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Décisions

CA Toulouse, 1re ch., 13 janvier 1992, n° 1446-88

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fort

Défendeur :

Rey (ès qual.), Ma Maison (Sté), Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse Centre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Clavel (faisant fonction)

Avoués :

SCP Malet, SCP Rives, SCP Sorel-Dessart

Avocats :

Mes Redon, Dublanche, Decker.

TGI Toulouse, du 3 mars 1988

3 mars 1988

Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 septembre 1991,

Attendu que Mme Josiane Fort épouse Tapias a régulièrement interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Toulouse du 3 mars 1988 qui, statuant dans une instance l'opposant à Me Rey ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ma Maison et à la société Coopérative Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse Centre a débouté l'appelante de ses demandes à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel tendant à l'application des dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1975, a débouté Me Rey ès qualités de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Mailly Guy 31 rue des lois à Toulouse 31000 ou à défaut à M. Rouch Henri 8, rue Sainte Anne à Toulouse 31, avec mission d'entendre les parties, de visiter les lieux litigieux, de se faire communiquer tous documents nécessaires à l'effet de :

- examiner les pièces contractuelles,

- vérifier l'existence des désordres et en déterminer l'origine,

- dire s'ils proviennent d'une erreur de conception, d'une malfaçon dans la mise en œuvre des matériaux ou de toute autre cause,

- préciser les personnes susceptibles d'être concernées par les désordres allégués,

- indiquer les travaux propres à y remédier, les évaluer le cas échéant, décrire et évaluer dans un compte-rendu les travaux indispensables à effectuer à bref délai,

- donner au tribunal tous éléments permettant d'évaluer les préjudices éventuellement subis

- recueillir les observations des parties sur les pré-conclusions avant le dépôt du rapport.

Attendu que cette même décision a fixé à 3 000 F le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert que Madame Fort devra consigner au Greffe du Tribunal de grande instance de Toulouse dans le délai d'un mois à compter de la présente décision ;

Attendu que Mme Tapias née Fort Josiane demande à la cour d'appel :

- d'ordonner la suspension du contrat de prêt souscrit par elle auprès de la société de Crédit Mutuel de Toulouse Centre à compter du 26 octobre 1987 jusqu'à la solution parfaite du litige concernant les malfaçons affectant l'immeuble construit par la société Ma Maison,

- de dire qu'à l'issue de la période de la suspension judiciaire le remboursement des échéances impayées pendant le délai de suspension sera reporté en fin de contrat,

- de dire que les échéances reportées ne produiront pas intérêt pendant la durée de la suspension.

Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse conclut au principal à la confirmation du jugement dont appel ;

Attendu qu'elle demande à titre très subsidiaire pour le cas où la cour réformerait le jugement entrepris, de condamner Me Rey ès qualités de syndic de la liquidation de biens de la société "Ma Maison" à réparer la totalité du préjudice subi ;

Attendu qu'en toute hypothèse elle demande que Mme Tapias née fort soit condamnée à lui payer 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que Me Christian Rey agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ma Maison comparaît comme ayant constitué avoué mais ne donne pas de conclusions ;

Attendu que par contrat du 3 octobre 1985, Madame Tapias épouse Fort a souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse un emprunt de 531 000 F remboursable sur 240 mois au taux effectif global de 12,19 % pour la construction d'une maison individuelle à Plaisance du Touch ;

Attendu que suivant contrat en date du 27 novembre 1985, Madame Tapias a confié la construction de cette maison à la société Ma Maison autorisée par Me Christian Rey agissant en qualité de syndic de la liquidation des biens de l'entreprise Maison Occitane à reprendre le carnet de commande de cette société ;

Attendu qu'à son tour la société Ma Maison a été déclarée en liquidation judiciaire le 4 septembre 1987 ;

Attendu que les travaux ayant été entièrement réglés, Mme Tapias qui a pris possession de la maison fin septembre 1986 s'est plainte de malfaçons importantes rendant l'immeuble insalubre au point qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de se reloger avec ses quatre enfants ;

Attendu que la demande qu'elle a formée par exploit du 26 octobre 1987 à l'encontre des intimés vise d'une part à voir reconnaître la responsabilité de la société Ma Maison dans l'existence des malfaçons, et à obtenir réparation du préjudice subi par elle de ce fait, et d'autre part, à voir ordonner la suspension du contrat de prêt consenti par la Caisse de Crédit Mutuel ;

Attendu qu'au soutien de la demande de suspension qu'elle forme à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse, Mme Tapias invoque les dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1975 qui dispose "Lorsqu'il est déclaré dans l'acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages et des travaux immobiliers au moyen d'un contrat de promotion, construction, de maîtrise d'œuvre et d'entreprise le tribunal peut, en cas de constatation ou d'accident affectant l'exécution du contrat et jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à l'indemnisation ;

Attendu que les parties concernées reconnaissent que ce texte est applicable en l'espèce, mais en donnent une interprétation différente, celle de la Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse étant restrictive puisqu'elle limite l'application de la suspension au cours de l'exécution du contrat de construction qui a pris fin par la réception tacite de l'ouvrage découlant de la prise de possession des biens, thèse admise par les premiers juges ;

Attendu que cette interprétation est erronée car le fait que la constatation affecte l'exécution signifie qu'elle lui est simplement relative et non contemporaine et n'impose pas comme condition à la portée de ladite constatation dans les rapports avec l'organisme de crédit qu'elle intervienne pendant la durée de ladite exécution, ce qui constituerait une condition de délai dont l'exigence ajouterait une disposition non prévue au texte ;

Attendu que par ailleurs les malfaçons alléguées, étant des conséquences de défectuosités dans l'exécution, la demande de suspension du contrat de prêt formé est justifiée ;

Attendu qu'en ce qui concerne la demande ayant trait aux malfaçons il y a lieu de confirmer toutes les dispositions relatives aux mesures visant à rechercher l'existence de désordres dans la construction, les moyens d'y mettre fin, le coût des travaux et l'importance du préjudice subi ;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Réformant le jugement dont appel, Ordonne la suspension du contrat de prêt souscrit le 10 octobre 1985 par Mme Tapias auprès de la société de Crédit Mutuel de Toulouse Centre à compter du 26 octobre 1987 jusqu' a la solution parfaite du litige concernant les malfaçons affectant l'immeuble construit par la société Ma Maison, Dit qu'à l'issue de la période de la suspension judiciaire le remboursement des échéances impayées pendant le délai de suspension sera reportée en fin de contrat, Dit que les échéances reportées ne produiront pas intérêt pendant la durée de la suspension, Dit que Me Rey ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société Ma Maison doit réparer l'intégralité du préjudice subi par la société coopérative Caisse de Crédit Mutuel de Toulouse Centre. Condamne Me Rey aux dépens.