Cass. 3e civ., 4 juin 1986, n° 84-10.902
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Idiart (Epoux)
Défendeur :
Heid et Cie (SCS), Panendus (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monégier du Sorbier
Rapporteur :
M. Petit
Avocat général :
M. Ortolland
Avocats :
SCP Martin-Martinière, Ricard.
LA COUR : - Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en application de l'article 1244 du Code civil, infirmé l'ordonnance de référé entreprise, donné acte à la société Heid de ce qu'elle a versé ou offre de verser la totalité des sommes réclamées par les époux Idiart et pour l'instant celle de 85 715,30 francs ; dit que la société Panendus sera réintégrée dans les lieux dont elle n'a pu être expulsée qu'aux risques et périls des époux Idiart parfaitement informés de l'appel interjeté et des offres de la caution, et laissé les dépens à leur charge ;
Aux motifs qu'il résulte des écritures des parties que les époux Idiart ont cédé, pour la somme de 500 000 francs, payable par mensualités de 10 071,53 francs un fonds de commerce à la société Panendus, qui, en raison de difficultés financières, "s'est trouvée en retard dans le paiement des loyers" ; qu'un commandement, puis une assignation ont été délivrés à cette société, le créancier considérant la clause résolutoire comme acquise et la vente comme résiliée ; que c'est à tort cependant que le premier juge a considéré comme excédant ses pouvoirs, et irrecevable devant lui, d'accorder des délais de grâce, par application de l'article 1244 du Code civil, ce texte étant applicable devant toutes les juridictions et pouvant faire échec à l'application de la clause résolutoire lorsqu'il résulte des circonstances que le créancier touchera son dû, sans préjudice pour lui, et si, comme en l'espèce, les retards sont causés par des difficultés passagères de trésorerie, et qu'une caution offre de payer (arrêt page 3 alinéas 1 et 3).
Alors que, d'une part, il résulte des conclusions des parties que la demande des époux Idiart, tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et à faire déclarer la vente résiliée, était fondée sur le retard de la société Panendus dans le paiement des mensualités du prix de vente du droit au bail et non sur le retard de cette société dans le paiement de ses loyers ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions prises et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile.
Alors que, d'autre part, en présence d'une clause résolutoire déjà acquise, le juge ne peut que constater la résolution de la convention et n'a pas le pouvoir d'accorder, sur le fondement de l'article 1244 du Code civil, des délais de grâce au débiteur pour s'exécuter, à moins qu'une disposition légale particulière ne lui permette l'application de ce texte nonobstant l'insertion d'une clause résolutoire dans la convention ; qu'en décidant, en l'espèce d'appliquer l'article 1244 du Code civil et d'accorder des délais de grâce à la société Panendus pour se libérer du prix de vente d'un droit au bail, bien qu'aucune disposition particulière n'accorde un tel pouvoir au juge des référés, en cas de mention d'une clause résolutoire dans l'acte de cession d'un droit au bail, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1244 du Code civil.
Sur le moyen unique : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande de constatation de résiliation de la vente d'un fonds de commerce, par application d'une clause résolutoire, que les époux Idiart, vendeurs, avaient formée contre la société Panendus pour défaut de paiement de trois échéances mensuelles du prix de vente, l'arrêt attaqué (Pau, 15 décembre 1983) statuant en référé, retient que c'est à tort que le premier juge a considéré comme excédant ses pouvoirs l'octroi de délai par application de l'article 1244 du Code civil, cet article et les dispositions qu'il contient étant applicables devant toutes les juridictions et pouvant faire échec à la clause résolutoire s'il résulte des circonstances que le créancier touchera son dû sans qu'il en résulte pour lui de préjudice, en particulier si les retards sont simplement dus à des difficultés passagères de trésorerie et qu'une caution lui offre les sommes qu'il réclame ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule l'arrêt rendu le 15 décembre 1983, entre les parties, par la Cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Agen, a ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.