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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 25 octobre 1990, n° 89-1404

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CFF (SA), UCB (Sté)

Défendeur :

Mortes Ibanez

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gourlet

Conseillers :

Mmes Favre, Jaubert

Avoués :

SCP Bollet Baskal, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Vidal de Verneix, De Sainte Lorette.

TGI Paris, 5e ch., 1re sect., du 16 nov.…

16 novembre 1988

Prétendant avoir acquis un local pour l'habiter et reprochant à son banquier de lui avoir consenti un prêt en violation des dispositions de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection du consommateur dans le domaine immobilier, Monsieur Mortes Ibanez a assigné le Crédit Foncier de France, ci-après dénomme CFF et l'Union de Crédit pour le Bâtiment, ci-après UCB :

- en nullité du contrat de prêt du 11 octobre 1983, offrant d'en rembourser le principal soit 270 000 F,

- subsidiairement, en fixation de sa dette exigible au quatrième trimestre 1987 à la somme de 157 194,25 F, offrant de régler ses impayés sans intérêts de retard, frais ou indemnités,

- très subsidiairement, en application des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure, offrant de régler sa dette dans un délai de trois ans et les intérêts sans délai,

- en suspension des opérations d'adjudication pour renégocier les conditions du prêt aux conditions habituellement consenties,

- en paiement de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement rendu le 16 novembre 1988 le Tribunal de grande instance de Paris, au motif que Monsieur Mortes Ibanez, qui figurait à l'acte de vente comme "Directeur Artistique" prouvait suffisamment, n'étant pas commerçant et n' ayant pas manifesté expressément son intention d'exercer le commerce dans les lieux, qu'il voulait les affecter, après travaux, à l'usage d'habitation, a prononcé la nullité du contrat de prêt du 11 octobre 1983 et condamne Monsieur Mortes Ibanez à rembourser au CFF et à l'UCB la somme de 270 000 F, déduction à faire des échéances versées.

Le CFF et l'UCB ont relevé appel de cette décision dont ils poursuivent l'infirmation.

Au soutien de leur recours ils exposent qu'aux termes d'un acte dressé le 11 octobre 1983 par Maître Angenieux, notaire à Paris, ils ont consenti à Monsieur Mortes Ibanez un prêt consortial de 270 000 F, remboursable en quinze ans, destiné au financement de l'acquisition d'un atelier, d'un local situé au 1er étage du bâtiment sur cour et d'une cave dépendant de l'immeuble sis à Paris 3e, 55 rue des Gravilliers, garanti par une hypothèque sur les biens acquis, et qu'après avoir patienté pendant plus de deux ans, ils ont dû diligenter en septembre 1986 une procédure de saisie immobilière en raison de l'importance des sommes dues au titre des échéances impayées.

Ils font valoir qu'en réplique à cette procédure, Monsieur Mortes Ibanez a contesté en janvier 1988 le fondement de leur créance au prétexte que les formalités imposées par la loi du 13 juillet 1979 n'auraient pas été respectées lors de la conclusion du contrat de prêt.

Ils rappèlent que la loi du 13 juillet 1979 ne s'applique qu'aux financements concernant :

- les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation,

- l'achat de terrains destinés à la construction des immeubles susmentionnés,

Et que sont exclus de son champ d'application les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle.

Ils soutiennent qu'il résulte de l'analyse de l'ensemble des faits que l'acquisition financée portait sur des locaux commerciaux, puisque :

1- la vente s'est trouvée soumise au régime fiscal concernant les locaux commerciaux ou professionnels, et que Monsieur Mortes Ibanez ne s'est pas inquiété du montant élevé des droits fiscaux à acquitter en application de ce régime.

2- lors de l'octroi du prêt, Monsieur Mortes Ibanez envisageait de louer les locaux litigieux à son employeur, l'Association Forum Holographie. Il avait fait état de cet engagement de location lors de la signature du contrat de prêt afin que soit inclus dans le calcul du rapport charges/ressources de l'emprunteur le montant des futurs loyers. Il entendait ainsi conserver aux biens une destination professionnelle, afin d'en retirer des fruits civils;

3- par la suite, Monsieur Mortes Ibanez a installé dans les lieux litigieux le siège social de la société Soria qu'il venait de créer, et à laquelle il a consenti un bail commercial ;

4- Monsieur Mortes Ibanez ne réside pas dans les lieux, mais dans les Hauts-de-Seine et le règlement de copropriété de l'immeuble du 55 rue des Gravilliers à Paris indique pour les lots financés " atelier " ;

Ils en déduisent que le contrat de prêt ne pouvait dans ces conditions être soumis au formalisme de la loi du 13 juillet 1979.

Ils reprochent au tribunal d'avoir dénaturé les termes clairs et précis du contrat du 11 octobre 1983 desquels il ressort que les biens vendus sont un atelier, un local et une cave et que l'objet du prêt est le financement de l'acquisition desdits biens et d'avoir retenu la prétendue intention de Monsieur Mortes Ibanez d'affecter les lieux à l'usage d'habitation alors que ce dernier a suffisamment manifesté son intention en produisant lors de la signature du contrat de prêt l'engagement de location de son employeur concernant les locaux objets du contrat.

Ils prient en conséquence la cour de constater la validité du contrat de prêt du 11 octobre 1983 et de condamner Monsieur Mortes Ibanez à leur payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Monsieur Mortes Ibanez a mis en avant de son côté :

- que le prêt qui lui a été consenti fait expressément référence aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, lesdites dispositions ayant été paraphées par le notaire et les parties dans l'acte authentique, et qu'en plus la correspondance du CFF, depuis novembre 1984, fait référence à l'affectation exclusive des biens immobiliers à l'usage d'habitation,

- que l'acte notarié énonce que le prêt alloué a été consenti en vertu de la législation sur les primes et prêts à la construction "Code de la construction,

- aide à la construction - titre 1er : mesures tendant à favoriser la construction d'habitations",

- qu'il avait lui-même droit aux primes et prêts autorisés par l'Etat sous une forme spéciale, pour réhabiliter les locaux anciens, rendre des surfaces habitables et aménager pour l'économie d'énergie,

- que le document qui lui a été remis le 22 août 1983, soit avant la signature du contrat, prévoit expressément que l'emprunteur peut solliciter l'aide personnalisée au logement (APL) ou obtenir l'allocation logement, ce qui confirme bien que les biens acquis étaient destinés à l'habitation ;

En réponse aux arguments des appelants il fait observer :

- qu'il a toujours conteste que les locaux acquis étaient destinés à une activité commerciale,

- qu'il a procédé au règlement des frais fiscaux tels que demandés par le notaire sans prêter attention au taux retenu pour l'enregistrement,

- que le projet de location des lieux à l'association Forum Holographie ne relevait que" d'une simple déclaration d'intention" ; qu'il ne peut d'ailleurs en être tiré la conséquence de la non application de la loi de protection des consommateurs du 13 juillet 1979 puisque ce texte s'applique aux locaux mixtes d'habitation et professionnels ; qu'enfin aucune location n'a en fait été consentie à l'association,

- que la domiciliation à titre provisoire de la société Soria en décembre 1985 ne saurait être retenue comme preuve de la commune intention des parties au moment de la vente réalisée en octobre 1983, puisqu'il a agi en conformité avec les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 27 décembre 1958 modifié par l'article 2 de la loi du 21 décembre 1984, lequel autorise la domiciliation pour une durée limitée d'une société commerciale dans le local d'habitation de son représentant légal,

- que le fait qu'il habite un autre local n'est pas de nature à exclure l'usage d'habitation aux locaux de la rue des Gravilliers et s'explique par l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de faire réaliser les travaux d'aménagement et d'économie d'énergie, faute de disponibilité financière à la suite de son licenciement,

- que les mentions portées sur le règlement de copropriété sont sans incidence sur la destination finale des locaux.

Il prie la cour d'interpréter la volonté des parties lors de la conclusion du contrat de prêt en faisant application de l'article 1162 du Code civil avec une rigueur accrue s'agissant d'un contrat d'adhésion, de dire que ni lui ni les prêteurs n'ont entendu écarter les dispositions de la loi du 13 juillet 1979 lors de la conclusion du contrat de prêt du 11 octobre 1983, de constater que ledit contrat n'a pas fait l'objet d'une offre préalable et doit donc être considéré comme nul et de nul effet (article 36 de la loi), de faire application des dispositions de l'article 31 alinéa 4 de la loi et de dire qu'il doit être déchargé on totalité du paiement des intérêts du prêt.

Il conclut on conséquence à la confirmation du jugement attaqué et à l'octroi d'une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Subsidiairement, au cas où l'application de la loi du 13 juillet 1979 serait écartée, il demande à la cour de rejeter toutes réclamations au titre d'intérêts de retard, indemnités, frais taxables et indemnité de remboursement anticipé aux conditions contractuelles, puisqu'elles seraient fondées sur des dispositions du contrat faisant référence à une indemnisation prévue par l'article 13 de la loi du 13 juillet 1979 et de lui donner acte qu'il offre de régler la totalité des échéances impayées, soit la somme demandée par le CFF ainsi que les échéances ultérieures, mais à condition que le CFF et l'UCB justifient que le taux imposé de 18,20 % pouvait légalement être pratiqué à cette date en vertu de la législation sur les primes et prêts à la construction et de dire son offre satisfactoire.

Très subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait que la créance du CFF doit inclure les intérêts de retard, frais taxables et indemnités, il demande à la cour de fixer ceux-ci dans les conditions légales à compter de la mise en demeure, de supprimer en tout état de cause l'intérêt supplémentaire de 3 % demandé par le CFF, le contrat de prêt n'ayant pas prévu de chiffre précis à ce titre, et de lui donner acte de ce qu'il offre de régler immédiatement les intérêts de retard et la totalité des trimestres impayés dans le cadre d'un plan d'apurement de trois ans, ce délai lui étant accordé dans le but de favoriser la renégociation du prêt aux conditions habituellement consenties par les prêteurs aux titulaires du prêt de la législation sur les prêts et primes à la construction et d'ordonner enfin la suspension des opérations d'adjudication pendantes devant la Chambre des Criées.

Les sociétés appelantes ont dans leurs dernières écritures discuté les moyens de leur adversaire et à titre tout à fait subsidiaire, au cas où le prêt serait subordonné aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, sollicité la condamnation de Monsieur Mortes Ibanez à leur rembourser la somme de 270 000 F, montant nominal du prêt, augmentée des intérêts au taux légal depuis le 11 octobre 1983, date à laquelle le montant du prêt a été remis à Monsieur Mortes Ibanez.

Lors de l'audience de plaidoiries du 5 juillet 1990, la cour a demandé aux prêteurs le dossier de demande de prêt déposé par Monsieur Mortes Ibanez et les taux des prêts consentis selon la nature du bien financé.

Le CFF et l'UCB ont communiqué la demande de prêt déposée le 21 juillet 1983 par Monsieur Mortes Ibanez, le rapport interne du CFF concernant l'étude du dossier et la circulaire émanant du secrétariat général du CFF sur les prêts postérieurs au 18 juillet 1983.

Les débats ont été rouverts à l'audience du 27 septembre 1990 pour permettre aux parties de débattre contradictoirement des documents communiqués.

Cela expose :

Considérant que par acte notarié du 11 octobre 1983, le CFF et l'UCB ont consenti à Monsieur Mortes Ibanez un prêt de 270 000 F destiné au financement partiel de l'acquisition de biens immobiliers dépendant de l'immeuble sis à Paris 3e, 55 rue des Gravilliers ;

Que l'emprunteur soutient que le contrat de prêt est nul pour non-respect des dispositions d'ordre public de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection du consommateur dans le domaine immobilier pour n' avoir pas été précédé par la remise d'une offre préalable de prêt ;

Que les organismes préteurs répondent que les biens financés étaient destinés à un usage commercial ou professionnel ; que le prêt litigieux était donc exclu du champ d'application de la loi du 13 juillet 1979 et a été valablement consenti ;

Que la solution du litige implique en conséquence la recherche de la destination des locaux financiers par le prêt du 11 octobre 1983 ;

Sur la destination des locaux financés par le prêt litigieux :

Considérant qu'il est versé aux débats la demande de prêt émanant de Monsieur Mortes Ibanez, remplie par celui-ci ou grâce aux renseignements fournis par celui-ci, et en tout état de cause signée par l'intimé le 21 juillet 1983 ; que sur ce document, sous la rubrique " objet du prêt ", a été cochée la case "autre" (et non celle "logement" comportant les subdivisions résidence principale et résidence secondaire) suivie de la précision " acquisition d'un logement commercial " ; qu'au paragraphe intitulé " ressources annuelles " a été indiqué que des loyers seraient versés pour la location des locaux à acquérir et qu'à la demande de prêt était joint un engagement de location daté du 20 juillet 1983 émanant du directeur de l'association "Forum Holographie" suivant lequel cette association s'engageait à louer le rez-de-chaussée du local sis 55 rue des Gravilliers à Paris 3e pour un loyer mensuel de 3 500 F et à régler à l'entrée dans les lieux un droit au bail de 40 000 F ;

Que le CFF a également communiqué "le rapport de l'inspection" du CFF, document certes interne, mais établi en fonction des renseignements donnés par l'emprunteur; que ce rapport fait état d'acquisition d'ateliers situés au sous-sol, rez-de-chaussée et au 1er étage d'un bâtiment sur cour dépendant de l'immeuble du 55 rue des Gravilliers ; qu'il indique que le rez-de-chaussée doit être loué à l'association Forum Holographie et utilisé comme centre de formation et laboratoire, et que "l'emprunteur n'a pas voulu se prononcer définitivement sur l'utilisation du 1er étage, qui devrait être affecté à terme à usage professionnel et occupé en partie ou en totalité par Monsieur Mortes Ibanez" ;

Considérant que par courrier du 22 août 1983 le CFF a indiqué à Monsieur Mortes Ibanez qu'il lui accordait un prêt dont il lui communiquait les caractéristiques ; que cette lettre ne comporte aucune précision sur la nature du bien financé ;

Considérant que l'acte de vente dressé le 11 octobre 1983 par Maître Angenieux, notaire, désigne les biens vendus comme "un atelier situé sur cour, au rez-de-chaussée, sous-sol, et water-closets communs au 1er étage (lot 14), un local situe au 1er étage du bâtiment sur cour, comprenant une pièce avec débarras et water-closets communs (lot 26) et une cave (lot 25); que Monsieur Mortes Ibanez devant ces termes clairs et précis n'a fait au notaire, chargé de le renseigner et de le conseiller, aucune observation ;

Que l'acquéreur s'est obligé dans l'acte à exécuter toutes les charges, clauses et conditions du règlement de copropriété dont il a déclaré avoir une parfaite connaissance pour en avoir une copie en sa possession ; que les biens litigieux n'y sont pas désignés comme des logements ;

Que la vente s'est trouvée soumise au régime fiscal concernant les locaux commerciaux ou professionnels et que Monsieur Mortes Ibanez ne s'est jamais inquiété du montant élevé des droits fiscaux à acquitter en application de ce régime ;

Que le contrat de prêt inclus dans l'acte de vente, ne fait pas référence à la législation sur les primes et prêts à la construction ;

Considérant qu'il résulte de ces divers éléments qu'il n'est nullement établi que Monsieur Mortes Ibanez a porté à la connaissance des établissements financiers auprès desquels il sollicitait un prêt son intention d'affecter les biens qu'il entendait acquérir à usage d'habitation ;

Considérant que la destination à usage d'habitation ne peut se déduire, comme le prétend l'intimé, de ce que le contrat de prêt fait expressément référence aux articles 12 et 13 de la loi du 13 juillet 1979; qu'en effet rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations de crédit qu'elles concluent aux règles ou seulement à certaines des règles édictées par la loi du 13 juillet 1979, bien qu'exclues du champ d'application de la loi précitée en raison de la nature des biens financés ;

Que les autres arguments mis en avant par l'acquéreur ne sont pas plus probants ;

Que le document circulaire faisant mention de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation logement qui lui a été adressé avec une "notice de prêt" par le CFF n'est pas nominatif ; qu'il explicite l'emploi de la notice laquelle indique seulement que le prêt " peut ouvrir droit à l'allocation logement " ; que le CFF indique sans être contredit que tout emprunteur peut se le procurer au guichet de l'établissement de crédit ;

Que des attestations adressées à Monsieur Mortes Ibanez en 1988 font certes état l'une d'un prêt consenti en vue de financer " l'acquisition d'un logement " (document du 15 juin 1938) et l'autre "d'un prêt consortial immobilier destiné à l'habitation" (document du 13 octobre 1988), mais qu'elles émanent toutes deux du service de gestion des prêts et non de celui qui a procédé à l'examen de la demande de prêt et qu'elles ne peuvent à elles seules faire preuve d'une intention commune des parties contraire à celle qui résulte de tous les documents concomitants à l'octroi du prêt ;

Qu'enfin Monsieur Mortes Ibanez ne conteste pas n'avoir jamais habité les lieux litigieux ; qu'il va en revanche établir le 11 décembre 1985 le siège social d'une société Soria dont il est le gérant et qu'il est mal venu à invoquer l'application de l'article 1 ter de l'ordonnance du 27 décembre 1958 réprimant certaines infractions en matière de registre du commerce, modifié par l'article 2 de la loi n° 84-1149 du 21 décembre 1984 suivant lequel "La personne qui demande son immatriculation lors de la création d'une entreprise est autorisée à en installer le siège dans son local d'habitation ou dans celui de son représentant légal pour une durée qui ne peut excéder deux ans ni dépasser le terme légal, contractuel ou judiciaire de l'occupation des locaux. Dans ce cas, elle doit justifier, lors du dépôt de sa demande, de la notification écrite et préalable au bailleur ou au syndic de la copropriété de son intention d'user de la faculté prévue au présent alinéa pour justifier cette domiciliation ; qu'en effet, outre le fait qu'il n'habitait pas le local, il n'établit pas avoir préalablement notifié au syndic de copropriété son intention d'user de la faculté offerte par le texte susvisé et, plus de deux ans après son immatriculation, le siège de la société Soria était toujours installé 55 rue des Gravilliers à Paris 3e comme en fait foi l'extrait K bis délivre par le greffe du Tribunal de commerce de Paris le 28 avril 1988 ; que cette domiciliation ne peut donc s'expliquer que par la destination commerciale ou professionnelle des locaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le prêt consenti le 11 octobre 1983 par les sociétés appelantes à Monsieur Mortes Ibanez n'était pas destiné à financer l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ; qu'il n'était donc pas soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1983 et notamment n'avait pas à être précédé de la remise d'une offre préalable de prêt ;

Que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a dit nul le contrat de prêt litigieux ;

Sur les autres demandes :

Considérant que rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement l'opération de crédit qu'elles concluent à certaines des règles édictées par la loi du 13 juillet 1979, bien qu'exclue du champ d'application de la loi précitée en raison de la nature des biens financés ;

Que les préteurs sont donc en droit de réclamer à l'emprunteur paiement des intérêts de retard, indemnités, frais taxables ou indemnité de remboursement anticipé, tels qu'ils ont été valablement fixés par la convention de prêt ;

Que dès lors il n y a pas lieu de dire l'offre faite par Monsieur Mortes Ibanez de régler immédiatement la totalité des échéances impayées sans intérêts de retard, frais taxables et indemnités à titre divers satisfactoire ;

Considérant encore que le contrat de prêt dispose en son article 8 : "En cas de défaillance des emprunteurs, si les établissements prêteurs n'exigent pas le remboursement immédiat du capital restant dû, le taux d'intérêt du prêt sera majoré, jusqu'à ce que les emprunteurs aient repris le cours normal de leurs échéances, dans les limites fixées par le décret pris pour l'application de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1979" ; que cette limite a été fixée par le décret n° 80-473 du 28 juin 1980 (article 3) à trois points d'intérêt ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de l'intimé tendant à la fixation des intérêts de retard," dans les conditions légales à compter de la mise en demeure" et à la suppression de l'intérêt supplémentaire de 3 % au motif que la convention n'a pas prévu de chiffre spécial à ce titre ;

Considérant enfin que Monsieur Mortes Ibanez formule une demande de délai, motivé non par des raisons financières, mais pour lui permettre de renégocier le taux du prêt litigieux.

Mais considérant que l'intimé a déjà tenté de renégocier son prêt depuis de nombreuses années ; que les établissements prêteurs sur lesquels ne pesent à ce titre aucune obligation ont, après plusieurs années de contentieux, entamé une procédure de saisie-immobilière, manifestant ainsi leur volonté de mettre fin aux "négociations" ;

Qu'il n'y a donc pas lieu d'accorder à l'emprunteur les délais sollicités.

Considérant que le CFF et l'UCB n'établissent pas que Monsieur Mortes Ibanez a abusé de son droit d'agir en justice et de faire appel ; qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant, eu égard aux circonstances de la cause, qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau ; Dit que le prêt consenti le 11 octobre 1983 à Monsieur Mortes Ibanez par le Crédit Foncier de France et l'Union de Crédit pour le Bâtiment n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979 relative a l'information et à la protection du consommateur dans le domaine immobilier ; Dit valable le contrat de prêt susvisé du octobre 1983 ; Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions et demandes, Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de Monsieur Mortes Ibanez , et pour les derniers admet la société civile professionnelle d'avoués Bollet Baskal au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.