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Décisions

CA Paris, 9e ch. corr., 17 janvier 1992, n° 91-1581

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

FO Consommateurs,

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kuhn

Avocat général :

M. Fortin

Conseillers :

Mme Beauquis, M. Pelletier

Avocats :

Mes Azoulai, Fremaux.

TGI Paris, 31e ch., du 29 janv. 1991

29 janvier 1991

Rappel de la procédure

A) Le jugement

Le 29 janvier 1991 la 31e chambre du Tribunal de grande instance de Paris a déclaré M Frédérique coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne dans une vente à domicile (faits commis à Paris courant juillet 1989 à courant août 1989 prévus et punis par les articles 7 et 8 de la loi du 22 décembre 1972) et par application de l'article 43-2 du Code pénal, a prononcé à l'encontre de M Frédérique, à titre de peine principale, l'interdiction d'exercer une profession de démarchage à domicile sous quelque forme et selon quelque modalité que ce soit pendant une durée de cinq ans.

Sur l'action civile, le tribunal a reçu la société Association FO Consommateurs Direction Générale des Impôts, en sa constitution de partie civile, et a condamné M Frédérique à lui payer la somme de cinq mille (5 000) francs à titre de dommages-intérêts, et celle de mille cinq cents (1 500) francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le tribunal a condamné en outre M Frédérique aux dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 403,44 F, droit de poste et droit fixe de procédure inclus.

X a été déclaré civilement responsable de M Frédérique, se préposée.

B) Les appels

Appel a été interjeté par :

- Me Neidhart Jean Christophe, avocat, au nom de M Frédérique, le 6 février 1991, (sur les dispositions pénales et civiles du jugement),

- M. le Procureur de la République de Paris, le même jour.

Décision prise après en avoir délibéré conformement à la loi,

Sur la forme :

Considérant que les appels interjetés par Frédérique M et le Ministère public dans les formes et délais légaux sont recevables ;

Sur le fond

Considérant que la société X ayant pour objet "la diffusion des arts de la table" a vendu, par l'intermédiaire de ses démarcheurs à domicile, à Mireille Babet, le 5 juillet 1989 un service de table de 44 pièces pour un montant de 5 900 F, le 26 juillet suivant, un service à café de 27 pièces pour 3 400 F et le 25 août une ménagère de 124 pièces pour 14 900 F ; qu'à la suite de cette dernière vente conclue par l'intermédiaire de Frédérique M, Babet a porté plainte devant les services de police, affirmant notamment qu'elle avait dit à cette vendeuse qu'elle ne pouvait pas se permettre d'acheter la ménagère, s'agissant d'un article très cher et qu'elle ne se souvenait pas "avoir signé quelque chose" ;

Considérant que pour solliciter devant la cour sa relaxe du chef d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne dans une vente à domicile, M relève d'une part que Babet a signé, sans aucune contrainte, le bon de commande de la ménagère après avoir sollicité un crédit et s'être engagée à payer une somme de 300 F à la livraison ; que, d'autre part, elle soutient qu'elle n'a jamais eu d'intention frauduleuse lors de cette vente ;

Sur ce :

Considérant que le délit d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne dans une vente à domicile, tel que prévu par l'article 7 de la loi du 22 décembre 1972, n'est caractérisé que si les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle a pris ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou fait apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ;

Considérant, en l'espèce, que Frédérique M qui n'était employée par le X que depuis la fin du mois de juin 1989, a fait souscrire à Mireille Babet uniquement le bon de commande du 25 août 1989, lequel a bien été approuvé et signé par cette dernière ; que lors de la plupart des précédentes visites au domicile de celle-ci, la prévenue était accompagnée d'un vendeur expérimenté de la société précitée, lequel n'a d'ailleurs jamais été entendu lors de l'enquête préliminaire ; qu'en ce qui concerne la vente de la ménagère, le 25 août 1989, qui, par la suite, n'a fait l'objet d'aucune facturation ou livraison, aucun élément ne permet d'établir que Mireille Babet qui était depuis un an et demi, une cliente habituelle du X, n'était pas en mesure d'apprécier la portée de son engagement, ou ait subi une contrainte quelconque de la part de la prévenue ; que son age ne saurait faire présumer un état de faiblesse ou d'ignorance ; qu'en ce qui concerne la marchandise commandée, Mireille Babet a déclaré que si elle n'en avait pas elle-même l'utilité, elle l'avait toutefois achetée pour l'offrir à sa famille ; qu'enfin, elle n'a jamais prétendu que lors de la vente litigieuse, elle avait été victime, de la part de la prévenue, de ruses ou d'artifices pour la convaincre à souscrire cet engagement ;

Considérant dès lors que le délit n'étant caractérisé en aucun de ses éléments, la prévenue doit être relaxée.

Sur l'action civile

Considérant qu'en raison de la relaxe, l'Association FO Consommateurs, partie civile, doit être déboutée de ses demandes ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. Reçoit les appels. Infirmant le jugement, renvoie Frédérique M des fins de la poursuite. Déboute la partie civile de ses demandes. Laisse les frais de première instance et d'appel à la charge du Trésor public.