Cass. crim., 3 mai 1974, n° 73-92.289
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rolland
Rapporteur :
M. Pucheus
Avocat général :
M. Albaut
Avocats :
Mes George, Coulet.
LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par R (Pierre), contre un arrêt de la Cour d'appel de Lyon (4e chambre correctionnelle) du 21 juin 1973 qui, pour infractions à la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, à la loi du 6 mai 1919 sur les appellations d'origine, à la loi du 26 mars 1930 et à l'ordonnance du 12 septembre 1967 relatives aux indications d'origine des marchandises et des vins, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 8 000 francs d'amende et a des réparations civiles envers l'institut national des appellations d'origine la cour, vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 2 du Code pénal, 5 du décret du 22 janvier 1919, 593 du Code de procédure pénale, article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de réponse aux conclusions, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué, sans répondre au moyen tiré de ce que le prélèvement de bordereaux d'échantillons dans le laboratoire qui n'est pas visé au texte de l'article 5 du décret du 22 janvier 1919 était contraire à la loi, a considéré l'envoi d'échantillons non conformes à la désignation du contenu comme constituant une tentative de tromperie à l'égard des acheteurs éventuels sollicités par ces envois d'échantillons ;
" alors que le fait ainsi constaté caractérise, à le supposer établi, non pas un commencement d'exécution, mais une acte préparatoire, non punissable, du fait que l'envoi d'échantillon destiné à susciter une commande n'a pas pour conséquence directe et immédiate la livraison de marchandises conformes à cet échantillon, étant de surcroît constate qu'aucune commande conforme aux échantillons incriminés n'a été reçue par le demandeur " ;
Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que trente-sept échantillons de vins ont été adresses à des clients des établissements R sous des bordereaux faisant état d'appellation d'origine ou de dénominations de provenance auxquelles ces vins ne pouvaient prétendre s'agissant de vins de coupage de consommation courante ;
Attendu que pour déclarer R coupable, à raison de ces faits de tentative de tromperie sur l'origine et la qualité substantielle de la marchandise, délit prévu et réprimé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, les juges d'appel, répondant aux conclusions du prévenu reprises au moyen, énoncent que l'envoi des échantillons dans les conditions ci-dessus décrites constitue le commencement d'exécution qui caractérise cette tentative, la circonstance alléguée selon laquelle aucune commande ne s'en serait suivie étant indépendante de la volonté du prévenu ;
Attendu que cette décision est justifiée ; qu'en effet, le commencement d'exécution est constitué au sens de l'article 2 du Code pénal par tous les actes qui tendent directement et immédiatement à la consommation du délit, le prévenu étant ainsi entre dans la période d'exécution ; que tel est bien le cas en l'espèce d'une proposition de vente qui, appuyée par l'envoi d'un échantillon assorti d'indications fausses doit, dans l'intention de son auteur, déterminer la conclusion de la vente et entraîner une tromperie dont l'acheteur sera la victime ; qu'ainsi le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 1er et suivants du traité de Rome, du règlement communautaire n° 1697-70 du 25 août 1970, de l'article 593 du Code de procédure pénale, article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'application à des faits commis avant sa promulgation, du règlement communautaire qui permet le déclassement de certains vins tel que le " moscato di trani " par l'organisme compétent désigné par l'Etat membre producteur ;
" au motif que ledit règlement ne serait pas rétroactif ;
" alors qu'il est de principe que les lois et règlements dont les dispositions sont moins rigoureuses que celles des textes sous l'empire desquels le fait a été commis sont applicables en tout état de cause, en cours d'instance, aux faits commis avant leur promulgation, et que, par conséquent, le fait constaté échappe à toute répression depuis le 25 août 1970, des lors que le demandeur a été autorisé à déclasser le vin dont s'agit par les autorités compétentes italiennes, ainsi qu'il ressort de l'arrêt déféré ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce qu'il est reconnu par le prévenu que, de 1966 à 1969, il a vendu, sous la dénomination de " musca " 1826, 88 hectolitres d'un vin de provenance italienne dit " moscato di trani ", sans aucune indication de cette provenance ni même de celle plus générale de vin importé d'Italie ; que R a ainsi méconnu, d'une part, l'article 1er de l'ordonnance du 12 septembre 1967 prescrivant une telle indication pour les vins d'origine étrangère et, d'autre part, l'article 2 de la loi du 26 mars 1930 qui punit des peines portées par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, ceux qui, par un moyen quelconque, ont fait croire à l'origine française de produits étrangers ;
Attendu que, répondant aux conclusions reprises au moyen, les juges d'appel précisent que le prévenu ne saurait se prévaloir du règlement n° 1697-70 de la Commission des Communautés européennes du 25 août 1970 autorisant, dans certaines conditions, le déclassement des vins dits " vins de qualité produits dans des régions déterminées (vqprd) " et interdisant pour des vins ainsi déclassés toute désignation rappelant cette appellation ; qu'en effet, cette réglementation est de plusieurs années postérieure aux faits imputés au prévenu ;
Attendu que par ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, les textes réglementaires en matière économique ne rétroagissent pas, à moins de dispositions contraires formellement exprimées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que les règlements pris par la Commission des Communautés européennes n'échappent pas à ce principe ; que des lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.