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Décisions

CE, 2e et 7e sous-sect. réunies, 27 juillet 2005, n° 261949

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

PLM Affichage (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Commissaire du gouvernement :

Mme de Silva

Rapporteur :

Mme Maugüé

Avocats :

SCP Peignot, Garreau

CE n° 261949

27 juillet 2005

LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2003 et 22 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société PLM Affichage, dont le siège est 10, rue Lagille à Paris (75018), représentée par son gérant en exercice ; la société PLM Affichage demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours du 7 mai 2003 demandant l'abrogation de l'alinéa 2 de l'article 9 du décret n° 80-923 du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code de l'environnement, notamment ses articles L. 581-1 et suivants ; Vu le décret n° 76-148 du 11 février 1976 relatif à la publicité et aux enseignes visibles des voies ouvertes à la circulation publique, modifié ; Vu le décret n° 80-923 du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération, modifié ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Christine Maugüé, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société PLM Affichage, - les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société PLM Affichage a demandé au Premier ministre, le 7 mai 2003, l'abrogation du second alinéa de l'article 9 du décret du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération ; que le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de deux mois, il en est résulté une décision implicite de rejet que la société PLM Affichage conteste pour excès de pouvoir ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision implicite de rejet : - Considérant que, même si la demande de la société requérante a été transmise pour avis au ministre de l'Ecologie et du Développement durable, le refus implicite opposé à cette demande est réputé avoir été pris par le Premier ministre, auquel était adressée la demande, et non par une autre autorité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'incompétence doit être écarté ;

Sur la légalité du second alinéa de l'article 9 du décret du 21 novembre 1980 : - Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 21 novembre 1980 portant règlement national de publicité en agglomération : Les dispositifs publicitaires non lumineux, scellés au sol ou installés directement sur le sol sont interdits dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants qui ne font pas partie d'un ensemble multicommunal de plus de 100 000 habitants tel qu'il est défini par l'Institut national des statistiques et études économiques. / Dans les autres agglomérations, ces dispositifs sont interdits si les affiches qu'ils supportent sont visibles d'une autoroute ou d'une bretelle de raccordement à une autoroute ainsi que d'une route express, déviation ou voie publique hors agglomération ;

Considérant que la société soutient que les dispositions du second alinéa de cet article méconnaissent le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; que ces dispositions ont pour effet d'interdire les dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés sur le sol s'ils sont visibles d'une autoroute ou d'une bretelle, que celles-ci soient en ou hors agglomération ; qu'en revanche, les dispositions précitées n'interdisent ni les enseignes ou préenseignes dérogatoires, ni les dispositifs lumineux, ni les supports muraux, ni les supports installés en terrasse ou sur toitures, alors même qu'ils seraient visibles depuis une autoroute ; que dans ces conditions, le second alinéa de l'article 9 du décret de 1980 n'interdit pas de manière générale et absolue les dispositifs publicitaires visibles depuis les autoroutes ; que, compte tenu de l'objectif de protection du cadre de vie en vue duquel elles ont été prises, les dispositions de cet article ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ;

Considérant que la société soutient, en outre, que les dispositions litigieuses méconnaissent le principe de la liberté d'affichage posé par l'article L. 581-1 du Code de l'environnement, aux termes duquel : Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu'en soit la nature, par le moyen de la publicité, d'enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre ; que, toutefois, la liberté de publicité et d'affichage énoncée par cet article du Code de l'environnement comporte de nombreuses limitations ; qu'en particulier, l'affichage publicitaire est interdit en dehors des agglomérations et n'est autorisé dans les agglomérations que sous plusieurs réserves ; que l'interdiction édictée par le second alinéa de l'article 9 du décret du 21 novembre 1980 n'est ni générale ni absolue et ne concerne que les dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés sur le sol visibles depuis une autoroute ; que l'objectif de protection du cadre de vie en milieu urbain en vue duquel cette disposition a été prise pouvait justifier une telle interdiction, destinée à limiter la dégradation des paysages urbains visibles depuis des voies comportant des flux importants de circulation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'interdiction posée par le second alinéa de l'article 9 du décret de 1980 porterait à la liberté de la publicité et de l'affichage une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi doit être écarté ;

Considérant, en outre, que la circonstance que les prescriptions contestées soient plus sévères que les règles édictées dans l'intérêt de la sécurité routière par le décret du 11 février 1976 relatif à la publicité et aux enseignes visibles des voies ouvertes à la circulation publique, dont l'article 9 impose seulement, en agglomération, un recul des dispositifs publicitaires par rapport aux voies rapides, catégorie dont font partie les autoroutes, n'est pas de nature à démontrer leur illégalité, aucune règle ni aucun principe n'imposant que les mesures prises pour protéger le cadre de vie soient, de façon générale, moins sévères que les règles édictées dans l'intérêt de la sécurité routière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PLM Affichage n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative : - Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société PLM Affichage la somme que celle-ci demande au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : La requête de la société PLM Affichage est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société PLM Affichage, au Premier ministre et au ministre de l'Ecologie et du Développement durable.