CA Rouen, 1re ch. civ., 12 septembre 1990, n° 767-89
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mulot
Défendeur :
Madillac (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Falcone
Conseillers :
MM. Brocart, Charbonnier
Avoués :
Me Couppey, SCP Marin-Greff-Curat
Avocats :
Mes Buhot, Dubois.
Le 8 novembre 1986 les époux Madillac offraient, par l'intermédiaire de l'agent immobilier Alain Mulot, d'acquérir un appartement à Rouen moyennant le prix de 979 000 F ; leur promesse était valable jusqu'au 18 novembre 1986 et ils versaient 50 000 F d'acompte sur le prix qui devait être versé " sans emprunt " de la part des acquéreurs ;
Dès le lendemain les époux Madillac renonçaient à ce projet et le chèque de 50 000 F revenait impayé ; par lettre datée du 19 janvier 1987 ils révoquaient d'autre part le mandat de vente de leur propre appartement, donné au même agent immobilier, et ce à compter du 8 février 1987 ;
Alain Mulot est régulièrement appelant d'un jugement auquel la cour renvoie pour exposé, rendu le 8 novembre 1988 par le Tribunal de grande instance de Rouen qui a condamné les époux Madillac à lui payer 10 000 F pour avoir fautivement renoncé à leur acquisition et l'a débouté de sa demande en paiement de commission pour la deuxième opération de vente aux motifs qu'il ne démontrait pas que ses mandants avaient mis obstacle à l'exécution de sa mission ou qu'ils auraient vendu leur immeuble avant le terme du mandat exclusif dont il bénéficiait ;
L'appelant réclame aux intimés un total de 94 500 F en faisant valoir qu'à tort les premiers juges ont limité à 10 000 F sa rémunération prévue pour la première vente et que les époux Madillac ont agi en fraude de ses droits en vendant leur bien hors son intermédiaire, après l'avoir empêché d'exercer sa mission ;
Les époux Madillac forment appel incident pour être déchargés du paiement des 10 000 F auquel ils ont été condamnés ;
Sur ce,
Attendu que la promesse d'acheter émanant des époux Madillac a été acceptée par la venderesse ainsi que l'atteste la signature de celle-ci sur l'acte enregistrée le 18 novembre 1986, que les intimés sont donc mal fondés à prétendre que la promesse n' aurait pas été acceptée avant cette date ;
Attendu que le paiement du prix était prévu "sans emprunt", que les acquéreurs n'ont pas mentionné de leur main qu'ils reconnaissaient avoir été informés de ce qu'ils ne pourraient se prévaloir des dispositions de la loi du 13 juillet 1979 s'ils entendaient néanmoins recourir à un emprunt, qu'en application de cette loi la vente était subordonnée à l'obtention d'un prêt s'il en était sollicité un ;
Attendu que si les époux Madillac n'étaient pas fondés à obtenir l'annulation de leur engagement d'acheter, sollicitée le 9 novembre 1986 pour des motifs personnels exprimés dans un courrier adressé à l'agent immobilier, ils n'ont pas renoncé à obtenir le cas échéant un emprunt pour financer leur acquisition, comme la loi du 13 juillet 1979 les y autorisait, même s'ils disposaient des liquidités nécessaires à leur acquisition ;
Attendu qu'il n'est pas établi que leur demande de prêt aurait été établie dans des conditions fantaisistes de manière à se heurter inéluctablement à un refus, que celui-ci résulte de la lettre du 11 décembre 1986 du Crédit Lyonnais dont les termes ne permettent pas de retenir l'existence de fraude ;
Attendu que le mandat de vente consenti par les époux Madillac à Alain Mulot a été révoqué à l'issue de sa période initiale de trois mois, que la seule attestation d'une employée de l'appelant principal ne suffit pas à caractériser le fait que les intimés auraient fautivement entravé l'accomplissement de sa mission ;
Attendu qu'il n'est pas prouvé que les époux Madillac auraient, pendant la durée du mandat exclusif, négocié directement ou indirectement la vente de leur immeuble, que cette preuve ne résulte pas de l'absence de production du compromis de vente qui aurait précédé la vente elle-même, étant précisé d'une part que la communication forcée de cette pièce n'a pas été réclamée et que, d'autre part, l'agent immobilier n'a présenté aucun acquéreur aux intimés ;
Attendu en définitive que les prétentions de l'appelant ne sont pas fondées, qu'il n'est pas inéquitable de laisser aux époux Madillac la charge de leurs frais irrépétibles de procédure ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement Reçoit les appels principal et incident ; Réformant et statuant à nouveau ; Déboute Alain Mulot de toutes ses demandes ; Condamne Alain Mulot à payer aux époux Madillac 50 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 1987 date de l'assignation valant mise en demeure ; Déboute les époux Madillac de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Alain Mulot aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Magrin/Greff/Curat, avoués, à recouvrer directement contre lui ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans recevoir provision.