CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 20 mai 1999, n° 97-04114
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Renault Cano (SA)
Défendeur :
Hamard, Garage Saquet (Sté), Usines Renault (SA), Renault Toulouse (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brignol
Conseillers :
MM. Coleno, Girot
Avoués :
SCP Boyer Lescat Merle, SCP Sorel Dessart, SCP Rives Podesta
Avocats :
Mes Charrier, Montarry Feres, SCP Mercie, Frances, Justice Espenan, SCP Camille, Sarramon, Vincenti, Ruff.
M. Hamard a acquis auprès du Garage Cano concessionnaire à Millau, par l'intermédiaire du Garage Saquet, Renault à Nantes un véhicule de type Safrane Turbo modèle 1994, suivant bon de commande du 28 juillet 1993, livré le 2 août 1993 pour un montant de 271 630 F.
Le 10 février 1994, le Garage Saquet a constaté l'impossibilité de passer la première vitesse, et a remplacé le kit embrayage sous garantie.
Le 16 mars 1994, M. Hamard a ramené son véhicule, les vitesses étant difficiles à passer et le Garage Saquet après accord du service garantie a remplacé la boîte de vitesse et la commande d'embrayage.
A la demande de M. Hamard une ordonnance de référé du 27 juillet 1994 a organisé une expertise et il a par acte des 24 et 27 mars 1995 fait assigner devant le Garage Saquet, le Garage Cano, la société division Renault et Renault Toulouse pour faire prononcer la résolution de la vente et obtenir paiement de 271 630 F outre les intérêts de droit capitalisés depuis le 2 août 1993, ainsi que 40 000 F en réparation des préjudices subis et 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Par jugement du 25 juin 1997, la juridiction a mis hors de cause Renault Toulouse, débouté M. Hamard, de son action en résolution et de ses demandes en nullité de vente et retenant à la charge du vendeur un manquement à son obligation de renseignements, a condamné la SA Renault Cano à verser à M. Hamard, 80 000 F, outre les intérêts légaux.
M. Hamard était débouté de son action en dommages-intérêts contre le Garage Saquet et la société Renault Cano l'était de son appel en garantie contre la société des Usines Renault.
Enfin, la société Renault Cano était condamnée à verser 8 000 F à M. Hamard au titre de l'article 700 du NCPC.
La société Renault Cano a relevé appel de ce jugement dont elle demande la réformation en soutenant que la SA des Usines Renault lui doit garantie pour toutes condamnations prononcées au profit de M. Hamard.
Elle sollicite également 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Après avoir souligné que M. Hamard possédait déjà avant les faits un même véhicule dont il s'était servi quelques jours avant sa destruction dans un accident, l'appelant précise que M. Hamard n'a jamais essayé le véhicule litigieux avec M. Pouderoux, vendeur chez Renault Cano.
Elle fait valoir que le véhicule a été commandé chez Renault Toulouse, dépendant des usines Renault à Boulogne-Billancourt, constructeur, et rappelle la suite de travaux réalisés par Renault Toulouse, sans amélioration, constatée par l'expert, qui a indiqué que ce "désordre est la difficulté de passage des vitesses, comme l'avait constaté M. Hamard avant l'achat de son véhicule".
Elle expose que le tribunal a retenu que l'obligation de délivrance avait été respectée, et pour faire bonne figure a estimé que le garage Renault Cano avait une obligation précontractuelle de fournir des informations susceptibles d'éclairer son co-contractant et que les renseignements erronés concernant la boîte de vitesse auraient été donnés par le vendeur à M. Hamard.
Elle demande la réformation en faisant valoir :
1°) que M. Hamard était déjà possesseur d'une Safrane 2,5 DT qui correspondait au même modèle, de sorte qu'il ne peut prétendre qu'il ne connaissait pas le véhicule commandé par le Garage Saquet, par l'intermédiaire du concessionnaire Cano SA aux usines Renault.
2°) que M. Pouderoux n'a pas fait essayer le véhicule à M. Hamard, ainsi que cela résulte de l'attestation de M. Pouderoux.
3°) que le vice atteignant le véhicule litigieux dans la série et le type doit être pris en considération et en diminue l'usage, une telle garantie des vices cachés remonte jusqu'au fabricant, dont les services ont d'ailleurs tenté de remédier aux désordres.
Ainsi, selon l'appelante Renault SA, si elle ne s'était pas sentie concernée, n'aurait pas effectué cette démarche.
Elle souligne que les difficultés de la boîte de vitesses étaient constitutionnelles, comme le reconnaissent les usines Renault, dans la note technique 5301 P de janvier 1994 alors que des notes de novembre 1994 et de septembre 1995 ont souligné les difficultés de la société Renault pour les boîtes de vitesses et en particulier de passage de la première vitesse des Safrane.
Elle estime que le simple examen de ces notes démontre qu'il y avait bien un vice de ce type de véhicule, de sorte que la société des Usines Renault doit sa garantie contractuelle de constructeur.
Cette action en garantie lui parait légale et le tribunal doit remonter au constructeur.
La SA Régie Nationale des Usines Renault soutient que le véhicule de M. Hamard n'est affecté d'aucun vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil et qu'elle n'a, en conséquence, aucune raison de garantir la société Cano.
Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et 20 000 F a titre de l'article 700 du NCPC.
La société Cano joint à ses conclusions du 5 juin 1998 divers documents, démontrant que M. Hamard avait eu en possession le 11 juin 1993 une Safrane identique à la Safrane RXE 2,5 Turbo, modèle 94 et que ce véhicule livré le 11 juin 1993 a été accidenté 3 ou 4 jours après.
Ces éléments lui paraissent confirmer que M. Hamard avait la parfaite connaissance du véhicule acheté et des problèmes de vitesses, ne pouvant engager que la responsabilité du constructeur.
M. Hamard, conclut le 23 juillet 1998, à la confirmation et demande que la somme de 80 000 F soit augmentée des intérêts de droit capitalisés depuis le jugement, ainsi que 1 500 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Il maintient avoir acquis le véhicule litigieux après essai avec M. Pouderoux, vendeur Renault Cano et que les vitesses étaient difficiles à passer.
Il souligne que l'attestation de M. Pouderoux du 10 octobre 1997, est postérieure au jugement et qu'au cours de l'expertise contradictoire, ses dires n'ont jamais été contestés.
Il rappelle que la difficulté de passage de vitesses était connue et que le vendeur devait l'en informer.
Dans ses conclusions additionnelles du 18 Août 1998, l'appelante réplique que les déclarations faites à l'expert par M. Hamard n'ont jamais été vérifiées par l'expert lui-même et que le Garage Cano n'a jamais entériné les déclarations de M. Pouderoux.
Elle relève que M. Hamard reste taisant sur l'acquisition antérieure du même véhicule.
Elle ajoute que les problèmes d'embrayage et de passage de vitesse ne peuvent la concerner, s'agissant de problèmes de conception qui ne peuvent concerner que le constructeur, la régie des Usines Renault.
Le Garage Saquet conclut le 23 septembre 1998, à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. Hamard de son action en dommages-intérêts à son encontre et demande 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Il rappelle n'avoir joué qu'un rôle d'intermédiaire et que son intervention sur le véhicule est postérieur à la vente, dans le cadre de la garantie.
Il fait également valoir qu'aucune des parties ne conclut à la réformation du jugement en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation contre lui.
Sur quoi :
Selon ses conclusions, il a semblé impossible à l'expert de solutionner techniquement le désordre affectant le véhicule de M. Hamard, désordre constitué par la difficulté de passage de vitesse, déjà constatée par M. Hamard, avant l'achat du véhicule. L'expert prend de plus soin de préciser "et la réponse évasive commerciale du vendeur qui avait mal informé son client de la nouvelle génération de boite de vitesses et de commande de vitesse".
Ainsi que le souligne encore le rapport d'expertise, il est indiscutable que le réseau APV Renault a bien constaté ces désordres puisqu'il a procédé à plusieurs reprises au remplacement de pièces, d'organes afférents aux passages de vitesse.
Enfin, l'expert précise que la dureté de passage de vitesses n'enlève aucune solidité, ni longévité au fonctionnement du véhicule si ce n'est un effort supplémentaire et obligatoire au passage de vitesses que l'on ne trouve pas sur les véhicules haut de gamme, qui ne possèdent pas la même technologie.
Par ailleurs, on peut encore relever, page 4 du rapport, que l'expert souligne "Sur l'ensemble des désordres et des explications fournies par M. Hamard il n'a été fait aucune réserve et remarque par un ensemble des personnes présentes" et qu'il est encore précisé page 3 du même rapport, outre la liste des personnes présentes parmi lesquelles les représentants de la société Cano, que "M. Hamard nous confirme avoir commandé le 28 juillet 1993 le véhicule Safrane RXE 2,5 D. Turbo à Renault Cano SA, concessionnaire à Millau, par l'intermédiaire du Garage Saquet, Agent Renault à Nantes et après essai effectué avec M. Pouderoux vendeur Renault Cano.
Lors de l'essai. M. Hamard constaté que le passage de vitesses est dur, M. Pouderoux vendeur lui aurait répondu que cela était normal avec un véhicule neuf et qu'après quelques kilomètres il n'y aurait plus aucune difficulté, ce qui a rassuré M. Hamard et dissipé tous ses doutes".
L'attestation du 10 octobre 1997 établie par M. Pouderoux, outre qu'elle ne remplit pas les conditions légales, et qu'elle est postérieure au jugement déféré et de plus en contradiction avec les conclusions déposées par le Garage Renault Cano en première instance, de sorte que cette attestation tardive doit être écartée.
Par ailleurs, il ne peut être contesté que la filière Renault, dans son ensemble, y compris nécessairement le vendeur, du véhicule qui produit les notes techniques, était parfaitement informé de la difficulté présentée par le passage des vitesses, inconvénient auquel il a été impossible de remédier en dépit de plusieurs interventions.
Ainsi, comme le souligne l'intimé, même si M. Hamard n'avait pas essayé le véhicule avec M. Pouderoux, vendeur, celui-ci n'en restait pas moins tenu de l'obligation de renseignements puisque ce grave défaut affectait l'ensemble de la gamme des véhicules Safrane équipée de cette boîte de vitesses, alors précisément que l'achat de ce véhicule haut de gamme d'un tel prix reposait évidemment sur la recherche d'un confort de conduite parfait.
C'est donc à jute titre que le tribunal, après avoir estimé que la difficulté litigieuse ne correspondait pas à la définition de vice caché et que l'existence du dol n'était pas démontrée, a retenu que le vendeur avait manqué à son obligation de renseignements en ne fournissant pas des informations suffisamment précises sur les caractéristiques de cette boite de vitesses.
La décision sera donc confirmée sur ce point ainsi d'ailleurs que sur le montant de dommages-intérêts accordé, qui correspond à une juste appréciation des faits de la cause et comme le sollicite l'intimé.
Elle le sera également à propos du Garage Saquet dont le rôle d'intermédiaire n'est pas contesté, alors que de plus aucune des parties ne demande la réformation pour ce qui le concerne.
Elle le sera encore sur la mise hors de cause des Usines Renault puisque la responsabilité retenue se situe sur le terrain de l'obligation de conseil du vendeur.
En définitive, la décision sera confirmée dans toutes ses dispositions et l'appelante condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à chacune des autres parties, 1 500 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier ; le déclare mal fondé. Confirme le jugement du 25 juin 1997 en toutes ses dispositions. Condamne la société Renault Cano aux dépens d'appel avec distraction au profit des SCP Rives Podesta et Sorel Dessart conformément à l'article 699 du NCPC. La condamne en outre à verser à M. Hamard, au Garage Saquet et à la Régie Nationale des Usines Renault, la somme de 1 500 F à chacun, au titre de l'article 700 du NCPC.