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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 2 février 2001, n° 98-04110

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gandemer

Défendeur :

Morel, Genet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guirimand

Conseillers :

Mmes Simonnot, Prager-Bouyala

Avoués :

Me Treynet, SCP Delcaire-Boiteau, SCP Jupin-Algrin

Avocats :

SCP Gaia, Mes Cazaeau, Paruelle.

TGI Nanterre, 7e ch., sect. A, du 20 fév…

20 février 1998

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 14 septembre 1995, à la suite d'une annonce parue dans le journal "La Centrale des Particuliers", Monsieur Morel a acheté à Madame Chevreau un véhicule Mercedes 190 D au prix de 54 000 F (8 232,25 euro).

Soutenant que ce véhicule était affecté de défauts, Monsieur Morel a fait assigner Monsieur et Madame Chevreau, par acte du 8 mars 1996, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, en vue de voir désigner un expert.

Madame Chevreau a fait appeler en la cause son propre vendeur, Monsieur Maurice Genet, afin de lui voir déclarer commune l'ordonnance à intervenir. Par ordonnance du 15 avril 1996, l'assignation destinée à Monsieur Chevreau a été annulée, les deux instances ont été jointes et Monsieur Planchais a été nommé en qualité d'expert.

Il a dressé son rapport le 10 septembre 1996.

Par jugement du 20 février 1998, le Tribunal de grande instance de Nanterre a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 14 septembre 1995 entre Monsieur Morel et Madame Chevreau sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil,

- condamné Madame Chevreau à restituer à Monsieur Morel 54 000 F (8 232,25 euro),

- dit que le véhicule devra être restitué à Madame Chevreau dès remboursement de son prix à l'acquéreur, à charge pour Madame Morel de le récupérer à ses frais,

- condamné Madame Chevreau à payer à Monsieur Morel:

6 574 F (1 002,20 euro) représentant les frais divers occasionnés par la vente,

5 000 F (762,25 euro) à titre de dommages-intérêts,

12 000 F (1.829,39 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté Monsieur Morel du surplus de ses demandes,

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 14 février 1989 entre Madame Chevreau et Monsieur Genet portant sur le même véhicule,

- condamné Monsieur Genet à payer à Madame Chevreau:

54 000 F (8 232,25 euro) au titre de la restitution du prix de vente,

5 000 F (762,25 euro) à titre de dommages-intérêts,

12 000 F (1 829,39 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- débouté Madame Chevreau du surplus de ses demandes et rejeté les demandes présentées à l'égard de la société Auto Bilan de la RN 14,

- dit n'y avoir lieu à plus ample application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné Madame Chevreau aux dépens qui incluront les frais d'expertise judiciaire,

- dit qu'elle sera garantie du chef de cette condamnation par M. Genet à hauteur de 50 %.

Madame Chevreau a relevé appel de ce jugement uniquement à l'encontre de Monsieur Maurice Genet.

Celui-ci a fait assigner en appel provoqué Monsieur Morel.

Monsieur Maurice Genet étant décédé le 10 mai 1999, Monsieur Marcel Genet est intervenu ès qualités d'héritier et a repris l'instance.

Madame Chevreau conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation de la vente intervenue entre Monsieur Maurice Genet et elle-même le 14 février 1989 et à sa réformation en ce qui concerne le montant des sommes allouées. Statuant à nouveau, elle demande à la cour de condamner Monsieur Genet à lui payer 118 000 F (17 988,98 euro) à titre de restitution du prix de vente, 50 000 F (7 622,45 euro) à titre de dommages-intérêts et 20 000 F (3 048,98 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir

- qu'elle limite son appel aux dispositions du jugement concernant Monsieur Genet, - que Monsieur Maurice Genet lui a dissimulé que le véhicule avait subi un important accident et a modifié le compteur kilométrique, la trompant ainsi sur l'état réel du véhicule,

- que la totalité du prix de vente qu'elle a versé à Monsieur Maurice Genet doit lui être remboursée, soit la somme de 118 000 F (17 988,98 euro),

- que c'est cette somme qu'elle a payée et non celle de 70 000 F (10 671,43 euro), ainsi que le prétend à tort Monsieur Marcel Genet,

- que le tribunal ne pouvait pas réduire la somme lui revenant au motif qu'elle avait utilisé le véhicule pendant plusieurs années et parcouru un kilométrage important,

- qu'en raison de la mauvaise foi de Monsieur Maurice Genet, elle a roulé avec un véhicule potentiellement dangereux, et que le montant des dommages-intérêts sanctionnant cette mauvaise foi a été sous-estimée par le tribunal.

Monsieur Marcel Genet ès qualités conclut au mal fondé de l'appel et, formant appel incident, demande à la cour de déclarer valable la vente conclue le 14 février 1989 et commun à Monsieur Morel l'arrêt à intervenir. A titre subsidiaire, il demande que la somme à restituer soit limitée à 70 000 F (10 671,43 euro), montant du prix de vente. Il sollicite la condamnation de Madame Chevreau à lui payer 10 000 F (1 524,49 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile).

Il soutient

- que Madame Chevreau savait que le véhicule avait subi un accident en l986 ;

- que son prix de vente a été fixé à 70 000 F (10 671,43 euro) et non à 118 000 F (17 988,98 euro).

Monsieur Morel conclut à sa mise hors de cause, à la confirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur Genet à lui payer 10 000 F (1 524,49 euro) à titre de dommages- intérêts pour mise en cause abusive. Il demande que Madame Chevreau et Monsieur Marcel Genet soient condamnés in solidum à lui payer 20 000 F (3 048,98 euro) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose :

- qu'aucune demande n'est formée contre lui devant la Cour,

- que sa mise en cause est abusive et lui occasionne un préjudice en raison des soucis engendrés par la procédure.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 23 novembre 2000.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que les dispositions du jugement prononçant la résolution de la vente conclue le 14 septembre 1995 entre Monsieur Morel et Madame Chevreau et condamnant cette dernière à payer diverses sommes à Monsieur Morel ne sont pas discutées devant la Cour ;

Que le véhicule objet du présent litige a été mis en circulation pour la première fois le 27 novembre 1985 ;

Qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il a été gravement endommagé sur sa partie gauche alors qu'il était utilisé par les ambulances Duguesclin ;

Que l'expert qui l'avait alors examiné avait considéré que le véhicule qui avait parcouru environ 16 000 km se trouvait à l'état d'épave, sa mise à prix étant fixée à 17 000 F (2 591,63 euro);

Que, le 5 août 1986, Monsieur Maurice Genet, transporteur routier de son état, en a fait l'acquisition, sans garantie, la facture indiquant un kilométrage de 15 316 ;

Que Monsieur Maurice Genet a confié le véhicule à la carrosserie Vattier qui a réalisé un passage au marbre pour un coût de 5 265 F TTC (802,64 euro) ;

Qu'il a ensuite revendu le véhicule à Madame Chevreau le 14 février 1989 ;

Que la facture qu'il a alors établie fait état d'un prix de 118 000 F (17 988,98 euro) payé le môme jour ;

Que, selon le certificat de contrôle technique effectué à la demande de Madame Chevreau un mois plus tard, le kilométrage affiché au compteur n'était que de 6 455 km;

Que, pour démontrer que Madame Chevreau avait été informée, lors de la vente, de l'accident subi par le véhicule et de la réparation effectuée par Monsieur Vattier, Monsieur Marcel Genet produit deux attestations rédigées respectivement le il mars 1997 par Monsieur Smith et le 11 octobre 1999 par Monsieur Defontaine ;

Que ces attestations ne peuvent pas être prises en considération, pour avoir été rédigées, l'une huit ans après la vente et l'autre dix ans après, à une époque où la mémoire est déjà dégagée des souvenirs lointains ;

Que les conventions doivent s'exécuter de bonne foi et que la loyauté imposait, compte tenu de la gravité de l'accident qui avait mis le véhicule à l'état d'épave, qu'il en soit fait déclaration ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résolution de la vente ;

Que, compte tenu de la teneur de la facture, Monsieur Marcel Genet ès qualités ne peut maintenant valablement soutenir que le prix n'était pas celui qui y figure mais celui de 70 000 F (10 671,43 euro) ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé que la restitution du prix serait limitée à une somme de 54 000 F (8 232,25 euro) pour tenir compte de l'utilisation du véhicule par Madame Chevreau pendant 120 000 km environ ; qu'en décider autrement reviendrait à procurer à cette dernière un enrichissement injuste ;

Que le montant des dommages-intérêts alloués à Madame Chevreau a été justement apprécié par le tribunal ;

Considérant qu'en assignant Monsieur Morel en appel provoqué sans remettre en cause les dispositions du jugement le concernant, Monsieur Marcel Genet, ès qualités, a commis un abus qui est source pour Monsieur Morel d'un préjudice résultant des tracas et désagréments occasionnés par la procédure ;

Qu'il convient, par conséquent, de le condamner à payer à Monsieur Morel 5 000 F (762,25 euro) à titre de dommages-intérêts ;

Que les dépens afférents à l'appel provoqué sont à la charge de Monsieur Marcel Genet, ès qualités ; qu'en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ce dernier devra verser à Monsieur Morel une indemnité de 5 000 F (762,25 euro) ;

Que le surplus des dépens d'appel est à la charge de Madame Chevreau qui succombe en son recours ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de Monsieur Marcel Genet, ès qualités ;

Par ces motifs ; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ses dispositions entreprises, Et y ajoutant : Condamne Monsieur Marcel Genet, ès qualités d'héritier de Monsieur Maurice Genet à payer à Monsieur Morel 5 000 F (762,25 euro) à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5 000 F (762,25 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute Monsieur Marcel Genet ès qualités de sa demande dirigée contre Madame Chevreau sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Marcel Genet, ès qualités, aux dépens afférents à l'appel provoqué et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP Delcaire- Boiteau, société titulaire d'un office d'avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Madame Chevreau au surplus des dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP Jupin-Algrin, société titulaire d'un office d'avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.