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Décisions

CJCE, 5e ch., 12 décembre 1996, n° C-74/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Procédures pénales contre X

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer.

Juges :

MM. Sevón, Edward, Jann, Wathelet

CJCE n° C-74/95

12 décembre 1996

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnances, respectivement, des 10 mars et 18 avril 1995, parvenues à la Cour les 13 mars et 20 avril suivants, la Procura della Repubblica presso la Pretura circondariale di Torino (ci-après la "Procura della Repubblica") (C-74-95) et la Pretura circondariale di Torino (C-129-95) ont posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 90-270-CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation (cinquième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89-391-CEE, JO L 156, p. 14, ci-après la "directive").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de procédures pénales contre inconnus pour violation présumée du decreto legislativo n 626, du 19 septembre 1994 (GURI n 265 du 12 novembre 1994, ci-après le "décret"), et en particulier de son titre VI ("Utilisation d'équipements munis d'écrans") qui comporte les mesures de transposition des dispositions de la directive en droit italien.

3 Dans le cadre de ces procédures, des inspecteurs de l'Unità Sanitaria Locale di Torino avaient, à la demande de la Procura della Repubblica, reconstitué le plan d'utilisation des écrans de visualisation au siège de la société Telecom Italia, à Turin. Il est alors apparu que certains travailleurs utilisaient un tel écran plus de quatre heures par jour pendant un nombre de jours inférieur à la semaine de travail complète, tandis que d'autres utilisaient un écran de visualisation moins de quatre heures par jour pendant toute la semaine de travail.

4 Dans son acte de renvoi, la Procura della Repubblica observe qu'afin de décider de l'opportunité d'adopter, en l'occurrence, des mesures relevant de sa compétence, telle une citation à comparaître ou la mise sous séquestre préventive en vue d'empêcher l'aggravation ou la prolongation des conséquences d'éventuels délits, elle doit vérifier si les conditions d'un délit sont remplies et, en particulier, si les articles 50 à 59 du décret ont été méconnus.

5 L'article 51 du décret définit le travailleur, aux fins du titre VI, comme étant celui "qui utilise un équipement à écran de visualisation de façon systématique et habituelle, toute la semaine de travail pendant un minimum de quatre heures consécutives par jour, déduction faite des pauses visées à l'article 54". Les autres dispositions du titre VI concernent les obligations de l'employeur, l'organisation du travail, le déroulement du travail quotidien, les dispositions en matière de contrôle médical, l'information et la formation des travailleurs, leur consultation et leur participation. Le titre IX du décret met en place un régime de sanctions pénales.

6 La Procura della Repubblica estime qu'en vue d'interpréter les dispositions pertinentes du décret, il est d'abord indispensable de préciser la portée de la définition du "travailleur", au sens de la directive, qui figure à l'article 2, sous c), de celle-ci. Aux termes de cette disposition, on entend, aux fins de la directive, par:

"c) travailleur, tout travailleur au sens de l'article 3 point a) de la directive 89-391-CEE qui utilise de façon habituelle et pendant une partie non négligeable de son travail normal un équipement à écran de visualisation."

7 La Procura della Repubblica se demande en particulier si cette définition exclut le travailleur qui utilise un écran de visualisation tous les jours de la semaine de travail, sans qu'il l'utilise nécessairement tous les jours pendant quatre heures de suite, ainsi que le travailleur qui utilise un tel écran pendant au moins quatre heures de suite tous les jours de la semaine de travail, sauf un jour.

8 La Procura della Repubblica rappelle à cet égard que l'article 51 du décret de transposition de la directive définit le travailleur comme celui "qui utilise un équipement à écran de visualisation de façon systématique et habituelle, toute la semaine de travail pendant un minimum de quatre heures consécutives par jour, déduction faite des pauses visées à l'article 54", et que les articles 54 et 55 du décret imposent une interruption de travail sur écran, par des pauses ou des changements d'activité, et un contrôle médical lorsque l'intéressé "travaille au moins quatre heures consécutives".

9 La Procura della Repubblica désire ensuite être éclairée sur la portée de l'article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive, selon lequel:

"1. Les travailleurs bénéficient d'un examen approprié des yeux et de la vue, effectué par une personne ayant les compétences nécessaires:

- avant de commencer le travail sur écran de visualisation,

- par la suite à des intervalles réguliers,

et

- lors de la survenance de troubles visuels pouvant être dus au travail sur écran de visualisation.

2. Les travailleurs bénéficient d'un examen ophtalmologique si les résultats de l'examen visé au paragraphe 1 le rendent nécessaire."

10 La Procura della Repubblica se demande en particulier si le paragraphe 1 de cette disposition prescrit l'examen périodique des yeux et de la vue pour tous les travailleurs, ou s'il limite l'examen à des catégories particulières de travailleurs. Elle aimerait encore savoir si le paragraphe 2 de la même disposition impose l'examen ophtalmologique, outre dans le cadre de la visite médicale préventive, également à l'issue de la visite médicale périodique. Elle observe dans ce contexte que, selon l'article 55 du décret, le contrôle médical périodique ne vise que les travailleurs jugés aptes sous conditions et ceux qui ont plus de 45 ans; en outre, il ne semble imposer les examens spécialisés qu'à l'issue de la visite médicale préventive et se borne à prévoir le contrôle ophtalmologique à la demande du travailleur, dès que ce dernier suspecte une détérioration de sa vue confirmée par le médecin.

11 Enfin, la Procura della Repubblica s'interroge sur la portée de l'obligation, à charge de l'employeur, d'adapter les postes de travail aux prescriptions minimales visées à l'annexe de la directive, puisque l'enquête litigieuse a révélé d'éventuelles infractions aux prescriptions du point II ("Environnement") de cette annexe. Ces questions portent sur les articles 4 et 5 de la directive.

12 L'article 4 dispose que "Les employeurs doivent prendre les mesures appropriées afin que les postes de travail mis en service pour la première fois après le 31 décembre 1992 satisfassent aux prescriptions minimales figurant à l'annexe", alors que, selon l'article 5, "Les employeurs doivent prendre les mesures appropriées afin que les postes de travail déjà mis en service jusqu'au 31 décembre 1992 inclus soient adaptés pour satisfaire aux prescriptions minimales figurant à l'annexe au plus tard quatre ans après cette date".

13 D'abord, la Procura della Repubblica cherche à savoir si les dispositions précitées trouvent application uniquement lorsque le "poste de travail" au sens de l'article 2 de la directive est effectivement occupé par un "travailleur" au sens de cette même disposition. Ensuite, elle se demande si les articles 4 et 5 de la directive exigent que les postes de travail soient adaptés aux seules prescriptions minimales établies au point 1 de l'annexe (Équipement) ou s'ils doivent également satisfaire aux exigences résultant des points 2 ("Environnement") et 3 ("Interface ordinateur/homme") de l'annexe. Elle souligne à cet égard que, selon l'article 58 du décret, les postes de travail doivent répondre aux prescriptions minimales énoncées à l'annexe VII du décret, qui ne vise pour sa part que les seuls équipements.

14 C'est dans ces conditions que la Procura della Repubblica, par décision du 10 mars 1995, a décidé de saisir la Cour de ces questions.

15 La Pretura circondariale di Torino, par décision du 18 avril 1995, a saisi la Cour des mêmes questions préjudicielles pour l'hypothèse où la Cour nierait au ministère public le droit de présenter une demande préjudicielle au titre de l'article 177 du traité.

16 Selon la Pretura, la demande précitée porte sur des questions dont la réponse lui semble indispensable afin d'apprécier le bien-fondé de la demande que le ministère public lui a adressée, et qui consiste à faire ordonner une expertise destinée à déterminer si les pauses accordées aux travailleurs en cause sont suffisantes, si les contrôles médicaux sont adaptés et si les postes de travail sont conformes aux prescriptions minimales. Le juge de renvoi observe qu'avant d'ordonner ladite mesure, il doit se prononcer en particulier sur l'existence des infractions présumées aux dispositions du décret. Or, l'interprétation du décret, qui met en œuvre la directive, dépendrait de la réponse aux questions préjudicielles.

Affaire C-74-95

17 La Commission estime que cette demande doit être déclarée irrecevable, la Procura della Repubblica ne constituant pas une juridiction au sens de l'article 177 du traité.

18 A cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence de la Cour, celle-ci ne peut être saisie en vertu de l'article 177 que par un organe appelé à statuer en toute indépendance dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, par exemple, arrêts du 11 juin 1987, Pretore di Salò/X, 14-86, p. 2545, point 7, et du 27 avril 1994, Almelo e.a., C-393-92, Rec. p. I-1477, point 21, et ordonnances du 18 juin 1980, Borker, 138-80, Rec. p. 1975, point 4, et du 5 mars 1986, Greis Unterweger, 318-85, Rec. p. 955, point 4).

19 Or, tel n'est pas le cas en l'occurrence. En effet, comme M. l'avocat général l'a relevé aux points 6 à 9 de ses conclusions, la Procura della Repubblica a, en l'espèce au principal, pour mission non pas de trancher en toute indépendance un litige, mais de le soumettre, le cas échéant, à la connaissance de la juridiction compétente, en tant que partie au procès exerçant l'action pénale.

20 Dans ces conditions, la Procura della Repubblica ne saurait être regardée comme constituant une juridiction au sens de l'article 177 du traité et ses questions doivent être déclarées irrecevables.

Affaire C-129-95

21 A titre liminaire, il convient de relever que la Cour ne peut pas, par la voie de l'article 177 du traité, statuer sur la validité d'une mesure de droit interne au regard du droit communautaire, comme il lui serait possible de le faire dans le cadre de l'article 169 du traité (voir, par exemple, arrêt du 15 juillet 1964, Costa, 6-64, Rec. p. 1141). La Cour est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (voir, par exemple, arrêt du 12 juillet 1979, Grosoli, 223-78, Rec. p. 2621, point 3).

22 Il ressort cependant de l'ordonnance de renvoi qu'en l'occurrence, la juridiction nationale n'exclut pas que la prise en compte des dispositions de la directive puisse avoir directement pour effet de déterminer ou d'aggraver la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ces dispositions, alors qu'une telle responsabilité ne découlerait pas de l'interprétation de la réglementation spécialement adoptée en vue d'exécuter la directive.

23 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir, par exemple, arrêt du 26 septembre 1996, Arcaro, C-168-95, non encore publié au Recueil, point 36), une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et qu'une disposition d'une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne.

24 Certes, la juridiction nationale est tenue d'appliquer son droit interne dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et de se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du traité (voir, par exemple, arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325, point 26). Toutefois, cette obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive dans l'interprétation des règles pertinentes de son droit national trouve ses limites, notamment lorsqu'une telle interprétation conduit à déterminer ou à aggraver, sur la base de la directive et indépendamment d'une loi prise pour sa mise en œuvre, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions (voir, notamment, arrêt du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, 80-86, Rec. p. 3969, point 13).

25 S'agissant plus particulièrement d'un cas comme celui de l'espèce au principal, qui porte sur l'étendue de la responsabilité pénale résultant d'une loi spécialement adoptée en vue d'exécuter une directive, il convient de préciser que le principe qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au désavantage de la personne poursuivie, lequel est le corollaire du principe de la légalité des délits et des peines, et plus généralement du principe de la sécurité juridique, s'oppose à ce que des poursuites pénales soient engagées du fait d'un comportement dont le caractère répréhensible ne résulte pas clairement de la loi. Ce principe, qui fait partie des principes généraux de droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment par l'article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir, notamment, arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 mai 1993, Kokkinakis, série A, n 260-A, paragraphe 52, et du 22 novembre 1995, S. W./Royaume-Uni et C. R./Royaume-Uni, série A, n s 335-B, paragraphe 35, et 335-C, paragraphe 33).

26 Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi d'assurer le respect de ce principe lors de l'interprétation, à la lumière du texte et de la finalité de la directive, du droit national adopté en vue d'exécuter celle-ci.

27 Sous réserve de ces observations, il convient de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

Sur l'interprétation de l'article 2, sous c), de la directive

28 La juridiction de renvoi demande si l'expression "travailleur qui utilise de façon habituelle et pendant une partie non négligeable de son travail normal un équipement à écran de visualisation", figurant à l'article 2, sous c), de la directive, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise, d'une part, des travailleurs qui utilisent habituellement un tel écran pendant quatre heures consécutives tous les jours de la semaine, à l'exception d'un jour, et, d'autre part, des travailleurs qui utilisent un écran de visualisation tous les jours de la semaine pendant moins de quatre heures consécutives.

29 A cet égard, il convient de constater d'abord que la directive n'apporte aucune précision sur ce qu'il faut entendre par utilisation "de façon habituelle pendant une partie non négligeable de son travail normal" d'un équipement à écran de visualisation au sens de l'article 2, sous c).

30 Il résulte du libellé même de la disposition litigieuse que le caractère non négligeable du temps habituellement passé par un travailleur devant un écran de visualisation s'apprécie par rapport au travail normal du travailleur considéré. Cette expression ne saurait être définie dans l'abstrait et il appartient aux États membres d'en préciser la portée lors de l'adoption des mesures nationales de transposition de la directive.

31 Compte tenu du caractère vague de l'expression en cause, il convient de reconnaître aux États membres, lors de l'adoption de ces mesures de transposition, un large pouvoir d'appréciation qui, eu égard au principe de la légalité des délits et des peines rappelé au point 25 du présent arrêt, empêche, en tout état de cause, les autorités nationales compétentes de faire référence aux dispositions pertinentes de la directive lorsqu'elles envisagent d'engager des poursuites pénales dans le domaine couvert par la directive.

32 Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le bien-fondé de la thèse du Gouvernement autrichien et de la Commission, selon laquelle une période de quatre heures consécutives passées habituellement devant un écran de visualisation chaque jour de la semaine, à l'exception d'un jour, constitue manifestement pour le travailleur en question une période non négligeable de son temps de travail au sens de l'article 2 de la directive, il n'y a pas lieu de répondre à cette question.

Sur l'interprétation de l'article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive

33 Le juge de renvoi demande ensuite à la Cour si l'article 9, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il prescrit un examen périodique des yeux et de la vue en faveur de tous les travailleurs qui relèvent du champ d'application de la directive ou si cette obligation ne concerne que certaines catégories de travailleurs. Il demande par ailleurs si le paragraphe 2 de cette même disposition doit être interprété en ce sens que les travailleurs bénéficient d'un examen ophtalmologique dans tous les cas où les résultats de l'examen visé au paragraphe 1 le rendent nécessaire.

34 S'agissant de l'article 9, paragraphe 1, de la directive, il suffit de constater que rien dans le texte de cette disposition, qui vise indifféremment tous les "travailleurs" au sens de cette directive, ne permet d'étayer la thèse selon laquelle le bénéfice d'un examen approprié des yeux et de la vue conformément à ladite disposition ne serait pas accordé à tous les travailleurs tels qu'ils sont définis à l'article 2, sous c), de la directive.

35 Quant à l'article 9, paragraphe 2, de la directive, il prévoit expressément que les travailleurs bénéficient d'un examen ophtalmologique dès lors que "les résultats de l'examen visé au paragraphe 1 le rendent nécessaire" sans introduire à cet égard une quelconque restriction. En conséquence, conformément à l'article 9, paragraphe 1, auquel renvoie le paragraphe 2, il peut s'agir soit de l'examen qui précède le travail sur écran à visualisation, soit de l'examen qui a lieu par la suite à intervalles réguliers, soit enfin de l'examen auquel il est procédé lors de la survenance de troubles visuels pouvant être dus au travail sur écran de visualisation.

36 Dans ces conditions, il convient de répondre à la juridiction nationale que l'article 9, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que l'examen périodique des yeux qu'il prévoit doit être subi par tous les travailleurs qui relèvent du champ d'application de la directive et que l'article 9, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens que les travailleurs bénéficient de l'examen ophtalmologique dans tous les cas où l'examen des yeux et de la vue effectué conformément au paragraphe 1 le rend nécessaire.

Sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la directive

37 Le juge de renvoi demande enfin si les articles 4 et 5 de la directive doivent être interprétés en ce sens que l'obligation qu'ils énoncent est applicable à tous les postes de travail, tels que définis à l'article 2, sous b), de la directive, qui pourraient être occupés par des travailleurs au sens de l'article 2, sous c), de la directive, même si en réalité ils ne sont pas occupés par de tels travailleurs. Le juge de renvoi cherche également à savoir si les articles 4 et 5 de la directive doivent être interprétés en ce sens que les postes de travail doivent être adaptés à toutes les prescriptions minimales figurant à l'annexe ou s'il suffit qu'elles soient conformes aux seules prescriptions relatives aux équipements.

38 Il convient de relever d'abord que les articles 4 et 5 de la directive, qui énoncent l'obligation pour les employeurs de prendre les mesures appropriées afin que les postes de travail satisfassent aux "prescriptions minimales figurant à l'annexe", visent indistinctement toutes les prescriptions énoncées sous les trois sections de ladite annexe, intitulées respectivement "Équipement", "Environnement" et "Interface ordinateur/homme". Par ailleurs, ainsi que la Commission l'a observé à juste titre, lesdites obligations sont complémentaires et visent à garantir qu'un poste de travail déterminé assure un niveau minimal de sécurité et de protection.

39 Il ressort encore du texte des articles 4 et 5 que ces dispositions visent tous les "postes de travail" au sens de la directive, indépendamment de la question de savoir s'ils sont occupés par des travailleurs au sens de l'article 2, sous c), de la directive.

40 Cette interprétation est corroborée notamment par le quatrième considérant de la directive, qui énonce que le respect des prescriptions minimales propres à garantir un meilleur niveau de sécurité des "postes de travail" comptant un écran de visualisation constitue un impératif pour assurer la sécurité et la santé "des travailleurs", et par le septième considérant, selon lequel, pour un "poste de travail" avec équipements à écrans de visualisation, les aspects ergonomiques sont particulièrement importants.

41 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la juridiction nationale que les articles 4 et 5 de la directive doivent être interprétés en ce sens que l'obligation qu'ils énoncent est applicable à tous les postes de travail tels que définis à l'article 2, sous b), même s'ils ne sont pas occupés par des travailleurs au sens de l'article 2, sous c), et que les postes de travail doivent être adaptés à toutes les prescriptions minimales figurant à l'annexe.

Sur les dépens

42 Les frais exposés par le Gouvernement autrichien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

Déclare et arrête:

Les questions posées par la Procura della Repubblica presso la Pretura circondariale di Torino sont irrecevables,

et statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Torino, par ordonnance du 18 avril 1995, dit pour droit:

1) L'article 9, paragraphe 1, de la directive 90-270-CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation (cinquième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89-391-CEE), doit être interprété en ce sens que l'examen périodique des yeux qu'il prévoit doit être subi par tous les travailleurs qui relèvent du champ d'application de la directive et l'article 9, paragraphe 2, de la directive 90-270 doit être interprété en ce sens que les travailleurs bénéficient de l'examen ophtalmologique dans tous les cas où l'examen des yeux et de la vue effectué conformément au paragraphe 1 le rend nécessaire.

2) Les articles 4 et 5 de la directive 90-270 doivent être interprétés en ce sens que l'obligation qu'ils énoncent est applicable à tous les postes de travail tels que définis à l'article 2, sous b), même s'ils ne sont pas occupés par des travailleurs au sens de l'article 2, sous c), et que les postes de travail doivent être adaptés à toutes les prescriptions minimales figurant à l'annexe.