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Décisions

CA Riom, 2e ch. civ., 20 février 1996, n° 2715-95

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fernandes Vasco

Défendeur :

Pradier, Chirent

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alzuyeta

Conseillers :

Mmes Jean, Valtin

Avoués :

Me Tixier, Lecocq, Goutet

Avocats :

Mes Basset, Guilhen, Guyot.

TI Clermont-Ferrand, du 26 juill. 1995

26 juillet 1995

Attendu que depuis trois siècles, l'illustre Perrin Dandin est toujours parmi nous ;

Attendu, par exemple, que dans ce dossier, il se trouve en effet :

- 1) une française de 46 ans, qui n'est plus sujette de Sa Majesté le Roi de France, mais citoyenne de la République, pleine et consciente de ses droits, en l'occurrence Marie-Hélène Pradier, pour acheter le 3 octobre 1994 à un Sieur Fernandes Vasco une antiquité ayant encore nom de voiture, Renault 18 Turbo, vénérable engin de douze ans d'âge et avouant au compteur 140 000 kms, au prix de 5 000 F, ce qui devrait faire l'objet d'une amusante comédie de moeurs, mais qui, tout au contraire, est le sujet d'une lourde procédure, extrêmement ennuyeuse ;

- 2) un conseilleur ("les conseilleurs ne sont pas les payeurs" dit un proverbe encore plus antique que la voiture) pour amener cette citoyenne à solliciter dès le 28 novembre 1994 l'annulation de la vente au prétexte que la candide dame " avait cru acheter une voiture entière révisée alors que le turbo devait être changé " ;

- 3) un tribunal (jugement d'instance de Clermont-Ferrand 26 juillet 1995) pour consacrer très sérieusement trois pages à la mauvaise fixation du correcteur de freinage, à la teneur en CO excessive, à la confiance de l'acheteur, aux disques de freins pas neufs mais d'occasion, au consentement vicié, et pour finir en prononçant la nullité de la vente, le sire Fernandes Vasco devant rembourser les 5 000 F et payer 2 065,14 F de dommages-intérêts ;

- 4) des hommes de loi, tous plus compétents les uns que les autres, pour déposer devant la cour de nombreuses conclusions dont l'essentiel consiste à chicaner (au sens 17e siècle) sur la nullité de l'appel pour les uns, le jugement serait en dernier ressort puisque se prononçant sur une somme inférieure à 13 000 F, tandis que pour les autres l'assignation introductive d'instance sollicitant la nullité de la vente et des dommages-intérêts serait une action mixte à demande indéterminée, et le jugement porterait donc à juste titre qu'il est en premier ressort ;

- 5) sur le fond céans, un plaideur irrité, le sire Fernandes Vasco, pour demander l'infirmation du jugement, 15 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive, 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, et un plaideur étonné, le sire Chirent, qui effectua en son temps le contrôle de l'engin vénérable, a été mis hors de cause par le tribunal, et se demande ce qu'il fait devant la cour, ce qui lui permet de réclamer 3 000 F de l'article 700 au vendeur du véhicule ;

- 6) une note de frais déjà très supérieure à la valeur de la Renault 18 litigieuse, et qui, en cas de pourvoi en cassation que ne manqueront pas de conseiller des personnages aussi doctes qu'éminents, pourra atteindre quinze à vingt fois le prix de ce tas de ferraille ;

Attendu que tout est réuni pour un nouveau " Les Plaideurs ", sauf l'existence d'un Racine que, malheureusement, il s'agit de la réalité

C'est pourquoi, la cour

Attendu que selon l'article 40 du NCPC et la note n° 1 sous icelui, les demandes tendant à faire constater la nullité d'un acte sont indéterminées ; que les jugements qui statuent sur une demande indéterminée, comme ici, sont susceptibles d'appel ;

Attendu que Marie-Hélène Pradier est née le 3 novembre 1948 ; qu'à cette qualité elle doit d'avoir exercé trois fois avant l'achat de la voiture en lice le droit autrement plus redoutable d'élire le Président de la République ;

Attendu que le proverbe -toujours antique- enseigne que "qui peut le plus, peut le moins"; que si cette citoyenne a été apte à choisir trois fois le Président de la République, elle était par définition apte le 3 octobre 1994 à comprendre ce qu'un prix veut dire, et qu'en l'occurrence il ne voulait rien dire ; qu'en effet, les quatre roues coûtant à l'époque environ 2 000 F, il restait 30 F pour la carcasse et un moteur évidemment inopérant ; qu'il n'y avait aucun vice caché, tout n'étant que vice ; qu'il n'y a eu aucune erreur possible sur les qualités substantielles de la chose vendue, celle-ci n'en ayant aucune ; que Dame Pradier ne donne par conséquent aucune base légale à son action civile en annulation de la vente ;

Attendu, certes, que le maintien en circulation de ces cercueils sur roues devrait donner lieu à des instances pénales ; mais que ceci échappe à la compétence de la cour ;

Attendu que les dommages-intérêts sollicités par le sire Fernandes Vasco ne sont justifiés par rien ; qu'il ne sied point de faire usage céans de l'article 700 du NCPC, en faveur de quiconque ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Dit l'appel recevable - Infirme le jugement - Déboute Marie-Hélène Pradier de son action - Rejette toutes autres conclusions - Condamne Marie-Hélène Pradier aux entiers dépens d'instance et d'appel, y compris ceux de la mise en cause de Chirent, qui n'avait que faire en icelles, et qui seront recouvres conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.