puisse être à l'origine de l'incendie. Il n'est pas prétendu non plus une utilisation anormale de ce véhicule par Monsieur Jean-Luc Duchene.

Dans ces conditions, l'incendie révèle nécessairement l'existence d'un vice caché lié à une défaillance du système électrique qui ne pouvait être qu'un vice de construction antérieur à la vente.

Le fait que Monsieur Jean-Luc Duchene n'ait pas fait procéder à la visite technique prévue par le constructeur entre 1 500 et 2 500 km ne saurait exclure la garantie due par le vendeur cette visite ayant pour seule conséquence de permettre d'invoquer la garantie contractuelle. En outre, Monsieur Jean-Luc Duchene a fait preuve de diligence, contrairement aux affirmations de la SA Nasa Citroën, dans la mesure où il a consulté deux garagistes concessionnaires Citroën dés qu'il a constaté la présence d'odeurs anormales dans son véhicule.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la garantie de la SA Nasa Citroën sur le fondement des vices cachés.

Sur l'action dirigée contre la SA Automobile Citroën

L'article 1386-1 du Code civil édicte une responsabilité de plein droit du producteur pour un défaut de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

L'article 1386-4 précise qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que dans l'appréciation de cette sécurité, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de l'usage qui peut on être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Ainsi la loi édicte une responsabilité de plein droit du producteur tout en prescrivant à la charge de la victime la nécessité de rapporter la triple preuve du fait du produit, du dommage et du lien de causalité, la victime n'étant pas tenue de prouver l'origine de l'absence de sécurité du produit. Le dommage dont la cause est inconnue reste à la charge du producteur. En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur Jean-Luc Duchene rapporte bien la preuve que le véhicule a brûlé spontanément, il résulte de ces seuls faits que le véhicule ne présentait pas la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre.

La responsabilité de plein droit de la SA Automobile Citroën est donc engagée, la SA Automobile Citroën n'invoquant ni ne prouvant aucun des cas d'exonération prévus à l'article 1386-11 du Code civil notamment que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation ou que ce défaut est né postérieurement.

La SA Automobile Citroën reproche à Monsieur Jean-Luc Duchene d'avoir aggravé le sinistre par son imprudence notamment en cherchant à éteindre l'incendie en étouffant les flammes à proximité du moto-ventilateur, aggravant ainsi la propagation de ces flammes.

Cependant si la faute de la victime peut réduire ou supprimer la responsabilité du producteur, il convient de relever en l'espèce que la tentative pour éteindre l'incendie par Monsieur Jean-Luc Duchene au moyen d'une couverture n'est nullement à l'origine initiale du dommage causé par le défaut du produit. En outre, il n'est nullement établi que si Monsieur Jean-Luc Duchene n'avait tenté aucun geste de sauvetage, l'incendie se serait cantonné au support du moto-ventilateur, l'expert de la SA Automobile Citroën, lui-même utilisant le conditionnel quant à la possibilité d'une limitation de l'incendie sans cette intervention,

Ainsi aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Monsieur Jean-Luc Duchene de nature à réduire la responsabilité du fabricant.

La SA Automobile Citroën sera tenue d'indemniser Monsieur Jean-Luc Duchene de son entier préjudice.

Sur le montant du préjudice

Monsieur Jean-Luc Duchene et Sa compagnie d'assurance, la MACIF, sollicitent l'indemnisation de l'entier préjudice évalué à la somme de 25 211,39 euro.

Il convient de constater que ni la SA Automobile Citroën ni la SA Nasa Citroën ne formulent la moindre remarque sur le montant de la somme réclamée tant par la MACIF que par SA Automobile Citroën, au titre du préjudice subi par Monsieur Jean-Luc Duchene.

En conséquence, il y a lieu de condamner in solidum la SA Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën à verser à la MACIF la somme de 22 845,83 euro correspondant à la quittance subrogative signée par Monsieur Jean-Luc Duchene et à Monsieur Jean-Luc Duchene la somme de 2 060,41 euro correspondant aux frais restés à sa charge au vu des pièces produites outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation.

Sur l'appel en garantie de la SA Nasa Citroën

La SA Nasa Citroën demande à être garantie et relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre par la SA Automobile Citroën.

L'article 1386-7 alinéa 2 dispose que le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut.

En conséquence, la responsabilité de plein de la SA Automobile Citroën doit être retenue à l'égard de la SA Nasa Citroën, le défaut de sécurité relevant de la seule responsabilité du fabriquant.

La SA Automobile Citroën devra relever indemne la SA Nasa Citroën de toute condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière.

Sur la demande en dommages et intérêts

Monsieur Jean-Luc Duchene et la MACIF sollicitent l'octroi dune somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Cependant l'exercice d'une action en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, il échet de relever que Monsieur Jean-Luc Duchene et la MACIF ne démontrent ni l'existence d'une telle attitude de la part de la SA Nasa Citroën et de la SA Automobile Citroën rendant abusif l'appel interjeté ni même l'existence d'un dommage précis. Il convient en conséquence de les débouter de ce chef de demande.

Sur l'article 700 du nouveau Code procédure civile

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la MACIF les fiais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel. Il échet de condamner in solidum la SA Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën à lui verser la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

De même il apparaît inéquitable de laisser à la charge de SA Nasa Citroën les frais irrépétibles qu'elle a exposé. Il y a lieu de condamner la SA Automobile Citroën à lui verser la somme de 1 000 euro à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exclusion du montant des dommages et intérêts dus à Monsieur Jean-Luc Duchene et des dépens, Statuant à nouveau sur ces chefs de demande, Condamne la SA Nasa Citroën et la SA Automobile Citroën in solidum à payer à Monsieur Jean-Luc Duchene la somme de 2 060,41 euro à titre de dommages et intérêts. Dit que la SA Automobile Citroën sera tenue de relever indemne la SA Nasa Citroën des condamnations prononcées au titre des dépens. Y ajoutant, Déboute la MACIF et Monsieur Jean-Luc Duchene de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive. Condamne la SA Automobile Citroën et la SA Nasa Citroën à verser à la MACIF la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dit que la SA Automobile Citroën devra relever indemne la SA Nasa Citroën de toutes condamnations y compris l'indemnité due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SA Automobile Citroën à verser à la SA Nasa Citroën la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SA Automobile Citroën aux dépens d'appel. Autorise l'application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.